Ce panneau en ciment Michelin situé à St-Parres-aux-Tertres est un peu abimé. C'est hélas le seul de la N19 que j'ai pu rencontrer lors de mon périple sur cet axe. Il a disparu des bords de la chaussée depuis (photo: MV, avril 2007).

Sources et documents: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); De Paris à la Suisse (coll. Les belles routes de France, n°303), Michelin (1954-55); carte n°61 Paris-Chaumont, Michelin (1941, 1970); carte n°66 Dijon-Mulhouse, Michelin (1947); Aux origines d’un département, l’Aube en Champagne, Jean-Louis Peudon, Dominique Guéniot éditions (2003); Bar-sur-Aube en Champagne, Jean-Claude Czmara, Alan Sutton (2005); Bulletin des lois. Partie principale, Imprimerie nationale (1846); Collection de documents inédits sur l’histoire de France, volume 113, n°3, Imprimerie Royale (1874); Guide pittoresque du voyageur en France, tome III, Eusèbe Girault de Saint-Fargeau, Firmin-Didot frères (1838); Guide pittoresque: portatif et complet, du voyageur en France, Girault de Saint-Fargeau, F. Didot frères (1842); Histoire de la ville de Troyes et de la Champagne méridionale (volume 4), T. Boutiot, Dufey-Robert (1874); Langres au XVIIIe siècle, Georges Viard, Société historique et archéologiue de Langres (1985); «La traversée de Bar-sur-Aube au fil des âges», La vie en Champagne n°70 (avril-juillet 2012); Le haut du pavé, Langres à travers ses rues, Gérard Guéniot (2003); L'Escarboucle, bulletin trimestriel d'information du parc régional de la Forêt d'Orient (printemps 2016, n°102); Recueil général des lois, décrets et arrêtés, J.B. Gros, imprimeur de la Cour royale et des Tribunaux (1844); cheminsdememoire.gouv.fr; grand-troyes.fr; jschweitzer.fr; tourisme-chaumont-champagne.com; tourisme-langres.com; ville.barsuraube.org; ville-troyes.fr; sites.google.com/site/darsonvalleon; zerbania.chez.com; Wikipédia, Wikisara. Remerciements: le Géoportail de l’IGN, la BPI du centre Georges-Pompidou, Gallica.

Cette signalisation Michelin a été photographiée en 2010 sur les boulevards extérieurs du "bouchon de champagne" à Troyes. Menant au faubourg Saint-Jacques, la chaussée dessert les routes de Chaumont (R.N.19), Nancy (R.N.60) et Châlons (R.N.77). Photo: MV, janvier 2010.
Panneau indicateur mentionnant la R.N.19 à Montaulin, une quinzaine de km après Troyes (photo: MV, octobre 2010).
Au niveau du lieu-dit les Trois-Moineaux, on voit clairement l'ancienne chaussée devenue simple chemin filer vers Spoy, puis Bar-sur-Aube (photo: MV, octobre 2016).

Localités et lieux traversés par la R.N.19 (1959):
Troyes (N60, N71, N77)
Saint-Parres-aux-Tertres
Lusigny-sur-Barse
Vendeuvre-sur-Barse
Magny-Fouchard
Bar-sur-Aube (N396)
Lignol-le-Château
Colombey-les-Deux-Eglises
Juzennecourt
Chaumont (N65, N67)
Rolampont
Langres (N74)

Plaque indicatrice ancienne au Chânet (Photo: MV, octobre 2010).

A NOS LECTEURS: les photos, textes et dessins de ce site sont soumis au droit d'auteur. Pour toute autre utilisation, contacter l'auteur. Merci de votre compréhension...

Page de l'encyclopédie des routes Wikisara consacrée à la nationale 19 (lire)
La page de présentation de l'historique et de l'itinéraire de la nationale 19 dans l'encyclopédie en ligne Wikipédia (lire)

A VOIR, A FAIRE
Lusigny-sur-Barse: le voyageur motorisé peut aisément partir en excursion depuis ce village afin de visiter la région du parc régional de la Forêt-d’Orient et ses lacs par la départementale 1G (vues, route pittoresque).
Vendeuvre-sur-Barse: le château et le parc (source de la Barse).
Bar-sur-Aube: l'église Saint-Pierre (XIIe siècle) avec sa galerie en bois servant aux marchands au temps des foires de Champagne. Une promenade en ville et les vieilles maisons. La colline Sainte-Germaine et son point de vue (table d’orientation).
Colombey-les-Deux-Eglises: la Boisserie et la dernière demeure du Général de Gaulle (mémorial).
Chaumont: le donjon, dominant la vallée de la Suize est le dernier témoignage du château des comtes de Champagne, il est considéré comme le «berceau de la ville»; la basilique Saint-Jean-Baptiste (XIIIe-XIVe siècles); la chapelle des Jésuites (XVIIe siècle), remarquable par ses dimensions; juste à côté, une fontaine rend hommage au sculpteur Edme Bouchardon; le viaduc du chemin de fer Paris-Bâle, construit d'août 1855 à novembre 1856 (c'est tout bonnement le plus important ouvrage d'art de ce genre construit en France à cette époque!!); le faubourg des Tanneries et le lavoir de Buez (quatre bassins pouvant accueillir plus de 200 lavandières...).
Rolampont: la source de la Tuffière; le joli pont de Prégibert sur la Marne (XVIIIe siècle).

Langres:
le tour des imposantes fortifications s'impose absolument (vues immenses sur les campagnes voisines), elles s'allongent sur 3,6 km, on compte sept tours fortifiées, six portes; à voir aussi, la cathédrale Saint-Mammès et son cloître; la maison natale de Denis Diderot et la statue du grand homme réalisée par Bartholdi en 1884. Les restes d'un arc de triomphe romain se trouvent au pied de la ville. Tout autour de Langres, jolies promenades vers les lacs-réservoir du canal de la Marne à la Saône: lacs de la Liez, de la Mouche, de Charmes. Alentours, on peut aussi visiter certains forts de la ceinture fortifiée du XIXe siècle.


Sortie de Lignol-le-Château (Photo: MV, avril 2007).
Ancienne route royale dans la vallée de la Marne, vers le village de Marnay (Photo: MV, octobre 2016).

Les belles routes de France...
R.N.19: PAR ICI L'HELVETIE! (II)
La deuxième partie de la promenade sur la R.N.19 historique nous fait voyager de Troyes à Langres, soit 130 kilomètres, qui seront effectués dans les département de l’Aube et de Haute-Marne. Dès la sortie du chef-lieu de l’Aube, la chaussée va prendre la direction de la vallée de la rivière du même nom, suivant de très anciens itinéraires déjà connus à l’époque gallo-romaine. Après Provins, Troyes, Bar-sur-Aube sera l’ultime cité des foires de Champagne que nous rencontrerons. Quittant la verdoyante vallée, notre route grimpera ensuite sur un plateau d’aspect austère, dominé par une imposante croix de Lorraine, visible des kilomètres à la ronde… C’est qu’à Colombey-les-Deux-Eglises, il y avait la résidence privée d’un certain Général… Quelques kilomètres plus loin, voilà Chaumont, préfecture de la Haute-Marne, célèbre pour son vertigineux viaduc ferroviaire… Enfin, par la vallée de la Marne, nous rejoindrons Langres, perchée sur sa butte… au point que certains, avant les mesures précises d’altitude, y voyaient là l’une des villes parmi les plus hautes du royaume! Bonne lecture!

La route nationale 19 historique prend des airs bucoliques à l'approche de l'été 2017 (photo: Marc Verney, juin 2017). En cliquant sur l'image vous continuez votre promenade sur la R.N.19...

On quitte à regret la ville de Troyes et son centre ancien vraiment fascinant. En suivant les boulevards circulaires bâtis dès la fin du XIXe siècle (ville-troyes.fr) sur le tracé des anciens remparts du «bouchon de champagne», on arrive à l’avenue du 1er-Mai et au faubourg Saint-Jacques (quartier de Chaillouet). Ce lieu commande à trois directions, les chaussées vers Châlons et de Nancy par Pont-Sainte-Marie et celle de Bar-sur-Aube par Saint-Parres-aux-Tertres (notre R.N.19 historique). C’est donc ici que l’on trouvait aux lisières de Troyes, dès le XIIIe siècle, l’une des plus belles portes fortifiées de la cité, la porte-Saint-Jacques. Elle fut, hélas, détruite fin avril 1832, le conseil municipal considérant que, «la ruine» paraissant «très prochaine», elle offrait «beaucoup de danger pour la circulation, que par conséquent on ne pouvait différer de l’abattre», relate ainsi l’historien local Jacques Schweitzer  dans les colonnes de son site internet Troyes, d’hier à aujourd’hui (jschweitzer.fr). Notre route suit, à droite, le boulevard du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny. Cette «haute chaussée, qui relie le village de Saint-Parres au faubourg de Saint-Jacques, a été élevée de 1755 à 1760. Des prisonniers espagnols y travaillèrent. C'est aussi à cette date que s'élevèrent les ponts de Saint-Jacques et de Saint-Parres», indique l’Histoire de la ville de Troyes et de la Champagne méridionale. C’est que le cours de la Seine passant au cœur de Troyes est un bénéfice pour l’industrie: de multiples canaux ont été creusés au fil des siècles pour amener l’eau là où elle est nécessaire… Mais c’est aussi un danger: les crues peuvent submerger des habitations, ravager des quartiers entiers! Des digues ont donc été érigées, comme celles de Foicy ou du Pont-Hubert (grand-troyes.fr), protégeant les bas quartiers des colères du fleuve depuis son ancien lit, la Vieille-Seine que l’on franchit ici.

Le pont sur la Vieille-Seine, non loin de Saint-Parres-aux-Tertres (photo: Marc Verney, octobre 2016).

R.N.60: LES VOIES DE JEANNE...
Entre Orléans et Toul via les belles cités de Sens et Troyes, voici une route qui vit au rythme de la grande histoire de France... Jeanne d'Arc, nous voilà!! (lire)

R.N.77: AUBE SUR LOIRE...
La route nationale Sedan-Nevers traverse une grande partie de l'est de la France. Ardennes, Champagne, Bourgogne... Un trio de régions pour une superbe promenade! (lire)

R.N.71: LA SEINE SUR UN PLATEAU
La route de Troyes à Dijon nous fait suivre la Seine quasiment jusqu'à sa source... On y découvre de jolis villages bourguignons... (lire)

Après Saint-Parres-aux-Tertres, la R.N.19 historique (D619) emprunte en partie vers Bar-sur-Aube un itinéraire antique reconnu sur les communes de Vendeuvre, Magny-Fouchard, Spoy, Proverville. Elle permettait, écrit L'Escarboucle, bulletin trimestriel d'information du parc régional de la Forêt d'Orient, «la liaison de Troyes avec la voie d'Agrippa. A partir de Vendeuvre, au lieu-dit les Trois-Moineaux, la voie se sépare de la RD619 et se poursuit de façon rectiligne. Elle est nommée "ancienne route de Troyes à Bar-sur-Aube". Elle descend à Spoy par son flanc le plus abrupt, traverse le Landion par le pont gallo-romain de pierre datant du IIe siècle après JC, se poursuit jusqu'à Bar-sur-Aube. Après avoir effectué quelques lacets pour franchir le dénivelé important, la voie atteint Proverville par la rue "vieille route de Troyes". Elle connut un trafic important aux XIIe et XIIIe siècles avec le passage des marchands qui allaient d'une foire de Champagne à l'autre». En tous cas, dans la région, les paysages on bien évolué au fil du temps. Sur les cartes des années cinquante on ne voit pas les grands lacs qui font désormais la fierté de la région... En 1959, entre Lusigny-sur-Barse et Vendeuvre, les cartes montrent, à gauche de la route, la vaste forêt du Grand Orient, à peine trouée de quelques rares étangs. En 2017, voilà les gigantesques lacs artificiels d'Orient et du Temple situés au coeur du parc naturel régional. Les temps changent. Ces immenses étendues d'eau, mises en service à partir de 1966, ont été créées dans le but de réguler le cours de la Seine... et d'éviter des crues trop importantes dans la capitale française. Plusieurs fois par an, on peut également y admirer le vol de milliers d'oiseaux migrateurs qui ont trouvé là le gîte et le couvert... A une quinzaine de kilomètres de Troyes, le bourg de Lusigny-sur-Barse a été le siège d'une poste aux chevaux, transférée en 1685 au Mesnilot, le village voisin (Wikipédia). Peu après le lieu-dit la Maison-Blanche, notre chaussée frôle la Villeneuve-aux-Chênes, village érigé en marquisat sous le nom Villeneuve-Mesgrigny en octobre 1646. «Les Mesgrigny y avaient un château fort au XVIe siècle avec pont-levis, fossé quatre tours, donjon qui fut abandonné au XVIIIe siècle», signale encore Wikipédia. A côté, le village de Champ-sur-Barse porte le nom de Champ-au-Roi sur la carte d’état-major du XIXe publiée par le Géoportail de l’IGN. En 1838, des hauts-fourneaux et des tuileries sont installés dans le village et alentours.

A Lusigny-sur-Barse (photo: Marc Verney, juin 2017).

A Magny-Fouchard (photo: Marc Verney, avril 2007).

Après Magny-Fouchard, en direction de Bar-sur-Aube (photo: Marc Verney, octobre 2016).

Peu avant Vendeuvre-sur-Barse, la R.N.19 historique oblique fortement sur la droite et passe sous le viaduc des Petites-Forges situé sur la ligne Paris-Mulhouse. Vendeuvre est un village très ancien, on y a trouvé un cimetière et un atelier de potier gallo-romains (Wikipédia). Le château, reconstruit au XVIIe, possède la particularité de se trouver juste à l’aplomb de la source de la Barse. Jusqu’au XIXe siècle, la chaussée Paris-Bâle empruntait la Grande-Rue menant directement au château, puis remontait la rue de la Porte-Dorée. Dans les années cinquante, on constate que la R.N.19 contourne le centre et suit l’avenue de la République pour quitter le bourg. Plus loin, c’est donc au lieu-dit les Trois-Moineaux que «l'ancienne route de Troyes à Bar-sur-Aube», utilisée de la période gallo-romaine au début du XVIIIe siècle, part en ligne quasi droite en direction de Spoy. Ce tronçon, toujours parfaitement visible sur la carte d’état-major du XIXe siècle du Géoportail, aux pentes trop «raides» est définitivement abandonné, annonce l’ouvrage Aux origines d’un département, l’Aube en Champagne, «entre 1760 et 1770». Une autre source, la Collection de documents inédits sur l’histoire de France, indique, elle, des travaux entre 1715 et 1720. Quoiqu’il en soit, la nouvelle voie file en direction de Magny-Fouchard et rejoint la vallée de l’Aube à Dolancourt. Après avoir croisé la chaussée en provenance de Brienne (R.N.396 historique), notre R.N.19 historique s’oriente en direction de Bar-sur-Aube. Là, précise encore le livre Aux origines d’un département, l’Aube en Champagne, «tous les grands ponts» sur cette route, dont celui de Dolancourt sur l’Aube, sont réalisés ou reconstruits «dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle».

R.N.396: DELICES DE BOURGOGNE...
Voilà une route qui vous surprendra! Une vraie promenade de plus de 300 km sur un axe qui mérite le label "route buissonnière" (lire)

Pour Eusèbe Girault de Saint-Fargeau, auteur du Guide pittoresque du voyageur en France (1838), nous voici «dans le vallon extrêmement pittoresque de l’Aube, dont le fond, tapissé de prairies, est bordé, à droite et à gauche, à une distance plus ou moins éloignée, de beaux coteaux couverts de vignes, qui se prolongent jusqu’à Bar-sur-Aube». En 2017, cela reste pertinent! Le village vigneron d’Arsonval a très certainement vu passer la grande voie romaine de Langres à Boulogne. Un site personnel (sites.google.com/site/darsonvalleon) reprend les écrits d’un ancien instituteur du bourg, M. Pierre Lafitte: «Cette route, elle aussi comme la R.N. 19, suivait la vallée, mais plus au Nord-Est dans la pente, peut-être pour éviter les inondations de la rivière d'Aube. Certaines parties qui ont été détruites au XIXe siècle se composaient, dit-on, d'un lit de béton et d'un pavé de pierre dressé sur champ au-dessus de ce lit». Ailleville se situe juste avant l’entre de Bar-sur-Aube.

Le pont romain de Spoy, sur l'ancienne route en direction de Bar-sur-Aube (photo: Marc Verney, octobre 2016).

Tout comme Provins ou Troyes, la ville de Bar-sur-Aube, située au pied de la «montagne» Sainte-Germaine où la patronne de la cité fut martyrisée par les Vandales. était, au Moyen-Age, le siège d'une grande foire, attirant des marchands de toute l’Europe. Mais son passé remonte à plus loin: la via Agrippa, entre Langres et Boulogne, y avait un relais, situé au lieu-dit les Etifontaines. Cette voie antique accrochée au premier coteau, écrit un article de La vie en Champagne d’avril-juin 2012, «ne traverse pas la ville mais la contourne. Le site de Segessera (le petit nom de Bar-sur-Aube à l’époque), à l’environnement marécageux, posait trop de problèmes aux constructeurs». Des vestiges nombreux de cette via Agrippa se trouvent «dans le secteurs des Baudes (après la traversée de la Bresse) et sur le chemin de Courcelange jusqu’au finage d’Ailleville». La position-clé de Bar-sur-Aube, au carrefour de la via Agrippa et de son extension vers Troyes (par Proverville et Spoy) explique ici l’existence d’une foire dès 1114. «Le XIIe siècle vit aussi l'essor de l'économie monastique de l'abbaye de Clairvaux», toute proche, lit-on également sur le site ville.barsuraube.org. Les remparts tombent à partir de la fin du XVIIe siècle, remplacés par des boulevards arborés qui assurent la circulation des véhicules les plus lourds. La chaussée du XVIIIe siècle quitte Bar-sur-Aube par le faubourg de Belfort et prend la direction de Lignol-le-Château, laissant la vallée de l’Aube sur sa droite. C’est encore le trajet de la D619 actuelle. Plusieurs sources indiquent que la voie romaine évoquée ci-avant prend, après Segessera, la direction de Langres par Rennepont, Braux-le-Châtel et Richebourg (D102).

Après Bar-sur-Aube, la R.N.19 "succombe" à l'aura du Général de Gaulle et de l'imposante croix de Lorraine perchée sur la butte de Colombey-les-Deux-Eglises (photo: Marc Verney, avril 2016).

La route nationale 19 historique s'élève un peu et atteint un plateau d'aspect sévère et venteux. A Lignol-le-Château, l’ancienne chaussée file tout droit à la sortie du village alors que le tracé actuel contourne la butte par une courbe évitant les dernières maisons. On entre dans le département de la Haute-Marne peu avant Lavilleneuve-aux-Fresnes. Au loin dans la brume, une grande croix de lorraine qui domine tout le paysage. Rien à voir avec un culte quelconque (quoique!), c'est là que se trouve la dernière demeure du général de Gaulle, résistant à l'envahisseur allemand et homme politique français, qui inonde encore de sa massive stature la vie du pays. Voilà donc Colombey-les-Deux-Eglises qui s'annonce, entre deux rangées de labours, petit bourg sans charme, coincé au fond d'une légère dépression de terrain... La sépulture du Géant hexagonal est abondamment signalée, un musée mémorial rappelle les grandes heures gaulliennes... Là, la route Paris-Bâle a toujours contourné la butte par le nord pour ensuite prendre la direction de Juzennecourt. La côte d'Alun marque le début de la descente vers Chaumont, une agglomération née vers le Xe siècle. Après Jonchery, la chaussée du XIXe siècle, dessinée sur la carte d’état-major publiée par le site Géoportail de l’IGN semble filer directement dans le vallon de la Suize par le faubourg des Tanneries. Puis, remonter vers le centre-ville par la rue du même nom après avoir franchi la petite rivière. Les cartes du Géoportail montrent cependant une chaussée qui contourne cette difficulté, passant par le faubourg de Buxereuilles, traversant la Suize et entrant dans Chaumont par les avenues Paul-Doumer et Carnot (D619). Dès les années cinquante, il est néanmoins plus court de suivre à droite, la D65A pour rejoindre le tracé de la route de Neufchâteau à Bonny-sur-Loire (R.N.65 historique) située au pied du viaduc de la ligne ferroviaire Paris-Mulhouse.

A la sortie de Lignol-le-Château, la route bitumée contourne la butte à la différence de l'ancienne chaussée (photo: Marc Verney, octobre 2016).
Après Colombey-les-Deux-Eglises, en direction de Chaumont (photo: Marc Verney, octobre 2016).

On ne peut donc pas rater, aujourd’hui, aux approches immédiates de cette cité, le long viaduc du chemin de fer qui constitue, en travers de la vallée de la Suize, de par ses dimensions, une attraction à lui tout seul: trois étages, cinquante arches, 654 m de longueur et cinquante m de hauteur... Chaumont, écrit en 1842 le Guide pittoresque: portatif et complet, du voyageur en France, est une «ancienne et jolie ville». «Généralement bien bâtie», les rues y «sont larges et propres; quelques-unes sont d'un accès difficile». Pendant longtemps et en raison de sa position, «elle manquait d'eau et on y était réduit à boire celle des citernes; maintenant douze bornes-fontaines et quatre fontaines jaillissantes, alimentées par une machine hydraulique de l'ingénieur mécanicien Cordier distribuent dans la ville les eaux limpides de la Suize». Chaumont-en-Bassigny est, en effet, raconte le guide Michelin n°303 des Belles routes de France, «située sur un promontoire qui surplombe une boucle de la Marne». «En 1814, poursuit l’ouvrage, les Alliés signèrent à Chaumont un traité par lequel ils s’engageaient à ne pas cesser la lutte avant que Napoléon ne fût renversé». Ancienne capitale de la ganterie, précise le site tourisme-chaumont-champagne.com, l’ancienne résidence des comtes de Champagne est «choisie par le général Pershing en 1917 pour y installer le quartier général des troupes américaines en Europe». La route de Bâle sort de Chaumont par le sud, les avenues du Général-Leclerc et de la République. Notre chaussée s’approche désormais de la vallée de la Marne. Là, «il sera procédé à la rectification de la route royale n°19 de Paris à Bâle, dans la côte du Val-des-Ecoliers, près Chaumont», découvre-t-on dans le Bulletin des lois de 1846.

R.N.65: TONNERRE SUR LOIRE
Entre Bonny-sur-Loire et Neufchâteau, la route n°65 de 1959 relie Auxerre, Chablis, Tonnerre, Châtillon et Chaumont... une voie de caractère! (lire)

R.N.67: L'ABSINTHE NOUS FAIT CHOCOLAT!
C'est une route qui a le goût de l'histoire... Entre les foires de Champagne et les monts jurassiens, quelques centaines de kilomètres charmants et à avaler avec joie et passion... (lire)

Détail de l'impressionnant viaduc ferroviaire de Chaumont (photo: Marc Verney, juin 2017).
Atlas de Trudaine (XVIIIe siècle). Route de Troyes à Fayl-Billot, levée par les sieurs Parents, ingénieurs-géographes. Portion de Luzy à Foulain. Document signalé libre de droits.

Un peu plus de six kilomètres après Chaumont, à la hauteur du Moulin-de-Luzy, la route royale du XVIIIe siècle traversait la rivière pour se rendre à Luzy-sur-Marne et se tenir rive droite jusqu’à la hauteur de Foulain. Ici, le Recueil général des lois, décrets et arrêtés indique qu'une ordonnance royale de 1844 a notifié le fait que la «route royale n°19, de Paris à Bâle, sera rectifiée entre Luzy et Foulain au moyen de l'ouverture d'une nouvelle direction qui se développera sur la rive gauche de la Marne». C’est encore la D619 actuelle. Mais les rectifications ne s’arrêtent pas là. Dès la sortie de Foulain et jusqu’à Marnay, la chaussée Paris-Bâle des XVIIIe et XIXe siècles se situe visiblement plus haut sur le coteau. La route nationale 19 historique des années cinquante se rapproche, elle, nettement plus de la Marne, particulièrement à la hauteur de la côte de Creuly. Dans le village actuel de Marnay, l’ancienne voie porte le nom des rues de Chaumont et de l’Hôtel. Puis, passant l’ancien moulin de Trimeule, où le virage est légèrement rectifié, on approche Vesaignes-sur-Marne après avoir longé la côte Saint-Antoine. Quelques kilomètres plus au sud, voilà le bourg de Rolampont. Refaite une première fois en 1750, selon le site Rolampont, un village de Haute-Marne (zerbania.chez.com), la route Paris-Bâle sera déviée du village deux siècles plus tard. Un décret du 11 novembre 1937 déclare d'utilité publique les travaux déviant la R.N.19 à Rolampont. Le but est d'éviter le passage à niveau du village. Mais la carte Michelin n°66 Dijon-Mulhouse de 1947 montre un contournement encore en chantier… Celui-ci est finalement mentionné en service sur le «scan» de la carte d’état-major IGN des années cinquante publié par le Géoportail de l’IGN. Enfin, on ne peut pas passer sous silence cette étonnante séance du conseil municipal de Rolampont, le 22 mars 1925, rapportée par zerbania.chez.com... La municipalité «demande que le goudronnage de la route nationale soit fait sur une largeur de deux mètres seulement»... et cela, «afin de permettre aux voitures agricoles et aux animaux d'éviter autant que possible la surface goudronnée et glissante de la route»! Quelques mois plus tard, les élus reviendront fort sagement sur cette demande, et la chaussée sera entièrement recouverte.

Arrivée à Langres (photo: Marc Verney, juin 2017).

Passé le béton autoroutier du sillon moderne et privatisé A31, la cité de Langres (terme de notre deuxième étape), s’annonce, fièrement campée sur son éperon rocheux... Mais il faut d’abord passer par le village de Humes-Jorquenay, où la Grand-Rue, jadis, faisait office de voie de passage pour la chaussée royale (rectification décidée en 1845). On y traverse la petite rivière Mouche. Maintenant, face à notre capot, la cité de Langres (472 m) a, longtemps, impressionné les voyageurs. Pour beaucoup, avant de précises mesures d’altitude faites en 1776, la cité était située au coeur de l'une des régions les plus élevées d'Europe!! Un fait, explique Georges Viard dans l'ouvrage Langres au XVIIIe siècle, semblait justifier cette allégation: «Quelques unes des plus importantes rivières de France prennent leur source par ici  avant se diriger vers des mers différentes»… Bref, d’une certaine manière, une sorte de château d’eau français! L’approche des murailles de Langres se fait par l’avenue de Chaumont. Celle-ci, raconte l’ouvrage Le haut du pavé, Langres à travers ses rues, «a été construite sur l’ancienne voie romaine». D’ailleurs, «au court des différents travaux de la route de Paris en 1725 et 1836, on y découvre  de nombreux fragments et débris qui témoignent de la présence d’habitations importantes en bordure de la voie». Notre R.N.19 historique entame ensuite la montée vers Langres par l’avenue de la Collinière, l’axe, explique Gérard Guéniot, aménagé en 1750, facilite grandement l’arrivée des voyageurs au sommet de la butte puisqu’il remplace la rectiligne et escarpée rue de Nancy. Puis, voilà la Belle-Allée, esplanade réalisée en 1649, qui permet au véhicule d’entrer à Langres et de suivre le boulevard du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny. On remarque aussi sur les différents plans de la cité l’existence d’une chaussée de contournement des murailles (aujourd’hui l’avenue Jean-Ernest-Darbot). Georges Viard, dans Langres au XVIIIe siècle, dit que cette «véritable rocade extérieure», créée en 1759-60 visait «à relier la route de Chaumont à Langres avec celle de Langres à Dijon et aussi avec celle de Langres à Fayl-Billot sans traverser la ville aux rues étroites et montueuses et au pavé mal entretenu».

R.N.74: DE L'EAU DANS LE VIN...
En 1959, la route nationale 74 relie l'Allemagne à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire) en passant notamment par Sarreguemines, Nancy, Langres, Dijon, Beaune... (lire)

Dès le Ier siècle, Andematunum, la cité des Lingons, fut un important noeud routier. De là, on allait vers Boulogne-sur-Mer, Trèves, Lyon, Besançon, Strasbourg, Auxerre... En tout cas, le coup d’œil sur les  remparts (réparés au XIXe siècle) apportent une folle allure à cette belle oubliée, et donne envie de faire ici un peu de tourisme pédestre. Car l’Histoire est passée par là. Avant Louis XIV, la ville apparaissait comme l’une des «clés» du royaume de France, faisant face à la Franche-Comté, la Lorraine, les Trois-Evêchés, l’Alsace… des régions qui n’avaient pas encore été «happées» par Paris… «La création en 1731 du diocèse de Dijon aux dépens de celui de Langres, contribua au déclin de la ville qui vit alors sa population stagner», écrit le site tourisme-langres.com. Le milieu du XIXe siècle voit revenir la fonction défensive du carrefour langrois. Face à la Prusse conquérante, la cité devient une place-forte de première catégorie et finalement, en 1893, le camp retranché sera constitué de plus d'une quarantaine d'ouvrages (citadelle, 8 forts détachés, 20 batteries et ouvrages d'infanterie, 9 magasins souterrains, 4 puits stratégiques) reliés par 60 km de routes stratégiques, nous précise le site cheminsdememoire.gouv.fr. Notre route nationale 19 historique quitte Langres par le faubourg des Auges et la rue du même nom. Là, raconte Gérard Guéniot dans son livre, il y avait ici autrefois «des sources abondantes» qui «alimentaient une fontaine, un lavoir, un gué pour chevaux»… Après le lieu-dit la Maison-Rouge, la R.N.19 franchit d’un coup la Marne, son canal et la ligne Paris-Mulhouse sur un pont de type bow-string de 209 m de long dont les travaux ont été entrepris en 1939 et achevés en 1948. Il nous reste 202 km à faire jusqu’à Bâle (lire la suite).

Marc Verney, Sur ma route, septembre 2017

R.N.19: PAR ICI L'HELVETIE (III)
De Langres à Bâle, voici notre troisième volet de la promenade sur la route n°19 historique. Bonjour à la Franche-Comté! (lire)