Ancienne borne kilométrique de la nationale 60 à Montargis, sur le pont qui enjambe le canal du Loing (photo: MV, mai 2008).
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Plaque Michelin située à l'entrée de Montargis (photo: MV, mai 2008).
La jonction du canal de Briare avec celui du Loing se fait à Montargis (photo: MV, mai 2008).
SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des Grandes Routes de France, Michelin (1959); carte n°61 Paris-Chaumont, Michelin (1970); carte n°62 Chaumont-Strasbourg, Michelin (1969); carte n°64 Angers-Orléans, Michelin (1966); carte n°65 Auxerre-Dijon, Michelin (1955); Bulletin des lois, Imprimerie royale (1866); Bulletin des lois du Royaume de France, (volume 23), Impr. royale (1842); Dictionnaire topographique du département de l'Aube, comprenant les noms de lieu anciens et modernes, Théophile Boutiot, Emile Socard, Imprimerie nationale (1874); «Formation d'un paysage médiéval dans le Bassin Parisien: Villeneuve l'Archevêque (Yonne)», J. L. Abbé, Archéologie médiévale (1993); Géographie départementale, classique et administrative de la France, département du Loiret, Ernest Badin, J.J. Dubochet, Le Chevalier et Cie (1848); Géographie historique industrielle et statistique du département de la Haute-Marne, Jean Baptiste Carnandet, Simonnot-Lansquenet (1860); Guide Bleu de la France automobile, Hachette (1954); Histoire des routes de France, du Moyen Age à la Révolution, Georges Reverdy, Presses de l'ENPC (1997); Histoire des villes de France (volume 2), Aristide Guilbert, Furne et Cie, Perrotin, Fournier (1845); Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790, Aube, Henry Arbois de Jubainville, archives départementales de l'Aube, J. Brunard (1864); «La forêt domaniale d'Orléans», Xavier Laverne, documents.irevues.inist.fr (1968); La Haute-Marne ancienne et moderne: dictionnaire géographique, statistique, historique et biographique de ce département, Emile Jolibois, impr. Vve Miot-Dadant (1858); «La route royale n°60, alternatives dans le Toulois», Bertrand Hugot, Etudes touloises (2015); «La ville liée à l’histoire des mariniers», La République du Centre (30 juillet 2013); «L’histoire de Dommartin-le-Franc», Elisabeth Robert-Dehault, fontesdart.org (mai 2007); Notice historique sur Brienne, J.-A. Jaquot, Impr. de Fain (1832); Nouveau dictionnaire complet: géographique, statistique, topographique, administratif, judiciaire, ecclésiastique, monumental, historique, scientifique, industriel, commercial et agricole de la France et de ses colonies, Briand (de Verzé), Belin-Liprieur (1839); Recherches historiques sur l'Orléanais (vol. 2), Abbé Patron, Blanchard (1871); Recueil général des lois, décrets et arrêtés, administration du journal des notaires et des avocats (1852); Situation des travaux: 1840, administration générale des Ponts et Chaussées et des Mines, Impr. royale (1841); Situation des travaux, administration générale des Ponts et Chaussées et des Mines (1837); Statistique des routes royales de France, administration générale des Ponts et Chaussées et des Mines, Imprimerie royale (1824); Tableau statistique du département de l'Aube, Claude Louis Bruslé de Valsuzenay, Le Clere(1801); Voyage archéologique et pittoresque dans le département de l'Aube et dans l'ancien diocèse de Troyes, A. F. Arnaud, imprimerie de L.-C. Cardon (1837); bellegarde-45.fr; eaudeparis.fr; histoire-sens-senonais-yonne.com; jschweitzer.fr; my-loire-valley.com; petitescitesdecaractere.com; tourisme-vaucouleurs.fr; 3cbo.fr; ville-troyes.fr. Wikipédia; Wikisara; le Géoportail de l’IGN; CartoMundi.
Sens: très belle borne de pierre de la "route de Nancy à Orléans". La Bourgogne possède un patrimoine remarquable dans ce domaine (photo: MV, juillet 2006).
Sens: le pont sur l'Yonne et l'église Saint-Maurice qui se mire littéralement dans la rivière. (photo: MV, oct. 2005).
ETAT DE LA ROUTE N°60 Au printemps 1930, la carte Michelin n°98ER Etat des routes nous indique les choses suivantes: de Châteauneuf à Courtenay, la R.N.60 est en «bon état durable» avec une chaussée «goudronnée, silicatée ou pavée». Avant Sens, elle est montrée comme «mauvaise». Après, jusqu’à Troyes, on retrouve un «bon état durable», sauf après Villeneuve-l’Archevêque, où elle est qualifiée de «très mauvaise». De Troyes à Piney, c’est à nouveau un «bon état durable», tout comme à son extrémité, de Vaucouleurs à Toul. La portion allant de Brienne-le-Château à Joinville recevant, elle, la mention de «mauvaise». Huit ans plus tard, la carte Michelin Routes rapides et état des routes n°96 nous apporte les indications suivantes: les tronçons Châteauneuf-Montargis et Troyes-Brienne-le-Château sont «rapides» alors que Montargis-Troyes et Brienne-le-Château-Toul reçoivent la qualification de «moyenne». Etonnamment, malgré la guerre, les données lues sur la carte Routes et ponts n°96 de Michelin en 1948 sont les mêmes que dix ans plus tôt. Enfin, la carte Michelin Grandes routes n°98 de 1952-53 signale que la route nationale 60, entre Châteauneuf et Sens, est «bombée», puis «large» et sans problèmes jusqu’à Toul, sauf entre Troyes et Piney, où elle est «mauvaise» en partie.
Plaque de cocher de la "route impériale n°60" à Foissy, dans l'Yonne (photo: MV, juillet 2006).
Belle borne de limites départementales entre l'Yonne et l'Aube (photo: MV, janvier 2010).
Dans l'Aube, même déclassée, la R.N.60 a conservé certains de ses cartouches rouges sur les panneaux (photo: MV, janvier 2020).
Panneau Michelin à la sortie de Troyes; il oriente vers trois grandes anciennes routes nationales, la R.N.19 (Chaumont), la R.N.60 (Nancy) et la R.N.77 pour Châlons. Il est fort possible qu'il ait disparu (photo: MV, janv. 2010).
Longue ligne droite vers Piney (photo: MV, janvier 2020).
Pas étonnant, il y a un boulevard Napoléon à Brienne-le-Château (photo: MV, janvier 2020).

BOURGS ET VILLAGES TRAVERSES PAR LA R.N.60 (1959): Châteauneuf-sur-Loire, Bellegarde, Ladon, Villemandeur, Montargis, La Chapelle-St-Sépulcre, Courtenay, Subligny, Paron, Sens, Malay-le-Petit, Pont-sur-Vanne, Foissy-sur-Vanne, Villeneuve-l'Archevêque, Vulaines, Villemaur-sur-Vanne, Estissac, Fontvannes, Sainte-Savine, Troyes, Pont-Sainte-Marie, Piney, Lesmont, Brienne-le-Château, Soulaines-Dhuys, Trémilly, Nully, Doulevant-le-Château, Dommartin-le-St-Père, Courcelles-sur-Blaise, Dommartin-le-Franc, Nomécourt, Joinville, Thonnance-lès-Joinville, Montreuil-sur-Thonnance, Saudron, Bonnet, Houdelaincourt, Delouze-Rosières, Montigny-les-Vaucouleurs, Vaucouleurs, Chalaines, Blénod-lès-Toul, Toul.
Plaque de la RN60 à Nully, en Haute-Marne. On note la sobriété des mots employés: "Hte- Me", "Rte 60" (photo: MV, janvier 2010).
PLAQUE EMAILLEE DE COLLECTION Il ya quelques années nous passions devant le domicile de José Pillard, un collectionneur de plaques émaillées dans l'âme. Ce qui l'intéressait, nous disait-il à l'époque, ce sont les traces du passé de nos régions: portes-clés, vieux arrosoirs, petites voitures et surtout anciennes plaques émaillées... On ne peut rater son domicile lorsque l'on traverse Doulevant sur l'ancienne R.N.60: les murs de sa maison sont constellés de plaques publicitaires comme celle qui est montrée ci-dessous. En janvier 2020, il y avait toujours autant de plaques émaillées autour de la demeure... (photo: MV, janvier 2010).
Plaque publicitaire émaillée de la marque Dunlop conservée par José Pillard à Doulevant-le-Château (photo: EF, janvier 2010).
Plan d'itinéraire de déviation apposé sur le passage à niveau de Joinville. On y remarque la R.N.60 mais aussi le contournement de la ville par la R.N.67. Ces petits délaissés techniques sont adorables à dénicher (photo: MV, janvier 2020).
A VOIR, A FAIRE
Châteauneuf-sur-Loire: une balade le long des quais de la Loire et le musée de la Marine, situé dans les anciennes écuries du château. Promenades dans la vaste forêt d’Orléans, toute proche, et l’arboretum des Grandes Bruyères à Ingrannes, après Fay-aux-Loges. A l’est, bel oratoire carolingien à Germigny-des-Prés.
Bellegarde: admirer le château, le parc et le porche roman de l’église.
Montargis: il est très agréable de se promener le long des canaux de la ville et d’apprécier les nombreux points de vue sur les ponts… A visiter aussi, les musées Girodet (le peintre) et des Tanneurs.
Sens: l’ancienne capitale de la puissante tribu des Sénons (ils ont quand même envahi Rome…) donne beaucoup à voir, à commencer par la somptueuse cathédrale Saint-Etienne, quasi initiatrice du style gothique… Juste à côté, le musée et le trésor de la cathédrale, installés dans l’ancien palais des archevêques. Le touriste est incité à se promener dans les rues de la vieille ville, le long de la Grande-Rue (nombreuses maisons anciennes).
Villeneuve-l’Archevêque: le village, bâti au XIIe siècle, à l’image des bastides du Sud-Ouest. Promenades dans le pays d’Othe.
Villemaur-sur-Vanne: la collégiale Notre-Dame, construite au XIIe à l’emplacement de la chapelle d’un château. Louis XIV, en route pour envahir la Franche-Comté y fait halte…
Troyes: voilà une cité sur l’eau… Les bras de la Seine et plusieurs canaux donnent à la ville une allure bien particulière que l’on souhaite remettre en valeur aujourd’hui. Le centre-ville, en forme de bouchon de champagne, est considéré comme «le plus bel ensemble citadin médiéval de France». La ruelle des Chats est un bel exemple de voie médiévale avec les maisons débordant en hauteur. La cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul est construite du XIIIe siècle au XVIIe siècle. C’est dans cette église qu’est signé en 1420 le traité de Troyes qui «donne» la France au royaume d’Angleterre; l'église Sainte-Madeleine est la plus ancienne de la ville, c'est l'une des rares en France à avoir un jubé en pierre; la basilique Saint-Urbain est un des témoins majeurs du style gothique dit rayonnant. A voir également, la Cité du Vitrail, qui met en valeur ce patrimoine important de la ville; le musée Saint-Loup (Beaux-Arts et Histoire); la Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière rend hommage au labeur artisan; les musées de Vauluisant évoquent l’art champenois et l’histoire de la bonneterie;les aficionados du shopping se précipiteront dans les magasins d’usine.
Piney: belle halle en bois (XVIe) et église (XVIe-XIXe) abritant le tableau des vœux de la duchesse et du duc de Piney-Luxembourg.
Brienne-le-Château: le musée Napoléon. Non loin, à Brienne-la-Vieille, ancien port de flottage du bois, l’écomusée de la Forêt d’Orient.
Soulaines-Dhuys: promenade le long de la Laine, jolies maisons à pans de bois, chapelle Saint-Jean et résurgence de la Dhuys.
Doulevant-le-Château: les hauts-fourneaux n’existent plus depuis le début du XXe siècle (lieu-dit la Forge). Belles forêts et promenades alentours.
Dommartin-le-Franc: Metallurgic Park, une ancienne unité de production du XIXe siècle, où l’on découvre les secrets de la métallurgie haut-marnaise et le travail de la fonte.
Joinville: le château du Grand-Jardin; l’auditoire (tribunal seigneurial édifié au XVIe siècle); l’église Notre-Dame et la chapelle Sainte-Anne. Non loin: les «lacets de Mélaire», une route touristique d’où l’on a une belle vue sur les alentours.
Vaucouleurs: ici, nombreux sont les rappels de l’épopée de la «Pucelle»… à commencer par le musée Jehanne-d’Arc, puis la Porte de France, qui a vu le départ de la jeune femme en direction de Chinon. Nombreux panneaux explicatifs dans les rues de la ville. Domrémy est à 20 km au sud par la R.N.64 historique.
Blénod-lès-Toul: belle église gothique et ancien palais des évêques de Toul.
Toul: promenade dans le centre ancien (hôtels particuliers et maisons typiques); musée d’Art et d’Histoire installé dans un ancien hôpital du XIIe siècle; la cathédrale Saint-Etienne, dont la construction, entreprise en 1221 a duré trois bons siècles; la collégiale Saint-Gengoult.
Ancienne publicité peinte dans le quartier de la Madeleine à Joinville (photo: MV, janvier 2020).
Vers Vaucouleurs (photo: MV, janvier 2020).
Statue de Jeanne d'Arc à Vaucouleurs, la ville qui a vu son départ vers Chinon (photo: MV, janvier 2010).
Panneau d'indications touristiques du Touring Club de France à Vaucouleurs (photo: MV, janvier 2020).
A Chalaines, l'ancienne route royale coupait tout droit dans la colline (photo: MV, janvier 2020).
Panneau métal à Rigny-la-Salle (photo: MV, janvier 2020).
AUTRES RESSOURCES la page Wikipédia sur la R.N.60 historique; la page Wikisara sur la route d'Orléans à Nancy.
LE «VRAI» VOYAGE DE JEANNE Jeanne d'Arc naît en 1412 à Domrémy, aux marches de la Lorraine, dans une famille de paysans. A l'âge de treize ans, elle «voit» l'archange Saint-Michel qui lui ordonne de conduire le dauphin à Reims pour le faire sacrer et de «bouter les Anglais hors de France»... Du coup, à seize ans, alors que les «voix» ne cessent pas, elle en parle à son oncle, qui l'escorte jusqu'à Vaucouleurs, où elle rencontre Robert de Baudricourt qui ne la prend tout d'abord pas au sérieux. Puis, voyant l’avancée des Anglais autour de son fief, entouré de terres bourguignonnes ou conquises, il décide finalement de l’équiper pour le voyage. En plusieurs étapes de 50 à 60 km, Jeanne franchit la distance séparant Vaucouleurs de Chinon. Elle est vue à Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Auxerre, Gien, Salbris, Romorantin et Loches. «Elle partit de la sorte pour franchir les cent dix lieues qui la séparaient du Dauphin. Voyage pénible et dangereux: il fallait traverser, sur une profondeur de quatre-vingts lieues, une région soumise à la faction anglo-bourguignonne; des bandes de brigands la parcouraient en tous sens, lit-on dans la Revue des Deux Mondes en 1898. Marches forcées, marches de nuit à travers champs, à travers bois, sous la pluie, sous les giboulées, par le dégel, le long des chemins effondrés, périlleux passages de rivières, rien n’étonnait ni n’arrêtait Jeanne. Elle allait droit au but, bien sûre que rien au monde ne pouvait lui barrer la route. Cette foi gagnait ses compagnons, d’abord indécis et craintifs ; "ils ne pouvaient résister à sa volonté". Arrivée à Auxerre, ville bourguignonne, elle entendit dévotement la messe dans la cathédrale, et de là, gagna Gien. Franchissant la Loire, elle atteignait enfin les possessions du Dauphin». Puis Jeanne d'Arc rencontre le roi Charles VII à Chinon. Et, fin avril 1429, elle atteint enfin Orléans. La cité, assiégée depuis six mois par les Anglais, est à deux doigts de capituler. Galvanisés par l'énergie et la foi de celle qui se fait appeler «la Pucelle», il ne faut que dix jours aux troupes du duc d'Alençon pour changer le cours de l’histoire de France, voit-on sur le site tourismeloiret.com.


Les belles routes de France
R.N.60: LES VOIES DE JEANNE
En 1959, la route nationale 60 relie Châteauneuf-sur-Loire (non loin d'Orléans) à Toul en passant par Montargis, Sens, Troyes et Joinville. Ce bel axe transversal nous rappelle un gros morceau de l'histoire de France: car cette chaussée relie Orléans, ville délivrée par Jeanne d'Arc en mai 1429 à la région de Vaucouleurs, où Jeanne, débarquée un an plus tôt de Domrémy, son village natal tout proche, est venue raconter ses visions à Robert de Baudricourt. Celui-ci lui donnant finalement une escorte pour aller voir le roi de France... Et on connaît la suite! Du coup, voilà que ce bout de macadam transversal prend une toute autre allure... Sur ma route vous propose donc de remonter le temps, et de faire un voyage jusqu'aux «sources» de l'épopée de la Pucelle d'Orléans... Mais pas que… car la R.N.60 des années cinquante n’a que peu de choses en commun avec les itinéraires antiques des régions traversées! Un premier reportage avait été publié en janvier 2010… En mai 2020, de nouvelles photos et un texte complètement revu retracent au plus près l’histoire de cette belle chaussée désormais déclassée…

La R.N.60 historique à la sortie de Nully en direction de Troyes (photo: Marc Verney, janvier 2020). En cliquant sur l'image vous continuez sur la R.N.4 vers Nancy.

Tout d'abord, il faut se mettre d'accord sur le point de départ de la route: lors de sa définition, en 1824, elle est qualifiée de «route de Nancy à Orléans, par Troyes», indique la Statistique des routes royales de France. Elle débute à Toul et s’achève à Châteauneuf-sur-Loire. Ce sera le cas jusqu’en 1973, date à laquelle il est décidé de la prolonger jusqu’à Orléans, en amputant un tronçon de chaussée à la R.N.152 Briare-Angers par la rive droite de la Loire. Notre départ se situera donc à Châteauneuf, à 25 kilomètres à l’est d’Orléans. Lieu d'échanges et halte sur la route fluviale de la Loire, la petite cité semble s'être développée depuis au moins le haut Moyen Age, explique Wikipédia. Les lieux font partie du domaine royal dès les premières décennies des Capétiens; le roi Henri Ier y fonde une forteresse au milieu du XIe siècle, expliquant ainsi le nom de la ville. Plus tard, au début du XIXe siècle, la ville compte 200 mariniers, «soit un quart de la population castelneuvienne», lit-on dans l'article «La ville liée à l’histoire des mariniers» publié dans le quotidien La République du Centre, en juillet 2013. Châteauneuf-sur-Loir se place alors au cinquième rang des ports de la Loire et c’est le sel qui est l’un des produits parmi les plus transportés par les navires, indique encore cet article. La R.N.60 de 1959 quitte le bourg par l’avenue Albert-Viger qui prend son élan vers Montargis dès la place Aristide-Briand. Mais ce n’était pas le cas dans les siècles précédents. En contemplant la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN, on s’aperçoit qu’une sorte d’allée remonte sur le tracé actuel de la D2460 jusqu’à un lieu-dit très justement appelé «le Bout-de-l’Allée»… Et après plus rien. Au sud de ce tracé, Cassini nous montre un «chemin de Châteauneuf à Châtenoy» passant par le carrefour du Petit-Four, au cœur de la forêt d’Orléans, puis poussant jusqu’à Bellegarde. Mais ce n’était, semble-t-il pas l’itinéraire de l’époque, que l’on voit se dessiner plutôt par Saint-Aignan-des-Gués, Lorris (où l’on remarque un «faubourg d’Orléans»), Thimory, Lombreuil. Ce semble être aussi l'optique du Nouveau dictionnaire complet de la France qui semble pointer Lorris pour se rendre d'Orléans à Montargis en 1839. Georges Reverdy, dans son Histoire des routes de France, du Moyen-Age à la Révolution, confirme ce point de vue en écrivant que «la nouvelle route d'Orléans à Montargis et à Sens par Courtenay, qui avait un tronc commun avec la précédente jusqu'à Châteauneuf avait un ancien tracé passant par Lorris, mais on avait montré en 1764 qu'il vaudrait mieux passer par Bellegarde»…

UN MONORAIL DE CINEMA L’histoire des transports y a sa place puisque c’est à Châteauneuf-sur-Loire, que l’on a procédé, au début des années soixante, aux essais d’un type unique de métro suspendu monorail, développé par la société Safège transport. Une voie d’essais, longue de 1370 mètres et soutenue par plus de 130 potences, a même vu le jour dès 1959, provoquant la visite dans le Loiret de délégations étrangères venues des Etats-Unis, de Russie… Des projets de ligne sont ébauchés autour de Paris (entre Livry-Gargan et Clichy-sous-Bois et entre Charenton-Ecole et le carrefour de l'Echat à Créteil), signale le site safege.free.fr. Mais, tout est abandonné dès 1966… trop cher! Le site expérimental de Châteauneuf ne servira qu’au tournage du film Farenheit 451 de François Truffaut…

La R.N.60 historique entre Bellegarde et Montargis (photo: MV, janvier 2010).

Dans la direction de Bellegarde, la route nationale historique (D2060), dont les travaux se sont achevés vers la moitié du XIXe siècle (1840-1845, dit Wikisara) entame la traversée d'une portion de la forêt d'Orléans. Avec ses 40.000 ha, c'est l'une des plus importantes forêts de France. Possession royale dès le Haut Moyen-Age, ce massif «fut donné en apanage à Charles II, cette tradition se poursuivant jusqu'en 1814, le dernier bénéficiaire en étant le Duc d'Orléans», écrit Xavier Laverne dans son article «La forêt domaniale d'Orléans». En 1848, toute la forêt devient domaniale. La Seconde Guerre mondiale n'épargne pas les lieux: un maquis, constitué dans les environs de Lorris, s'oppose, à l'été 1944, à la retraite des troupes allemandes. Dix-huit hommes, capturés sans armes au carrefour d'Orléans, seront fusillés sans jugement. Plus à l’ouest, sur le tracé de la R.N.60, au niveau du lieu-dit Chicamour (c’est mignon!), se trouve une demeure bâtie en 1834 au milieu des bois et faisant office de relais de chasse. Encore un peu plus loin, voilà le «pont des Beignets» ou Pont-des-Besniers (ça dépend des cartes) sur le canal d’Orléans. Celui-ci, actuellement hors service, devait servir, au moment de son élaboration en 1676, à évacuer vers Paris le bois de chauffage qui y était coupé. Prolongé entre Orléans et Montargis en 1692, il va difficilement compléter le canal de Briare en raison de son étroitesse et du mauvais état de ses ouvrages d’art jusqu’à son déclassement en 1954.

Ancienne borne de la R.N.60 à Villemandeur (photo: MV, mai 2008).

Après le passage du canal, il faut continuer en direction de Bellegarde, sur la D2160 en négligeant la D2060. «Les premiers habitants de Bellegarde étaient des moines, annonce le site bellegarde-45.fr, la ville s’appelait alors Sosiacum. Après avoir aménagé les terres, essentiellement composées de marais, ils ont entrepris la construction de l’église en 1124». En 1692, le duc d’Antin, fils légitime de la marquise de Montespan, devient seigneur de Bellegarde grâce à un don financier de sa mère. Faisant partie du cercle très fermé des courtisans du Roi Soleil, il est nommé gouverneur de l’Orléanais en 1707 puis surintendant des Bâtiments du royaume par Louis XIV en 1708. A la mort du roi, «il deviendra ministre d’Etat jusqu’à sa mort en 1736», précise encore le site my-loire-valley.com. Il fera réaménager le château de la ville et construire ses cuisines, mais aussi les pavillons d’Antin, de la Salamandre, la surintendance... Aujourd’hui, Bellegarde, consacrée «premier village des roses de France» en 1972, développe, depuis le XIXe siècle, son amour du rosier. On entre dans la petite cité par la route d’Orléans. Puis on va suivre l’avenue du Maréchal-Leclerc jusqu’à Ladon. Là encore, sur cette partie, aucun tracé sur la carte de Cassini publiée par l’IGN. Mais Wikisara signale des travaux à partir de 1837. En 1848, la Géographie départementale de la France, département du Loiret, signale une route n°60 passant par «Bellegarde, Ouzouer-sous-Bellegarde, Ladon, Villemontier, Saint-Maurice-sur-Fessard, Villemandeur et Montargis». A Ladon, l'ouvrage Recherches historiques sur l'Orléanais mentionne cependant, qu'en 1776, «on ouvrit à 2600 toises du village, la route se dirigeant d'Orléans à Strasbourg»... L'histoire ne dit pas quand tout cela fut achevé... Plus loin, jusqu’à Saint-Maurice-sur-Fessard, les itinéraires anciens et modernes se confondent jusqu’au pont sur le canal d’Orléans que notre voie franchit à nouveau. Peu après, le chemin vers Montargis dessiné sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN semble clairement s’infléchir au sud-est vers le lieu-dit le Casseau pour ensuite remonter en direction de Villemandeur et Montargis en utilisant dès la croix de la Lieue une portion de la route de Lorris. Au XIXe siècle, la carte d’état-major (1820-1866) montre une chaussée filant droit sur Villemandeur par le Tourneau, le château de Plateville et les Ponets. C’est aussi la route nationale de 1959.

La plaque de la R.N.60 à Montargis, au carrefour avec l'ancienne R.N.7 (photo: MV, mai 2008).
Indications touristiques à Montargis (photo: MV, mai 2008).

R.N.7: LA ROUTE DES MILLE BORNES
La N7 est sans doute la plus connue de nos nationales historiques. Voilà la plus sympathique des balades vers la Côte d'Azur. A déguster depuis Montargis... (lire)

On entre dans Montargis par l’avenue Henri-Barbusse (D961) et le faubourg d’Orléans. La petite ville porte le surnom imagé de «Venise du Gâtinais» en raison des 130 ponts qui enjambent ses canaux et le Loing. Pour les amateurs de la chose routière, c'est à Montargis que la R.N.60 croise la R.N.7 Paris-Menton, la célèbre «route bleue». Au carrefour de l’avenue Gaillardin et de la rue Jean-Jaurès, on pouvait encore voir au début du XXIe siècle (en levant la tête) les plaques de cocher de ces deux anciennes nationales. Connue au Xe siècle, la petite cité est cédée à Philippe-Auguste en 1188. Montargis est célèbre pour son héroïque défense face aux Anglais, en 1427. En 1845, le centre de la ville, écrit l'Histoire des villes de France, «dégagé de ses lourdes fortifications et délivré de ses eaux croupissantes qui baignaient ses murs, s'offre au regard, environné d'une immense prairie et d'une belle forêt. Les canaux de Briare, de Loing et d'Orléans s'y réunissent. Les maisons de la ville sont vieilles, mal bâties, les rues tortueuses et inégales; mais des eaux vives arrosent ses jardins et la coupent dans tous les sens en une infinité d'îlots. (...) Les bords du canal sont plantés de superbes platanes»... Avant de quitter la ville, on se souviendra que Louis de Régemortes, ingénieur, constructeur de ponts, dont le plus célèbre est celui qui porte son nom à Moulins (Allier), a été un résident de Montargis. Il y est mort et a été enterré dans l'église de la Madeleine. C’est en attrapant la rue du Loing que l’on va pouvoir franchir d’un coup le canal, le Loing et passer sous la déviation de la R.N.7 historique, ouverte en 1965 (Wikisara), pour se rendre ensuite dans le quartier de la Croix-Saint-Jacques avec la rue du faubourg-de-la-Chaussée. De là, l’avenue du Docteur-Schweitzer (D973) pointe sur Courtenay, notre prochaine grande destination. Aussitôt sortis de la cité, nous voici au milieu des arbres de la forêt de Montargis. La carte d’état-major du XIXe publiée par l’IGN mentionne le tracé de la «route d’Orléans à Nancy», qui est –à peu de choses près- fidèle à celui de la D2060 actuelle. L’administration des Ponts et Chaussées indique l’année 1837 dans sa Situation des travaux pour la réalisation du chantier. Sur une nouvelle feuille contiguë à celle de Montargis, la carte de Cassini dessine aussi un chemin vers Sens. Est-ce «l'axe routier utilisé depuis des siècles» signalé par le site 3cbo.fr, de la communauté de communes Cléry, Betz, Ouanne? Après la Chapelle-Saint-Sépulcre, voilà assez rapidement le petit bourg de Courtenay qui fut, nous raconte le Guide Bleu de la France automobile (1954), le siège d'une seigneurie, dont «trois titulaires furent, au XIIIe siècle, empereurs de Constantinople»... Bigre! A l’époque des moteurs, Courtenay est une étape sur la «route buissonnière» (D34) , qui rallie Paris à Lyon par les petites routes… On y entre par la rue Nationale et l’on poursuit notre chemin avec la route de Sens.

Le tracé de la R.N.60 historique est parfaitement visible sur les panneaux Michelin de l'autoroute A6 (photo: MV, janvier 2020).

LE COUP DE LA "ROUTE BUISSONNIERE"
Route alternative et vraiment mignonne pour rejoindre Lyon, la "route buissonnière" sillonne depuis Nemours des régions un peu oubliées et pleines de charme... (lire)

Quatre kilomètres plus loin, la chaussée passe dans l’Yonne (Bourgogne-Franche-Comté) et franchit l'autoroute A6 (ouvert ici en 1967) peu avant Les Dornets. Après le Vernoy, la carte de Cassini (XVIIIe) nous montre un «chemin de carrosse» très différent de la D660 d’aujourd’hui. Pointant sur Egriselles-le-Bocage, il rallie Sens par Collemiers et débouche à Paron où il retrouve, sur la rive gauche de l’Yonne, le tracé de la route du XIXe siècle (qui est aussi celui de la D660). Cette nouvelle chaussée, qui traverse Subligny, a été réalisée à partir de 1837-38, signale l’administration des Ponts et Chaussées dans sa Situation des travaux. La route entre dans la capitale du Sénonais après avoir longé l'Yonne sur deux kilomètres. La rivière est traversée à l’aide de deux ouvrages, le pont du Diable et le pont d’Yonne, qui prennent appui, tous deux, sur l’île du même nom. Le passage de l’Yonne se fait ici depuis longtemps. Une voie antique (aujourd’hui appelée «chemin de César») «poussait» vers Orléans depuis Sens en passant par Dordives, Sceaux-du-Gâtinais, Beaune-la-Rolande… Il y avait forcément, à Sens où alentours, un gué ou un premier pont menant sur la rive droite de l’Yonne, où se trouvait alors l’agglomération gallo-romaine, ancienne capitale du puissant peuple des Senons. Mais, difficile d’écrire l’histoire du franchissement de la rivière en ces lieux. Car l’Yonne a, plusieurs fois, fait évoluer son cours… L’historien Gérard Daguin, au travers des pages du site histoire-sens-senonais-yonne.com, écrit «qu’il est fait mention pour la première fois d’un pont sur l’Yonne dans un diplôme attribué à Clovis mais qui en réalité aurait été rédigé entre 1068 et 1079». Cependant l’emplacement en est vraisemblablement un peu différent de ceux d’aujourd’hui. Car en 1735, un érudit local, le chanoine Fenel signale «qu’on dit qu’autrefois le pont était dans le milieu de l’île Saint-Maurice»… Un propos exact, puisqu’en 1903, précise Gérard Daguin, on retrouve quatre arches d’un pont face à l’actuelle rue Ampère «lors des travaux d’ouverture de l’avenue Lucien-Cornet»… Mais la rive gauche est tout aussi incertaine: pour atteindre l’Yonne, l’actuelle rue Emile-Zola devait franchir une «noue» marécageuse qui allait devenir -au XIXe siècle- la rue Bellocier. Quant au pont du Diable, l’ouvrage qui permet d’aborder l’île d’Yonne, on le dit du XIIIe siècle. Au XIXe siècle, il est en «état de ruines», annonce Gérard Daguin. Et est remplacé en 1840, puis élargi en 1904. De l’autre côte de l’île, juste aux pieds de l’église Saint-Maurice (paroisse des pêcheurs et des mariniers), se trouve le deuxième ouvrage, le pont d’Yonne dont l’existence, dit encore Gérard Daguin, est attestée au XIVe siècle. Cet édifice, «hault et ancien» sera réparé jusqu’en 1739, date à laquelle on lui bâtit un successeur. Au début du XXe siècle, voit-on sur le site histoire-sens-senonais-yonne.com, ce grand pont apparaît comme «un obstacle à la circulation. Son peu de largeur, sa forme en dos d’âne et l’étroitesse du passage entre les arches obligèrent à le remplacer par un pont plus moderne». Si la décision d'engager des travaux intervient en 1906, le chantier est lent à se mettre en place et il sera entravé par les inondations de 1910. Finalement, le pont livré à la circulation le 1er décembre 1912.

Plaque de la R.N.60 historique à l'entrée de Sens (photo: MV, janvier 2010).

R.N.6: LA VOIE DES ALPES
La N6 Sens-Lyon-le Mont-Cenis part à l'asaut de nos plus belles montagnes avant de s'évanouir vers l'Italie. Quel beau songe à saisir depuis la capitale du Sénonais... (lire)

On se trouve désormais face à l'ancienne cité, entourée de boulevards qui reprennent le tracé de l'enceinte romaine. Sens, le nom actuel de la ville vient de la tribu gauloise des Sénons, dont Brennus fut le chef au IVe siècle avant JC. Lors de la conquête de la Gaule, César y fait hiverner six légions, au lieu-dit «le camp de César» au sud de la ville en 53 avant JC. Au Moyen-Age, la ville se place à la tête d’une vaste province ecclésiastique qui englobe les diocèses de Chartres, Auxerre, Meaux, Paris, Orléans, Nevers et Troyes… En 1234, le très pieu roi Saint-Louis épouse Marguerite de Provence dans la belle cathédrale gothique, fraîchement bâtie. Après la grandeur, les ennuis: Sens subit la guerre de Cent Ans, les guerres de Religion, la Révolution française, l'Empire... Le renouveau s'amorce au XIXe siècle avec l'arrivée du chemin de fer. La IIIe République voit se construire le marché couvert, le théâtre et... un très imposant hôtel de ville inauguré le 3 avril 1904 par Camille Pelletan, ministre de la Marine. Au début du XXe siècle, la ville est libérée de ses anciens fossés du Moyen-Age et les vastes boulevards circulaires, agrémentés de parcs et de parkings, servent de promenade ombragée aux Sénonais. Ces larges boulevards fleuris, plantés de 900 arbres, vont nous servir à poursuivre notre voyage en direction de Troyes. On sort de la ville en suivant le boulevard Maréchal-Foch et l’avenue de Lörrach (D660). C'est, sur treize km environ, un trajet commun avec la «route blanche» Paris-Genève. D’ailleurs, dans les années cinquante, ce segment portait bien le n°5. Jusqu’à Foissy-sur-Vanne, la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN montre deux itinéraires: l’un par le Haut-de-Villiers (sans doute le chemin médiéval) et le deuxième par Malay-le-Vicomte (auj. Malay-le-Grand). Ce qui n’est plus le cas au XIXe avec la route réaménagée, qui traverse Malay-le-Petit et le Petit-Villiers. Là encore, la vie moderne a bouleversé les paysages: la belle allée d'arbres qui emmenait le voyageur jusqu'à Malay-le-Petit a été coupée par le ballast de la voie du TGV Paris-Lyon... On laisse ensuite l'ancienne R.N.5 (D905 aujourd'hui) partir sur notre droite à la hauteur du carrefour du Petit-Villiers.

R.N.5: LA "ROUTE BLANCHE"
La N5 Paris-Genève-St-Gingolph se lance, après Sens, à l'assaut du pays d'Othe, ambiances rurales et coins sauvages... La route se perd un peu dans les sous-bois!!! (lire)

L'aqueduc de la Vanne vu depuis la R.N.60 historique. Photo: EF, janvier 2010).

Le bitume suit la Vanne, une petite rivière bien connue des Parisiens puisque les sources de cette vallée fournissent une eau abondante et fraîche par le biais d'un formidable aqueduc de 156 km de long construit entre 1866 et 1874 par l’ingénieur Eugène Belgrand, nous dit le site eaudeparis.fr... Souvent en sous-sol, celui-ci est cependant parfois visible depuis la route! A 24 km de Sens, voilà le gros village de Villeneuve-l'Archevêque, à la frontière des domaines capétiens et champenois. C'est ici que Saint-Louis reçut des Vénitiens en 1239 la fameuse couronne d'épines pour laquelle il construira la magnifique Sainte-Chapelle de Paris… Ce bourg, écrit Wikipédia, est «fondé par l'archevêque de Sens dès le milieu du XIIe siècle, à distance de l’ancienne voie romaine, au bord d'un bief de la Vanne». Construite sur la base d’un plan en damier, à l’image des bastides du Sud-Ouest, Villeneuve-l'Archevêque s’est protégée par une enceinte qui va perdurer du XVIe au XIXe siècle. Cette muraille, à peu près carrée, a inclu aussi bien l’église que la voie antique, qui est aujourd’hui la rue Bréard. En 1177, le roi y a permis l'établissement d'un marché qui devient un des moteurs économiques de la ville. Une halle est construite pour abriter les marchands qui empruntent le «grand chemin» médiéval et viennent y faire commerce; à l’image de sa prospère voisine, Troyes, deux foires sont même instituées le 29 septembre et le 1er décembre. La vigne, ainsi que la draperie, ont longtemps fait vivre l'essentiel de la population de Villeneuve. Grâce à l’ouverture des routes, auberges et commerces se multiplient. «A partir de 1768, un appareilleur des travaux du roi surveille les travaux de construction de la route royale, signale encore Wikipédia. Une brigade de la maréchaussée est installée en 1771 avec quelques cavaliers commandés par un brigadier. En 1778, un maître de poste atteste de l'ouverture de la route royale menant de Sens à Troyes». Jusqu’aux abords de Troyes, les différents tracés des chaussées royal, impériale, nationale… ne vont pas vraiment changer fondamentalement.

Plaque de la route impériale n°60 à Villeneuve l'Archevêque (photo: MV, janvier 2009).
Vers la Grange-au-Rez (photo: MV, janvier 2020).

Les petits villages s’égrènent: Vulaines, Saint-Benoist (et son château)… Voici ensuite Villemaur-sur-Vanne, où un arrêt se justifie pour aller voir une mignonne église avec cloché et jubé en bois datant des XIIIe et XVIe siècles. Durant tout le XIIe siècle, voit-on sur la page Wikipédia de ce village, les lieux sont «le siège d'une seigneurie qui dispose d'un certain relief». Villemaur est, comme Villeneuve précédemment, situé sur la voie antique et médiévale de Sens à Troyes. Peu après, la carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) publiée par l’IGN montre une «auberge du Point-du-Jour» complètement isolée en rase campagne… A 6 kilomètres, se trouve Estissac, qui a, autrefois, porté le nom de Saint-Liébault. On y franchit le Bétrot, un affluent de la Vanne. A seize kilomètres de Troyes, Fontvannes, comme son nom l'indique, se trouve juste sur la source de cette rivière. Après avoir escaladé une petite colline, juste après la Grange-au-Rez, la route dégringole en ligne droite vers Troyes, qui s'étend sur tout l'horizon. Au rond-point, il faut suivre la D661 pour continuer sur la route nationale 60 historique. L'industrieuse capitale de l'Aube est entourée de vastes faubourgs sans grand intérêt. Les habitants proches de la route étaient tenus, sous l’Ancien Régime, de maintenir en état la voirie «depuis le pavé de Sainte-Savine jusqu'au bout des maisons de la Maladière, sur la route de Sens, et le travail était ainsi réparti suivant les termes de l'ordonnance. Ceux qui ont deux chevaux sont tenus de faire deux toises de chemin, de la largeur de deux charrues et de trois pieds de hauteur; ceux qui n'auront qu'un cheval, une toise; et ceux qui n'ont point de chevaux, un quart de toise de même largeur que deux charrues», lit-on dans l'ouvrage Voyage archéologique et pittoresque dans le département de l'Aube et dans l'ancien diocèse de Troyes (1837). Sainte-Savine s’est réellement développée au XIXe siècle avec l’essor de la bonneterie troyenne à partir de 1860. La rue Voltaire franchit les voies du chemin de fer (arrivé ici en 1848) et c’est seulement après ce pont que l'on entre réellement dans l'une des plus belles cités de l'Hexagone. Voilà, dans un secteur central, qui prend la forme d'un bouchon de... champagne (ça pétille!) une incroyable concentration (unique en France) de maisons à pans de bois... nous emmenant à chaque pas au coeur du Moyen Age!! Le premier nom connu de Troyes est gallo-romain: Augustobona. L’ancienne possession de la tribu gauloise des Tricasses est alors «reliée à l’importante voie d’Agrippa allant de Milan à Boulogne sur Mer» écrit le site ville-troyes.fr. Au Ve siècle, miracle… menacée par Attila, Troyes est sauvée par son évêque, saint Loup. «Au XIe siècle, explique encore le site municipal, les comtes de Champagne possédaient un château-fort à Troyes, implanté sur les fondations d’un probable amphithéâtre gallo-romain». La bonne fortune de la ville viendra de cette famille, qui va donner au commerce européen du Moyen Age une impulsion encore visible de nos jours, ce sont les fameuses foires champenoises. Au XIIe siècle «à Troyes, précise ville-troyes.fr, "la foire chaude" de la Saint-Jean débute le 24 juin et celle de la Saint-Rémy, "la foire froide", le 1er octobre durant quinze jours dans le quartier de Saint-Jean, dont l’église est flanquée de logettes accueillant les marchands venant de toute l’Europe». Au XVIe siècle, Troyes est l’une des villes les plus importantes du royaume de France. Cependant, en mai 1524, un incendie ravage le tiers de la ville: 1500 maisons sont incendiées ainsi que trois églises. Mais les chantiers de l’époque donneront le Troyes si typique d’aujourd’hui…

Deux belles vues du centre moyenâgeux de Troyes, un ensemble unique en France (photos: EF, MV, janvier 2010).

R.N.19: PAR ICI, L'HELVETIE!
En 1959, il faut parcourir 490 kilomètre pour joindre Paris à Bâle, en Suisse, en passant par la belle cité de Troyes, Chaumont, Langres, Belfort et Saint-Louis, non loin de Mulhouse... (lire)

R.N.71: LA SEINE SUR UN PLATEAU
Au fil de la Seine, une belle promenade qui nous fait emprunter le trajet de la N71 historique entre Troyes et Dijon. On vous le dit: une sacrée mise au vert... (lire)

Un moment fort de l'histoire de la cité nous amène vers les tribulations de Jeanne d'Arc pour «bouter» les Anglais hors du pays: c'est ici que fut signé le 4 mai 1420 le traité qui livrait la France à l'Angleterre... C'est encore là que la jeune femme a fait étape, le 9 juillet 1429, sur la route du couronnement de Charles VII à Reims... Au XIXe siècle, la révolution industrielle s’installe; débarrassée de ses vieux remparts, la cité devient, raconte le site internet de Troyes «la capitale de la bonneterie et de la maille; les usines se développent sur les terrains inoccupés des faubourgs, principalement au sud-ouest de la ville». Cet «âge d’or» (on ne parle pas encore de la condition ouvrière…) durera de 1885 à 1910. A cette époque, souligne encore ville-troyes.fr, «les fortifications sont rasées et remplacés par des boulevards, les rues sont alignés et le tramway investit la ville». C’est ce qui nous permet –en 1959- de contourner aisément le «bouchon de champagne» qui fait office de centre et de poursuivre notre trajet. Pour l’heure, et jusqu’à Pont-Sainte-Marie, les trajets de la R.N.60 et de la R.N.77 historiques se confondent. On suit donc l’avenue du Premier-Mai, puis l’avenue Robert-Schumann et la rue Roger-Salengro. Ici, les anciens chemins devaient tenir compte des cours d'eau et des risques de crues dans la basse vallée de la Seine... Ainsi, le 15 octobre 1555, découvre-t-on sur le site jschweitzer.fr d’histoire locale, «il pleut en abondance, les eaux passent sur la chaussée qui conduit de Troyes à Pont-Hubert "élevée de plusieurs mètres". On traverse la vallée en bateau pendant 8 jours». Plus tard, souligne le même site, «lors des crues considérables de 1750 et 1754, le maire de Troyes est obligé d’employer pendant plusieurs jours, plus de 200 ouvriers qui sont relevés la nuit, par un pareil nombre, éclairés avec des flambeaux et des pots à feu, pour travailler, sans discontinuer, aux ouvrages de la Seine, à réparer des vannes que les grandes eaux ont considérablement endommagées, et rétablir les chaussées en danger d’être emportées, ce qui aurait causé la ruine des faubourgs et rompu les communications des routes d’Allemagne et de Champagne». On remarque que l’ancien chemin vers Pont-Sainte-Marie pourrait bien être l’avenue des Martyrs-de-la-Résistance qui serpente au milieu du quartier du Labourat. Un panneau d'informations touristiques à Pont-Sainte-Marie explique l'histoire du Pont-Hubert. Il y est écrit que cet ouvrage «permet le franchissement de l'Ecorce, qui est un bras secondaire de la Seine. Aux XIVe et XVe siècles, un moulin servant au tannage des peaux se trouvait à proximité. L'emplacement du pont a été choisi car il s'agissait de l'endroit le plus simple et le plus propice à la construction: espace entre les deux rives le moins large à l'origine. Détruit dans les années soixante (...), il a été remplacé par le pont actuel à proximité du bois de Bon-Séjour».

Au Pont-Sainte-Marie: la R.N.60 part sur la droite, la R.N.77 sur la gauche (photo: MV, janvier 2020).

R.N.77: AUBE SUR LOIRE...
La route nationale Sedan-Nevers traverse une grande partie de l'est de la France. Ardennes, Champagne, Bourgogne... Un trio de régions pour une superbe promenade! (lire)

On quitte Pont-Sainte-Marie et l’agglomération troyenne par l’avenue Jules-Guesde en direction de Creney (D960). Une vaste plaine -la Champagne pouilleuse- s'offre à nos regards... Là, précise le Tableau statistique du département de l'Aube en 1801, «la route de Nantes à Strasbourg, par Sens, Troyes, Lesmont, cesse d'être praticable à deux lieues de Troyes. Il s'y trouve environ trois lieues de poste qui ne sont pas faites». Des travaux achevés «sous la Restauration», conclut le Dictionnaire topographique du département de l’Aube en 1874. Un peu sur la droite du trajet, voilà les grands lacs du parc régional de la forêt d'Orient. Ceux-ci, entre Marne et Seine, servent à «piéger» l'excédent liquide, évitant à la région parisienne d'être trop souvent sous les eaux... Ce sont aussi, désormais, de belles étapes pour les oiseaux migrateurs (et pour les promeneurs du dimanche)... On retrouve d'ailleurs la maison du Parc à Piney. Le nom de ce bourg, dit le site tourisme-champagne-ardenne.com, «vient d'un domaine gallo-romain possédé par Pisinus, établi en ce lieu entre les Ier et IVe siècles près de la voie antique de Troyes à Naix-aux-Forges, appelée aussi ici la "voie des Chapelles". Cette ancienne route constitue d'ailleurs la limite avec la commune voisine d'Onjon», comme c'est souvent le cas avec les tracés romains. Piney était, depuis le XIIe siècle, «une terre de Brienne et suivit donc le destin de cette famille», écrit Wikipédia. Après, ce lieu passe dans les mains des Enghien puis des Luxembourg. De Piney, on s’oriente maintenant en direction de Lesmont, où l’on franchit l’Aube. Le pont de Lesmont, raconte le site tourisme-champagne-ardenne.com, joua un rôle stratégique lors de la campagne de France de 1814. Démoli le 19 janvier, Napoléon donne l'ordre de le reconstruire rapidement, à l'aide du bois de la halle du village. Et l'empereur franchit ce pont dans la nuit du 2 février pour se dérober vers Troyes, après sa défaite de La Rothière. Détruit cette fois par l'armée française, il est à nouveau reconstruit en fin de journée par les Autrichiens, qui utilisent le bois des charpentes des maisons du village... Il faut parcourir 10 km pour atteindre Brienne-le-Château. On longe un ancien aérodrome militaire, qui fut une base aérienne de dispersion américaine, utilisée par l'US Air Force en Europe puis par l'US Army, entre 1955 et 1965... Les fans absolus du fait automobile apprécieront de savoir que c'est là que l'émission «Top Gear France» est tournée depuis fin 2014... Fierté de la petite cité de Brienne-le-Château, maintes fois envahie (Alamans, Normands, Anglais, Prussiens...): le passage du jeune Napoléon Bonaparte dans son école militaire, entre 1779 et 1784. Devenu empereur, Napoléon y revient en 1805 puis en 1814… pour s’y battre contre les Prussiens; c’est une victoire tactique, mais la ville brûle… Des années plus tard, Brienne-le-Château sera encore incendiée en juin 40, durant les durs combats de la bataille de France. La petite cité, «fort ancienne» est divisée en deux parties distinctes, lit-on dans la Notice historique sur Brienne: Brienne-le-Château, et l'autre, plus rapprochée de la rivière d'Aube, Brienne-la-Vieille.

Plaque de cocher à Piney (photo: MV, janvier 2010).
A Brienne-le-Château (photo: MV, janvier 2020).

R.N.396: DELICES DE BOURGOGNE...
Voilà une route qui vous surprendra! Une vraie promenade de plus de 300 km sur un axe qui mérite le label "route buissonnière" (lire)

Par la «route de Joinville», la nationale 60 historique (D960) prend maintenant la direction de Soulaines-Dhuys, la «Venise verte» de l'Aube, dernier village traversé de ce département... La carte de Cassini (XVIIIe) ne mentionne aucun tracé direct jusqu’à Doulevant-le-Château. A la fin du XVIIIe siècle, les débats sont vifs, semble-t-il, sur les travaux à faire pour relier Troyes et Joinville… Les archives départementales de l’Aube gardent trace de «mémoires» rédigés par les notables de Bar-sur-Aube… ceux-ci souhaitant ardemment que «l’on continuât à passer par leur ville pour se rendre de Troyes à Joinville». En 1770, toujours dans ces archives, on voit «qu'il y avait deux projets de tracé de cette route entre Soulaines (Aube) et Nully (Haute-Marne), l'un en ligne droite proposé par l'ingénieur et qui a été adopté, l'autre proposé par les habitants de Soulaines et qui a été rejeté». On l’a déjà vu: dans l’Aube, cette chaussée ne sera achevée que sous la Restauration. En haut de la ligne droite, la route Orléans-Toul entre dans le département de la Haute-Marne. On roule, désormais sur la départementale 60. A notre droite, dès la sortie du petit bois, un imposant édifice s’impose à notre vision… Il s’agit d’un tombeau, construit ici en 1874. Etrange monument, car l’histoire n’a rien retenu des personnes qui y sont inhumées… Situé en haut d’une colline, le village de Trémilly est «traversé par la route impériale n°60» indique Émile Jolibois en 1858 dans La Haute-Marne ancienne et moderne. Voilà ensuite Nully, puis Blumeray: la route, plus étroite, virevolte au milieu de vastes champs. Les arbres qui l’accompagnaient jusque dans les années cinquante (vus sur les photos aériennes de l’IGN) ont tous été coupés! Doulevant-le-Château est atteint deux kilomètres après Villiers-aux-Chênes. «Un château, construit par les sires de Joinville et qui fut détruit vers 1730», valut ce surnom à ce village, indique la Géographie historique industrielle et statistique du département de la Haute-Marne (1860). On a du mal à croire, en voyant ces paysages quasi vides qu'il y avait ici une forte activité industrielle... «De tout temps la fabrication du fer a occupé de nombreux ouvriers dans ce canton. Elle les utilise par l'extraction du minerai, son lavage, son transport, sa fusion et sa transformation en fer. D'autres ouvriers abattent les forêts, carbonisent leurs bois; les charretiers amènent les charbons, les houilles, enlèvent les scories et conduisent au loin les fontes. On ne trouve plus aujourd'hui dans le canton de Doulevant que des hauts-fourneaux pour la fabrication de la fonte», précise encore la Géographie historique industrielle et statistique du département de la Haute-Marne...

Nous voici à la limite des départements de l'Aube et de la Haute-Marne (photo: MV, janvier 2020).
Vers Nully (photo: MV, janvier 2020).
Traversée de Dommartin-le-Saint-Père (photo: MV, janvier 2020).

Deux kilomètres au nord, et voici Dommartin-le-Saint-Père. La route n°60 y tourne sur la droite, empruntant la rue des Ponts (bien nommée) puisque l’on y franchit la jolie rivière Blaise que l’on va suivre jusqu’à Courcelles. Là, l’ancien chemin y passait par la rue Haute. Une légère rectification du tracé y a eu lieu vers 1840, nous dit Wikisara. Il y a encore deux kilomètres jusqu’à Dommartin-le-Franc; on y trouve la confirmation que la vallée de la Blaise est bien l’un des premiers sites industriels du pays. «Au XIXe siècle, écrit Elisabeth Robert-Dehault dans un article sur l'histoire de la région, si l’on en croit l’historien local Jean-Marie Chirol, la Blaise était la rivière de France qui faisait mouvoir le plus grand nombre de forges». Ainsi, apprend-on encore dans cet article, «en 1842, avec 48 sableurs, l’usine (de Dommartin) a produit, malgré la sécheresse, 789 tonnes de fontes marchandes». L’activité s’éteindra dans les années 90. On file vers Nomécourt par «la petite route de Brienne»; c’est ainsi que la voie est dénommée sur la carte d’état-major du XIXe siècle publiée par l’IGN. En chemin, voilà Morancourt. Sur ce tronçon, entre la limite du département de l'Aube et Nomécourt, «on a remplacé neuf cassis par des aqueducs et construit une (nouvelle) chaussée de 255 mètres», précise la Situation des travaux de 1841. Passé Nomécourt, la route descend en direction de la vallée de la Marne en traversant le bois de Joinville. Là, le processus de «rectification de la route n°60 dans la côte de Pré-Jacques et de Nomécourt» -si l’on en croit le décret impérial- a été initié le 16 octobre 1865 (travaux de 1873 à 1877 selon Wikisara). On entre dans Joinville par la rue Camille-Gillet. Fondée au XIe siècle, la petite cité, indique un dépliant touristique publié sur le site petitescitesdecaractere.com, bénéficie «d'une position de frontière entre le royaume de France et le Saint-Empire». Au Moyen Age, Jean de Joinville, chroniqueur de saint Louis, fait bâtir les remparts de la ville. A la Renaissance, Claude de Lorraine, premier duc de Guise, façonne la ville à son image en «faisant moderniser le château féodal (...). Il fait ensuite construire un pavillon de fête qu'il entoure d'un vaste jardin». Puis sa veuve, Antoinette de Bourbon, commande la réalisation d’un hôpital. Détruite en 1544 par les soldats de Charles-Quint, la cité poursuit néanmoins son développement avec de multiples embellissements au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Joinville est cependant au cœur des guerres de religion qui secouent la France de l’époque puisque François et Henri de Guise font de la cité un des bastions de la Ligue. Après la Révolution française, Joinville profite de l’essor régional de la sidérurgie qui jouit ici «de l'abondance de bois, de rivières et de la proximité du minerai. L'industrie profite également de l'arrivée des nouvelles voies de communication que sont le canal et le chemin de fer (en 1855)». Détail amusant, François d’Orléans, le dernier prince de Joinville, le fils de Louis-Philippe, donna son nom à Joinville-le-Pont aux portes de Paris et à... Joinville au Brésil...

A Morancourt, à l'ouest de Joinville (photo: MV, janvier 2020).
A Thonnance. Il est intéressant de constater que cette plaque indique l'ancien tracé de la route par la Houpette, avant sa rectification par Montreuil (photo: MV, janvier 2010).

R.N.67: L'ABSINTHE NOUS FAIT CHOCOLAT!
C'est une route qui a le goût de l'histoire... et des bonnes choses!! Entre les foires de Champagne et les monts jurassiens, quelques centaines de kilomètres charmants et à avaler avec joie et passion... (lire)

On passe la Marne en suivant la direction de Vaucouleurs. Sur des dessins de la cité au XVIe siècle, on voit déjà un pont sur la rivière… Mais la «lecture» des lieux est difficile. Le canal de la Marne au Rhin (mis en service de 1862 à 1907) modifie considérablement l'aspect des lieux... Le quartier de la Madeleine, en direction de Thonnance, se développe au XXe siècle. La route qui s’y trouve, l’avenue de Lorraine, est déjà présente sur la carte de Cassini du XVIIIe siècle publiée par le Géoportail de l’IGN. La ligne droite nous emmène jusqu’à Thonnance-lès-Joinville. Quelques kilomètres plus loin, au niveau du lieu-dit Claire-Fontaine, la «route de Joinville à Vaucouleurs», au XVIIIe siècle, monte rudement sur le plateau pour rejoindre Pansey par la Fortelle. Wikisara nous indique que le chantier de la nouvelle chaussée -qui passe par Montreuil-sur-Thonnance- a été entamé en 1853 et achevé seulement dix ans plus tard. Après Saudron, la route entre dans la département de la Meuse et devient D960. Là aussi, le tracé du XVIIIe siècle a été modifié. De Saudron, la voie ancienne piquait sur Bure et s’orientait vers Bonnet par… la «voie de Bonnet». La nouvelle chaussée évite Bure et traverse Mandres-en-Barrois. Le Recueil général des lois, décrets et arrêtés mentionne la date du 23 janvier 1847 pour la décision d’une modification du tracé de la route allant du pied de la côte de Saut-de-Val (Haute-Marne) à Bonnet (Meuse). Soit quasiment l'ensemble du tracé depuis Thonnance-lès-Joinville… A la hauteur du village de Bure, pratiquement à cheval sur la limite départementale, on trouve le laboratoire de recherche souterrain sur le stockage des déchets fortement radioactifs. Les bâtiments s’égrènent au milieu des champs. A lui tout seul, l’œil ne peut pas rendre compte de ce qui se passe sous nos pieds… Lorsque l'on sait que certains des déchets radioactifs qui seront stockés ici peuvent avoir une durée de nuisances graves se comptant en dizaines de milliers d'années, on frémit... On passe vite à Houdelaincourt, dans la vallée de l’Ornain, où l’on croise la R.N.66 historique, pour suivre le «chemin de Toul», visible sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN. Delouze et Rosières-en-Bois sont rapidement traversées; l’arrivée à Vaucouleurs se fait aujourd’hui par la rue de la Libération, au sud du bourg. Ce n’a pas toujours été le cas, puisque l’on remarque une «ancienne route de Joinville» qui rejoint l’agglomération par le nord. Mentionnée à partir du IXe siècle, la cité «n’a pris de l’importance que sous la protection des sires de Joinville», indique le site villevaucouleurs.com. C’est Etienne de Vaux qui fit construire à partir de 1025 un premier château fort sur les hauteurs de la colline surplombant la Meuse. Rasé en 1056 sur l’ordre de l’évêque de Toul, il fut reconstruit dès 1060 sur l’initiative de Geoffroy 1er, sire de Joinville. Et c’est au XIIe siècle que cette forteresse prit de l'importance sous l’influence de Louis VI le Gros. Puis Charles V rattacha Vaucouleurs à la France et y nomma un gouverneur en 1365.

R.N.66: DE BAR A BALE
La route nationale 66 historique de 1959 relie simplement Bar-le-Duc en Lorraine à Bâle, aux portes du Jura suisse. Une belle promenade à faire en toutes saisons (lire)

Entrée dans la Meuse (photo: MV, janvier 2020).
Au centre de Vaucouleurs(photo: MV, janvier 2020).
Le pont sur la Meuse, avant Chalaines (photo: MV, janvier 2020).

R.N.64: DES ARDENNES AUX VOSGES
La route nationale 64 de 1959 traverse les plus grands champs de bataille français et nous emmène au pied des Vosges par la jolie forêt de Darney (lire)

A Vaucouleurs, nous sommes au coeur de l'histoire de Jeanne d’Arc: en 1429, alors qu’elle est enclavée entre le duché de Lorraine (dépendant du Saint-Empire) et celui de Bourgogne, soumis aux Anglais, la ville est restée fidèle à Charles VII et à la France. C'est pour cette raison, que, faisant le trajet depuis Domrémy, Jeanne d'Arc s'est dirigée vers Vaucouleurs. Dans le bourg, un escalier mène aux restes du château et à la porte de France par laquelle la jeune héroïne partit vivre le 23 février 1429 son épopée. On sort de Vaucouleurs par la rue de la République et l’avenue de Nancy. Une chaussée permet d’atteindre le village de Chalaines, situé de l’autre côté de la vallée de la Meuse. La route est dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe); un pont en pierre sur la rivière daterait de 1731, indique le site tourisme-vaucouleurs.fr. De Chalaines, la route ancienne filait tout droit vers Rigny-Saint-Martin par le Haut-de-Sey. La rectification, qui contourne la butte, est annoncée le 29 juillet 1841 par l’ordonnance royale n°9529. Il faut encore parcourir un peu plus de 20 km jusqu'à Toul. La chaussée se glisse entre les bois et les collines jusqu’à Blénod-les-Toul en Meurthe-et-Moselle. Tout à l’air paisible. Mais c’est autour de ces vastes arpents de bois que les débats sur les ultimes kilomètres de la route n°60 allaient se faire les plus âpres dans les années 1830 à 1840… Construite ici au milieu du XVIIIe siècle, la chaussée de Vaucouleurs à Toul passe en plein cœur de la forêt pour rejoindre Choloy-Ménillot et Toul au niveau du quartier Fabvier et du lieu-dit la Justice. Ce tracé, raconte Bertrand Hugot dans un intéressant article des Etudes touloises, était loin de satisfaire les élites économiques régionales, citant un élu de la région: «C’est par là que devraient s’écouler vers le centre de la France nos vins, nos blés, nos bois de charpente et de sciage… (…) c’est par là aussi que devraient nous revenir les produits de ces fertiles et industrieuses vallées et les richesses des départements méridionaux. Malheureusement, il n’en a pas été ainsi. La partie de cette route qui traverse notre département a été mal tracée entre Toul et Vaucouleurs. Elle parcourt un pays désert qui offre constamment une pente rapide et très fréquemment des côtes dangereuses»… explique ainsi le maire de Bulligny. Le changement d’itinéraire est donc étudié par l’administration des Ponts et Chaussées qui va proposer trois alternatives, signale encore Bertrand Hugot: un tronc commun avec la route de Paris (R.N.4) jusqu’à Foug puis une bretelle allant plein sud par le vallon de l’Ingressin; un second projet qui desservirait Choloy-Ménillot comme l’ancienne route royale mais qui s’orienterait à gauche vers le Val-de-Passey et traverserait les forêts du Chanois puis arriverait au-dessus de Rigny-Saint-Martin, un troisième qui sortirait de Toul par le faubourg de Saint-Evre pour cibler Bénod-lès-Toul en quasi ligne droite pour ensuite remonter vers Rigny-Saint-Martin par la vallée des Quatre-Vaux. On s’en doute, les villages situés sur l’ancien tracé, comme Choloy et Ménillot ne se laissèrent pas faire et les palabres allaient durer… Pour eux, le parcours par Blénod était «plus long de 2774 mètres», et que le passage de la nouvelle voie dans la gorge étroite au milieu du bien nommé «bois des Larrons» allait générer de l’insécurité…

A Blénod-lès-Toul (photo: MV, janvier 2020).

Finalement, en 1839, la commission d’enquête se réunit à Nancy et donne sa préférence pour le tracé par Blénod-lès-Toul, dans la mesure, où, «la commune se prête à certaines conditions d’alignement et d’élargissement dont elle accepterait la charge», rapporte encore Bertrand Hugot… Si les délibérations des communes sont plus partagées, il est quand même décidé de réaliser la nouvelle chaussée. De leur côté, Choloy et Ménillot se consolent avec la mise en service, en 1853, du canal de la Marne au Rhin, qui passe au pied de leur commune… L’ordonnance du roi portant le n°8385 en date du 1er octobre 1839 confirme le projet de passage de la route royale n°60 par Blénod (Meurthe), et indique que «l'offre faite (par cette commune) de contribuer pour 72.000 francs aux frais d'établissement de la nouvelle route, est et demeure acceptée». Blénod-les-Toul est traversée par la rue Joseph-Robin. A gauche de notre voiture, les petits vignobles des côtes-de-toul dominent la route. Au bout d'une longue ligne droite, voilà enfin Toul, ses remparts et sa cathédrale Saint-Etienne... On entre d’abord dans le faubourg Saint-Evre par la rue Albert-Denis. Et c’est au pied des remparts de cette étonnante ville fortifiée par Vauban, Française depuis 1648, que notre R.N.60 historique va rencontrer la route nationale 4 (D400) de Paris à Strasbourg, et cela au niveau de la porte Jeanne-d’Arc, évidemment! On aura parcouru plus de 310 kilomètres depuis Châteauneuf-sur-Loire…

Marc Verney, Sur ma route, avril 2020

Avant d'arriver à Toul, on retrouve les traces d'un vignoble de caractère: les côtes-de-toul, vers Mont-le-Vignoble ou Charmes-la-Côte (photo: Marc Verney, janvier 2010).
Un ultime petit bonus avant d'en terminer avec la R.N.60 historique... ce panneau d'indications routières vu chez José Pillard (photo: Marc Verney, janvier 2010).

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R.N.4: REJOINDRE LES CIGOGNES
La nationale 4 file plein est vers Strasbourg et le Rhin... Terres de Champagne, de Lorraine et d'Alsace, nous voilà! On rattrape le trajet de cette route à Toul (lire)