Ce vieux Michelin survit sur le bord de la R.N.57 d'antan au lieu-dit la Gabiotte. Saint-Valbert est un très joli village comtois (photo: MV, avril 2012).
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SOURCES ET DOCUMENTS:Atlas des grandes routes de France (Michelin, 1959); carte de promenade Besançon-Epinal (IGN, 2006); carte Michelin n°62 Chaumont-Strasbourg (1969); carte Michelin n°66 Dijon-Muhouse (1967); Annales des ponts et chaussées (tome VI), imprimerie Deslis frères (1896); Bulletin des lois de l'Empire français, Imprimerie impériale (1861); Bulletin des lois de la République française, Imprimerie nationale (1891, 1892, 1897); Drac de Franche-Comté; Guide Bleu de la France automobile (Hachette, 1954); Guide Bleu Franche-Comté (Hachette, 2006); Guide Bleu Franche-Comté-Monts-Jura (Hachette, 1961); Guide Bleu Vosges-Lorraine-Alsace, Hachette (1957); Guide du Routard Alsace-Vosges (Hachette, 2012/2013); Guide du Routard Franche-Comté (Hachette, 2010/2011); Guide du touriste en forêt de Banney, documents fournis par M. Fourcaud, officier des Eaux et Forêts, imprimerie Crété (1936); Histoire de Plombières-les-Bains, J.D. Haumonte, refondée et augmentée par J. Parisot (Paris, Res Universis, 1990, rééd. 1905); Le département des Vosges, statistique historique et administrative (deuxième partie), Henri Lepage, chez Pfeiffer, libraire-éditeur (1845); Les routes de France au XXe siècle, 1900-1951, Georges Reverdy (Presses de l’ENPC, 2007); Luxeuil-les-Bains, guide archéologique, historique, médical, touristique, Louis Melchior Pierra, l'Expansion scientifique française (1934); Mon vieux Besançon, Gaston Coindre (imp. Jacques et Demontrond, 1960); Recueil général des lois et ordonnances (tome XIIIe), administration du Journal des notaires et des avocats (1843); ville-luxeuil-les-bains.fr; la-haute-saone.com; Wikipédia; Wikisara. Remerciements: la Bibliothèque publique d'information du centre Georges-Pompidou; le Géoportail de l’IGN.
Belle plaque Dunlop à Raon-Basse (photo: MV, avril 2012).
Incrustée dans le parapet d'un pont, cette borne de la RN57bis se situe quelques kilomètres après Plombières-les-Bains, à la limite des Vosges et de la Haute-Saône (photo: MV, avril 2012).
VILLES ET VILLAGES traversés par la R.N.57 historique (1959), en italique, les anciennes RN principales croisées:
Epinal (N66, N460)
Dinozé
Arches
Pouxeux
Saint-Nabord
Remiremont (N66)
Plombières-les-Bains
Fougerolles
La Germenain
La Gabiotte
Luxeuil-les-Bains (N64)
Saint-Sauveur
Servigney
Pont-Joly
Saulx
Comberjon
Vesoul (N19)
Echenoz-la-Méline
La Providence
Vellefaux
Les Laverottes
Pennesières
La Malachère
Rioz
Sorans
Breurey
Villers-le-Temple
Voray-sur-l'Ognon
Saint-Claude
Besançon (N67, N73, N83, N486)
Belle plaque émaillée de la R.N.57 à Vellefaux. Ces exemplaires n'existent qu'en Haute-Saône (photo: MV, avril 2012).
Borne Michelin située dans le beau village de Fondremand, à 8 km de Rioz (photo: MV, avril 2012).
La route en Franche-Comté au XVIIIe siècle. «En Franche-Comté, en 1752, on constitue la chaussée de pierre bien concassée sur laquelle on régale du sable, du gravier ou de la «graise» fine, ce qui doit la rendre, par la suite, imperméable à la pluie. Et si l’on ne peut trouver localement ces matériaux naturels, on concasse encore davantage la pierre en plus petits morceaux, bien arrangés les uns contre les autres, de façon que les voitures, en passant dessus, achèvent de les broyer et que la route devienne unie en peu de temps.» Source: L’histoire des routes de France, du Moyen-Age à la Révolution (Georges Reverdy, Presses de l’ENPC, 1997)
Dans le centre de Fougerolle, et sur le bord de l'ancienne R.N.57, on trouve de nombreuses anciennes plaques directionnelles (photo: MV, avril 2012).

Nos belles routes de France
R.N.57: CERISES SUR COMTE (II)
Voici la deuxième partie de notre voyage sur la R.N.57 de 1959 en direction de Besançon. Au départ d’Epinal, nous prenons la direction de Remiremont. Mais par ici, avant le décret du 25 novembre 1858, dit Wikisara, son tracé entre Épinal et Plombières-les-Bains passait par Xertigny, en suivant les routes aujourd’hui numérotées D434, D3 et D63, pour obliquer ensuite, tout comme au milieu du XXe siècle vers Plombières-les-Bains. La route entre en Franche-Comté: Fougerolles, Luxeuil, Vesoul… voilà la Haute-Saône, département méconnu et pourtant riche en surprises historiques et naturelles, créé à la Révolution française à partir du bailliage d'Amont, ancienne circonscription administrative et judiciaire qui a couvert, depuis le XIVe siècle, le versant sud-ouest des Vosges, le plateau de la haute Saône et la région de Baume-les-Dames. Enfin, l’arrivée sur le Doubs nous fait visiter l’exceptionnelle cité de Besançon, au passé bouillonnant. On n'a pas vu passer les 267 km!

L'ancienne RN57 non loin de Fougerolles (Photo: Marc Verney, avril 2012). En cliquant sur l'image, vous revenez sur page de home du site.

Le départ d’Epinal se fait en suivant la direction de Remiremont par la rue du même nom. L’histoire des routes nationales 66 et 57 s’entremêle quelque peu par ici. Au XVIIIe siècle, nous avons appris que la transmission des nouvelles entre Nancy et Plombières-les-Bains se faisait, grâce au duc Stanislas par le relais de Xertigny. La route de Metz à Besançon a également suivi le même chemin jusqu’au milieu du XIXe siècle, ce que nous confirment les cartes de Cassini (XVIIIe) et d’état-major (1822-1860) publiées par le Géoportail de l’IGN mais aussi Le département des Vosges, statistique historique et administrative, paru en 1845. Sur la carte de Cassini, on voit même les mentions «route de Balle (Bâle, NDLR)» et «route de Plombières». Puis, le tronçon Remiremont-Plombières étant finalisé, les autorités transfèrent la route nationale par le nouveau tracé rejoignant Plombières-les-Bains par la vallée de l’Augronne (ancienne départementale 18). De son côté, la route d’Epinal à Remiremont est parallèlement rebaptisée en R.N.57. La R.N.66 s’interrompant du coup à Epinal pour reprendre à Remiremont. C’est cette configuration, encore valable en 1959, que nous suivrons, mais avec une chaussée aujourd’hui numérotée D157. Après le lieu-dit de la Grange-Neuve, on se dirige tout d’abord vers Dinozé. Là, une ordonnance royale du 27 mai 1843 porte sur la rectification de la chaussée (alors n°66) «dans les côtes de Quéquement et de la Fontaine-Gauche». La voie (aujourd’hui rue Camille-Krantz) se rapproche de la Moselle, dégageant un vaste talus, au pied du bois d’Archettes, qui servira, bien plus tard (dans les années cinquante) à l’implantation du cimetière américain d'Épinal, commémorant l'implication des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Les corps de 5255 soldats américains y sont inhumés. On atteint le bourg d’Arches. Installée sur la rive gauche de la Moselle, la localité, comme le village d'Archettes qui lui fait face sur la rive droite, «doit son nom au pont romain qui enjambait la rivière. Deux voies romaines se rejoignaient en effet à Arches, celle de Bâle à Metz et celle de Langres à Strasbourg via Metz», écrit Wikipédia. La petite cité doit sa renommée internationale aux papeteries qui y fabriquent -depuis 1492- des papiers de qualité réservés aux éditions de livres de luxe ainsi qu'au dessin, à l'aquarelle ou à l'estampe. Plus loin, la «route de Metz à Besançon» atteint Pouxeux, à douze kilomètres de Remiremont. Wikisara y note des «réparations» en 1843.

R.N.66: DE BAR A BALE
La route nationale 66 historique de 1959 relie simplement Bar-le-Duc en Lorraine à Bâle, aux portes du Jura suisse. Une belle promenade à faire en toutes saisons (lire)

R.N.460: VOSGES SUR SAONE
En 1959, la R.N.460 relie Dijon à Epinal en passant par Champlitte, Bourbonne-les-Bains et Darney, soit 170 kilomètres d’une belle chaussée ondulante (lire)

Après les villages de Longuet et Saint-Nabord (courte rectification de 700 m vers la fin du XIXe siècle, repérée dans le Bulletin des lois de la République française), la route n°57 de 1959 atteint Remiremont par le «faubourg d’Epinal». La région, mentionne le Guide Bleu Vosges-Lorraine-Alsace de 1957, «fut romanisée de bonne heure du fait de la voie, qui, empruntant la vallée de la Moselle, reliait Metz à Bâle». L’histoire de la cité (Rümersberg, durant le Saint-Empire romain germanique) débute au VIIe siècle, raconte remiremont.fr, sur le tout proche Saint-Mont (qui domine Saint-Etienne, à l'est), au moment de l’arrivée des moines Amé et Romaric. «Ils y établissent un monastère qui prospère pendant pas loin de deux siècles, avant son transfert dans la vallée». Puis, continue le site municipal, le monastère se transforme en une communauté de chanoinesses, le «chapitre de Remiremont». Ces dames, peu désireuses de mener une vie monacale s’installent dans d’élégantes demeures, autour de l'église. Aujourd'hui, «situé à la jonction des vallées de la Moselle et de la Moselotte, sur l’axe Benelux-Bâle, le pays de Remiremont est un carrefour économique. La ville se trouve au cœur de l’un des bassins industriels les plus actifs de la Lorraine-sud», signale remiremont.fr. Pour le Guide Bleu Vosges-Lorraine-Alsace, c’est «une excellente base d’excursions à pied et surtout en automobile». De Remiremont, nous mettons le cap en direction de Plombières-les-Bains en suivant tout d’abord la rue des Etats-Unis, ainsi nommée parce que c’est par là que sont entrés les soldats de la 36e DI, libérateurs de Remiremont, le 23 septembre 1944. La chaussée contourne la colline sur laquelle est installé le fort de Parmont puis se fait un peu plus sinueuse jusqu’au lieu-dit la Demoiselle. Ici, dit Wikisara, «les côtes de Lorette et de la Demoiselle» ont été ouvragées en 1844 sur une ancienne section de la D18. Il y a quatorze kilomètres entre Remiremont et Plombières-les-Bains, la plupart effectués en bordure de la forêt de Humont. Toujours selon Wikisara, on travaille sur la section allant des «Granges-d'Olichamp au Moulin de l'Ecrevisse en 1844». Et enfin, le tronçon Moulin de l'Ecrevisse-Plombières-les-Bains est travaillé en 1847, «y compris un nouveau pont biais sur l'Augronne», souligne Wikisara. Très logiquement, c’est l’avenue de Remiremont, qui nous emmène au centre de Plombières. L’Histoire de Plombières-les-Bains est très prolixe sur le développement des axes de communication dans la région. Ainsi, cette portion du territoire lorrain, qui était l’extrémité du territoire de la tribu des Leuques, fut sillonnée par de nombreux axes romains. L’un d’entre eux, de Besançon à Metz, passait aux abords de Luxeuil pour se diriger ensuite vers Fougerolles. Mais, dès le IVe siècle, à la fin de l’Empire, nous dit l’ouvrage, Plombières et sa région sont complètement oubliées. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour voir une relance importante des travaux sur l’axe Remiremont-Plombières. La voie, nous narre l’Histoire de Plombières, «commencée en 1786 sur une longueur de 1100 toises ne fut terminée qu’en 1817. Elle était montueuse et accidentée sur une grande partie de son parcours». A l’entrée de Plombières-les-Bains, «où se trouvait une côte longue, rapide et très dangereuse» des travaux supplémentaires entre 1843 et 1845 modifient le tracé. Cet ancien chemin, visible sur la carte d’état-major du XIXe publiée par le Géoportail de l’IGN, partait des Granges-d'Olichamp pour aller, rive gauche de l’Augronne, vers le Hariol, puis les Boulottes, pour finir par rejoindre la ville d’eau par la «route du Dandirand».

Vue générale sur le val où se blottit Plombières-les-Bains. Photo: Marc Verney, avril 2012.

La ville de Plombières-les-Bains se cache au creux d’un vallon irrigué par l’Augronne. Créée par les Romains qui y réalisent d’impressionnants travaux, elle est détruite par les envahisseurs barbares et ne renaît qu’au XIIIe siècle. La ville voit, au fil des siècle, passer l’élite intellectuelle française: Montaigne, Voltaire, Richelieu, mais aussi des écrivains et des poètes comme Beaumarchais, Musset, Lamartine, des musiciens (Berlioz), des peintres (Goya)… Cependant, c’est un dirigeant français qui sera le meilleur publicitaire de la cité. Napoléon III propulse Plombières-les-Bains dans l’histoire. En juillet 1858, l’empereur y rencontre Cavour pour une entrevue qui décide du sort de Nice et de la Savoie. A ce moment, l’empereur français se rallie à la cause italienne tout en obtenant ces deux territoires. La ville, nous dit l'encyclopédie en ligne Wikipédia «possède 27 sources chaudes faiblement minéralisées mais riches en oligo-éléments. Les eaux de Plombières jaillissent à des températures comprises entre 57 et 84 degrés. (...) Elles sont indiquées dans le traitement des affections digestives et rhumatismales». Les gourmands apprendront que la glace plombières y fut «inventée» en 1882 par un pâtissier local qui eut l’excellente idée de faire macérer des fruits confits dans du kirsch… En outre, signale le Guide Bleu Vosges-Lorraine-Alsace (1957), la cité mérite d’être visitée «pour la beauté des montagnes, des vallées et des forêts environnantes».

A VOIR, A FAIRE
Arpenter la rue Stanislas, l’axe principal de la cité aux «mille balcons», visiter les thermes Napoléon et le parc Tivoli (arboretum)… A voir aussi, le Bain national, édifié entre 1811 et 1819, le pavillon des Princes, où eu lieu l’entrevue entre Napoléon III et Cavour. Une route thermale (fléchage) relie Plombières à Bains-les-Bains (voir RN64). Une jolie promenade pédestre permet de monter en direction de la fontaine Stanislas, une source où Berlioz, dit-on, trouva son inspiration pour Les Troyens

On quitte Plombières-les-Bains en escaladant la colline, avec l’avenue du Val-d’Ajol, en direction de Fougerolles, une chaussée réalisée dans les premières années du XIXe siècle. Voilà la côte du Petit-Moulin, rectifiée en 1900 (Wikisara). Puis c’est l’entrée en Franche-Comté au niveau de la Croisette, dont le département de Haute-Saône fait partie. La carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN montre un axe de Plombières à Fougerolles et Luxeuil. Dès 52 avant JC, suite à la conquête de la Gaule par César, la région se couvre de voies construites par les Romains, notamment entre Besançon et Luxeuil-les-Bains. Autour du bois de Lancerand les cartes montrent une évolution du tracé de la route de Metz à Besançon: la route la plus récente coupe au nord de ce bois alors que son ancêtre (sur la carte d’état-major du XIXe) passe par le minuscule hameau du Séchau pour enfin rejoindre le Haut-de-la-Beuille, A Fougerolles, que l’on atteint rapidement après la localité du Pont, l'époque gallo-romaine, nous annonce Wikipédia, «se traduit par le passage de la voie de Luxeuil à Plombières». On franchit la Combeauté puis l’on emprunte la Grande-Rue. La seigneurie de Fougerolles, crée par le sire de Faucogney pour l’un de ses fils, et située aux limites indécises de France, Bourgogne et Lorraine, reste, jusqu'à la conquête de Louis XIV, une terre quasi autonome. Fougerolles est finalement rattachée à la France en 1704, à l’occasion de la signature du traité de Besançon. Pour sortir de la localité, voilà maintenant la rue du Bas-de-Laval et la rue de Luxeuil (D57D). Dès lors, on suit la D957 vers la Gabiotte en essayant d’oublier la multivoies. Ici, les Annales des ponts et chaussées (1896) déclarent d'utilité publique la rectification «dans la côte de la Gabiotte» le 21 octobre 1895. Il est précisé que «l'ancienne route demeurera déclassée du jour où la nouvelle route aura été livrée à la circulation sur tout son parcours». L’ancien itinéraire, qui passait à l’ouest du Grand-Bois est aujourd’hui en partie «écrasé» par les terrassements de la «nouvelle» N57 à quatre voies. Après rond-point et échangeur, notre route n°57 historique continue en bordure de la profonde forêt du Banney, qui a appartenu à l’abbaye de Luxeuil jusqu’en 1764. Voilà le lieu-dit de la Croix-des-Cosaques puis celui de la Miredondaine. Cette belle étendue d’arbres ne manque pas d’intérêt (nombreuses fontaines) et peut être notamment visitée grâce à la «route Napoléon», une voie carrossable réalisée en 1865 «à l'époque où, Napoléon III fréquentant les eaux de Plombières, la station de Luxeuil espérait attirer l'Empereur et sa famille», raconte le Guide du touriste en forêt de Banney.

A VOIR, A FAIRE
Il ne faut pas manquer la visite à l’écomusée de la Cerise, 2 km au nord de la cité. Véritable «capitale» française de la cerise, Fougerolles comptait en effet de nombreuses distilleries qui produisaient kirsch et eaux-de-vie de fruits.


Aux environs de Luxeuil. Photo: Marc Verney, avril 2011.

A VOIR, A FAIRE
L’ancienne abbatiale, la basilique Saint-Pierre, commencée en 1215, à l’influence bourguignonne (un conservatoire de la dentelle est installé dans les anciennes demeures des moines). Les maisons anciennes du centre-ville de Luxeuil: demeure dite «de François 1er» à l’architecture Renaissance, la tour des Echevins. Le quartier des thermes (établissement de 1768, agrandi en 1853 et 1905, réaménagé en 1938…).


R.N.64: DES ARDENNES AUX VOSGES
La route nationale 64 de 1959 traverse les plus grands champs de bataille français et nous emmène au pied des Vosges par la jolie forêt de Darney (lire)

On entre dans Luxeuil par la rue de Grammont. «C'est aux confins de la plaine et de la montagne, presque à égale distance de la Saône et du sommet des Vosges, qu'est assise la coquette petite ville, à 25 m au nord-est de Vesoul, auquel la relie la route nationale n°57, à 18 km au nord-ouest de Lure, avec laquelle la fait communiquer la route nationale n°64, ces deux routes confondant leur trajet, pendant quelques trois kilomètres, pour former la grande artère autour de laquelle s'est édifiée la ville», écrit Louis Melchior Pierra dans l'ouvrage Luxeuil-les-Bains, guide archéologique, historique, médical, touristique. Comme Plombières, cette ville thermale s’épanouit à l’époque gallo-romaine. Autour des eaux, se développent de multiples activités artisanales (poterie). A l’époque, elle se situe au carrefour de sept voies romaines. Après la destruction de la ville par les barbares, au IVe siècle, c’est un moine irlandais qui s’établit au VIe siècle dans la région et crée un monastère, aidé en cela par le roi d’Austrasie. Après une période terrible de pillages et de destructions, une bourgade «va alors se développer au Haut Moyen Âge, puis une ville ceinte de remparts dès le XIIIe siècle comptant environ 1500 habitants, trois églises et quatorze chapelles», nous précise Wikipédia. La période de la domination espagnole (jusqu’au XVIIe siècle) constituera l’âge d’or de la cité comtoise. En 1861, le Bulletin des lois de l'Empire français note «une rectification de la route impériale n°57 dans la traverse de Luxeuil». On poursuit, en 1959, la traversée de la cité par les rues Carnot et Victor-Genoux. On atteint le faubourg du Chêne et le pont sur le Breuchin (1778-1780). On entre immédiatement dans le village de Saint-Sauveur. Là, les importants travaux de construction de la base aérienne 116 dans les années cinquante ont coupé le trajet original passant par Baudoncourt. Décidée par le ministre de l’Air, André Maroselli, qui est également maire de Luxeuil-les-Bains, la construction de cette nouvelle base aux normes Otan est achevée en 1953. En mai 2024, elle héberge une vingtaine de Mirage 2000-5 de la fameuse «escadrille des Cigognes» auparavant stationnée sur le mythique terrain d’aviation de Dijon-Longvic, rendu à la vie civile en 2016 après 102 ans d'existence. Après avoir franchit la Lanterne sur un ouvrage de 1750, la «route de Vesoul» s’extrait de Baudoncourt par le sud et rejoint la R.N.57 actuelle au niveau du bois de la Brosse. Visible sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN, la «route de Besançon» est un itinéraire fort ancien. Et Wikisara y signale plusieurs rectifications, notamment celle du «Chaudron», une montée dans les bois (1901), et celle du «Pont-Joly», autour du passage du Durgeon. Voici maintenant la traversée des bois de la Forêt et de la Reculée. Le bourg de Saulx, aujourd’hui contourné (réalisation de 2015 à 2017), est traversé en 1959 par la R.N.57 (Grande-Rue). On y trouvait la croix des Convois, un monument élevé en souvenir d’habitants de Luxeuil massacrés durant la guerre de Trente ans alors qu’ils emmenaient des vivres en direction de Besançon, preuve de l’existence d’une voie très ancienne dans ces parages. A la sortie de ce village, Wikisara signale une rectification en 1901: ce doit être celle de la rue de la Courpière, abandonnée au profit d’une chaussée contournant les dernières maisons de Saulx par l’est. Il reste une bonne douzaine de kilomètres à faire jusqu’à Vesoul.

Bel ensemble directionnel de la R.N.57 à Baudoncourt, sur une portion délaissée de la route, car coupée par les pistes de la base aérienne 116. Photo: Marc Verney, avril 2012.

On retrouve, à notre droite, le Durgeon, qui s’enfile dans une petite vallée, où le bitume cohabite avec la voie ferrée Vesoul-Lure. Plus accidentée que la N57 actuelle, la route de 1959 desservait le village de Comberjon. Là, de Comberjon à Frotey-lès-Vesoul, Wikisara annonce «la rectification de diverses côtes» vers 1901. C’est là, au niveau de la bourgade de Bel-Air que la R.N.57 se «fond» dans la R.N.19 Paris-Bâle le temps de passer une fois encore le Durgeon. L’ancien itinéraire par la rue du Lieutenant-Kopp a été supplanté par une chaussée de contournement de Bel-Air dans les années quarante, dit Wikisara. Puis la R.N.57 entre dans l’agglomération de Vesoul au niveau du quartier du Transmarchement, un terme qui désignait autrefois, en Franche-Comté et dans certaines villes de l'est de la France, le paiement d’un droit de passage pour les marchandises (Wikipédia).L’avenue Aristide-Briand nous conduit au centre-ville. Vesoul, cité immortalisée par une chanson de Jacques Brel vaut beaucoup mieux que les quelques mots –joliment- assénés par le chanteur-poète… A l'époque gallo-romaine, pouvons-nous lire sur le site de la Drac de Franche-Comté, Vesoul n’est qu’une petite statio, un simple relais de poste et gîte d'étape au carrefour des voies de Mandeure à Port-sur-Saône et de Besançon à Luxeuil. Une vocation de lieu d’étape qui perdurera jusqu'au Moyen-Age. Après, les temps troublés forcent les comtes de Portois à délaisser Port-sur-Saône; ceux-ci érigent un château sur la butte qui va devenir Vesoul et en 1092, ils fondent le prieuré Saint-Nicolas. Dès le XVe siècle, les rois de France reluquent du côté de la Franche-Comté, qui appartient au Saint-Empire… Vesoul subit plusieurs sièges: en 1480, la ville et le château sont en partie détruits par les soldats de Louis XI, en 1595, les troupes d'Henri IV massacrent la population, mettent à bas les murailles et rasent le château. Les périodes suivantes seront moins troublées. Au XVIIIe siècle, on construit de nouvelles demeures bourgeoises et des bâtiments officiels, fontaines et promenades offrent de la fraîcheur à la population. A la Révolution, Vesoul devient chef lieu de département. Cependant, quelque peu méfiants à l’égard du «progrès», les habitants de Vesoul s’opposent au passage de la ligne de chemin de fer de Paris à Mulhouse, qui s’installera en 1858 à Navenne, un village voisin, qui sera vite absorbé! Au XXe siècle, changement de braquet: une immense usine Peugeot s’installe en 1955 sur un site proche du centre-ville. On quitte la préfecture de Haute-Saône en plongeant sous les voies du chemin de fer par la rue de la Rocade. Voilà Pont-lès-Vesoul. Le nom du lieu pourrait provenir d'un pont «qui existait autrefois et qui reliait Vesoul à Echenoz, car la prairie du hameau de Pont était marécageuse et la présence de la Méline dans la zone favorisait les inondations. C'est ainsi qu'un, voire plusieurs ponts, surplombaient des tranchées qui ont été creusées pour laisser couler l'eau», écrit Wikipédia.

A VOIR, A FAIRE
Une promenade dans les rues du centre-ville de Vesoul puis une visite du musée Georges-Garret, installé dans un ancien couvent des Ursulines datant du XVIIe siècle (archéologie et beaux-arts). On peut monter à la Motte, la colline emblème de la ville (378 m d’altitude et un vaste panorama sur les Vosges et le Jura). Enfin, à Frotey-lès-Vesoul, il ne faut pas manquer la roche du Sabot, un curieux rocher en forme… de sabot!


R.N.19: PAR ICI L'HELVETIE!
En 1959, il faut parcourir 490 kilomètre pour joindre Paris à Bâle, en Suisse, en passant par Troyes, Chaumont, Langres, Vesoul, Belfort et Saint-Louis... (lire)

Splendide plaque émaillée de la R.N.57 d'antan à la sortie de Vesoul. Photo: Marc Verney, avril 2012.

La route se lance, après les dernières maisons, dans l’escalade d’une colline qui lui fait face. L’avenue Pasteur traverse Echenoz-la-Méline. Dès lors, après le lieu-dit la Providence, il faut être attentif: un tracé à deux fois deux voies supplante l’ancienne nationale autour de Vellefaux. Là, il faut retrouver, au nord, la rue de la Croix-Rousse et, au sud, la rue d’Echenoz, pour suivre l’itinéraire historique. De nombreuses rectifications seront menées par ici par l’Etat à la fin du XIXe siècle. Un décret présidentiel du 14 décembre 1891 précise qu’est «déclarée d'utilité publique la rectification de la route nationale n°57 dans les côtes de la Grange-Besson, de Vellefaux, des Champs-Bas et de la Béguinière, comprise entre la Providence et les Laverottes. L'ancienne direction de la route sera déclassée du jour où la nouvelle route aura été livrée à la circulation sur tout son parcours; elle sera, en ce qui conserne les portions sises sur le territoire des communes de Valleroix-Lorioz et de Vellefaux, remise auxdites communes pour recevoir l'affectation indiquée dans les délibérations des Conseils municipaux en date des 30 mai et 5 juin 1891 (classement dans le réseau vicinal)». Puis, nous signale Georges Reverdy, dans Les routes de France au XXe siècle, 1900-1951, des pentes excessives entre la Maison-Neuve et Rioz sont encore rectifiées par les services de l’Etat dans les premières années du XXe siècle. Rioz, village-rue, n’offre qu’un intérêt limité, sauf son carnaval… (oui, celui de Rioz… bon!). «Les terres de Rioz, écrit la-haute-saone.com, sont occupées depuis l'Antiquité. On y a d'ailleurs découvert les vestiges d'une villa gallo-romaine. On sait en outre que la voie romaine qui reliait Besançon à Plombières passait par là. Après avoir subit de gros dégâts lors des guerres du XVIIe siècle, la commune devint célèbre au XIXe pour sa faïencerie». On peut aussi aller jeter un oeil au village voisin de Fondremand, avec ses pittoresques vieilles maison, son château, sa source... Dès la sortie de Rioz, la chaussée royale dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe) file tout droit en direction de Briant, longe le bois de Noirvaux, traverse le bois de la Chenove en ligne de crête pour aboutir à Buthiers et Voray, sur l’Ognon. C’est le 18 décembre 1890, par décret présidentiel, que sera décidé l’abandon de ce tracé: «Est déclarée d'utilité publique la rectification de la route nationale n°57 entre Rioz et Voray, suivant la direction générale indiquée (...) par l'ingénieur en chef, le 10 décembre 1889. La partie des chemins vicinaux n°13 et 15, comprise entre Rioz et Voray, est classée comme route nationale. L'ancienne direction sera déclassée à partir du présent décret». Il est d’ailleurs piquant de constater que la moderne multivoies N57 s’enfuit au plus court, suivant l’antique chemin royal alors que la R.N.57 de 1959 prend son temps parmi quelques vieilles pierres dans les villages de Sorans-lès-Breurey, Breurey et Voray-sur-l’Ognon.

Sur la route nationale 57. Photo: Marc Verney, avril 2012.
Dans un hameau placé sur la route (Maison-Neuve), un garagiste a conservé une vieille borne de la nationale et l'a repeinte avant de la replacer en bordure de chaussée. Photo: Marc Verney, avril 2012.

Besançon n’est plus très loin. D’ailleurs, dès après l’Ognon franchi, nous voici dans le département du Doubs. Sous l'Antiquité, raconte le site la-haute-saone.com, «Voray-sur-l'Ognon était nommée Voracus. Traversée par la voie reliant Besançon aux Vosges, c'était un lieu de passage très important. Plus tard, au XVIIIe siècle, dit aussi ce site, la commune est devenue une étape pour les voyageurs allant de Besançon à Vesoul, qui y changeaient de diligence ou de monture». Un incendie ayant presque entièrement détruit le bourg en juin 1731, signale encore la-haute-saone.com, «peu de bâtiments d'avant cette date sont visibles dans le village. Les deux édifices les plus remarquables ont d'ailleurs été construits après cet incendie. Ce sont le pont de pierre de 1765 et l'église, édifiée entre 1776 et 1779». Un peu plus loin, la route est encore fortement rectifiée entre Devecey et Valentin. Dans un premier temps, écrit Wikisara, on adoucit en 1840 la rampe sur l'itinéraire originel (D108 aujourd'hui). Puis, cette section est complètement délaissée le 1er avril 1854 suite à la mise en service d'une rectification à péage de la départementale 1 avec embranchement sur Voray. «L’Etat classe dans la voirie nationale la rectification le 21 juillet 1860 et rachète le péage» finit Wikisara. Il reste peu de kilomètres à parcourir jusqu’à la capitale de la Franche-Comté. Les banlieues s’annoncent d’ailleurs très vite, avec leurs cortèges de lotissements et de centres commerciaux. La R.N.57 s’immerge peu à peu dans le quotidien d’une grande cité de notre XXIe siècle… On ne va être faux cul: ici c’est laid… Mais ce n’est pas depuis hier… Lisons ces quelques phrases de Gaston Coindre, dans Mon vieux Besançon: «Le chemin qui monte de Battant à Saint-Claude, c’est la route dite de Vesoul, roide et poussiéreuse, embourbée parfois, toujours banale sans le moindre détail qui intéresse le parcours ni réveille le souvenir d’un autre temps»… Mais, en suivant la rue de Vesoul (D572) ancien «chemin français» médiéval, voilà le centre de Besançon, qui s’avance, dans la courbe du Doubs… et là, c’est une autre histoire! Fin de notre R.N.57 (1959) avec 267 km au compteur.

Marc Verney, Sur ma route, mai 2024

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