La dernière ancienne borne kilométrique de la route n°460 historique se trouve à Monthureux-sur-Saône (photo: MV, octobre 2020).
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A Bèze, ces panneaux indicateurs du XXe siècle orientent le touriste vers le pittoresque site des grottes et de la source (photo: MV, octobre 2020).

VILLES ET VILLAGES traversés par la R.N.460 (1959):
Varois-et-Chaignot (N70)
Arcelot
Arceau
Fouchanges
Petit-Beire
Beire-le-Châtel
Viévigne
Bèze (N459)
Bourberain
Fontaine-Française
St-Seine-sur-Vingeanne
Pouilly-sur-Vingeanne
Mornay
Le Prélot
Champlitte (N67)
Frettes
Genevières
Poinson-lès-Fayl
La Folie (N19)
Pierrefaites
Montesson
Laferté-sur-Amance
Guyonvelle
Montcharvot
Genrupt
Bourbonne-les-Bains (N417)
Ainvelle
Fouchécourt

Monthureux-sur-Saône
Le Gras
Darney (N64)
Le Void-d'Escles
Le Ménil
Girancourt
Chaumousey
Les Forges
Epinal (N57, N66, N420)

SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959), carte n°62 Chaumont-Strasbourg, Michelin (1969); carte n°66 Dijon-Mulhouse, Michelin (1947, 1967, 1977); Annuaire historique et statistique du département de la Haute-Saône, L. Suchaux, imprimerie de L. Suchaux (1842); Beire-le-Châtel et ses anciens fiefs, M. l'abbé A. Bourgeois, imprimerie Darantière (1880); Géographie historique, industrielle et statistique de la Haute-Marne, J. Carnandet, Simonnot-Lansquenet, libraire-éditeur (1860); Histoire de la seigneurie et de la ville de Champlitte, par l'abbé Briffaut, Jules Dallet, libraire-éditeur (1869); Histoire de Fontaine-Française, Richard-Edouard Gascon, imprimerie Darantière (1892); Histoire de Pierrefaite, A. Mulson, imprimerie et librairie Rallet-Bideaud (1898); «Le centre-est de la Gaule: stations routières et groupements de bord de voie», Pierre Nouvel, Loïc Gaëtan, Martine Joly et Stéphane Venault, Gallia (2016); «Le marais des Tilles», Noël Garnier (non daté, publié sur le site arc-sur-tille.fr); «Les stations thermales: de l’abandon à la renaissance. Une brève histoire du thermalisme en France depuis l’Antiquité», Marie-Reine Jazé-Charvolin, In Situ (2014); «Monthureux-sur-Saône, au coeur de la Saône lorraine», Alain Beaugrand, La nouvelle revue lorraine (février-mars 2012); Revue de la Côte-d'Or et de l'ancienne Bourgogne, volume 1, dirigée par J.F. Jules Pautet, imprimerie de Simonnot-Carion (1836);Vosges-Alsace, Guide vert Michelin (1950-51); Vosges-Lorraine-Alsace, guides Michelin régionaux (1932-33); agglocene.huma-num.fr; beire-le-chatel.fr; beze.fr; bourbonne.com; darney.fr; racinescomtoises.net; varois-et-chaignot.fr; Wikipédia; Wikisara.
A l'entrée sud de Pouilly-sur-Vingeanne (photo: MV, octobre 2020).
A VOIR, A FAIRE
Arcelot: l’un des premiers châteaux néo-classique de Bourgogne, deux pavillons du XVIIIe réunis par un bâtiment central. Grand parc à l’anglaise de 45 ha.
Bèze: les grottes et la rivière souterraine (promenade en barque). Le village abritait une célèbre abbaye (reste de nombreux bâtiments anciens).
Bourberain: la forêt de Velours et ses promenades.
Fontaine-Française: le château du XVIIIe. Vaste parc à la française.
Champlitte-et-le-Prélot: le château Renaissance (construit de 1570 à 1577), oeuvre de la puissante famille des Vergy; l'un d'eux, François de Vergy est d'ailleurs gouverneur de la Comté. Incendié en 1751, il ne subsiste de cet édifice que la façade. Le restant date du XVIIIe. Le musée départemental, dans le château, mérite aussi le détour; fondé en 1957 par un passionné de la ville, Albert Demard, il évoque avec brio la vie locale. Pas mal aussi, le musée des Arts et des Techniques, rue des Lavières. Chaque année, en janvier, Champlitte fête son vignoble renaissant: 30 ha de vignes sont replantés en pinot noir et gris, en chardonnay et gamay.
La Folie (Fayl-Billot): la maison de la Vannerie est le centre de référence technique, culturel et historique de la profession. Documentaires à voir sur la vannerie, la culture de l'osier...
Bourbonne-les-Bains: outre l’activité thermale, on peut visiter le musée municipal, créé en 1874 et transféré en 1910 dans les dépendances de l’ancien château médiéval. Le circuit Histoires d’eaux permet de découvrir l’évolution du thermalisme à Bourbonne.
Monthureux-sur-Saône: l’église Saint-Michel (mise au tombeau en bois polychrome de la fin du XVe). Dans l'ancien presbytère du bourg, la maison du Patrimoine local présente une collection d'objets domestiques et agraires évoquant la vie d'autrefois à la campagne. A l’est, dans la pittoresque vallée de l’Ourche, le hameau de Droiteval.
Darney: l’église, ouverte en 1789, arbore, sur son fronton, la devise républicaine «liberté, égalité, fraternité». A voir aussi, le musée de l’indépendance tchécoslovaque… et, à côté, le musée du Verre, du fer et du Bois à Hennezel-Clairey. Promenades dans la vaste forêt de Darney.
Le Void-d’Escles: au sud, le village de Vioménil et la source de la Saône.
Chaumousey: le lac-réservoir de Bouzey.
Epinal: outre une promenade le long de la Moselle, on peut aller visiter la basilique Saint-Maurice, consacrée en 1051 par le pape Léon IX, puis la place des Vosges, ancienne place du Marché, ses arcades et sa maison «du Bailli» de 1604. Par ailleurs, une visite au musée départemental d'Art ancien et contemporain ainsi qu'à la cité de l'Image est recommandée.
Ancienne borne de limites départementales entre Haute-Marne et Haute-Saône de 1838 (photo: MV, octobre 2020).
Au lieu-dit la Folie, notre chemin croise la R.N.19 de Paris à Bâle (photo: MV, octobre 2020).
Ancienne chaussée avant Bourbonne-les-Bains (photo: MV, octobre 2020).
Rue de Bourgogne à Bourbonne-les-Bains (photo: MV, octobre 2020).
Panneau Michelin au passage de la Saône à Monthureux (photo: MV, octobre 2020).

 

Les belles routes de France...
R.N.460: VOSGES SUR SAONE...
En 1959, la R.N.460 relie Dijon à Epinal en passant par Champlitte, Bourbonne-les-Bains et Darney, soit 170 kilomètres d’une chaussée qui sillonne les terres agricoles du nord de la Côte d’Or mais sait se mettre au vert dès les premiers virages venus, au contact de la belle forêt de Darnay. Sur nos pas il y a aussi la Saône, franchie sur un antique pont de pierre au sein d’un paysage vallonné… De village en village, notre périple motorisé s’alanguit, bercé par le doux sifflement des pneus sur le bitume virevoltant. Pas besoin d’aller vite, d’exalter les chevaux… nous sommes ici dans la France des promeneurs, loin des sirènes citadines, dans l’essence du voyage, à prendre le temps qu’il faut pour avancer et ouvrir les yeux.

La R.N.460 historique aborde le département des Vosges, vers Ainvelle et Fouchécourt En cliquant sur l'image vous retrouvez la page index de ce site.

Pour se rendre au tout début de la R.N.460 historique, il faut d’abord faire une courte escapade sur la route n°70 jusqu’à Varois-et-Chaignot, village qui vit tranquillement dans l’ombre de son fort Séré-de-Rivières, bâti de 1877 à 1880. C’est là, au croisement des routes de Gray et de Fontaine-Française que se situe le «kilomètre zéro» de notre voie, aujourd’hui dénommée R.D.960. Mais ici en Côte d’Or, avant la «nationalisation» des années trente, ce fut la route départementale n°8 «de Dijon à Bourbonne-les-Bains». Varois, lit-on sur le site varois-et-chaignot.fr, naît au Moyen Age, autour d’une fontaine dédiée à Saint André, un «lieu d’approvisionnement en eau et point de rencontre des habitants» qui existe encore aux abords du cimetière actuel. Une première église, érigée au milieu du cimetière, va progressivement dominer une dizaine de demeures paysannes. Mais, au cours du XIXe siècle, une nouvelle église ainsi qu'une maison communale vont se bâtir route de Fontaine-Française, un lieu qui va dès lors constituer le lien entre le bourg de Varois et celui de Chaignot. La carte de Cassini (XVIIIe siècle) mentionne ici une chaussée jusqu’à Arcelot et Bèze. Après Orgeux, la chaussée traverse le bois d’Arcelot et franchit le marais des Tilles, asséché à partir de 1754, signale l’article«Le marais des Tilles» de l’historien Noël Garnier publié sur le site arc-sur-tille.fr. La levée qui porte la chaussée jusqu’au château d’Arcelot fut réalisée à la même époque. La bâtisse est constamment sous notre regard, au bout de la longue ligne droite qui tranche dans le bois… «Le château d'Arcelot, découvre-t-on dans la Revue de la Côte-d'Or et de l'ancienne Bourgogne, a été construit de 1762 à 1765 sur les dessins et sou la direction de M. Thomas Dumorey, ingénieur en chef de la province de Bourgogne. Il est remarquable par sa belle position: situé sur un coteau au bas duquel coule la rivière de Tille, il fait face à la grande route de Dijon à Bourbonne-les-Bains par Bèze, Fontaine-Française». Il s'agit du premier château de style néoclassique construit en Bourgogne. Nul doute que le célèbre ingénieur, qui a réalisé de nombreuses tâches de génie civil dans sa région aura pensé à améliorer les voies d’accès à cette bâtisse…

R.N.70: AU GRAY DE LA SAONE!
Entre Bourgogne et Franche-Comté, la route n°70 traverse Dijon, capitale des grands duc d'Occident. Un voyage dans l'histoire. (lire)

L'actuelle D960 quitte Varois-et-Chaignot (photo: Marc Verney, octobre 2020).

La route tourne à angle droit devant le bâtiment, dépasse le faubourg du Nord et se dirige vers Arceau, Fouchanges et Petit-Beire avant d’atteindre Beire-le-Châtel. Le village, raconte l’ouvrage Beire-le-Châtel et ses anciens fiefs, parl'abbé A. Bourgeois, est «traversé par la route qui conduit de Dijon à Bourbonne-les-Bains par Bèze, Fontaine-Française et Champlitte. Il est arrosé, du Nord au Midi, par la rivière de Tille, dont les eaux limpides offrent la transparence du cristal. On remarque sur ses rives une vieille tour carrée, maison forte au XIIe siècle, qui donna probablement à cette commune le surnom qu'elle porte aujourd'hui». Le chemin devait être connu de longue date puisque, en février 1107, dit encore l'abbé A. Bourgeois, le pape Paschal II «suivi par une foule innombrable, alla de Dijon visiter Bèze, en traversant le village de Beire». Curiosité de la région: la culture du houblon. «Favorisée par la nature argilo-calcaire de ses sols, explique le site beire-le-chatel.fr, la Côte d'Or est vite devenue le premier producteur de houblon en France après la perte de l'Alsace et la Lorraine. La production se terminera en 1983». A cinq kilomètres vers l’est, voilà Viévigne, village perché sur sa butte, où la D960, couronnée de vieux platanes, oblique par deux fois entre les vieux murs de pierres sèches avant de redescendre vers Bèze, un bourg distant de cinq kilomètres.

On quitte Viévigne en direction de Bèze (photo: Marc Verney, octobre 2020).
A Bèze, il ne faut pas rater le site de la source (photo: Marc Verney, novembre 2009).

R.N.459, LA VOIE NATURELLE
Depuis le nord de la Côte-d'Or, cette jolie route s'en va vers Besançon et les premiers contreforts du Jura. On y garde le rythme champêtre jusqu'au bout! (lire)

Le gros village devait déjà exister sous l’Antiquité, dit le site beze.fr: «Des pièces romaines des IIe et IIIe siècles, découvertes dans le bourg en 1850, attestent aussi de son existence à l'époque gallo-romaine». Il faut dire que Bèze s'est construit près de la résurgence de la rivière du même nom, l'une des plus importantes de France après la fontaine de Vaucluse (il y a même une rivière souterraine, accessible aux touristes depuis 1971). L’époque gallo-romaine étant friande d’eau… nul doute que cette source abondante a dû intéresser les citoyens de ce temps-là! Charmé par la beauté du site, le duc de Bourgogne Amalgaire, visitant en 630 les terres offertes par le roi Dagobert Ier, décide d'y fonder une abbaye, relate le site beze.fr. Détruite de nombreuses fois, elle contribuera cependant à la richesse de la région jusqu'à la Révolution française. «Vendue comme bien national, son église sera incendiée et son cloître détruit par son premier acheteur», écrit encore le site municipal. Au XVIIIe siècle, vers 1730, poursuit beze.fr, «d'importants travaux de rénovation de l'abbaye conduisent les moines à ouvrir en carrière le banc de roche qui surplombe la source et la rivière. Les carriers s'installent et découpent le roc à pic au-dessus de l'eau. On entaille, on perfore et tous les débris roulent jusque dans la rivière». Heureusement, en 1846, la municipalité, consciente du caractère unique de la source, décide d'interrompre l'exploitation de la carrière. Une promenade ombragée est construite jusqu'aux premières maisons de Bèze.

Dans le village, les deux ponts qui franchissent la Bèze et l’un de ses bras, font partie de la route menant à Fontaine-Française et à Gray, décidée par les États de Bourgogne le 20 décembre 1756. «Dix ans plus tard, les travaux sont en cours dans la traversée du village, signale le très complet site municipal. Pour empierrer la chaussée, les ingénieurs trouvent plus simple de prendre les matériaux sur place, au plus près. C'est ainsi que les vieilles murailles croulantes du bourg, ne servant plus à rien, ne sont pas respectées mais entièrement détruites sur le parcours de la nouvelle voie. Après les travaux, seuls quelques vestiges demeurent près de la porte Saint-Prudent et de la porte Notre-Dame. Le grand chemin, élargi pour en faire une route, la porte du Mont et celle de Bessey disparaissent sans laisser de traces. Pour les même raisons d'élargissement, un arrêté du Conseil du Roi des 23 mai et 27 août 1768 contraint le monastère à réduire le chevet de l'église paroissiale». Pour leur part, les deux ponts sur la Bèze datent de 1770. Celui situé à l'Est, qui comporte deux arches, sur le véritable cours de la rivière, était aux frais de la province de Champagne dont dépend Bèze. L'autre, lui fait suite à l'ouest, n'ayant qu'une seule arche, était jadis à la charge de l'abbaye, raconte enfin beze.fr. Il faut maintenant parcourir 4,5 km d’une route rectiligne, traçant son large sillon au milieu de vastes horizons agricoles, pour atteindre Bourberain. Si, en raison du travail tardif (après la deuxième moitié du XVIIIe), le tracé de la chaussée n’apparaît pas sur la carte de Cassini publiée par l’IGN, on voit bien la belle réalisation –toute droite- sur la carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) poussant jusqu’à Fontaine-Française. On longe ici la forêt de Velours, constellée d’«étoiles», en fait des carrefours destinés à faciliter la vénerie.

Entre Bourberain et Fontaine-Française, le tracé d'une voie antique coupe la R.N.460 historique à angle droit (photo: Marc Verney, octobre 2020).

Juste après Bourberain, notre route départementale 960 croise à angle droit une voie antique remarquablement dessinée dans le paysage et sur les cartes. Il s’agit très probablement de la «voie d’Italie», tronçon de Langres à Pontailler qui dessine une longue ligne droite dans le paysage. Les fans d’Astérix seront néanmoins déçus: pas de pavés cahotants mais un mince chemin blanc courant au milieu des champs… Le site AggloCenE (agglocene.huma-num.fr) signale néanmoins les traces retrouvées (par photo aérienne) de la station de Dampierre-Fontenelle (quelques kilomètres au sud-est), clairement vue «comme un relais routier situé entre celui d’Isômes et l’agglomération de Mirebeau». Ce petit hameau se développera durant tout le Haut-Empire du début du Ier siècle à la fin du IIIe siècle. Dans la traversée du relais, la voie, de 8 m de large, «est bordée de caniveaux bien visibles dans la partie méridionale du site. Les constructions sont alignées à une dizaine de mètres en retrait de la chaussée. Dans cet espace des traces claires et étroites relient, par endroits, la voie aux habitats. Quasiment chaque entrée de bâtiments possède son petit espace de circulation empierré permettant notamment l’accès aux chariots». «Ce fut cette route, lit-on dans l'Histoire de Fontaine-Française, que suivit l'empereur Claude, à son retour de la conquête d'Angleterre, lorsqu'il se rendit en Italie, et sur laquelle il fit placer des colonnes milliaires, 43 ans après J.C., semblables à celle qui a été trouvée vers Sacquenay». Ils savaient construire, ces Romains! Nous approchons donc désormais de Fontaine-Française. Avant les travaux du XVIIIe siècle, pour aller à Dijon, les habitants des lieux, dit Richard-Edouard Gascon dans l'Histoire de Fontaine-Française, prenaient l'ancien chemin jusqu'à Véronnes, «traversaient le nord de la forêt de Velours et de là à Lux, puis à Dijon, soit par Thil-Châtel soit par Beire et Arcelot».

Le château de Fontaine-Française. A noter que j'ai agrandi sur cette image la vieille plaque de rue (photo: Marc Verney, octobre 2020).

Le 5 juin 1595, ce bourg est le théâtre malheureux de l’une des sanglantes batailles des guerres de religion. Le combat oppose les Espagnols et la Ligue à Henri IV. Le roi de France en sort vainqueur, et, à l’issue de cette confrontation, une grande partie des habitants du royaume de France reconnaissent Henri IV comme leur souverain. Au soir de sa victoire, Henri IV dormit dans l'une des chambres du château-fort de Fontaine-Française, sans doute bâti au cours du XIIIe siècle. Puis, au début du XVIIe, la région subit les ravages d’un épisode de la guerre de Trente ans: en 1636, le général autrichien Matthias Gallas sillonne la zone. Des villages entiers furent dévastés. A la fin du XVIIe, la Franche-Comté est rattachée à la France par le traité de Nimègue en 1678, «Fontaine-Française fut donc relevée de son état de place-frontière et la solide fortification put s'ouvrir pour devenir une résidence d'agrément», lit-on sur la page Wikipédia de l'édifice. La paix s’installe. C’est entre 1754 et 1758 que la demeure actuelle est construite sur les pierres de l’ancien château médiéval par l'architecte parisien Souhard pour le compte de Francois Bollioud de Saint-Jullien, conseiller du roi Louis XV. Laissant le monument sur notre gauche, notre chemin passe l’étang Pagosse et le ruisseauTorcelle pour suivre les rues Honorine-de-Monaco, du Général-Gandyl et de la Maladière. Plus loin, un plan du bourg en 1640, publié dans l’ouvrage Histoire de Fontaine-Française, montre un «chemin de St-Seine» en direction du bois de l’Alleau. On y croise la fontaine de Pré-Morot (aujourd’hui appelée fontaine Henri IV), réalisée en 1806 sur les lieux du combat du 5 juin 1595. A l’extrémité du bois de l’Alleau notre chemin croise le «canal de la Marne à la Saône» ouvert en 1907 et qui reliait Vitry-le-François à Maxilly-sur-Saône.

L'écluse n°29 de Saint-Seine du canal de la Marne à la Saône. Là encore, j'ai agrandi la plaque présente sur la maison de l'éclusier (photo: Marc Verney, octobre 2020).

Un peu plus loin, le bitume de la R.N.460 d’antan franchit la Vingeanne en face de Saint-Seine-l’Eglise, que l’on ne traverse pas. Au XVIIIe siècle, la route ne remonte pas vers Champlitte mais s’oriente au sud-est vers Gray (D30C et D2 actuelles). Vers Pouilly et Mornay, on note une grande lacune jusqu’au Prélot, vers la Haute-Saône, sur la carte d’état-major (1822-1860) publiée par l’IGN. Cependant, l'Annuaire historique et statistique de ce département signale, en 1842, une route, «actuellement en construction, de Dijon à Nancy par Fontaine-Française, Champlitte, Bourbonne…». C’est bien notre R.N.460 de 1959, qui, a l’époque, portait le numéro départemental 8 en Côte d’Or et le n°15 en Haute-Saône. Plus au nord, voilà Pouilly-sur-Vingeanne, où la «rue de Saint-Seine» prend la direction de Mornay. Au nord de ce village, la carte d’état-major du XIXe siècle de l’IGN montre une voie mieux tracée à partir du hameau de la Provenchère. On entre ici dans la Haute-Saône. Les travaux auraient-ils mieux avancé dans ce département que dans la Côte d’Or voisine? Notre route contourne le Prélot et aborde Champlitte par l’avenue Carnot. La petite cité est un beau bourg de pierre blanche, perché en balcon sur la vallée du Salon. «Durant l'occupation romaine, mentionne le site racinescomtoises.net, Champlitte est à proximité de deux voies, l'une de Langres à Besançon, et l'autre de Dammartin à Langres». Plus tard, ce fut une étape importante lorsque cet itinéraire reliait la Lombardie (nord de l'Italie) aux foires champenoises. Dès l'année 1538, écrit l'abbé Briffaut, dans son Histoire de la seigneurie et de la ville de Champlitte, Charles-Quint fait fortifier la cité «à cause de sa position sur la frontière» avec «de solides murailles, de plusieurs tours et de larges fossés (...). En 1785, il existait encore quatre bastions et deux portes, dont la dernière fut démolie en 1838». Comme l’ensemble de la Franche-Comté, Champlitte, souvent ruinée par des années de guerre, passe définitivement sous domination royale française avec le traité de Nimègue, signé en 1678. La traverse de Champlitte est sinueuse et étroite: après avoir emprunté la rue de la République, on oblique à gauche vers la rue de la Brèche. Puis on tourne à droite sur la rue Pasteur qui franchit le Salon. Enfin, c’est la rue des Casernes qui nous emmène hors du bourg en direction de Frettes par la combe la Joie.

Ancien panneau indicateur à Pouilly-sur-Vingeanne (photo: Marc Verney, octobre 2020).
Sortie de Mornay vers Champlitte (photo: Marc Verney, octobre 2020).
Rues tortueuses à Champlitte (photo: Marc Verney, octobre 2020).

RN67: L'ABSINTHE NOUS FAIT CHOCOLAT!
C'est une route qui a le goût de l'histoire... et des bonnes choses!! Entre les foires de Champagne et les monts jurassiens, quelques centaines de kilomètres charmants et à avaler avec joie et passion... (lire)

Le redécoupage départemental est passé par là. Le village de Frettes (Haute-Marne jusqu’en 1974) a été rattaché à Champlitte et à la Haute-Saône dès cette année-là. Il reste de l’ancienne limite départementale une massive borne, plantée dans la terre, au milieu de la plaine, juste avant le carrefour du lieu-dit les Combottes. Après Frettes, voilà Genevrières, où «il y avait autrefois foires et marchés», signale la Géographie historique, industrielle et statistique de la Haute-Marne (1860). La «route de Champlitte à Bourbonne-les-Bains» frôle Poinson-lès-Fayl et coupe la R.N.19 au niveau du lieu-dit la Folie. Au XVIIIe siècle, la voie est tracée au nord de la chaussée Paris-Bâle. On remarque cependant sur la carte de Cassini publiée par l'IGN que le chemin vers Bourbonne part au plus près de Fayl-Billot pour longer la ferme de la Reculée et filer droit sur Montesson. La voie présente sur la carte d’état-major du XIXe siècle croise, elle, Pierrefaites et contourne la butte sur laquelle se trouve juché le petit hameau de Montesson. Pierrefaites (avec un s) pourrait avoir des origines anciennes: dans l’Histoire de Pierrefaite, on lit que «la première colonie agricole serait venue, dans la période gallo-romaine, se fixer auprès de l’abondante source de la Dhuis, qui coule à l’extrémité sud» du village. Le pays était, à l’époque, couvert de «bois impénétrables». Dans cet ouvrage, qui indique ici une voie antique jusqu’à Bourbonne, on signale aussi, en 1787, que «la route de Bourbonne à Champlitte, en voie d’exécution, sera très utile à la région. Malheureusement les travaux n’avancent pas»… En 1835, le chemin est une voie départementale et passe bien par «Montcharvot, Guyonvelle, Laferté, Pierrefaite». Commencée à la fin du XVIIIe siècle, cette chaussée, dit encore l’Histoire de Pierrefaite, «négligeait totalement à l’époque la question de niveau. On allait en ligne droite, de clocher à clocher, sans se mettre en peine de tourner les montagne. On a, depuis, rectifié les côtes les plus abruptes, comme celles de Laferté et de Montesson; mais on rencontre encore sur le parcours de cette route des pentes raides et même dangereuses, qu'il eut été facile et nécessaire d'adoucir»...

R.N.19: PAR ICI L'HELVETIE!
En 1959, il faut parcourir 490 kilomètre pour joindre Paris à Bâle, en Suisse, en passant par Troyes, Chaumont, Langres, Belfort et Saint-Louis, non loin de Mulhouse... (lire)

Vers le croisement avec la R.N.19 (photo: Marc Verney, octobre 2020).
A Laferté-gare, un petit air de l'ancienne France (photo: Marc Verney, octobre 2020).

A Laferté-gare, on passe au-dessus de la voie ferrée de Paris à Bâle, ouverte à la circulation le 22 février 1858. Au XIXe siècle, la gare s’appelle Laferté-Bourbonne, à cause de la correspondance avec la ville d’eau. La suppression de ce passage à niveau remonte à loin: 1939 selon Wikisara. Il règne d’ailleurs ici, au-dessus de la ligne non électrifiée, sur cet ouvrage de vieux béton, comme un petit parfum –un petit peu désuet- de la France d’avant… Après avoir franchi l’Amance, la départementale 460 d’aujourd’hui évite le village de Laferté, perché sur sa haute butte. De là, notre voie prend la direction de Guyonvelle puis de Montcharvot au cœur de l’épais bois de Chézeaux. A Genrupt, «l’ancienne route de Bourgogne» part droit dans les champs jusqu’à Bourbonne-les-Bains alors que la D460 fait un long détour, décidé à la moitié du XIXe siècle, par le val de l’Apance avant d’arriver dans les faubourgs de la petite ville d’eau. La ville, écrit le Guide rouge Michelin Vosges-Lorraine-Alsace (1932), «occupe les deux rives de la Borne, le versant nord porte la vieille ville; sur la rive opposée est bâtie la ville thermale». Ici, explique, le site bourbonne.com, «les constructions balnéaires romaines étaient importantes et luxueuses. (...) En 1977-1978, lors des travaux de construction de l’actuel établissement, au sud de la place du puisard romain, on a découvert une grande piscine carrée de 11 mètres de côté entourée d’un portique. (...) L’ensemble des constructions gallo-romaines couvrait à peu près la surface occupée aujourd’hui par les thermes, la place des Bains et la place Jerphanion». C’est pendant les guerres de Germanie, entre 12 et 9 avant Jésus Christ, qu’Auguste ayant eu connaissance des bienfaits des eaux thermales de Bourbonne pour les soins des blessures et fractures fit construire l’établissement thermal, raconte encore le site web municipal. Détruit lors des «invasions barbares», l’établissement thermal vivotera jusqu’au XVIIIe siècle. A cette époque, les gens aisés se faisaient apporter leur bain dans leur lieu de résidence. En 1735, un hôpital militaire royal s’installe dans le bourg, il accueillera les soldats des armées de Louis XV mais servira également durant les guerres napoléoniennes puisque Napoléon Ier décidera de l’achat du domaine pour le compte de la France. Sous Napoléon III, on procédera à de nouveaux forages; «l’établissement ancien est démoli et remplacé par une imposante construction exécutée de 1880 à 1883» raconte bourbonne.com. Aujourd’hui, Bourbonne compte parmi les plus importants lieux de cure en France.

Plaque de cocher à Guyonvelle (photo: Marc Verney, octobre 2020).
Après Bourbonne-les-Bains (photo: Marc Verney, octobre 2020).

Notre route ne traverse pas le centre-ville mais franchit l’Apance au niveau de l’avenue du Lieutenant-Gouby pour ensuite obliquer vers la rue du Souvenir-Français qui prend la direction de Monthureux-sur-Saône. Un cheminement visible sur la carte de Cassini (XVIIIe siècle) mais marqué comme inachevé jusqu’à Ainvelle et non tracé après sur la carte d’état-major du XIXe (1820-1866). Les archives des Vosges indiquent que la route départementale vers Epinal par Darney a été «étudiée» de 1790 à 1835 et construite de 1829 à 1844. Entre Ainvelle est Fouchécourt, l’ancien chemin d’Ainvelle passe tout droit par la côte Mairiotte alors que la rectification ondule en contrebas. A Fouchécourt, on remarque que, sur la carte de Cassini (XVIIIe), on atteignait Monthureux-sur-Saône par Saint-Julien. La route moderne fait un écart vers le sud-est au contact de la départementale n°15 pour remonter ensuite vers Saint-Julien, village qui ne sera qu’effleuré. A 4,5 km de là, voilà Monthureux-sur-Saône. Situé non loin de la voie antique Langres-Strasbourg et à proximité du port de Corre sur la Saône, le lieu a connu un début de développement durant la période gallo-romaine. Plus tard, écrit Alain Beaugrand dans La nouvelle revue lorraine en 2012, «le Moyen Age fut (à Monthureux) le temps des verriers et des moines» le bourg s'y constitue «au cours des siècles autour du château féodal (démantelé en 1635) construit sur les fondations d'une maison forte du XIIe siècle sur un entablement gréseux massif enserré dans les méandres de la Saône». Il y a ici effectivement deux ponts pour traverser la rivière avec notre R.N.460 historique. Le deuxième obligeait l’automobiliste des années cinquante à faire un virage sec devant les bâtiments d’une ancienne filature au lieu-dit le Ricageot. Une courbe dangereuse rectifiée dans les années 90 avec la création d’un nouveau pont, dit Wikisara. Mais, restent pour nous, sur ce macadam usé, deux vieux Michelin et une borne de la route nationale… Il y a dix kilomètres entre Monthureux et Darney. La carte d’état-major  du XIXe siècle (1820-1866) publiée sur le site de l’IGN mentionne une chaussée en travaux entre ces deux localités. Darney, écrit Wikipédia, «est bâtie sur les flancs d'un promontoire dominant la vallée de la Saône». «Lors de la conquête de la Gaule par César, voit-on sur le site darney.fr, les Romains s'installèrent dans ce district forestier et y construisirent un château pour surveiller la contrée». C'est une ville fortifiée au Moyen Age; elle est flanquées de tours et de deux portes fortifiées. on l'appelle même la «cité aux trente tours». C'est au duc Thiébaud II de Lorraine que l'on doit l'église paroissiale en 1308. Mais son histoire a des moments tragiques: Darney est détruite au Moyen Age et la cité démantelée en 1634. C'est là, durant la guerre de Trente Ans, au tour des Suédois de Bernard de Saxe-Weimar d'incendier la localité... Mais c'est aussi là, dans ce lieu retiré, que Raymond Poincaré, le 30 juin 1918, a reconnu le droit à l'indépendance des Tchèques et des Slovaques! Pourquoi Darney? Durant la Première Guerre mondiale, le lieu servait en fait de point de regroupement pour les soldats tchécoslovaques combattants aux côtés des Alliés... Et Tomas Masaryk, premier président tchèque élu, fera sa première visite officielle à Darney!

R.N.64: DES ARDENNES AUX VOSGES
La route nationale 64 de 1959 traverse les plus grands champs de bataille français et nous emmène au pied des Vosges par la jolie forêt de Darney (lire)

Une autre plaque de cocehr à Ainvelle (photo: Marc Verney, octobre 2020).
Ancien passage de la Saône à Monthureux (photo: Marc Verney, octobre 2020).

On quitte le bourg par la rue Jules-Ferry en direction du Void-d’Escles. Voilà le lieu-dit la Forge-Kaitel, où l’on franchit une dernière fois la Saône, qui prend sa source à Vioménil, quelques kilomètres à l’est. Notre R.N.460 historique traverse de vastes bois denses et humides, voilà la forêt domaniale du Ban d’Escles. Après le Void-d’Escles, hameau de la Vôge (petite région à ne pas confondre avec les Vosges), notre D460 aboutit à Girancourt où la chaussée traverse le canal de l’Est, construit entre 1875 et 1887 sur 439 kilomètres. La «rue d’Epinal» nous emmène ensuite vers Chaumousey, où l’on retrouve le canal précédemment croisé. Il reste à peu près huit kilomètres à parcourir pour atteindre Epinal. Voici, à notre droite, le lac-réservoir de Bouzey, qui alimente le canal de l’Est. Le village des Forges est le dernier village traversé par la R.N.460. Il nous reste à traverser le bois de la Louvroie. Et nous arrivons au carrefour avec la R.N.66 historique, sur la rue du Général-Leclerc. Nous voici à Epinal, nous avons roulé sur environ 170 kilomètres depuis Dijon.

Marc Verney, Sur ma route, mars 2022

Vers Void-d'Escles (photo: MV, octobre 2020).
Vers Epinal (photo: MV, octobre 2020).

R.N.57: "T'AS VOULU VOIR VESOUL"!
La route nationale 57 historique de 1959 relie Metz à Besançon en passant par Nancy, Epinal, Vesoul... Un coin de France cher aux chanteurs! (lire)

R.N.66: DE BAR A BALE
La route nationale 66 historique de 1959 relie simplement Bar-le-Duc en Lorraine à Bâle, aux portes du Jura suisse. Une belle promenade à faire en toutes saisons (lire)

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