Notre périple commence dans un toussotement. Nous voilà à
la porte d'Orléans, enserrés dans une masse métallique mouvante
et bruyante. C'est un dimanche de retours de week-end. Les Parisiens
sont nombreux à tenter de se faufiler entre les rames du moderne
tramway qui sillonne désormais le boulevard des Maréchaux... Mais
auparavant, il faut entrer dans Paris par l'autoroute du Sud...
Et là, depuis 1960, le trafic se concentre sur un triangle de bitume
infernal où convergent les véhicules venus d'Orly, de Longjumeau
(RN20) et de la RN7 au sud de Corbeil... Mais en 1954, un projet
prévoyait d'amener l'autoroute directement au coeur de la capitale
à la place Denfert-Rochereau!
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R.N.20:
LIMOUSINES EN PYRENEES
La N20 de 1959 relie Paris à l'Espagne en passant par...
Orléans, Limoges, Toulouse... une route qui coupe la France
en deux du nord au sud. Une sacrée chevauchée...
(lire) |
Tentative
heureusement retoquée par le Conseil municipal... Ici, le bitume
du périph' a été inauguré le 12 avril 1960 (tronçon partant de la
porte d'Italie en direction de la porte de Châtillon). Le double
anneau longe le cimetière de Montrouge avant d'arriver à la porte
de Châtillon d'où s'extrait la départementale 906, l'ancienne RN
306 qui emmenait l'automobiliste vers la vallée de Chevreuse en
passant par le fameux carrefour du Petit-Clamart (l'attentat contre
le général de Gaulle). Dans l'ouvrage, Boulevard périphérique,
premier tronçon, on apprend notamment que "la hauteur libre
sous les ouvrages d'art a été fixée à 4,75 m de manière à permettre
le passage des convois militaires"... C'était encore la Guerre
froide!
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La
tranchée du boulevard périphérique après
la porte de Montrouge en direction de l'ouest. Sur cette ancienne
portion du boulevard, il n'y a que trois voies de circulation.
Les embouteillages sont fréquents (photos: Marc Verney,
janvier 2011). |
Le
projet initial du boulevard circulaire comprend deux pistes
à sens unique de 10,50 m chacune, séparées par un terre-plein central
de deux ou trois mètres. Cette largeur est suffisante pour recevoir
trois files de circulation pouvant supporter un débit horaire de
9000 à 10 000 véhicules. Après la porte de Vanves (atteinte en septembre
1962) et la porte Brancion (où le périph' passe sous les voies ferrées
venant de la gare Montparnasse), voilà la porte de la Plaine (inauguration:
novembre 1963).
C'est dans le coin que les premiers travaux d'une voie circulaire
large de 24 m autour de la capitale ont été menés en 1943. Initiés
par le gouvernement de Vichy, qui procède à l'expropriation des
terrains de la zone non édifiée, ce chantier devait bâtir
une voie desservant les terrains de sport bâtis sur la ceinture
et relier les bois de Boulogne et de Vincennes. Ce projet d'axe
n'est alors qu'une extrapolation des Maréchaux: voirie de plain-pied,
croisements en souterrain, pistes centrales à grande vitesse, contre-allées
pour la desserte locale. Mais les soubresauts de la guerre font
avorter le projet.
Juste après la porte de la Plaine, le boulevard traverse
le parc des expositions de Paris sur un viaduc long de 866 m (secteur
inauguré en septembre 1964). A noter l'entrée triomphale de quatre
tours -réalisée par l'architecte Léon Azéma- de ce parc inauguré
en 1926. Dans ce coin, il y avait de nombreuses carrières
de pierre, qui ont notamment contribué à bâtir
le palais des Tuileries. Tout s'est arrêté en 1860
avec l'annexion du lieu par la ville de Paris. De toutes manières,
c'était dangereux... les maisons déjà construites
s'affaissaient en raison des cavités souterraines...
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A
la porte de la Plaine, derrière le parc des expositions
de Paris, il reste trois anciens panneaux Michelin en lave émaillée,
dont celui-ci, au beau milieu du rond-point (photo: Marc Verney,
janvier 2011). |
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Les
voitures traversent le parc des expositions de Paris sur un
viaduc long de 866 m (photo: Marc Verney, janvier 2011). |
Encore
un petit peu plus loin, voilà, au niveau de la porte de Sèvres,
l'héliport de Paris. C'est, à l'origine, en 1903, le terrain d'aviation
d'Issy-les-Moulineaux. On y mène les premières expériences aéronautiques
et on y construit -durant la guerre 14-18- des hangars à dirigeables.
Juste à côté, de nombreux bâtiments du ministère de la Défense dont
le vaste immeuble abritant les services techniques des constructions
navales; un ouvrage d'Auguste Perret réalisé en 1931. A l'intérieur,
on y trouve de vrais petits océans, capables de réaliser en miniature
les conditions de navigations de navires-maquettes expérimentaux!!
On ne visite pas. Dommage!
Il faut maintenant, après le quai d'Issy, traverser la Seine
sur le pont aval, inauguré en 1968. Nous voici à la porte de Sèvres
où le boulevard laisse échapper vers Boulogne, sur sa gauche, la
nationale 10 historique, la route de Bordeaux. Encore un tout petit
peu plus loin, c'est la route de la Reine qui s'échappe de l'anneau
parisien. L'ancienne nationale 307 emmène les automobiles vers le
pont de Saint-Cloud et le tunnel de Saint-Cloud, porte de l'autoroute
de l'ouest, achevé en 1938. Les lieux étaient notoirement embouteillés
jusque dans les années cinquante.
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R.N.10:
AUX BASQUES DE LA GIRONDE
La route annonce la couleur: rouge piment d'espelette,
rouge bordeaux, rouge de touraine... la N10? une route de gastronomes...
(lire) |
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Le
pont aval sur la Seine fait passer le périph' non loin
de la puissante première chaîne de télévision,
installée rive droite (photo: Marc Verney, janvier 2011). |
Aujourd'hui,
l'autoroute de Normandie prend naissance à la porte d'Auteuil,
plus au nord. Mais avant d'en arriver là, le ruban de bitume s'engouffre
sous le Parc des Princes, l'un des plus grands stades français.
Construit par Roger Taillibert en 1972, l'actuel bâtiment succède
à une première construction réalisée en juillet 1897. Le nom du
lieu, partie sud du bois de Boulogne vient du fait que les parages
servaient au XVIIIe siècle de zone de détente, de chasse, de promenade,
pour le roi et sa cour. Totalement naturel jusqu'en 1855, le site
connaît ses premiers aménagements urbanistiques avec le percement
d'une route qui donnera le coup d'envoi de nombreuses et profitables
opérations immobilières...
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Le
boulevard périphérique s'engouffre sous les tribunes
du parc des Princes (photo: Marc Verney, janvier 2011). |
Au
niveau de la porte Molitor, le boulevard périphérique passe
au large des serres d'Auteuil et du stade de tennis de Roland-Garros.
Dans le coin, on peut se promener à pied dans un agréable jardin
des Poètes aux pelouses constellées de rimes célèbres. Tout à
côté, il faut aussi profiter des élégantes serres d'Auteuil,
bientôt peut-être touchées par un projet d'agrandissement de Roland-Garros.
Juste après la porte d'Auteuil et l'échangeur de l'autoroute A13,
les chaussées s'incurvent un peu vers l'ouest, histoire de ne pas
passer sous les sabots des chevaux galopant sur l'hippodrome d'Auteuil.
Voilà le bois de Boulogne et ses 850 ha de verdure logées
aux portes de la capitale. Dans leur grande mansuétude pour les
promeneurs du dimanche (on est dans les quartiers chics), le boulevard
est souvent souterrain et en tranchée, y compris sous le
lac Supérieur. Il est achevé ici en janvier 1971 de la porte de
Saint-Cloud à la porte Molitor et en janvier 1972 de la porte Molitor
à la porte de la Muette. Après, entre la porte de la Muette et la
porte Maillot, il sera mis en service de manière échelonnée entre
1972 et 1973.
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En
direction de la porte Maillot. Sur cette partie, plus récente,
on trouve quatre voies de circulation dans chaque sens (photo:
Marc Verney, janvier 2011). |
On
arrive donc à la porte Maillot. On reconnait les lieux de loin.
La haute tour du palais des Congrès domine un vaste carrefour achevé,
au niveau des Maréchaux, dès 1958. Les projets d'aménagement dans
cette zone prestigieuse de la capitale ont été nombreux. Dans L'automobile
à la conquête de Paris, Mathieu Flonneau nous indique, que,
dès 1901, le Touring club de France souhaite l'ouverture d'une voie
pour automobiles et cyclistes entre la place de la Concorde et la
forêt de Saint-Germain. Plus tard, en 1930, un concours sur l'aménagement
de la porte Maillot est lancé. En novembre 1930, on propose également
l'élargissement de l'avenue de la Grande-Armée. Puis, voici un nouveau
concours, en 1931, pour le réaménagement des lieux et la création
de la voie triomphale (un vaste boulevard) qui rejoindrait la forêt
de Saint-Germain. Encore plus tard, en 1936, c'est l'avenue de Neuilly
(la RN13) qui est élargie alors que le souterrain des Maréchaux
est achevé le 7 juin 1937.
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R.N.13:
DEBARQUEMENT A L'HORIZON
Dans les années cinquante, la route nationale 13 relie
Paris à Cherbourg en passant par Lisieux, Caen, Bayeux... (lire) |
Dernière
portion achevée du périphérique, la chaussée allant de la porte
Maillot à la porte d'Asnières en passant par la porte de Champerret
est inaugurée le 25 avril 1973 par le Premier ministre Pierre Messmer,
qui aura ces mots: "On peut dire que c'est un succès parce que
ce boulevard périphérique s'est, dans l'ensemble, bien intégré dans
le paysage parisien. Certes, tout n'est pas parfait, mais on peut
dire que les ouvrages ont été réussis, non seulement techniquement,
mais artistiquement et l'on peut dire aussi que l'environnement
a été, dans l'ensemble, sauvegardé ou à peu près reconstitué".
Je ne sais pas si les riverains pensent la même chose que ce ministre
de la Ve République!
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A
la porte d'Asnières. L'anneau parisien reprend ici le
tracé du boulevard du Fort-de-Douaumont (photo: Marc
Verney, janvier 2011). |
Là,
pas grand-chose à dire. Le périph', entre la porte d'Asnières
et la porte de Clichy passe sous les voies ferrées menant à la gare
Saint-Lazare. Le tracé reprend ici l'emprise de l'ancien boulevard
du Fort-de-Douaumont. Là, c'est glauque, digne d'un polar de Thierry
Jonquet. Des femmes fardées attendent le chaland, assises sur les
sièges de camionnettes poisseuses. Après la porte de Clichy, la
quatre-voies enjambe de manière spectaculaire le cimetière des Batignolles,
créé en 1833.
Les poteaux massifs se posent entre les tombes (il n'aura
fallu qu'en déplacer six!)... Drôle d'ambiance quand même: la rumeur
automobile qui s'emballe et qui surplombe cet espace d'éternité...
Là, entre la porte d'Asnières et la porte de Saint-Ouen, l'ouvrage
est achevé à l'automne 1969. Il reste à passer la porte de Clignancourt
(d'où part la RN14 vers Rouen), puis voilà l'échangeur de
la porte de la Chapelle, visité par le général de Gaulle le 14 mai
1966. De là, s'extraient de Paris la N1 et l'autoroute du Nord (A1).
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R.N.14:
MA NATIONALE CHEZ LES NORMANDS
La route nationale 14 relie Paris à Rouen. C'est l'une
des très courtes RN importantes que je puis voir sur
mon Atlas Michelin 1959. (lire) |
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Bon
à savoir! Sur le boulevard périphérique,
c'est la priorité à droite qui s'applique! Voilà
une étrangeté sur une chaussée, qui, après
tout, est une sorte d'autoroute urbaine... On peut expliquer
cela par des raisons pratiques: les voies d'insertion sont très
courtes et l'installation d'un panneau de "cédez-le-passage",
vu la congestion quasi permanente de l'anneau, empêcherait
les automobiles d'accéder facilement au périph'.
Ce qui créerait d'énormes bouchons aux portes
de la capitale... En pratique, la voie de droite ne sert donc
que comme voie d'insertion. |
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Deuxième
partie (on fait les intérieurs): de la porte de la Chapelle
(nord) à la porte d'Orléans (sud). (ici
sur le site Sur ma route). |
Marc
Verney, Sur ma route, février 2011
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