Avant d'arriver directement à la porte de la Chapelle, le piéton
qui marche vers l'est sur le boulevard Ney remarque une "porte des
Poissonniers". Plus loin, lorsque l'on scrute une carte de Paris,
on remarque, dans le prolongement de cette porte, donnant sur le
quartier des Halles, une "rue des Poissonniers", une "rue du Faubourg-Poissonnière"
puis une "rue Poissonnière"... C'est par cet accès qu'arrivait droit
dans Paris le fameux chasse-marée. Dès le XVIIe siècle en effet,
une véritable organisation industrielle apportait de nuit le poisson
fraîchement pêché à Calais, Boulogne ou Dieppe. Les attelages, formés
de robustes chevaux de race boulonnaise, traînent des remorques
spécialement conçues pour cet usage.
Sur les 240 km du parcours du chasse-marée, on trouve des
relais, dits "relais de marée" tous les 25 kilomètres. A plus de
16 km/h, de nuit, sur des chemins boueux, cette course incroyable
-il fallait débarquer à paris avant 8h- durera jusqu'à l'arrivée
du chemin de fer... Un peu plus loin, voici la porte de la Chapelle.
Ici, le boulevard périphérique est achevé en octobre 1966 entre
la porte de Saint-Ouen et la porte de la Chapelle et en mars 1967
de la porte de la Chapelle à la porte de la Villette.
Dans cette portion, qui évolue au milieu des paysages industrieux
du nord de la capitale, pas de tunnels ni de tranchées. Les voies
sont juchées sur un large talus d'où descendent les voies de dessertes
des différentes portes, qui, elles, sont traversées par d'imposants
ponts. Le chantier du vaste échangeur de la Chapelle sera visité
par le général de Gaulle en mai 1966. Un bel exemple du volontarisme
routier de cet époque que cet échangeur... Les voies se croisent,
s'entrecroisent... déluge de béton et de bitume. Au milieu de tout
cela, la vie humaine se fait minuscule: le piéton est un ovni, frôlé
par les chevaux de métal qui jaillissent en tous sens!
|
Le
gigantesque échangeur de la porte de la Chapelle... Un
hymne au béton et au bitume (photo: Marc Verney, janvier
2011). |
|
R.N.1:
LES PETITES ANGLAISES!
En 1959, la nationale n°1 allait de Paris à Calais. C'était,
par excellence, la voie qui emmenait les Français vers Londres
Mais on passe aussi par Boulogne, l'un des plus grands ports
de pêche français... (lire) |
C'est
de là que part l'autoroute du Nord mais aussi la RN1 historique
vers Boulogne et Calais. Après la porte d'Aubervilliers, voilà la
porte de la Villette. En ces lieux, il est impossible de suivre
de près le tracé du périphérique, qui s'allonge au loin, asphalte
grondant, sillonné de vie artificielle, ourlé de gaz d'échappement
aux fragrances fauves. Il faut donc arpenter l'antique boulevard
Macdonald, creusé en 2011 par les travaux du tramway. C'est peu
de dire que les vues sont massacrées et en perpétuel devenir.
Ici, les polars TV à la française ont fait leur beurre: PJ,
Central nuit, Boulevard du palais, Engrenages, ont utilisé ces
décors-nés pour instiller dans leurs histoires cette dose de "presque"
banlieue pourrie et canaille nécessaire pour faire progresser les
audimats... Voilà maintenant le canal Saint-Denis, au chemin de
halage pavé, luisant sous la bruine d'hiver. La nuit, on croirait
voir l'ombre de Tardi se profiler sous le pont du boulevard. Une
promenade nocturne que je déconseillerai aux âmes sensibles... On
longe des entrepôts éventrés, des immeubles brinquebalants et lézardés,
partout, ces antennes satellites qui pointent vers le sud lumineux...
Il faut vite profiter de ces émotions urbaines, car pointe
déjà ici en 2011 l'armada des promoteurs immobiliers
en quête de terrains à valoriser...
A la porte de la Villette, le boulevard Macdonald bute contre
les voies ferrées du train Paris-Strasbourg. Là aussi, l'histoire
industrielle de la capitale a frappé: inaugurés en 1867 sur 39 ha,
les gigantesques abattoirs de la Villette ont ravitaillé Paris en
viande jusqu'en 1974. Entre 1949 et 1970, différents projets d'agrandissement
de ces abattoirs ont été vivement critiqués pour le dépassement
considérable des coûts. Aujourd'hui, c'est le parc de la Villette
-réalisé en 1986- et la Cité des sciences et de l'industrie que
l'on trouve sur cet emplacement.
On croise ici l'avenue de Flandre et la N2, la route de Laon,
de Maubeuge et de la Belgique. Plus loin, le boulevard des Maréchaux
enjambe le canal de l'Ourcq. Le périphérique vrombissant n'est qu'à
quelques mètres de nous. Initié par Bonaparte, Premier consul, en
1802, ce canal, qui relie la rivière Ourcq depuis Mareuil-sur-Ourcq
dans l'Oise au bassin de la Villette devait sécuriser l'alimentation
de Paris en eau tout en autorisant la circulation des péniches de
fret. Il a failli disparaître dans les années soixante; certains
ingénieurs projetant d'y réaliser une voie de pénétration nord-sud...
|
R.N.2:
LA BELGIQUE EN DROITE LIGNE
La route nationale 2 relie Paris à Maubeuge et conduit,
chez nos voisins belges, à Mons puis à Bruxelles. En passant
aussi par Laon, la belle cité juchée sur sa butte
imposante. (lire) |
Bon...
Il y a des projets à ne plus jamais exhumer, non? L'oeil
est attiré, au loin, par la masse des Grands Moulins de Pantin,
une minoterie créée sur les bords du canal en 1884. Cette formidable
infrastructure industrielle était destinée à alimenter la capitale
en farine à partir des plaines agricoles de la Brie et de la Beauce...
Les moulins tourneront jusqu'en 2003. Le boulevard Sérurier descend
lentement vers la porte de Pantin, dans le XIXe arrondissement.
|
R.N.3:
LES TAXIS DE LA MARNE
La route nationale 3 relie Paris à l'Allemagne
en passant par Verdun et Metz. Que des terres de batailles et
de conquêtes! (lire) |
Là,
arrivait l'avenue d'Allemagne (aujourd'hui avenue Jean-Jaurès)
du centre de la capitale. C'est d'ailleurs de cette porte que part
la RN3 historique, la route de Metz de Forbach et de Sarrebruck.
Les immenses piliers de béton laissent, à droite, la Cité de la
musique. La chaussée périphérique se lance, dès lors, à l'assaut
des pentes menant à la porte des Lilas. A noter d'ailleurs que le
secteur a été couvert par le jardin Serge-Gainsbourg à partir de
2005-2006 pour le plus grand bonheur des tours d'habitation voisines.
Alentours on trouve plusieurs équipements notables: les archives
de la ville de Paris, la piscine Georges-Vallerey (dite "des Tourelles")
construite pour les Jeux olympiques de 1924 et le siège des services
secrets français.
Plus au sud, la porte de Ménilmontant n'offre pas d'accès
au boulevard périphérique. Là, l'anneau est même recouvert d'une
dalle supportant la rue Léon-Frapié. Dans notre champ de vision,
voici maintenant la porte de Bagnolet et son échangeur en forme
de goutte d'eau entourant un vaste centre commercial surplombé par
les twin towers parisiennes: l'ensemble des Mercuriales (1975).
Ici, la "poésie" du béton est à son comble... Cet ensemble faisait
partie d'un projet de quartier d'affaires à établir dans l'est parisien.
Arrêté pour cause de choc pétrolier à la fin des années 70, le projet
laisse finalement deux tours isolées de plus de 140 m (Levant et
Ponant) sur l'échangeur de l'autoroute A3.
|
Nous
voici à la hauteur de la porte de Vincennes. On voit
se dessiner, au loin, dans la brume mécanique, les tours
jumelles de la porte de Bagnolet (photo: Marc Verney, janvier
2011). |
Côté
Paris, voilà quand même un peu de verdure: le square Séverine
fait partie (avec le square de la Butte-du-Chapeau-Rouge et le parc
Kellermann) des rares projets aboutis de la ceinture verte parisienne...
Quelques hectomètres plus loin, voici le vaste rond-point de la
place de la porte de Montreuil. Ici, le boulevard a été achevé -entre
la porte de Montreuil et la porte d'Ivry- en mars 1970. Tout au
long des rues adjacentes: petits vendeurs à la sauvette, brocantes
brinquebalantes... une grande animation colorée mais souvent un
peu misérable. Nous sommes proches du point de jonction,
un lieu situé au carrefour de trois départements, la Seine, la Seine-Saint-Denis
et le Val-de-Marne. Par là, un marché à la vieille ferraille
appelé "les puces" rassemblait près de 700 marchands en 1887.
A la porte de Vincennes, le périphérique croise la nationale
34 historique, une chaussée qui mène à Lagny-sur-Marne et Coulommiers.
Puis le boulevard longe fidèlement les limites de l'agglomération
de Saint-Mandé avant de déboucher en tranchée dans le bois de Vincennes
à la hauteur de la porte Dorée. De vastes ouvrages bétonnés isolent
la chaussée périphérique des allées du bois et l'on redécouvre les
voies bitumées à la porte de Charenton, point de départ de la route
blanche Paris-Genève,
parcourue assidument par le site Sur ma route...
|
R.N.5:
LA ROUTE BLANCHE
Suivre la N5 historique Paris-Genève , c'est faire
l'une des plus belles balades routières de France. Et
quels étapes gastronomiques... fromages de Brie, vins
de Bourgogne et du Jura... (lire) |
|
Ancienne
signalisation vers la porte de Charenton (photo: Marc Verney,
janvier 2011). |
Ici,
le promeneur doit laisser partir le BP en direction de la porte
de Bercy. Pour continuer ce trek urbain pas banal, il
faut aller vers les Maréchaux, marcher le long du boulevard Poniatowski
au-dessus des voies de chemin de fer du Paris-Lyon. C'est là, dans
ce décor industrieux, que l'oeil exercé peut encore déceler les
bribes fortifiées de l'enceinte de Thiers. Début 2011, cet endroit
est en pleine recomposition urbaine en raison des travaux du tramway
sur le boulevard des Maréchaux. Le passage de l'engin de métal va
notamment condamner le passage souterrain de la porte de Charenton
qui avait été mis en service en octobre 1964.
Nous voilà sur le pont National (188 m de long), jeté sur
la Seine entre 1852 et 1853. Celui-ci, routier et ferroviaire, a
été bâti avec les crédits utilisés pour construire le chemin de
fer de petite ceinture. Au loin, le pont amont du périph', construit,
lui, de 1968 à 1969. On devine, sur la gauche, dans la poisse grisâtre
de cette soirée d'hiver, les spaghettis bétonnés de l'échangeur
de la porte de Bercy (N4 historique). Le journal l'Aurore,
du 5 février 1969, nous indique que les bretelles souterraines de
l'échangeur furent équipées d'un système sophistiqué de pompage
accélérant la remise en service des chaussées après une crue de
la Seine.
|
R.N.4:
REJOINDRE LES CIGOGNES
La nationale 4 file plein est vers Strasbourg et le Rhin...
Terres de Champagne, de Lorraine et d'Alsace, nous voilà!
(lire) |
|
Le
pont amont du boulevard périphérique sur la Seine
vu depuis le boulevard des Maréchaux (photo: Marc Verney,
janvier 2011). |
|
R.N.19:
PAR ICI L'HELVETIE!
En 1959, il faut parcourir 490 kilomètre pour joindre
Paris à Bâle, en Suisse, en passant par Troyes, Chaumont, Langres,
Belfort et Saint-Louis, non loin de Mulhouse... (lire) |
Après
avoir franchi les voies de la gare d'Austerlitz au niveau du
quai d'Ivry (N19 historique), l'anneau périphérique monte à l'assaut
de la porte d'Ivry. La mise en service de la portion du boulevard
allant de la porte d'Ivry à la porte d'Italie s'est réalisée de
janvier à juin 1968. C'est à la porte d'Italie (point de départ
de la N7 Paris-Côte-d'Azur), qu'en août 1944 sont entrés dans Paris
les premiers éléments de la 2e DB du général Leclerc. Encore un
peu plus loin, un peu avant la porte de Gentilly, la poterne des
Peupliers laisse entrer dans Paris la rivière Bièvre (hélas désormais
enfouie!). A la porte de Gentilly, on voit sur la droite du boulevard
périphérique (ici réalisé depuis avril 1960), le stade Charletty
où se trouvent les bureaux du comité olympique français. Enfin,
concluant notre promenade circulaire, voici, jouxtant le boulevard,
la Cité internationale universitaire de Paris et ses magnifiques
bâtiments, construits de 1922 à 1969 sur 35 ha grâce à l'action
initiale d'Emile Deutsch de la Meurthe, un industriel -éclairé-
passionné de savoir. La boucle est bouclée...
|
R.N.7:
LA ROUTE DES MILLE BORNES
La N7 est sans doute la plus connue de nos nationales
historiques. Voilà la plus sympathique des balades
vers la Côte... (lire) |
|
Le
périphérique parisien, entre la porte de Gentilly
et la porte d'Orléans (photo: Marc Verney, janvier 2011). |
|
Vu
depuis la passerelle de la Cité universitaire, le raccordement
de l'autoroute A6 au boulevard périphérique parisien
(photo: Marc Verney, janvier 2011). |
|
Aller
vers la partie partie ouest (on fait les intérieurs): de
la porte d'Orléans à la porte de la Chapelle.
(ici sur le site
Sur ma route). |
Marc
Verney, Sur ma route, mars 2011
|