En 1959, après le tunnel du Trou-du-Loup, la route nationale 67 historique s’engage au travers du marais de Saône en direction d’Ornans. Au niveau du lieu-dit la Croûte, nous laissons partir, sur la gauche, la R.N.461 qui s’en va rejoindre Morteau et la Chaux-de-Fonds. C’est une toute autre affaire aujourd’hui, puisqu’un échangeur y organise la circulation, entre la D67 (vers Ornans) et la R.N.57 (vers Mamirolle), prolongée jusqu’à Jougne et la frontière helvétique. Orienter la R.N.67 vers Ornans depuis Morre a été décidé en 1837 par l’ordonnance n°7034 publiée dans le Bulletin des lois du royaume de France de 1838 qui stipule «que la route royale n°67 de Saint-Dizier à Lausanne par Pontarlier, sera rectifiée dans la partie entre Besançon et Pontarlier, et sera dirigée, savoir: entre Besançon et Ornans par la route départementale du Doubs n°2 jusque près le Trou-au-Loup, à l’est du moulin Boulet et de Tarcenay, et par la Grange-des-Prés. Entre Ornans et Pontarlier, par Montgesoye, Vuillafans, Lods, Mouthier, Saint-Gorgon et la route départementale du Doubs n°4». Wikisara signalant que les sections allant jusqu’à Tarcenay allaient être finalisées peu de temps avant la moitié du XIXe siècle. Pour le moment, peu de grandes envolées, le plateau jurassien alterne bois et prairies cultivées. On traverse Tarcenay en roulant sur la «route de Besançon». «Situé sur la voie de passage vers Ornans et l'Italie via la Suisse, souligne le site racinescomtoises.net, Tarcenay a eu un château pour défendre ce point stratégique: cette maison forte, dite la Tour, vendue à un particulier au XVIIe siècle s'élevait probablement au milieu du village; elle aurait abrité Louis XIV de passage en Franche-Comté». Là, les automobilistes curieux pourront prendre la direction de Trépot (D102) pour y visiter une fruitière fromagère d'antan construite en 1818 (détour recommandé). Ici, tout le plateau est soumis à un phénomène hydrologique curieux: l'eau creuse les roches calcaires, forme des «emposieux» et va cheminer souterrainement pour réapparaître plus loin, dans des rivières qui entaillent profondément le plateau. Après Tarcenay, on ne roule plus sur un itinéraire totalement neuf: la carte d’état-major du XIXe siècle publiée par l’IGN montre une «petite route d’Ornans» qui desservait la Vèze et les Cloutiers par le bois d’Aglans.
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Ornans,
"Venise du Doubs", sur les bords de la jolie rivière
Loue. Un rêve de peintre... d'ailleurs la ville est la
cité natale de Gustave Courbet (photo: Marc Verney, été
1996). |
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SUR LE CHEMIN DES LACS
Les montagnes du Jura sont réputées pour leurs nombreux lacs, torrents et cascades. Notre balade motorisée est créée spécialement pour ce site... (lire) |
Puis, dans un paysage qui va s’animer peu à peu, la chaussée redescend maintenant en serpentant en direction de la vallée de la Loue. C'est le joli ravin du Pré-Noir dans lequel coule la Brême (voir, à gauche, la charmante promenade de la grotte de Plaisir-Fontaine). L'Annuaire départementale du Doubs de 1842 évoque les travaux de rectification de la Route Royale 67 menés dans le secteur: «Ils ont été poursuivis par le vallon de la Loue avec toute l'activité possible; les ateliers ont été organisés dans la 4e section, qui comprend les côtes de la Brême». C’est à la hauteur de l’ancienne tuilerie des Combes-de-Punay (construite en 1839) que l’on retrouve l’ancien tracé de la «route de Saint-Dizier à Lausanne» en provenance de Villers-sous-Montrond. Pour aboutir au val de Loue, le tracé de la chaussée du milieu du XIXe était ici plus direct, longeant au plus près les flancs escarpés du bois de Narpent. La carte de 1891 au 1:200.000 publiée par CartoMundi montre déjà le large virage actuel, validé vers 1855, semble-t-il. Quelques kilomètres plus loin, la route s'ouvre sur la vallée de la Loue, surplombée par le château de la Malcôte. La route d'Ornans se glisse au coeur d'une large vallée, dominée de verdure et d'entablements rocheux parfois impressionnants. La cité d'Ornans, construite sur les deux rives de la Loue s'allonge le long de l'ancienne route nationale (avenue du Président-Wilson et rue Eugène-Cusenier). C'est là que le célèbre peintre Gustave Courbet a vu le jour en juin 1819 (on y trouve d'ailleurs un musée...). Mais Ornans a vu aussi naître l'un des personnages parmi les plus puissants de la Franche-Comté: Nicolas Perrenod (1486-1550). Devenu seigneur de Granvelle et chancelier de Charles-Quint, l'homme a donné à sa région richesse et autonomie. Comme indiqué précédemment, il y avait un itinéraire vers Pontarlier depuis Ornans par Chantrans et Sombacour; dessiné en pointillés (sentier) sur la carte de Cassini du XVIIIe, on y remarque même un relais de poste à Grange-Rouge. Au départ d’Ornans, il passait par le «chemin d’Ully». Le nom d'Ornans apparaît pour la première fois en 1151. Possession des ducs de Bourgogne elle passa dans la maison de Chalon en 1237. Au centre du bourg, le Grand-Pont, qui permet la communication avec la rive gauche, date du XVIIe siècle (Wikipédia).
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Au
pied du village de Lods, une étape fortement recommandée
sur la route de Pontarlier (photo: Marc Verney, été
2009). |
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Vue générale du village de Lods (photo: Marc Verney, juillet
2009). |
On poursuit en direction de Montgesoye. La nationale déclassée s'avance dans un paysage de plus en plus pittoresque. La carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN montre un itinéraire qui remonte la vallée de la Loue jusqu’à Aubonne. Il n’avait certainement pas la qualité de la chaussée qui sera construite au cours du XIXe siècle… A Montgesoye, qui comprend une ville haute et une ville basse, on a défriché les alentours au XIe siècle. «La ville haute, dit le site racinescomtoises.net, se développe autour du château, tandis que la ville basse constitue un bourg dont l'existence est attestée en 1130». Wikisara indique des travaux sur la section Ornans-Vuillafans en 1847. Petite anecdote autour du village de Montgesoye: l'ouvrage Une aventure territoriale: la haute vallée de la Loue, de la vigne, à l'usine et au patrimoine signale qu'en 1913 on y aperçoit la première voiture automobile... «On en compte une dizaine en 1927», et, en 1936, «l'épicerie locale se dote d'une pompe à essence». A partir de là, la vallée de la Loue se resserre. On passe non loin de la clouterie de Haute-Rive, visible sur la carte d’état-major des années cinquante publiée par l’IGN. Voici Vuillafans, un petit bourg dominé par les rebords du plateau, où l’on peut voir un vieux pont pittoresque sur la Loue et de vieilles maisons. Au Moyen Age, la route du sel qui allait de Salins à Montbéliard, y passait en provenance de Chantrans; il était interdit d'utiliser une autre voie afin de limiter la contrebande, écrit Wikipédia. La vallée se resserre encore un peu plus autour du bitume, qui se perd -un tantinet- dans la verdure. On arrive maintenant à Lods, où la construction de la route royale n°67, rectifiée par le vallon de la Loue, lit-on dans l’Annuaire départemental du Doubs de 1844, «a présenté de sérieuses difficultés qui ont été habilement surmontées par M. Kornprobst, ingénieur chargé des travaux. La dépense a été de plus de 160.000 francs. La pierre employée dans la construction de la route provient de la carrière du Seillin; elle est d'excellente qualité». La route passe au pied des maisons qui s'étagent jusqu'à la Loue qui y forme plusieurs chutes. «Autrefois pays de la vigne, écrit le site lods.fr, les vieilles maisons du village, pour la plupart du XVIe siècle, sont bâties sur des caves aux vastes porches». Des forges d’importance furent bâties le long de la rivière dès le XVIIIe siècle, signale de son côté le site racinescomtoises.net. Sur la carte de Cassini (XVIIIe), c’est très certainement la rue du Château qui embraye un ancien itinéraire vers Mouthier-Haute-Pierre en suivant –de haut- le cours de la Loue. Ici, Wikisara nous signale que les travaux de la rectification de la route n°67 (passant non loin du cours d’eau) ont été menés vers 1843.
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Le
site impressionnant de la source de la Loue (photo: Marc Verney,
été 1996). |
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La plaque commémorant la construction de la chaussée. On peut y lire: «Sous le règne de Louis-Philippe Ier, cette route a été ouverte par les soins de M. Victor Tourangin, préfet du Doubs, d'après les plans et les tirages de MM. Goury et Vuillet, ingénieurs en chef. Les travaux ont été dirigés par M. Kornprobst, ingénieur ordinaire. Elle a été inaugurée le 10 août 1845» (photo: Marc Verney,
juillet 2023). |
L'arrivée sur Mouthier n'est pas exempte de charme au printemps, lorsque les cerisiers (on est dans la capitale du kirsch franc-comtois) sont en fleurs... Bâtie en amphithéâtre sur les pentes de la rive droite de la Loue, Mouthier-Haute-Pierre fut très certainement le premier lieu habité de la vallée. Le bourg, écrit le Guide Vert Jura «doit son existence à un monastère de Bénédictins». Nous sommes, en tous cas, dans la partie la plus intéressante du voyage. La route, inaugurée en 1845 (Wikisara), domine en corniche les gorges de la Loue (gorges de Nouailles). Ces étroites gorges sont issues de l'effondrement de la voûte rocheuse qui couvrait alors la rivière. Les à-pics sont vertigineux, les vues, splendides. Plus loin, au carrefour de la Main, une route aisée conduit aux sources de la Loue (une résurgence du Doubs et du Drugeon). Le lieu est très touristique (affluence parfois considérable en été) et est très aménagé (trop?). Une véritable rivière souterraine sort de terre en grondant. La caverne, d'où s'extraient les eaux est haute de 32 m, large de 60 m, ouverte dans une spectaculaire reculée aux parois de plus de 100 m de hauteur. Le fracas liquide est encore plus abondant à l'automne et au printemps. De retour au carrefour de la Main, il nous faut désormais suivre la direction de Pontarlier (R.N.57). La chaussée, nous dit le Guide Bleu Franche-Comté, Monts Jura de 1961, «parcourt un haut plateau de pâturages peu peuplé». Sur les cartes, on remarque de nombreuses rectifications: ainsi, l’ancienne chaussée, au départ de la Main, empruntait le chemin des Champs-Jacquet. En pente douce, c'est ensuite la descente vers Pontarlier, que l'on atteint après avoir franchi le Drugeon au Pont-Rouge dont la reconstruction a été décidée le 27 septembre 1868 par un décret publié dans les Annales des ponts et chaussées actant une dépense «évaluée à 50.000 francs». Ici, des études ont montré l’existence d’une voie antique traversant le plateau de la Vrine en direction de Vuillecin pour ensuite prendre la direction de Pontarlier (Ariolica). On présume que cette voie antique destinée à la communication de l'Italie avec la Gaule séquanaise et passant par Etalans, dit S. E. Hyenne dans l'ouvrage De la corvée en France et en particulier dans l'ancienne province de Franche-Comté, «fut entretenue, parce qu'elle servit de passage aux Bourguignons dans le temps que leurs ducs faisaient la guerre aux Suisses». Ainsi, continue l'auteur, «on peut conjecturer qu'elle ne servait pas moins déjà, avec la route passant par Ornans, d'une double communication pour la Suisse». Notre chaussée de 1959 arrive à Pontarlier par le Petit-Saint-Claude, les Sauges, pour finalement aboutir dans le faubourg Saint-Pierre, face à la porte du même nom, qui date de 1773 et qui symbolise la véritable entrée dans la vieille ville.
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La
porte Saint-Pierre à Pontarlier (photo: Marc Verney,
été 2009). |
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R.N.72:
DU SEL DANS LES SAPINS!
La nationale 72 de 1959 est un vrai dépliant touristique
qui prend naissance dans le val d'Amour en passant par Mouchard,
Salins-les-Bains, Levier, Pontarlier... (lire) |
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RN437: LA-HAUT SUR LA MONTAGNE
La R.N.437 historique relie Belfort à Saint–Claude en traversant le Haut-Doubs et le Haut-Jura... Les beaux paysages y sont légion (lire) |
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SUIVRE LA ROUTE DU COMTE
A Pontarlier, on croise la plus jurassienne des voies touristiques de la région: la "route du comté... On va évidemment en faire tout un fromage (lire) |
Placés au pied du Grand-Taureau (1322 m), bien calés au coin d'une vaste plaine d'altitude, la chaux d'Arlier, les murs de Pontarlier faisaient de l'effet sur l'automobiliste de 1959 qui l'abordait par l'ouest. Aujourd'hui, ses vieilles pierres cachées par d'imposantes zones commerciales aux lueurs criardes, la ville ancienne se fait plutôt discrète. Il faut désormais dépasser cette vaste barrière de néons pour admirer la belle porte Saint-Pierre, emblème de la cité, qui ouvre sur la -très commerçante- rue de la République. Le passé de la ville est «mouvementé», dit le site ville-pontarlier.fr: «La plaine aux portes de la ville, la Chaux d'Arlier, était occupée dès 5000 av. JC. A l'emplacement géographique de Pontarlier, il y avait une occupation gallo-romaine». Le développement du commerce et des communications joue ici un rôle fondamental dans l’émergence d’une cité: toujours selon la même source, Pontarlier, «située au débouché d’une cluse, devient très tôt le passage obligé des échanges entre le nord et le sud de l'Europe via le col de Jougne» et son célèbre péage. Au Moyen Age, Pontarlier est une étape entre les abbayes de Saint-Maurice d'Agaune en Suisse et Saint-Bénigne de Dijon, écrit le site racinescomtoises.net. La ville s'entoure de remparts défensifs au XVe siècle. La région subit de sanglants conflits jusqu'en 1678, date de son rattachement définitif à la France. Après un nouvel incendie de la cité en août 1736, signalent les Mémoires pour servir à l'histoire de la ville de Pontarlier, «on profita de la circonstance pour aligner entièrement la Grand-Rue, former la place devant Saint-Bénigne, percer la rue de Vannolles». A noter que les paysans de la région, au milieu du XIIIe siècle, qui portaient le nom de «barons bourgeois» avaient formé une petite «république», le Baroichage. Une pratique qui disparaît avec l'arrivée de Louis XIV et des Français.
A VOIR, A FAIRE
Une promenade le long de la rue de la République et de ses nombreux commerces. Vous y constaterez que les Suisses sont nombreux à venir faire leur shopping en France voisine... Le musée municipal d'Art et d'Histoire, l'église Saint-Bénigne, la distillerie Guy, où l'on évoquera la grande époque de l'absinthe, la «fée verte», au début du XXe siècle. Il y avait quand même 25 distilleries dans la région en 1905!! Un peu plus loin: la montagne est belle par ici! On peut aller au défilé d'Entreportes (5 km au nord-est), une belle cluse aux pentes couvertes d'épicéas. On peut également monter (prudence) au Grand-Taureau (1322 m), le point culminant de la chaîne du Larmont: très beau panorama jusqu'aux Alpes bernoises (par temps clair). Et puis à quelques encablures, le spectaculaire fort de Joux. |
On quitte Pontarlier par la rue du Faubourg-Saint-Etienne où l’on franchit le Doubs. Puis voici l’avenue de l’Armée-de-l’Est. Non loin de là, en effet, se trouve le monument qui commémore le dramatique repli de cette armée (dirigée par le général Bourbaki) en Suisse devant l'avance prussienne (janvier-février 1871). C'est d'ici que l'on comprend le côté pratique de ces cluses: perçant littéralement les sombres monts, elles autorisent un trafic aisé et «sécurisé». Il faut en effet savoir qu'il n'y pas eu d'autre passage vraiment praticable que celui-ci au travers du Jura jusqu'au XVIIIe siècle (le col de la Faucille est aménagé au début du XIXe)... Après Pontarlier, une borne milliaire datant de la fin du Ier siècle a été retrouvée au lieu-dit Fontaine-Ronde, non loin de la chaussée moderne. Au XIe siècle, La voie Pontarlier-Jougne est d'ailleurs décrite comme la voie normale de pèlerinage vers Rome. Les cartes confirment cet état de fait: Cassini (XVIIIe), publié par le Géoportail de l’IGN, montre un itinéraire vers Jougne par les Hôpitaux-Vieux et les Hôpitaux-Neuf. La carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) désigne sans grand changement, la même voie jusqu’à Jougne.
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L'imposant
fort de Joux (photo: Marc Verney, été 2000). |
Après avoir laissé la route (ancienne R.N.437) de Malbuisson sur la droite, la R.N.67 historique (nationale 57 aujourd’hui) rejoint La Cluse-et-Mijoux, dominée par l'imposante masse du fort de Joux (visite fortement recommandée). Datant du Xe siècle, le château est bâti par les sires de Joux qui veulent contrôler (péage ou confiscation...) le trafic commercial (dont le sel, très important) dans la cluse en contrebas. Réaménagé par Vauban en 1690, le fort a reçu quelques prisonniers célèbres, comme Mirabeau ou le général noir Toussaint Louverture, héros de l'indépendance de Saint-Domingue. Il a aussi protégé la retraite de l'armée Bourbaki en 1871. Au pied du fort, la R.N.67 de 1959 laisse échapper la R.N.67B (D67B en 2011) au niveau du hameau du Frambourg, sur sa gauche, une route qui emmène le voyageur en direction de Neuchâtel (poste frontière aux Verrières-de-Joux). Un peu plus loin, à la hauteur de La Gauffre, une route départementale se dirige vers les Fourgs, un village typique de la région (vastes forêts de sapins). Peu après, la côte des Fourneaux a été «adoucie» en 1843, dit Wikisara. La chaussée s'élève maintenant de manière continue. Ici, c’est la côte des Agettes qui a été aussi «adoucie» en 1842 (Wikisara). Voilà les Hôpitaux-Vieux (1000 m) puis les Hôpitaux-Neufs. Ces noms portent la marque de Jean Ier de Chalon-Arlay, qui crée au XIIIe siècle sur cet itinéraire un hospice destiné aux voyageurs. La route nationale historique a été ici débordée par une quatre-voies qui file directement vers Jougne. On passe non loin de la station de sports d'hiver de Métabief, située au pied du Mont-d'Or (1463 m).
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Ancien panneau dans la commune de Jougne (photo: Marc Verney, été 2020). |
A Jougne, le péage du col n’est supprimé qu’en 1780. Créé en 1288 pour Jean de Chalon par l'empereur «en échange du rétablissement de la viabilité de la voie romaine», le péage de Jougne «a vu passer tous les ballots de draps et de laine échangés entre Venise et la Lombardie d'un côté, la Champagne et la Flandre de l'autre, avec un maximum à la fin du XIVe siècle», écrit Georges Reverdy dans un article de 1990 sobrement intitulé «La traversée du Jura». Jusqu’au XIXe siècle, l'ancien tracé de la chaussée vers la Suisse traversait le village puis suivait une portion de l’actuelle D423 pour ensuite tourner rapidement vers la chapelle Saint-Maurice. Puis, la voie des temps anciens prenait la direction des Echampés pour passer la frontière peu après et atteindre Ballaigues, dans le canton de Vaud. Ce chemin ardu est abandonné en 1847 au profit d'un nouveau tracé par le hameau des Tavins. Pour ce faire, il a fallu raser une partie des fortifications du bourg. En 1849, un entrepôt des douanes est construit le long de la nouvelle route. C'est que l'on approche de la frontière suisse... La chaussée descend rapidement en direction des Ferrières-de-Joux, frontière avec le territoire helvète, terme de notre promenade sur la R.N.67 historique. Là, se déroule un événement de la Seconde Guerre mondiale: l'arrestation du maréchal Pétain le 26 avril 1945, lors de la remise de ce dernier à la France par les Suisses. Depuis Saint-Dizier, nous aurons parcouru 290 kilomètres. On va pouvoir manger du chocolat... suisse!
Marc Verney, Sur ma route, novembre 2020
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