Aujourd'hui, pour quitter Saint-Dizier (Haute-Marne), l'automobiliste qui souhaite aller en direction de Joinville peut compter sur une nouvelle route en partie aménagée jusqu'à Joinville. Mais le départ reste le même: le pont Godard-Jeanson sur la Marne qui ouvre sur la rue Paul-Bert. Au XVIIIe siècle, la carte de Cassini publiée sur le site Géoportail de l’IGN nous montre un tracé à peu près orienté de la même manière (le «chemin de Saint-Dizier à Joinville»). Le passage sur la Marne a ici, toute une histoire. A lire un article de l’archéologue Nicolas Tisserand dans Archéologie médiévale en 2016, il existait un pont en bois au XIIe siècle. Mesurant 7 mètres de large, composé d’au moins cinq travées, l’ouvrage «est peut-être à mettre en lien avec la construction du château des ducs de Saint-Dizier, dont la première mention remonte à 1189 et qui est achevé en 1228». Un pont en pierre voit le jour en 1686, voit-on sur le site saint-dizier.eu. Il est élargi en 1911 «grâce à des finances d’un habitant», M Godard-Jeanson (d’où son nom actuel!). Piégé en 1944 par les Allemands en fuite, il ne sera heureusement pas détruit. Au XIXe siècle, sur la carte d’état-major de l’IGN (1820-1866), de l’autre côté de la Marne, il n’y a que l’abbaye Saint-Pantaléon et des forges; le quartier de Marnaval doit d’ailleurs son existence à cette industrie. Les forges –dans ce quartier- emploient 1350 personnes peu avant le XXe siècle. Prenant maintenant la direction de Roches-sur-Marne, la R.N.67 historique va longer cette rivière sur de nombreux kilomètres.
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R.N.4:
ALLER REJOINDRE LES CIGOGNES
La nationale 4 file plein est vers Strasbourg et le Rhin...
Terres de Champagne, de Lorraine et d'Alsace, nous voilà!
(lire) |
SAINT-DIZIER EN QUELQUES MOTS. Traversée par la R.N.4 Paris-Strasbourg, cette ville industrieuse et un peu grise au premier regard fut, dans les années cinquante une ville de brasseries et de fonderies. Autrement dit, on y coulait le métal et on y buvait des mousses... Longtemps ville-frontière avec l'Empire germanique, Saint-Dizier fut une place militaire convoitée. On s'y bagarra souvent et ce n'est sans doute pas pour rien que les habitants de la cité s'appellent les Bragards (déformation du surnom «braves gars» donné par François Ier qui avait vu les gens de Saint-Dizier braver l'attaquant espagnol). Bon, sinon, la ville a été débaptisée en Belle-Forêt-sur-Marne (charmant!) durant la Révolution française et est le berceau historique des glaces Miko (miam!).
A VOIR, A FAIRE
Le château (aujourd'hui la sous-préfecture), le musée municipal, le musée de la Brasserie, l'église Notre-Dame de l'Assomption, construite au XIIIe siècle, l'église en brique de laitier (scories) de Marnaval, le théâtre à l'italienne de 1865, la maison Parcollet à pans de bois apparents (XVIe siècle), Le quartier marinier de la Noue et ses pittoresques «voyottes» (ruelles étroites). |
Et après la côte aux Chats, la carte de l’IGN des années cinquante nous montre, de l’autre côté de la Marne, la présence d’une ancienne tréfilerie, preuve d’une activité industrielle débordante dans la Haute-Marne, qui était, en 1856, nous dit le site saint-dizier.fr, premier producteur français de fonte, et au cinquième rang national pour le fer. Aux abords de Roches-sur-Marne, la chaussée a été rectifiée vers 1964, nous dit Wikisara. A Eurville, un bourg «dont la première mention écrite du village date de 887 sur un document de l’abbaye de Montier-en-Der», écrit le site ville-eurville-bienville.fr, on peut quitter le tracé contemporain pour s'approcher un peu plus -avec le vieux macadam- des bords de Marne. Sous le nom D335, l'antique nationale traverse alors les villages de Prez, Laneuville, Gourzon, Rachecourt-sur-Marne, Breuil et Chatonrupt. Le passé industriel est omniprésent: centrale hydroélectrique à Prez, encore des forges à Laneuville et à Rachecourt… Au lieu-dit le Châtelet de Gourzon, se trouvait une bourgade gallo-romaine située, indique Wikipédia, «à la croisée de deux voies d'importance moyenne: celle, probable, de la vallée de la Marne (Langres à Perthes) et surtout celle de Segessera (Bar-sur-Aube) à Nasium (Naix-aux-Forges)». A Vecqueville, il faut noter une rectification menée dans la deuxième partie du XXe siècle qui a consisté à arrondir la courbe de la chaussée menant à Joinville.
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Ancienne
plaque de la route n°67 à Gourzon (photo: Marc Verney,
avril 2010). |
Après avoir parcouru 31 km, voilà déjà Joinville, cité également traversée par la R.N.60 historique. On y entre par l’avenue de la Marne et la rue de la Harpe. A l’arrivée, on remarque à droite, nous dit le Guide Bleu de la France automobile, «le château du Grand-Jardin, bâti au XVIe siècle par Claude de Guise». Fondée au XIe siècle, la petite cité, indique un dépliant touristique publié sur le site petitescitesdecaractere.com, bénéficie «d'une position de frontière entre le royaume de France et le Saint-Empire». Au Moyen Age, Jean de Joinville, chroniqueur de saint Louis, fait bâtir les remparts de la ville. A la Renaissance, Claude de Lorraine, premier duc de Guise, façonne la ville à son image en «faisant moderniser le château féodal (...). Il fait ensuite construire un pavillon de fête qu'il entoure d'un vaste jardin». Puis sa veuve, Antoinette de Bourbon, commande la réalisation d’un hôpital. Détruite en 1544 par les soldats de Charles-Quint, la cité poursuit néanmoins son développement avec de multiples embellissements au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Joinville est cependant au cœur des guerres de religion qui secouent la France de l’époque puisque François et Henri de Guise font de la cité un des bastions de la Ligue. Après la Révolution française, Joinville profite de l’essor régional de la sidérurgie qui jouit ici «de l'abondance de bois, de rivières et de la proximité du minerai. L'industrie profite également de l'arrivée des nouvelles voies de communication que sont le canal et le chemin de fer (en 1855)».
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R.N.60:
LES VOIES DE JEANNE...
Entre Orléans et Toul via les belles cités
de Sens et Troyes, voici une route qui vit au rythme de la grande
histoire de France... Jeanne d'Arc, nous voilà!! (lire) |
A VOIR, A FAIRE
Outre une sympathique balade sur les quais de la Marne (quai des Peceaux), on peut visiter le château Renaissance du Grand-Jardin, édifié entre 1533 et 1560 par le premier des ducs de Guise, Claude de Lorraine. Voilà aussi la statue en bronze de Jean de Joinville, biographe de Saint Louis, la chapelle Sainte-Anne (XVIe siècle -on y trouve le tombeau des seigneurs et princes de Joinville), l'église Notre-Dame, dont les parties les plus anciennes datent du XIIe siècle, le musée de l'Auditoire (ancien tribunal seigneurial) où l'on peut suivre les péripéties de l'histoire joinvilloise.
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Pour continuer à suivre l'ancienne R.N.67 (numérotée D200), il faut maintenant prendre la direction de Rupt par la rue de la Pitié et l’avenue Irma-Masson. A Fronville, voit-on sur les cartes du Géoportail de l’IGN, l’ancienne chaussée des XVIIIe et XIXe siècle longeait la côte aux Geais avant d’emprunter la rue des Tilleuls. Ici, l'ancien tracé se confond avec le plus récent et l'on retrouve le trafic pétaradant jusqu'à Gudmont-Villiers (il faut suivre là encore la D200). Les villages de Donjeux et Rouvroy-sur-Marne sont évités. Après le lieu-dit le Pont-Rouge, voilà Provenchères-sur-Marne, la route nous emmène en direction de Vignory. Mais, pour passer la forêt de Boué, les cartes nous montrent deux voies. A l’ouest, contournant largement les bois, se trouve la chaussée du XVIIIe siècle. A l’est, plus directe, on remarque sur la carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) publiée par le Géoportail de l’IGN, une «route à péage» qui évite Vignory en coupant par la côte de la Fromagerie. Cette nouvelle route a été concédée en 1834 par une ordonnance royale publiée dans le Bulletin des lois du royaume de France de février 1835. Depuis le lieu-dit Carolus où l’on retrouve la voie du XVIIIe, notre R.N.67 historique prend la direction de Soncourt-sur-Marne et contournant le bois de Beauregard par la chapelle Saint-Hilaire. Plus loin, c'est à la hauteur de Bologne qu'il faut impérativement quitter la moderne quatre-voies si l'on veut continuer sur la N67 historique (devenue ici encore D200). Au temps des Gallo-Romains, Bologne était une position stratégique sur la Marne, au carrefour de la voie romaine Montsaon-Soulosse, indique l’encyclopédie en ligne Wikipédia. «Durant le Moyen Age, souligne encore Wikipédia, le bourg était chef-lieu d'un pagus mérovingien nommé Boloniensis (ou Bononiensis), puis d'un comté de 757 au XIe siècle, qui avait appartenu aux comtes de Bassigny». «Riche d'un passé industriel considérable (en 1836, la première forge anglaise du département y est installée), Bologne reste une cité industrielle. Ses forges, qui furent colonies pénitentiaires, abritent maintenant l'une des plus importantes usine métallurgique de Haute-Marne», indique de son côté le site tourisme-chaumont-champagne.com. A Bologne, indique Wikisara, une première courte déviation a été mise en service en 1939. C’est l’actuelle D200 alors que la route plus ancienne, qui dessert le centre-bourg, porte, elle, le n°167. A ce niveau, on laisse complètement tomber la moderne quatre-voies N67, qui, oubliant Chaumont, va se raccorder à l’autoroute A5 une poignée de kilomètres plus au sud.
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Ancienne
plaque de la route n°67 à Rupt (photo: Marc Verney,
avril 2010). |
Une ligne droite sur la départementale 200 nous amène ensuite à Brethenay puis au site de Condes. Une rectification de 1967, dit Wikisara, a permis d’y adoucir le virage de la côte Jacquot. Le village jouxte le canal de la Marne à la Saône, projeté au XVIIe siècle et tardivement achevé en 1907. L’ouvrage, précise chemindeleau.com, devait «acheminer la production de fer et de fonte du nord de la Haute Marne vers Lyon» sur 224 kilomètres. Sur cette voie d'eau, pointe le site ville-eurville-bienville.fr, «le sucre de Sermaize croisait les vins qui remontaient du Midi, le charbon du Nord, les cailloux de Gudmont, le sable pour les fonderies locales, les céréales des plaines marnaises»... On peut donc voir à Condes, non loin de la route, une écluse de type Freycinet, un pont-canal sur la Marne et un vaste tunnel à double sens de 275 mètres. Après 3,5 km, la R.N.67 historique entre dans Chaumont par le faubourg de Buxereuilles. C'est dans cette ville que son parcours va se fondre, jusqu’à Langres, dans celui de la route nationale 19 de Paris à Bâle. Le nom de la ville viendrait de sa localisation géographique: Calvus Mons ou «Mont Chauve», voilà qui renvoie à l'éperon abrupt qui domine les vallées de la Suize et de la Marne. Ancienne résidence des comtes de Champagne, Chaumont, née au Xe siècle, a vite pris l'ascendant sur toutes les régions alentours... Ce fut d'ailleurs, au XVe siècle, le repaire des redoutables écorcheurs (brrr!)... Chaumont connaît vraiment un grand essor économique et industriel au XIXe siècle: des ganteries, bonneteries, draperies s'installent. Parallèlement, des voies de communication sont créées: des canaux sont creusés, des chemins de fer construits et le fameux viaduc est édifié en 1856. La ville a un important passé militaire: QG des troupes du corps expéditionnaire du général Pershing en 1917, base aérienne de l'Otan en 1951, plus ancienne école de gendarmerie de France...
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R.N.65:
TONNERRE SUR LOIRE
Entre Bonny-sur-Loire et Neufchâteau, la route n°65 de 1959 relie Auxerre, Chablis, Tonnerre, Châtillon et Chaumont... une voie de caractère! (lire) |
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Le
canal de la Marne à la Saône à Condes (photos:
Marc Verney, avril 2010). |
A VOIR, A FAIRE
Le donjon, dominant la vallée de la Suize est le dernier témoignage du château des Comtes de Champagne, il est considéré comme le «berceau de la ville»; La basilique Saint-Jean-Baptiste (XIIIe-XIVe siècles); La chapelle des Jésuites (XVIIe siècle), remarquable par ses dimensions; juste à côté, une fontaine rend hommage au sculpteur Edme Bouchardon; le viaduc du chemin de fer Paris-Bâle, construit d'août 1855 à novembre 1856 (c'est tout bonnement le plus important ouvrage d'art de ce genre construit en France à cette époque!!); le faubourg des tanneries et le lavoir de Buez (quatre bassins pouvant accueillir plus de 200 lavandières...). |
Pour poursuivre sur la R.N.67 historique, l'automobiliste doit maintenant emprunter la D619/R.N.19 jusqu'à Langres. Si son humeur est à la promenade, il peut emprunter la jolie D143 qui suit la val de Suize jusqu'à Faverolles. Là, il prendra la direction de Rolampont puis de Langres. Langres, un mot d'histoire... ancienne capitale de la tribu des Lingons, Langres se soumet assez vite aux Romains qui en font une de leurs grosses places fortes. Il faut dire que la situation de la cité, juchée sur un contrefort élevé (473 m d'altitude) du plateau de Langres mérite que l'on s'y arrête... Au XVIIe siècle, le géographe Duval déclare même dans son ouvrage Description de la France et de ses provinces (Paris, 1663) que «la ville est dans une assiette si avantageuse et habitée d’un peuple si guerrier qu’elle passe pour la pucelle du pays»... Bigre! La ville s'est peu à peu développée autour de la jonction de trois voies romaines (en direction de Besançon, Bourges et Metz). Plus tard, au Moyen Age, Langres conforte son statut grâce à la religion et à ses évêques: la cité se trouvait au centre d'un immense diocèse s'étendant sur trois provinces: Champagne, Bourgogne et Franche-Comté. C'est à la Renaissance que Langres voit bâtir quelques uns de ses plus beaux édifices, comme la «maison Renaissance». Original: en 1887, la ville inaugure ce qui est le premier train à crémaillère de France...
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R.N.19: PAR ICI L'HELVETIE !
En 1959, il faut parcourir 490 kilomètre pour joindre
Paris à Bâle, en Suisse, en passant par Troyes, Chaumont, Langres,
Belfort et Saint-Louis, non loin de Mulhouse... (lire) |
A VOIR, A FAIRE
Le tour des imposantes fortifications s'impose absolument (vues immenses sur les campagnes voisines), elles s'allongent sur 3,6 km, on compte sept tours fortifiées, six portes et la porte gallo-romaine; la cathédrale Saint-Mammès et son cloître; la maison natale de Denis Diderot et la statue du grand homme réalisée par Bartholdi en 1884. Tout autour de la ville, jolies promenades vers les lacs-réservoir du canal de la Marne à la Saône: lacs de la Liez, de la Mouche, de Charmes. |
Pour continuer sur les traces de la R.N.67 historique, il faut, au sortir de Langres, traverser la Citadelle en direction de Dijon. La route traverse Saint-Geosmes, évite le joli village de Bourg et finit par arriver à Longeau-Percey. Là, un embranchement oriente la route à l'est vers Champlitte alors que la R.N.74 historique file tout droit vers Dijon (lire la suite).
Marc Verney, Sur ma route, novembre 2020
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Encore une belle plaque de la R.N.67 à Saint-Geosmes (photos:
Marc Verney, juillet 2019). |
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R.N.74:
DE L'EAU DANS LE VIN...
En
1959, la route nationale 74 relie l'Allemagne à Paray-le-Monial
(Saône-et-Loire) en passant notamment par Sarreguemines, Nancy,
Langres, Dijon, Beaune... (lire) |
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ENTREE EN COMTE (II)...
La deuxième partie de notre promenade sur le R.N.67 nous emmène vers Champlitte et Gray. Un trajet pour amateur de grands horizons. (lire) |
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