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Sources et documentation utilisée: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°21 Bâle-Saint-Gall, Michelin (1955); carte n°66 Dijon-Mulhouse, Michelin (1947); Altkirch et son canton, Claude et Paul-Bernard Munch, A. Sutton (2000); Annuaire administratif, historique et statistique du département de la Haute-Saône, L. Suchaux, imprimerie de L. Suchaux (1842); «Dans les petits pas de l'histoire», Ghislain Utard, l'Est Républicain (21 juin 2015); Guide Bleu de la France automobile, Hachette (1954); Guide de Paris à la Suisse n°303, Michelin (1954-55); Guide du Routard Alsace-Vosges, Hachette (2012-13); Guide du Routard Franche-Comté, Hachette (2017-18); Histoire de la ville de Fayl-Billot et notices sur les villages du canton, par l'abbé Briffaut, impr. de Outhenin-Chalandre fils (1860); Histoire de la ville de Vesoul, tomes 1 et 2, Louis Monnier, L. Bon (1909); Histoire des routes de France, du Moyen-Age à la Révolution, Georges Reverdy, Presses de l’ENPC (1997); La Haute-Saône: dictionnaire historique, topographique et statistique des communes du département, L. Suchaux, imprimerie et lithographie de A. Suchaux (1866); Le haut du pavé, Langres à travers ses rues, Gérard Guéniot (2003); Le nouveau guide du Sundgau, Société d'histoire du Sundgau (2012); Le Sundgau à travers les âges, Paul Stintzi, Alsatia SA (1975); Le Sundgau au début du siècle, Joseph Heusch, éditions du Rhin (1990); Statistique du département du Haut-Rhin, Achille Pénot, Imprimerie de J. Risler et Comp. (1831); artethistoire.com; chemindeleau.com; cheminsdememoire.gouv.fr; culture.gouv.fr; dannemarie.fr; essert.fr; foussemagne.com; guerres-sundgau.com; jacquotboileaualain.over-blog.com; lure.fr; pays-de-sierentz.com; sudalsace-largue.fr; sundgau-sudalsace.fr; territoiredebelfort.fr; tourisme-faylbillot.com; ville-belfort.fr; ville-port-sur-saone.fr; Wikisara; Wikipédia. Remerciements: le Géoportail de l’IGN, la BPI du centre Pompidou, la médiathèque d'Altkirch, Gallica.
Langres (N67, N74) Fayl-Billot (N460) Cintrey Gourgeon Combeaufontaine (N70) Port-sur-Saône Vesoul (N57) Calmoutier Pomoy Amblans-et-Velotte Lure (N64, N486) Ronchamp Frahier-et-Chatebier Châlonvillars Belfort (N83, N437) Bessoncourt Foussemagne Retzwiller Dannemarie Ballersdorf Altkirch Wittersdorf Tagsdorf Ranspach-le-Bas Hésingue (N73) Saint-Louis (N66) Bâle (Basel)
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Les belles
routes de France...
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Notre route nationale 19 historique quitte Langres par le faubourg des Auges et la rue du même nom qui s’allonge au pied de la colline. Là, raconte Gérard Guéniot dans son livre Le haut du pavé, Langres à travers ses rues, il y avait ici autrefois «des sources abondantes» qui «alimentaient une fontaine, un lavoir, un gué pour chevaux»… Après un ultime rond-point, la campagne reprend instantanément le dessus et notre Citroën DS moderne se sent des envies de chevauchées bien vite réfrénées par les courbes de la chaussée… Après le lieu-dit la Maison-Rouge, la R.N.19 franchit d’un coup la Marne, son canal et la ligne Paris-Mulhouse sur un pont de type bow-string de 209 m de long dont les travaux ont été entrepris en 1939 mais achevés seulement en 1948. Les pointillés du projet sont d’ailleurs visibles sur la carte Michelin n°66 Dijon-Mulhouse de 1947. Ici, on n’est qu’à quelques encablures du lac-réservoir de la Liez, réalisé de 1881 à 1886 afin d’abonder en eau le canal de la Marne à la Saône (chemindeleau.com).
Là, écrit le Guide Bleu de la France automobile 1954, la route «remonte doucement jusqu'au faîte du plateau de Langres puis descend sur le versant de la Saône». Ici, au large de Culmont-Chalindrey, se trouve la ligne de partage des eaux entre Manche-mer du Nord et Méditerranée. Au lieu-dit Boute-en-Chasse se trouve un carrefour où l’on peut emprunter la D51 et voir, tout proche, le fort de Montlandon, de type Séré-de-Rivière, construit de 1883 à 1885 afin de contrôler la route Paris-Bâle. Au lieu-dit la Griffonnotte, écart de la commune de Torcenay, se trouvait le premier relais de poste après Langres. Du coup, on remarque qu’il n’y a pas de grandes différences ici entre les tracés royaux, nationaux, impériaux… de la route n°19! On passe, sans le savoir sur le tunnel de chemin de fer de la ligne de Culmont-Chalindrey à Toul (achevé en 1858).
Le bourg de Fayl-Billot, «capitale de l’osiériculture et de la vannerie», pour le site tourisme-faylbillot.com, est bien vite traversé par la chaussée nationale; la Grande-Rue y fait plusieurs fortes courbes au milieu des anciennes maisons. «Cette petite ville n'a pas été le théâtre d'événements bien remarquables. Mais à cause de sa position sur la grande route de l'Allemagne et la frontière de France, elle eut beaucoup à souffrir des invasions et des guerres», écrit l'abbé Briffaut dans l'ouvrage Histoire de la ville de Fayl-Billot et notices sur les villages du canton. «Le mot Fayl dérive du latin Fagus, hêtre, en patois, foyard». Le rajout du terme Billot vient du fait «qu'il y avait jadis à Fayl un billot, c'est-à-dire un poteau indicateur des droits de péage que le seigneur percevait sur les étrangers», raconte-t-il encore. Notre route pénètre en Franche-Comté (bon… réunie avec la Bourgogne depuis quelque temps) à la hauteur du village de la Quarte. Sous l’Ancien Régime, dans la généralité de Franche-Comté, raconte Georges Reverdy dans son ouvrage Histoire des routes de France, du Moyen-Age à la Révolution, «la grande route de Paris à Bâle avait été une des premières terminées et mise à l’entretien». Plus loin, à la sortie du village de Cintrey, la chaussée ancienne filait tout droit à travers les bois pour retrouver le tracé actuel non loin du lieu-dit au nom prédestiné de la Vieille-Route… L’ordonnance du roi n°8690 du 21 mai 1840 précise «qu'il sera procédé à la rectification de la route royale n°19 dans la côte de Cintrey». A Gourgeon, les photos satellite de l’IGN montrent clairement une ancienne voie tirant tout droit au nord du village. Il s’agit très certainement d’une ancienne ligne d’un chemin de fer d’intérêt local du début du XXe siècle allant de Vesoul à Molay et de son viaduc. Quatre petits kilomètres après Gourgeon, voilà Combeaufontaine. Le bourg est un carrefour, puisque notre R.N.19 reçoit, venant du sud, la R.N.70 (D70), qui dessert Gray et Dijon.
A l’Est, douze kilomètres en direction de Vesoul, la route nationale traverse la Saône à Port-sur-Saône sur un pont du XVIIIe siècle. L'ouvrage, formé de 13 arches, s'ancre sur la rive du faubourg Saint-Valère. «Construit entre 1750 et 1758 par l'ingénieur des ponts et chaussées Querret, écrit le site ville-port-sur-saone.fr, il se trouve sur l'emplacement d'un pont médiéval en bois. Celui-ci a été emporté par les nombreuses crues ou démoli par les guerres comme en 1595 avec le passage des protestants lorrains de Tremblecourt à la solde du roi de France Henri IV». A la fin de cette sombre période, on le remplaça par un bac, avant d'entreprendre une nouvelle construction qui s'effondra en 1734, indique encore le site internet municipal qui précise par ailleurs, que, «dans le lit de la Saône, en face du Magny, demeurent les vestiges d'un viaduc par lequel passait la voie romaine qui allait du Rhin à Langres». Jusque dans les années 90, la route n°19 passait par les villages de Charmoille et Pusey (c’est aujourd’hui la D322). «Il se fait, lit-on dans l'Annuaire administratif, historique et statistique du département de la Haute-Saône (1842), à Pusey un important commerce de chevaux; c'est comme une foire perpétuelle dans ce village. Aussi, peut-on dire que Pusey est le dépôt de remonte de la Champagne, de la Bourgogne et de plusieurs départements du Midi». «T'as voulu voir Vesoul», chantait Jacques Brel... La ville, «chère» au chanteur belge, est «située, nous dit le Guide Bleu 1954, dans un bassin de prairies que domine au nord la colline conique de la Motte avec une chapelle de la Vierge», un site désormais protégé au XXIe siècle. La R.N.19 contourne la Motte par le nord, s’approche du centre-ville au lieu-dit le Transmarchement et y croise la route n°57. Une configuration générale qui a peu changé au fil des ans. Cependant, comme le montre un plan de Vesoul aux XVIe et XVIIe publié par l’Histoire de la ville de Vesoul (tome 1), les chaussée de Paris et de Bâle entraient bien au cœur de la cité.
Installée à l’origine sur la colline de la Motte, écrit Wikipédia, Vesoul s'est développée peu avant le Ier millénaire sous le nom de Castrum Vesulium là où se trouvaient plusieurs anciens camps romains. A la Renaissance, la Franche-Comté appartient à l'empire germanique des Habsbourg d'Espagne. Attaquée en 1595 par Henri IV, la ville de Vesoul est assiégée et dévastée par l'envahisseur français. La guerre de Dix Ans, sanglant épisode comtois de la guerre de Trente Ans, provoque misère et désolation. Vesoul est définitivement conquise en 1674 par les hommes de Louis XIV. Toute la Franche-Comté passe alors sous la domination française en août 1678. Plus tard, au XVIIIe siècle, Vesoul est d'abord un centre agricole où l'on pratique le commerce du grain, du bois et des animaux. Ancienne capitale du bailliage d'Amont, la ville devient préfecture de la Haute-Saône en 1800. Les vins de Vesoul disparaissent avec l’irruption ravageuse du phylloxéra au cours du XIXe siècle. En 1858, on inaugure la gare de chemin de fer qui se trouve sur la ligne Paris–Bâle. Entre 1908 et 1953, une des plus grandes manufactures françaises de machines agricoles s'y trouvait, aujourd'hui remplacée par de vastes usines du groupe PSA. L’ancienne route prend, découvre-t-on sur le Géoportail de l’IGN, la direction de Frotey-lès-Vesoul pour ensuite monter la côte qui domine la vallée de la Colombine. Un tracé remanié dans les années cinquante permet à la R.N.19 d’éviter les maisons du village.
Nous voilà désormais sur la route de Lure, en direction de Calmoutier où l’on voit un projet de contournement de ce bourg sur la carte routière Michelin n°66 de 1947. Cette voie est indiquée en service sur la carte des années cinquante (l’ancienne R.N. portant le numéro D195). Puis, sortant par l’est du village, on remarque aussi, sur la carte d’état-major des années cinquante publiée par l’IGN, une «voie romaine» qui s’élance en direction de Mollans et Vy-lès-Lure. La carte de Cassini (XVIIIe siècle) mentionne, elle, «l’ancienne route de Belfort» par la voie antique et «la nouvelle route de Belfort» qui est, hormis une rectification entre Pomoy et Genevreuille, l’actuelle R.N.19. On passe le lieu-dit Château-Grenouille, où se trouvait une auberge réputée, puis après les villages de Pomoy, Genevreuille et Amblans, voici Lure. L'histoire de l’endroit est liée à l'installation au VIIe siècle de Saint Desle, disciple de Saint Colomban, qui fonde un oratoire dans la plaine de l'Ognon; celui-ci sera à l'origine du monastère de Lure qui devint par la suite, une puissante abbaye bénédictine. «Les habitations, signale le site lure.fr se groupèrent peu à peu autour de l'abbaye et, sous la direction des moines, grands défricheurs, la plaine marécageuse se fertilisa». Lure est citée pour la première fois dans les actes du concile d'Aix-la-Chapelle en 817. L'origine du nom vient vraisemblablement du gaulois lautro. La cité, rattachée au Saint-Empire est convoitée de toutes parts, pillée et ravagée par les comtes de Montbéliard, les ducs de Bourgogne ou encore les rois de France et d'Espagne… Puis, prise par les troupes de Louis XIV, la ville est rattachée le 10 août 1679 à la Franche-Comté et à la France. En 1796, les pierres de l’abbatiale sont vendues; la domination religieuse sur Lure s’éteint. «Après la guerre de 1870-71 qui vit se dérouler de rudes combats, rappelle le site lure.fr, de nombreux industriels d'Alsace spécialisés dans la fabrication du textile, fuyant l'annexion, viennent s'établir dans la région». La cité, traversée par la route n°19 jusque dans les années 70, est contournée par une chaussée (D64) aujourd’hui doublée en 2017 par une nouvelle rocade amenée à faire partie d’un grand itinéraire Belfort-Langres. On quitte le centre-ville par l’avenue Carnot (longeant d’anciennes casernes) et l’on enjambe l’Ognon sur un pont dont les origines remontent à 1771 (artethistoire.com).
Au rond-point, nous suivons la route de Belfort (D486 puis D619) en direction de la Verrerie et de la Côte. Dans ce dernier village habitaient, au XIXe siècle, de nombreux mineurs travaillant aux houillères de Magny-Danigon, situées à peu de distance. Le bassin minier de Ronchamp allait être exploité intensivement du milieu du XVIIIe au milieu du XXe siècle. La chaussée de Ronchamp à Belfort allait même porter le nom de «route du charbon» tant le trafic lié à l’exploitation de la houille était important. Le bourg de Ronchamp, situé dans les Vosges saônoises est cité dans plusieurs documents du XIIIe siècle. Plus tard, à la fin du XVe siècle, Ronchamp, comme toute la Franche-Comté, appartient à l'empire germanique des Habsbourg d'Espagne. Dévastée par des mercenaires suédois en 1635, le bourg repasse sous contrôle français en 1678. La commune possédait en 1866 (en plus des houillères), nous dit La Haute-Saône: dictionnaire historique, topographique et statistique des communes du département, «cinq tuileries, quatre fours à chaux, trois moulins à blé, une brasserie, un tissage mécanique et quatre ateliers où se fabriquent un grand nombre d'articles en fer et en acier». En haut du village, sur la colline de Bourlémont, trône une chapelle de béton qui en remplace une première, détruite durant les durs combats de la Libération, en septembre-octobre 1944. Elle est réalisée au milieu des années cinquante par le célèbre architecte Le Corbusier. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le projet n'a pas inspiré certains journalistes... Ainsi, L’Aurore, dans son édition du 28 septembre 1954 (citée par l'Est républicain, le 21 juin 2015) «évoque un "garage ecclésiastique" auquel "on pourrait ajouter un petit moulin". Le toit étant "incurvé pour ramasser l’eau de pluie"»... Aujourd'hui, le bâtiment est classé au patrimoine mondial de l'humanité et reçoit des cohortes de touristes du monde entier... Les choses changent! A la sortie de Ronchamp, la R.N.19 historique franchit le Rahin et suit la route de Belfort pour atteindre le Bas-des-Côtes. On se trouve ici sur un tracé similaire à celui de la route royale du XVIIIe siècle. On grimpe donc un bon coup avant de redescendre gentiment vers le Ban-de-Champagney. Ici, on passe non loin du réservoir du canal de Montbéliard (aujourd'hui bassin de Champagney) avec sa digue de 800 mètres, haute de 36 mètres, construite à partir de 1905 (mais seulement achevée en 1936 suite à de nombreux soucis d’étanchéité). Il s’agissait en fait, à l’origine, d’un projet lié à la perte de l’Alsace-Moselle par la France en 1870-71, écrit Alain Jacquot-Boileau dans son blog très documenté sur le sujet (jacquotboileaualain.over-blog.com). A l’époque, les canaux du Rhône au Rhin et de la Marne au Rhin devenaient inutilisables du fait de l’occupation allemande, il fallait donc trouver une solution de rechange… Ce fut le projet du canal de l’Est de la Saône à la Moselle (bâti de 1875 à 1887) et de son embranchement de Port-sur-Saône à Montbéliard. Ce dernier coupe une première fois la R.N.19 vers Les Barres, puis une deuxième fois à Châlonvillars. Les travaux débutent en 1882, mais la défaite allemande en 1918 remet tout en cause et il ne reste aujourd’hui de ces titanesques projets que le vaste bassin de Champagney (qui alimente aujourd’hui le canal du Rhône au Rhin), quelques arpents d’eau à partir de Fesches-le-Châtel et des ouvrages d’art perdus dans la nature (ce qui excite évidemment au plus haut point les «gamins» fouineurs que nous sommes restés!)…
A Frahier, notre route nationale 19 historique franchit la Lizaine, lieu d’une sanglante bataille durant laquelle en janvier 1871 l’armée de l’Est, dirigée par Bourbaki essaya en vain de débloquer la ville de Belfort, brillamment défendue par Denfert-Rochereau. Peu après, on constate trois courtes rectification de la chaussée qui coupent des courbes un peu trop accentuées. La voie de Paris à Bâle entre dans le Territoire-de-Belfort (90e département français le 11 mars 1922) peu après Châlonvillars. On passe par Essert, bourg qui aura vécu, nous dit le site municipal essert.fr, «trois siècles de tutelle austro-hongroise, jusqu’au traité de Westphalie de 1648, par lequel (il) retombe dans l’escarcelle du royaume de France». Les zones habitées se succèdent désormais sans discontinuer, laissant peu de place à la flânerie… la route n°19 arrive très logiquement à Belfort par le faubourg de Paris. La cité commande le passage stratégique entre les Vosges et le Jura, vaste dépression appelée «trouée de Belfort» qui relie la plaine d'Alsace au bassin du Rhône. C’est l’avenue du Général-Leclerc (D419) qui nous permet d’aller plus avant dans la ville. La première mention écrite de Belfort date de 1226, dans le traité de Grandvillars, sous une forme latinisée: Bellumfortum (Wikipédia). Mais, bien avant, nous raconte le site territoiredebelfort.fr, au 1er siècle avant JC, la région de Belfort est occupée par les Séquanes, comme d’ailleurs le reste de la Franche–Comté. La tribu des Séquanes a souvent à faire avec ses voisins et Jules César, en -58, en profite pour intervenir et conquérir la Gaule (toute la Gaule??). Intégrée à l'Empire romain, la région, devenue zone frontalière avec la Germanie, voit passer beaucoup de troupes. Du coup, des voies romaines sont construites, joignant la Gaule au Rhin. Donc, Belfort fut d'abord un poste romain puis un château situé sur l'éperon rocher qui la domine. Du coup, un bourg se développe à l’abri des fortifications… «en 1307, Renaud de Bourgogne, comte de Montbéliard, écrit le site ville-belfort.fr, lui donne ses lettres de franchise. Belfort devient autrichienne par une succession de mariages. C'est une place forte des Habsbourg jusqu'à ce que Charles le Téméraire la reconquiert pour une courte période de 1469 à 1474». Par la suite, Belfort, dévastée par la guerre de Trente ans, passe sous contrôle français grâce au traité de Westphalie. Le cardinal de Mazarin, puis sa nièce, Hortense Mancini, vont hériter de la cité... Ses descendants, les Grimaldi (oui, ceux de Monaco!) règneront sans partage sur les lieux jusqu'à la Révolution française. Durant tout ce temps, nous rappelle encore ville-belfort.fr, Vauban s'attaque au chantier des fortifications et réalise de colossales protections qui résisteront à plusieurs sièges (1815, 1870-71). Lors de ce dernier, Denfert-Rochereau ne déposera les armes face aux Prussiens après 103 jours de combat que sur ordre du gouvernement français. «La défense héroïque de Belfort lui vaut de rester française alors que l'Alsace est annexée», conclut le site internet municipal. C'est entre 1875 et 1880 que s'édifie le fameux Lion de Belfort (réalisé par l'Alsacien Bartholdi, oui le même que celui de la statue de la Liberté!), qui honore l'héroïque résistance de la ville face aux envahisseurs. On trouve sa réplique, place Denfert-Rochereau, à Paris. Dès lors, de nombreux Alsaciens quittent leur région occupée et choisissent l'option française en venant s'installer à Belfort. Un essor économique considérable naît de cette fatalité. De 8000 habitants, la ville passe à 40 000 âmes, découvre-t-on dans le Guide de Paris à la Suisse n°303 (Michelin). En 1944, les combats pour la libération de la ville menés par la 1ère armée française vont durer du 20 au 25 novembre.
Les connaisseurs de la route auront noté qu'une R.N.19B historique (Belfort-Delle-frontière suisse) s'échappait de la ville par le faubourg de Montbéliard. Quant à notre chaussée principale, la route nationale 19 (D583 puis D419) sort de Belfort par l'avenue du Capitaine-de-la-Laurencie pour rejoindre Pérouse, désormais quasi faubourg de l’agglomération belfortine. L’ancienne chaussée passait ici, par le Haut-de-la-Croix et la rue des Bleuets, voit-on sur le Géoportail de l’IGN. Mais la construction de l’échangeur de l’autoroute A36, construit ici en 1974 (Wikisara), a tout chamboulé dans ce coin… Le nom de Pérouse semble issu du latin petrosa qualifiant un endroit pierreux ou rocailleux, avance Wikipédia qui évoque aussi la possibilité d'une voie antique empierrée... L’ouvrage Le Sundgau à travers les âges, qui évoque les chaussées romaines dans la région, mentionne une route reliant Epomanduodurom (Mandeure) sur le Doubs à Cambete (Kembs) sur le Rhin. Je n’ai aucune certitude sur un axe équivalent à la R.N.19… Si un chemin existait au XVIIe siècle, tracé par les ingénieurs militaires travaillant pour Vauban aux fortifications le long du Rhin, c’est Georges Reverdy, dans son livre Histoire des routes de France, du Moyen Age à la Révolution, qui cite la chaussée moderne, de Belfort à Bâle, comme étant «faite en 1787». Voilà maintenant Bessoncourt, village brûlé par les Autrichiens en 1815 (bessoncourt.fr) et qui héberge sur son territoire, un vaste fort Séré-de-Rivières, réalisé de 1883 à 1886. Modernisé jusqu’en 1918, celui-ci servira d’hôpital de campagne durant la Première Guerre mondiale, le front passant tout à côté (cheminsdememoire.gouv.fr). C’est alors que notre chemin se poursuit, d’abord vers Frais, puis Foussemagne. Là, se trouvait, entre 1871 et 1918, la frontière officielle entre la France et le Reich allemand… Nous entrons par la même occasion dans le Haut-Rhin (Alsace… euh, Grand-Est!). A noter que la commune est en possession d'un souvenir du D-Day, un pont ayant servi pour le port artificiel d'Arromanches de 1944. Constamment réparé et positionné au-dessus de la rivière Saint-Nicolas, il supporte le trafic de la D29 jusqu’à Cunelières, au sud. La Statistique du département du Haut-Rhin de 1831 indiquait que la route de Paris à Bâle comptait 34 ponts, 43 ponceaux et dix aqueducs en pierre sur 66,76 km et que son état était «médiocre». Parmi les importants ouvrages routiers, il fallait noter les «ponts en maçonnerie» d'Altkirch sur l'Ill et de Retzwiller sur la Largue.
A 1,5 km, Chavannes-sur-l’Etang, anéanti par les Armagnacs au XVe siècle, nous précise le site sudalsace-largue.fr, est peu à peu reconstruit au fil des ans. Au cours du XIXe siècle, alors contrôlé par les Allemands, il disposait d’une douane et d’un relais de poste (dès 1786, signale Le nouveau guide du Sundgau). Pas de chance pour ce bourg nous dit le site guerres-sundgau.com: oublié par le traité de Francfort du 10 mai 1871, il passe donc pour des années côté Reich allemand… Le canal du Rhône au Rhin (exploité à partir de 1833) est franchi à la hauteur de la commune de Valdieu-Lutran. Plus loin, Retzwiller (aujourd’hui contourné par la D419), est le premier village traditionnel alsacien traversé. Ce bourg, nous dit le site retzwiller.fr, «a appartenu au comté de Ferrette puis au domaine des Habsbourg jusqu'au traité de Westphalie en 1648. Annexé à l'Allemagne en 1870, le village fut libéré dès 1914». Par la suite, notre chaussée franchit la Largue peu avant Dannemarie. La région a un passé «tuilier» qu’il faut évoquer: la société Gilardoni Frères, qui a inventé en 1841 les tuiles mécaniques (qui s’emboîtent) va connaître un vrai succès commercial jusque dans les années 1970. On est maintenant aux portes de Dannemarie. La R.N.19 historique traverse le centre de part en part: c’est tout simple, d’un côté il y a la rue de Belfort, et de l’autre, la rue de Bâle… La cité, nous explique le site municipal, «se situe à l'intersection du Herrenweg, chemin qui suit la rive droite de la Largue, et du Lenzweg, autre itinéraire antique recoupant perpendiculairement l'affluent de l'Ill. Il pourrait s'agir d'un prolongement de voies romaines, réaménagées au début de l'ère chrétienne». Malgré les nombreux malheurs (épidémies, incendies, guerres), la petite localité se développe sur une terrasse dominant un méandre de la Largue. Dans le Le nouveau guide du Sundgau, on apprend qu’un premier plan d’alignement des rues date de 1775. La guerre de 1914-18 va marquer le bourg: Dannemarie est un centre militaire très important d'où partaient les routes qui desservent le front du Sundgau; celui-ci est stabilisé dès l'automne 1914 au nord de la commune pour tout le restant du conflit.
Le village suivant est Ballersdorf. Situé à 3,5 km de Dannemarie, ce village, rebâti après la guerre de Trente ans, marque la ligne de front 1914-18 dans le Sundgau. Il n’y a que 7 km à faire pour atteindre Altkirch. La ville, fortifiée, explique le site mairie-altkirch.fr, «est construite par les comtes de Ferrette au début du XIIIe siècle. Elle est acquise, avec le comté de Ferrette, par les Habsbourg en 1324 et devient siège d’une seigneurie». En 1648, devenue française, elle est donnée (comme Belfort) au cardinal de Mazarin. Sous la domination allemande, de 1871 à 1919, Altkirch est un Landkreis au sein de l’Alsace-Lorraine. La cité, trop proche du front, est totalement désertée durant le Premier conflit mondial. Aujourd’hui, on y entre par l’avenue du Huitième-Régiment-de-Hussards (D16). C’est dans la rue de France, au n°5 et 7, que se trouvait le relais de la poste aux chevaux, nous dit l’ouvrage Altkirch et son canton. Dans Le Sundgau au début du siècle, on découvre que la ville a disposé de la première pompe à essence de la région… On quitte les lieux par la rue du 3e-Zouave (D16). Les villages alsaciens s'enchaînent: Wittersdorf, Tagsdorf... Dans celui-ci, la «Hochistross», chemin royal militaire construit sous Louis XIV, débutait une longue montée vers la crête pour éviter la vallée du Thalbach. Du coup, lit-on dans une plaquette vantant le Sundgau à vélo (sundgau-sudalsace.fr), «plusieurs auberges et relais de poste louaient des chevaux de trait spécialement dressés pour aider à tirer les lourds chariots jusqu’en haut de la côte, dont la longue pente de 10% s’amorce à la sortie du village».
Peu avant Ranspach-le-Bas, voilà le lieu-dit les Trois-Maisons. On est au plus haut de la route de la crête (421 m), et c’est pour cela, voit-on sur le site pays-de-sierentz.com, qu’un nouveau relais est installé ici, sur une route (notre R.N.19 historique) qui supplante dès les premières années du XVIIIe siècle (vraisemblablement en 1720 pour Paul-Bernard Munch), un ancien trajet Belfort-Delle-Maison Rouge (Muespach)-Huningue (soit le parcours de la R.N.463 historique). Dès lors, la chaussée redescend en direction de Ranspach-le-Bas, joliment environnée de deux rangées de platanes «plantés sous Napoléon III», indique un panneau touristique. Cinq kilomètres après ce village, la D419 croise les premiers kilomètres de la longue R.N.73 historique, qui parcourt Le Sundgau jusqu'à Moulins dans l'Allier en «coupant» par Porrentruy en Suisse... L'ultime portion de la R.N.19 nous emmène jusqu'à Hésingue, puis Bourgfelden, désormais un quartier de la ville frontière de Saint-Louis. On laisse d’ailleurs partir sur la gauche la très courte R.N.69 historique (D469), qui file jusqu’à Huningue. «Entre 1680 et 1691, écrit le Cercle d'Histoire de Hésingue sur son site histoire-hesingue.f, à l'époque de la construction de la place forte de Vauban à Huningue qui vit la naissance de nouvelles localités comme Village-Neuf ou Saint-Louis, une nouvelle route, la "Hohe Strasse", fut construite à travers le Sundgau. Celle-ci débouchait sur Hésingue et devait relier Belfort à Huningue». Voilà donc les prémisses de notre chaussée Paris-Bâle… On notera que jusqu’au XIXe siècle (Géoportail de l’IGN), la route de Paris file jusqu’au carrefour principal de Saint-Louis, où l’on rencontre la R.N.66 (D66), pour atteindre la cité helvétique par ce biais. De l'autre côté des bureaux de douane (nous sortons de l'Union européenne), voici donc Bâle, ou plutôt Basel puisque nous pénétrons en zone alémanique. Notre automobile aura roulé 490 km depuis Notre-Dame de Paris... Marc Verney, Sur ma route, octobre 2017
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