Sources et documents: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°54 Cherbourg-Rouen, Michelin (1965); carte n°55 Caen-Paris, Michelin (1955); carte n°97 150 km autour de Paris, Michelin (1970); carte n°100 Sorties de Paris, Michelin (1960); carte n°108 Paris-Rouen, IGN (2011); carte n°120 Cycliste, Michelin (1947); Annuaire du département de la Manche, Elie fils, imprimeur (1839, 1844); «Archéologie du paysage dans la Manche autour de Carentan», Gauthier Langlois sur son blog paratge.wordpress.com (avril 2014); Aubergenville, à travers bois et chemins, Pierre Mallémont, sur garaud.jeanyves.free.fr (2003); «Caen, le quartier de Vaucelles», par Isabelle Audinet, Patrimoine Normand n°23 (oct.-nov. 1998); Caen pendant la bataille, André Gosset et Paul Lecomte, Ozanne et cie (1946); Carentan à travers les siècles, René Le Tenneur, Etudes et documents d’histoire de Basse-Normandie (1970); Cherbourg 1900-1975, Bernard Launey, impr. La Dépêche (1976); Epône raconté aux Epônois: histoire d'une petite ville de l'Ouest parisien, Daniel Bricon, Ville d'Epône (1982); Guide Bleu des environs de Paris, Hachette (1928); Guide Bleu de la France automobile, Hachette (1954); Guide Vert Normandie, Michelin (1957); Histoire de la ville de Caen, Fréd. Vaultier, B. Mancel, libraire (1843); Histoire de Lisieux, ville, diocèse et arrondissement, volume 2, M. Louis du Bois, Durand éd. et impr. (1846); Histoire des grandes liaisons françaises, tome 1, Georges Reverdy, Revue générale des routes et des aérodromes (1981); Histoire des routes de France, du Moyen Age à la Révolution, Georges Reverdy, presses de l’ENPC (1997); Histoire et description de Mantes et des environs, Paul Poirier, D. Durdant (1890); «Introduction à une étude de l'époque gallo-romaine en Basse-Normandie: carte de répartition des voies et des sites gallo-romains de Basse-Normandie», Dominique Bertin, dans les Annales de Normandie (1975); La route de Quarante-Sous, Centre de recherche archéologique de la région mantaise, édition Ville d'Epône (1987); Leçon d’histoire de France, Saint-Germain-en-Laye, des antiquités nationales à un ville internationale, François Boulet, les Presses franciliennes (2006); «Le Neubourg, quatre siècles d'histoire normande (XIVe-XVIIIe siècle)», note critique de l'ouvrage d'André Plaisse, La Baronnie du Neubourg. Essai d'histoire agraire, économique et sociale, par Pierre Chaunu, dans les Annales, Economies, Sociétés, Civilisations (1962); La poste en Basse-Normandie, Pierre Demangeon, Charles Corlet éd. (1995);«Le problème des ruines du Vieil-Evreux», Marcel Baudot, dans Gallia (1943); Les routes de France du XXe siècle, 1900-1951, Georges Reverdy, presses de l’ENPC (2007); «Les voies de communication dans le Pays d’Auge, l’exemple du Pré-d’Auge et de Saint-Désir», Patrice Lajoye et Denis Thiron, tiré du XXXVIIe congrès (2002) des Sociétés historiques et archéologiques de Normandie; Lisieux, A. Guilmeth, Gérard Monfort (réimpr. 1980); Lisieux, Daniel Deshayes, Alan Sutton (1997); Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de Bayeux, volume 7, (1839); Observation sur le mouvement des voitures, Société royale d'agriculture et de commerce de Caen, M. Pattu, F. Poisson (1828); «Relations économiques et circulation en Normandie à la fin du Premier Empire (1810-1814)», Jean Vidalenc, dans les Annales de Normandie (1958); Route Nostalgie n°14 (sept. à nov. 2006); «The commune of Bonnières-sur-Seine in the eighteenth and nineteenth centuries», Evelyn Bernette Ackerman, dans les Annales de démographie historique (1977); archivesyvelines.fr; aucame.fr; avenue-des-champs-elysees.com; bernay.net; bmlisieux.com; driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr; evreux.fr; histoire-nanterre.org; histoirenormande.fr; lisieux-tourisme.com; mairie17.paris.fr; mantes.histoire.free.fr; montebourgennormandie.unblog.fr; neuillysurseine.fr; port-marly.fr; saintgermainenlaye.fr; sncf.com; topic-topos.com; ville-carentan.fr; ville-cherbourg.fr; Wikipédia; Wikisara; CartoMundi, Géoportail (IGN); la BPI (centre Georges-Pompidou); les archives de la Manche; la médiathèque de Portagne-au-Perche.
Localités
et lieux traversés par la N13 (1959):
Numéro bis. En 1959, la nationale 13 se dédouble à la hauteur de Bonnières-sur-Seine. Une N13bis conduit l'automobiliste à Rouen, puis au Havre par Yvetot et Bolbec. Pour nous simplifier les choses, la partie de Rouen au Havre a aussi porté le n°14... (lire)
La route par l'écrit. Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889), écrivain dandy, familier de Baudelaire, est natif de Saint-Sauveur-le-Vicomte, près de Carentan. Le Cotentin lui a fournit l'inspiration de ses plus grandes oeuvres. Voici un extrait des Diaboliques (1874): "J'étais si blasé sur la route que nous faisions là et que j'avais tant de fois faite, que je prenais à peine garde aux objets extérieurs, qui disparaissaient dans le mouvement de la voiture, et qui semblaient courir dans la nuit, en sens opposé à celui dans lequel nous courions. Nous traversâmes plusieurs petites villes, semées, çà et là, sur cette longue route que les postillons appelaient encore: un fier "ruban de queue", en souvenir de la leur, pourtant coupée depuis longtemps. La nuit devint noire comme un four éteint, et, dans cette obscurité, ces villes inconnues par lesquelles nous passions avaient d'étranges physionomies et donnaient l'illusion que nous étions au bout du monde... Ces sortes de sensations que je note ici, comme le souvenir des impressions dernières d'un état de choses disparu et ne reviendront jamais pour personne. A présent, les chemins de fer, avec leurs gares à l'entrée des villes, ne permettent plus au voyageur d'embrasser, en un rapide coup d'oeil, le panorama fuyant de leurs rues, au galop des chevaux d'une diligence qui va, tout à l'heure, relayer pour repartir".
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Belles
routes de France...
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Quand on est à Paris, il est presque impossible, lorsque l’on entame un voyage vers la Normandie, de ne pas évoquer l’avenue des Champs-Elysées, parfaitement orientée plein ouest, et cela, même si la sortie historique de Paris aux temps anciens était plutôt l’avenue des Ternes, menant au gué de Neuilly. «Au tout début de l’histoire, raconte le site avenue-des-champs-elysees.com, il y a Colbert, qui eut, en 1667, l’idée de créer la célèbre avenue. (…) Le but était d’embellir le palais des Tuileries qui se trouve dans le prolongement direct du tracé». Le jardinier Le Nôtre fait planter des rangées d’arbres autour de la large allée et le tour est joué! On vient de créer la «plus belle avenue du monde»… Les Champs conserveront un petit air campagnard jusqu’au milieu du XIXe siècle… Là, les projets du baron Haussmann aboutissent à la réalisation de nombreux immeubles et hôtels particuliers; l’avenue prend peu ou prou l’aspect que l’on lui connaît aujourd’hui… En 1710, nous indique Wikipédia, le duc d'Antin, surintendant des Bâtiments du roi, fait jeter un pont de pierre au-dessus d'un petit ruisseau descendant de Ménilmontant et faisant office d'égout. Ce qui a permis de prolonger l'avenue en 1724 jusqu'à ce que l'on appelait alors l'étoile de Chaillot, située sur la montagne du Roule (la place de l’Etoile). Celle-ci est arasée de 5 m entre 1762 et 1777 afin d’améliorer la perspective et d’offrir une pente plus accessible aux véhicules hippomobiles de l’époque… Au centre de la place se trouve aujourd’hui un arc de triomphe imposant, «à la gloire de tous les soldats vainqueurs à Austerlitz», commencé en 1806 sur ordre de Napoléon Ier et achevé en 1836. Sous le Second Empire, la place est redessinée par l'architecte Jacques Hittorff. Désormais, douze grandes avenues rectilignes y débouchent et forment une spectaculaire étoile. A noter que le régime de priorité à droite s’y applique… complexifiant à l’extrême le ballet survolté des milliers de véhicules qui s’y croisent quotidiennement… Gare au touriste motorisé qui s’y risque!
L’avenue de la Grande-Armée s’embranche sur la place. Cette vaste voie, aussi large que les Champs-Elysées (70 m) et ouverte sous l’Ancien Régime (sous le nom de route de Neuilly, en 1730), nous emmène vers la porte Maillot, en direction de Neuilly-sur-Seine. En juillet 1919, nous dit le site de la mairie du XVIIe arrondissement, elle fut le point de départ du défilé des troupes victorieuses de la Première Guerre mondiale, acclamées par plus d'un million de spectateurs. En 1863, avant le rattachement du quartier à la capitale, c’était donc, nous rappelle Wikipédia, «une partie de la route n°13 de Paris à Cherbourg». Et voilà la porte Maillot, autre «enfer» motorisé du XXIe siècle… Le bastion n°51 des fortifications de Thiers a une longue histoire: son nom vient, explique le site mairie17.paris.fr, de «la révolte des Maillotins de 1382, quand paysans de Clichy et des Ternes s'étaient joints aux Parisiens lors du rétablissement de taxes sur les denrées de première nécessité». Jusqu’en 1970, date de la construction du boulevard périphérique, la porte Maillot a été l’objet de nombreux projets d’aménagement urbain. On remarquera, en 1931, celui d’Henri Sauvage, proposant deux «pylônes» d’habitations à gradins dominant les voies automobiles, ou bien, en 1937, celui des deux architectes Émile-Louis Viret et Gabriel Marmorat, qui imaginent deux tours géantes encadrant la perspective de l'arc de triomphe de l'Etoile avec des passages souterrains réservés à la circulation automobile ainsi que des jardins à l'anglaise à l'entrée du Bois de Boulogne (Wikipédia). La Deuxième Guerre mondiale allait reléguer ces projets dans les oubliettes. Est-ce mieux aujourd’hui?
En tout cas, pour s'extirper de Paris par l'Ouest, mieux vaut se lever de bonne heure!! Les embouteillages frappent dès la sortie de Paris, à la porte Maillot. Là, la R.N.13 traverse tout droit la ville de Neuilly-sur-Seine en côtoyant le bois de Boulogne (partie de l’ancienne forêt de Rouvray). On apprend dans Wikipédia que c'est «en 1786 à Neuilly, sous Louis XVI, que l'apothicaire Antoine Parmentier tentera les premières cultures de la pomme de terre dans la plaine des Sablons». Au XXIe siècle, l'avenue longe ici le grand capital. Les sièges sociaux des entreprises multinationales s'égrènent aux confins de l'horizon rayé par la masse grisâtre de La Défense... Bon, on passe… A Neuilly, la traversée de la Seine a toujours eu une grande importance. Dès l'Antiquité, lit-on dans un texte paru sur le site neuillysurseine.fr, Neuilly est un gué situé dans l'alignement d'une voie romaine reliant deux lieux de culte, Montmartre et le Mont-Valérien. Au XIIe siècle, le gué est remplacé par un bac. Le hameau de Neuilly se développe en raison de son positionnement sur le chemin du duché puis de la province de Normandie. Après un accident où manque de se noyer Henri IV et sa famille, celui-ci ordonne la construction d'un pont en bois (à péage) sur la Seine à cet emplacement. Il est édifié de 1609 à 1611 dans le prolongement de l'actuelle rue du Pont. Pour remplacer l'ancien ouvrage en bois, bien trop fragile, l'ingénieur Jean-Rodolphe Perronet conçoit un édifice en pierre, réalisé au XVIIIe siècle (inauguration en septembre 1772). En 1942, c'est un pont métallique qui est réalisé au même endroit par Louis-Alexandre Lévy. L’ouvrage supporte aujourd’hui un trafic intense vers La Défense; il y a même un passage pour le métro (ligne 1) depuis 1992! De l’autre côté du pont, le quartier a évolué de manière hallucinante. Skyline de buildings d’affaires, Cnit, Arche se conjuguent afin de fournir une solide fournée de métal et de béton à l’œil humain. Rien à voir avec l'ambiance de 1954. Le Guide Bleu de la France automobile de cette année-là évoque un «rond-point de la Défense», situé sur la butte de Chantecoq qui n'existe plus guère que dans la mémoire des plus anciens habitants de la région... En tout cas, sur la carte d’état-major du XIXe siècle publiée par le Géoportail de l’IGN, on voit clairement s’en échapper «la route de Caen et Cherbourg» par le sud (actuelle D913). C'est l'oeuvre de l'ingénieur Perronet, réalisateur du pont de Neuilly, qui y nivelle, aligne et redresse les chaussées. Une place ronde, de même taille que l'Etoile est donc créée. Le nom de La Défense vient de l’érection à la fin du XIXe siècle d’une statue au beau milieu du carrefour: réalisée par Louis-Ernest Barrias, elle était destinée à rendre hommage au courage des soldats de la guerre de 1870. En 1934, un projet routier grandiose, la «voie triomphale», devait s’échapper de ce carrefour pour rejoindre la croix de Noailles, dans la forêt de Saint-Germain. Inspirée du modèle américain des parkways, ce projet avait à l'époque pour buts de concentrer la circulation sur ces axes multivoies et de «transformer le paysage par la plantation continue de rideaux d'arbres», ainsi qu'il est écrit sur un site de la Direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement d'Ile-de-France (DRIEA), dissimulant de fait aux yeux des touristes et voyageurs, la sombre réalité de la banlieue parisienne... En est-il autrement aujourd'hui de l'A14? La R.N.13 historique prend maintenant la direction du rond-point des Bergères… Le nom est poétique, la réalité d’aujourd’hui un peu moins… Sinon, c’est de là que partait au XIXe siècle, la voie sinueuse montant au mont Valérien. Puis, voici la place de la Boule (Royale), située sur le territoire de la commune de Nanterre. En 1778, lit-on dans un article de la Société d’histoire de Nanterre publié sur le site histoire-nanterre.org, il y a cinq maisons avec jardins et écuries autour de la place, construite en demi-lune, «permettant aux équipages de manœuvrer». La poste aux chevaux de Nanterre s’y trouve. Plus tard, en 1890, une ligne de tramways y passe, permettant de rejoindre Saint-Germain-en-Laye et Paris. Précision de Georges Reverdy dans Les routes de France du XXe siècle, 1900-1951, un aménagement facilitant le trafic automobile est réalisé dans les années trente entre Nanterre et Saint-Germain.
Mais l’urbanisation galopante a terriblement modifié cette zone dès avant l’aube du XXe siècle. Le Guide Bleu 1954 nous dit d’ailleurs que, entre Paris et Mantes, «les automobilistes ont intérêt à emprunter l'autoroute de l'Ouest, beaucoup plus rapide»! Avec cette infrastructure, nous sommes en présence des 22,5 premiers kilomètres d'autoroute que la France a jamais construit, mais que l’on emprunte depuis le pont de Saint-Cloud... Retour donc à la R.N.13: voilà Rueil-Malmaison. La chaussée longe l’agglomération par le nord. «Initialement appelé Rotoialum ou Roialum, c'était un lieu de plaisir et de chasse des rois mérovingiens, du VIe au VIIIe siècle», nous dit Wikipédia. Dans le Guide Bleu des environs de Paris (1928), on découvre que, alors que Rueil «n’était encore qu’un petit village, Richelieu s’y fit construire un château magnifique, entouré d’un fossé et d’un vaste parc… Il ne reste presque aucun vestige de cet illustre passé», et «l’on vient surtout ici pour visiter le château de la Malmaison», situé un peu plus loin. Le lieu est fameux pour les souvenirs liés à Napoléon Ier et à son épouse, Joséphine. Puis la route se rapproche de la Seine à Bougival. Là, Le fleuve se divise en deux parties, coupées par l’île de la Chaussée. Ce nom rappelle qu’ici, Charles Martel, fit élever un barrage (la chaussée…) et une vanne pour des pêcheurs. Du coup, l’endroit s’appela tout d’abord Charlevanne. Le hameau de pêcheurs est réuni à Bougival au début du XVIIIe siècle. Le Guide Bleu des environs de Paris évoque le doux temps des peintres, au cœur du XIXe siècle, lorsqu’une «colonie» d’artistes, dont Corot et Meissonier, vient s’installer ici à l’auberge Jounart… C’est alors la charmante époque des bals et du canotage… Un kilomètre de plus et la route (D113) longe l’emplacement de la célèbre «machine de Marly», un ensemble d’installations de pompage destiné à amener de l’eau au château de Versailles. Le site tourisme-bougival.com nous précise que «le précieux liquide était amené à 163 mètres au-dessus du fleuve par trois montées successives dotées de 221 pompes aspirantes actionnées à l'aide de 14 grandes roues dentées utilisant la force de la Seine»... Le chantier, titanesque, commence en 1681 et se termine le 16 juin 1684. Bruyante et coûteuse, cette première machine est remplacée en 1817 par une usine à vapeur, puis en 1859 par une autre, hydraulique, celle-là. En 1968, des électropompes de plus en plus puissantes prennent le relais de l'approvisionnement en eau des gourmands bassin de Versailles... Le Port-Marly s’annonce. Josette Desrues, présidente de l'association Port-Marly mémoire vivante et spécialiste de la commune, nous donne quelques dates sur le site port-marly.fr: entre le VIe et le XIIe siècle, des moines, qui défrichent la forêt de Marly, favorisent le développement du bourg et du port. Puis, aux XIVe et XVe siècles, les coteaux, «produisent un petit "clairet" jugé digne d’abreuver la table royale, et dont les tonneaux sont évacués par le port en direction de Paris, de la Normandie et même de l’Angleterre». Du coup, au XVIIIe siècle, le port s’active et on y note même la présence d’un «notaire royal». En 1846, Alexandre Dumas fait bâtir sur le coteau des Montferrands, dans un parc de 9 ha, le château de Monte-Cristo, une luxueuse demeure faussement Renaissance... Ici, avant guerre et jusqu’au début des années cinquante, la rue de Paris fait un crochet avant de s'élever par une grande côte vers Saint-Germain (actuelle D284). Car la grande route de jadis traversait Saint-Germain-en-Laye de part en part. Le Guide Bleu des environs de Paris (1928) indique en effet une R.N.190 de Saint-Germain à Mantes en passant par Orgeval, Epône et Mézières. La R.N.13 passe à cette époque et jusqu’aux années cinquante sur la rive droite de la Seine à Poissy et rejoint alors Mantes par Meulan, Limay, ce qui implique de couper par le centre-ville. Une déviation, nous dit François Boulet dans l’ouvrage Leçon d’histoire de France, Saint-Germain-en-Laye, des antiquités nationales à un ville internationale, devient «une nécessité» devant l’importance du trafic. Un projet officiel s’avance en septembre 1953: il s’agit de mettre en place une «route à grande circulation de l’Ermitage, le long du ru du Bizot, sur le domaine de la Maison Verte jusqu’au débouché de la rue du Président-Roosevelt» en direction d’Ecquevilly. Des projets alternatifs, qui couperaient moins le plateau de Bel-Air du centre-ville sont défendus par des critiques locaux. Mais ils ne sont pas entendus et la chaussée de contournement prévue est achevée en 1959, portant le n°13. La route par Meulan, Limay ayant préalablement reçu le n°190 dès le début des années cinquante (1952).
Saint-Germain-en-Laye est connue pour sa terrasse, tracée par Le Nôtre de 1668 à 1673 et qui domine la vallée de la Seine sur 2400 m de longueur. Les rois de France appréciaient le coup d'oeil… Eh oui, car c’est une histoire royale ici… La cité prend son essor au XIIe siècle, raconte le site saintgermainenlaye.fr, «avec la construction en 1124, par Louis VI le Gros, d'une résidence royale à proximité d'un ancien monastère, à l'emplacement de l'actuel Château-Vieux». Henri IV, fortement séduit par les lieux, s’y investira. Et Louis XIV y naît… C’est là jusqu’en 1682 que le Roi Soleil, bien avant Versailles et ses fastes, célèbre les grands événements de la royauté triomphante! Mais l’histoire des transports retiendra que c’est ici qu’arrive, en août 1837, la première ligne française de chemin de fer pour voyageurs. Créée à l’initiative d’Émile Péreire, qui en a obtenu la concession, indique le site sncf.com, elle est longue de 19 km et relie la capitale, au départ de l’embarcadère de la place de l’Europe, au Pecq, petite commune située au pied de la colline de Saint-Germain. Son succès est remarquable: «18 000 voyageurs sont transportés le premier jour d'exploitation. On dit qu’elle est vingt fois plus fréquentée que la route parallèle» précise encore la société nationale sur internet. On rejoint le contournement de la ville par la rue Léon-Desoyer. La rive gauche de la Seine est accidentée. La route joue aux montagnes russes autour de bourgs vite oubliés: Orgeval, Ecquevilly, Flins (et ses usines automobiles), Aubergenville... Nous voici sur la «route de Quarante-Sous» (D113 en 2016) jusqu’à Mantes-la-Jolie… L’histoire de cette chaussée, réalisée durant vingt ans à partir de 1772, améliorée en 1848, est remarquablement contée par le Centre de recherche archéologique de la région mantaise dès 1987. Il y a plusieurs hypothèses pour expliquer ce surnom, un péage, un crime de bandits de grand chemin, la corvée, les frais de transport des matériaux… mais plus vraisemblablement celle du salaire journalier des ouvriers chargés de sa confection… Elle remplace sans doute d’antiques «chemins aux boeufs» mais restera un itinéraire secondaire jusqu’à l’avènement de l’automobile; à ce moment, elle sera finalement préférée à la route Poissy-Meulan-Mantes par la rive droite et lourdement aménagée avec de nombreux contournements d’agglomérations. On passe le village de Chambourcy, puis la Maladrerie, au sud-ouest de Poissy. Quand on regarde un plan de la région parisienne sur l’Atlas des grandes routes de France 1959 (référence de ce site), on voit que c’est ici que s’achève, à l’époque, une branche de l’autoroute de l’ouest mise en service dans les années quarante. Ce qui générera, durant de longues années, de fameux embouteillages dans la «cuvette» d’Orgeval… Jusqu’à la Maison-Blanche, la route s’égare un peu dans de vastes zones commerciales peu propices à la balade… Voilà Ecquevilly, anciennement Fresnes, où il faut suivre la rue de la République pour rester fidèle à l’ancien tracé de la «route de Quarante-Sous». La très chouette carte Michelin n°120 spéciale cyclistes (50 km autour de Paris) de 1947 nous montre le projet de déviation autour du bourg, tout comme à Flins , Epône et Mézières, un peu plus loin. Des contournements en service et bien utiles, visibles sur la carte Michelin n°55 Caen-Paris de 1955! Flins est traversée par la rue du Maréchal-Foch puis par la rue Charles-de-Gaulle. Le contournement, lui, passe au beau milieu d’un parc, aux pieds de la côte Saint-Cloud. Le 2 octobre 1952, c'est l’inauguration de l'immense usine Renault qui occupe tout l'espace jusqu'à la Seine. Juste à côté, se trouve, depuis les années vingt, Elisabethville, une cité-jardin constituée à l’époque de nombreuses maisons de loisirs pour les Parisiens ne pouvant se rendre en bord de mer. Une grande plage artificielle est même créée sur la Seine… La «plage de Paris» est alors, lit-on sur le site archivesyvelines.fr, considérée comme une véritable petite station balnéaire... C'est entre Aubergenville et Epône que la route de Cherbourg franchit la Mauldre. On y a passé longtemps la rivière sur le pont Gallon (Galant?), où l'on trouvait un poste de péage sur le légendaire «chemin aux bœufs», nous dit Pierre Mallémont, dans Aubergenville, à travers bois et chemins. A propos de ce lieu, l’historien Daniel Bricon est cité dans l’article du Crarm sur la «route de Quarante-Sous». Il y relate les travaux du XVIIIe siècle: «Venant d’Aubergenville, la levée de terre franchit la Mauldre par un nouveau pont de pierre de taille d’ordonnance classique, coupe en deux la cour du moulin, se poursuit en remblai, éventre en tranchée la pente qui monte au bourg à travers l’ancienne Maladrerie, passe sous les murs d’Epône en les ouvrant à la hauteur de l’actuelle Pharmacie et en bousculant une des tours de l’enceinte… Entrepris tambour battant, le chantier se ralentira vers 1780…». Juste avant, se trouvait le croisement avec la route n°191, qui contourne tout l’Ile-de-France par le sud jusqu’à Corbeil-Essonnes.
L'ancien tracé louvoie désormais entre les maisons d’Epône et de Mézières-sur-Seine par l’avenue Professeur-Emile-Sergent et la rue Nationale. Au km 54 de notre cheminement, voilà Mantes-la-Jolie. Ce centre «industriel et agricole important», nous dit le Guide Bleu de la France automobile 1954, «est très joliment situé sur la rive gauche de la Seine». Hélas, «le quartier central de la ville a été détruit en 1940»... C’est ici qu’arrivait l’ancienne chaussée de Normandie par Limay et la rive droite en traversant la Seine, d’abord sur un vieux pont de 37 arches du XIe siècle, puis sur un ouvrage construit à la fin du XVIIIe siècle côté Mantes. L’ouvrage ancien servant toujours côté Limay jusqu’en 1855 (topic-topos.com). En mai 1944, bombardé par les Alliés, le pont Perronet du XVIIIe est considéré comme perdu et remplacé après guerre par un ouvrage qui sert encore aujourd’hui. Les grands chantiers de construction routière de l’Ancien Régime sont au cœur des aménagements de Mantes: outre la voie de Normandie par Poissy, Meulan et Limay, le pont Perronet sur la Seine, les ingénieurs de l’époque en profitent pour reconsidérer la circulation intra-muros. Dès 1766, on s’attaque, nous dit le site mantes.histoire.free.fr, à la percée de la rue Royale, qui s’allonge vers une nouvelle chaussée poussant jusqu’à Rosny, réalisée, elle, en 1753. De nombreuses demeures sont détruites. Au fait, pourquoi «Jolie»? On attribue à Henri IV ces mots, adressés à la belle Gabrielle d’Estrée, sa maîtresse, alors dans la place: «Je suis à Mantes, ma Jolie…». Au sortir de la ville, en direction de l'ouest, telle une nouvelle ceinture fortifiée, ce sont les cités du Val-Fourré, bâties dans l'urgence de la reconstruction, qui ferment l'horizon. Le béton se mire dans la Seine. Les humains se pressent sur le bitume. La route, indifférente au tumulte urbain, est déjà loin. Vers Rosny-sur-Seine, la chaussée se rapproche à nouveau du fleuve. A droite, une longue allée mène au château qui appartint au duc de Sully (le surintendant des finances et grand voyer d'Henri IV), bâti au début du XVIIe siècle. Au sortir de Rosny, la chaussée se fait toute petite à l’approche de la côte de Rolleboise, qui va faire grimper d’un coup la route d’une bonne quarantaine de mètres. Dans le livre de George Reverdy, Histoire des grandes liaisons françaises, tome 1, on peut découvrir ces mots (1759) de l’écrivain Charles Duclos sur cette grimpette redoutée sous l’Ancien Régime: «J’ai parcouru à pied cette montée il y a plus de vingt ans et il m’a paru qu’elle ne pouvait être mieux traitée sans se jeter dans une dépense superflue, qui même n’en aurait que peu diminué la roideur. On se borne à donner à ces passages escarpés une largeur suffisante pour deux voitures , et l’on sauve les périls du précipice par un mur de parapet, par une banquette de terre, des barrières ou des bornes»… Georges Reverdy signale encore que cette butte faisait quand même partie dès 1755 des montées à adoucir autour de Paris. Dans un article consacré aux anciennes voies autour de Mantes-la-Jolie, le Journal de Mantes en 1936 (repris par le site mantes.histoire.free.fr) évoque une vieille chaussée -sans doute encore plus ancienne que la route du XVIIIe siècle- montant sur la colline de Rolleboise, dite «chemin rural de la Villeneuve-en-Chevrie, réduite à l'état de voie de culture»... «Sur sa chaussée dégradée, réduite de largeur, elle n'a que deux mètres par endroits, (...) on ne trouve que quelques rares grosses pierres formant le fond de son ancien empierrement». Cette chaussée est dessinée sur la carte de Cassini publiée par le Géoportail. Et il est amusant de constater que l’autoroute A13 s’en inspire largement… En tout cas, «Rolleboise échelonne gracieusement ses maisons sur la route qui longe la Seine, belle et large en cet endroit», écrit Paul Poirier dans son Histoire et description de Mantes et des environs (1890).
Au terme de la montée, la carte d’état-major du XIXe siècle publiée sur le Géoportail de l’IGN mentionne un «cabaret» au bord de la route… Après l’effort, le réconfort! On ne reste cependant pas longtemps sur ce petit plateau, qui borde une boucle de la Seine… A Bonnières, petit bourg très industrialisé au XIXe (pétrole, métallurgie) notre chaussée retrouve le fleuve mais il faut dire adieu aux routiers qui filent sur Rouen. C'est la R.N.13bis historique (D915), réalisée à partir de 1738, qui met le cap sur Vernon, Louviers... Ici, il a fallu du temps pour s’accorder sur le tracé de la voie de Paris à Caen, s’exclame Georges Reverdy dans son Histoire des routes de France, du Moyen Age à la Révolution: par Evreux, Vernon ou Louviers? Quel trajet entre Mantes et Evreux? Finalement, le tracé actuel sera choisi au milieu du XVIIIe siècle. Car, au bout du voyage, se dessine l’impatience royale, qui lance, en 1777 à Cherbourg, le projet d'un grand port militaire sur la Manche, comparable à celui de Brest sur l'Atlantique… La route monte en direction d’Evreux en longeant le bois de la Roquette et en suivant peu ou prou les anciens tracés. Au km 82, c'est le bourg de Pacy qui nous accueille. Voilà six kilomètres que nous sommes entrés dans le département de l'Eure. A environ huit kilomètres de là, la chaussée, parfaitement rectiligne, passe non loin du village du Vieil-Evreux, site gallo-romain d’une centaine d’hectares, à l’intersection de trois voies antiques, nous explique evreux.fr. Il était si vaste qu’on l’a longtemps confondu avec Mediolanum Aulercorum, la cité d’Evreux elle-même. Un article de Marcel Baudot, «Le problème des ruines du Vieil-Evreux» (1943), signale même que les ruines de ce sanctuaire ont servi au renforcement des infrastructures de la route royale de Paris à Lisieux entre 1765 et 1770!! La ville d’Evreux se profile donc à l’horizon. Pour suivre la voie historique vers le centre-ville, il nous faut prendre la raide côte de Paris dont on remarque l’adoucissement effectué au XIXe siècle sur la carte d’état-major du Géoportail de l’IGN. En 1740, lit-on sur le site evreux-histoire.com, «l’ouverture de la grande route de Paris nécessite de passer par plusieurs terres labourables et des clos. Il faut également amputer une partie du cimetière de la paroisse de Notre-Dame-la-Ronde qui semble avoir reposé sur un ancien cimetière romain»... Puis, en 1745, on ouvre «la grande route de Caen depuis l’extrémité de la rue Saint-Taurin, partant en ligne droite à travers les prairies jusqu’à la rue du pont du Blin, les jardins et les vignes de M. Martel, puis des terres labourables jusqu’au bois de Parville». «Située dans la vallée de l'Iton, la préfecture de l'Eure a été sinistrée à 40% en 1940», nous précise le Guide Bleu 1954 qui évoque la cathédrale Notre-Dame, «construite du XIIe au XVIIe siècle». En 1958, c’est la fin des travaux de reconstruction du centre-ville, qui vit à l’époque au rythme de la base aérienne américaine de Fauville. Au-delà de la ville, la R.N.13 historique (D613) traverse Parville (désormais contournée) et parcourt un plateau assez fade jusqu'aux étonnants lacets qui amènent la route dans la vallée de la Risle. Aujourd'hui, la déviation, mise en service en 1955, passe au-dessus des habitants de La Rivière-Thibouville. Au cours du XVIIIe siècle, nous signale le site bernay.net, lors de la construction de la route Paris-Cherbourg, «la section la Rivière-Thibouville-Lisieux, un travail considérable pour l'époque, est imposée par corvée aux habitants de Bernay».
Mais certains n’étaient pas contents du tout du nouveau tracé… Les seigneurs du Neubourg, gros village situé à 5 km de la nouvelle voie, protestent en vain, précise Georges Reverdy dans l’Histoire des routes de France, du Moyen Age à la Révolution… Il n’y aura pas de détour par chez eux! «Le Neubourg, quatre siècles d'histoire normande (XIVe-XVIIIe siècle)», un article fort intéressant de Pierre Chaunu rédigé à propos d'un ouvrage d'André Plaisse, indique que les plus anciens chemins de Paris à Caen passaient effectivement par le Neubourg, passant la Risle à Brionne. Ils ont assuré, du XIVe au milieu du XVIIIe, «une partie de l'approvisionnement en viande de la capitale. D'où les 9000 porcs, 90 000 moutons, 40 000 boeufs qui passent, bon an mal an, au début du XVIIIe siècle, par le marché relais du Neubourg». Mais «c'est entre 1764 et 1770 que le pavé du Roi se substitue à l'ancien chemin incertain». Et, écrit l'auteur, «même le bétail fuit le vieux chemin abandonné». A 13 kilomètres de Lisieux, voici le village de l’Hôtellerie… Son nom est tout un programme… confirmé par ce que l’on peut lire sur le site lisieux-tourisme.com: traversé par la route nationale, qui reprend ici le tracé de la voie romaine Lisieux-Brionne, le village, dont les premières mentions remontent au XIIe siècle, doit son nom à sa vocation hospitalière puisqu'il accueillait une léproserie... Bon. Nous voici déjà au km 172 aux portes de Lisieux. La sous-préfecture du Calvados et chef-lieu du peuple gaulois les Lexovii, «est située dans la verdoyante vallée de la Touques, au confluent de l'Orbiquet et du Cirieux. c'était une ville pittoresque, pleine de maisons du Moyen-Age et de la Renaissance», annonce le Guide Bleu de 1954... Hélas... mille fois hélas, la Deuxième Guerre mondiale est encore passée par là et il ne reste rien du centre-ville, entièrement rasé par les opérations alliées en juin-juillet 44. «Les vieilles maisons de la rue aux Fèvres, de la rue Pont-Mortain, de la place Victor-Hugo, qui formaient le plus bel ensemble de maisons anciennes de Normandie ont été anéanties». Reste aujourd'hui, le pèlerinage au tombeau de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, qui attire par ici les foules catholiques. On entre dans la capitale du pays d'Auge par la rue Roger-Aini. L’ouvrage Lisieux nous annonce qu’en 1808, «il existait encore, à l’entrée de la route de Paris et à l’entrée de celle d’Orbec, deux des anciennes portes de la ville avec quelques restes de remparts; mais, cette année là on se mit en devoir de faire disparaître ces historiques débris». Mais tout n’est pas perdu, car un autre ouvrage titré Lisieux (de Daniel Deshayes) signale des vestiges d’une voie romaine dans le centre-ville, sur la place de la République (aujourd’hui dans la médiathèque): elle est «large d’au moins 6 m, elle est composée d’imposantes dalles calcaires». Après avoir traversé la Touques, la R.N.13 historique (D613) prend la direction de Caen par l’avenue du 6-Juin. En 1770, apprend-on dans le livre de Daniel Deshayes, «l’ingénieur Hubert, chargé de la construction de la route de Lisieux à Caen, détruisit partiellement des ruines romaines, route du Pré-d’Auge», juste à côté de là (la D151 d’aujourd’hui, voie antique présumée). Un article de Patrice Lajoye et Denis Thiron, «Les voies de communication dans le Pays d’Auge, l’exemple du Pré-d’Auge et de Saint-Désir» attire notre regard. «Dans le secteur de la Bosqueterie, écrivent-ils, le trajet de la route de Caen à Lisieux passe au sud de l’actuelle route, puis rejoint la ferme de la Farinière». Et lorsque l’ingénieur Hubert intervient, il dessine en fait la route moderne, beaucoup plus rectiligne… «Belle descente dans le plantureux pays d'Auge» s’enchante maintenant le Guide Bleu...
Et, de fait, tout est bucolique dans ces petits paysages normands... Voilà de charmantes fermettes posées sur des champs d'un vert pur... Oxygène du regard, qui virevolte autour de paisibles ruminants noir et blanc... Après la Boissière, nouveau remue-méninges… Un important changement de tracé affecte ici la route au milieu du XIXe siècle. A lire La poste en Basse-Normandie, on constate, qu’en 1840, «la route de Lisieux à Caen change d’itinéraire. Elle abandonne le vallon du Coupe-Gorge et la montée de Saint-Laurent-du-Mont (D50) pour prendre le tracé de la R.N.13 actuelle (D613) par Crèvecoeur-en-Auge. Le relais de poste, installé au XVIIIe siècle d’abord à Saint-Laurent-du-Mont puis à Saint-Aubin-sur-Algot –au lieu-dit la Poste- est redescendu au début du XIXe siècle à Notre-Dame-d’Estrée». Nous passons le pont de Corbon sur la Vie, «très fortifié» au XIVe siècle, selon l'Histoire de Lisieux, ville, diocèse et arrondissement, volume 2, et qui «n'offrait, à travers les marais de cette partie de la vallée d'Auge, qu'un passage aussi difficile qu'important»... On franchit ensuite la Dives et l’on remarque, sur le Géoportail IGN, à partir du lieu-dit du Mont-Freule, une «route des Diligences», quelques mètres au sud et parallèle à la D613 jusqu’aux Pédouzes. Puis la «route de Paris» contourne la colline de la Hoguette (ou se trouvait un camp romain) et traverse Moult et Vimont. Ici, nous dit Wikipédia, le village, précédemment situé «vers l'actuelle ferme du Brasier», s’est déplacé de quelques centaines de mètres pour se rebâtir le long de la route royale au XVIIe et XVIIIe siècles. Voici maintenant Bellengreville et Cagny, deux villages marqués par la bataille de Normandie et notamment les féroces combats de blindés de l’opération Goodwood, en juillet 1944. Kilomètre 221: nous voici à Caen. La préfecture du Calvados «est située, nous raconte le Guide Bleu, à quatorze kilomètres de la mer, au confluent de l'Orne et de l'Odon, au centre d'une vaste plaine». La ville est, avant tout, la résidence préférée d'un certain Guillaume, duc de Normandie, qui marquera Caen de son empreinte au XIe siècle. L'homme est connu par son surnom: «le Conquérant». Il montera sur le trône d'Angleterre en 1066... Son mariage avec Mathilde de Flandre, est interdit par le pape Léon IX dans un premier temps, puis autorisé sous le pontificat de Nicolas II à condition que le couple fonde quatre hôpitaux et deux monastères… Ainsi naissent en 1059 deux édifices majeurs de Caen, l’abbaye dite «aux Hommes», dédiée à saint Étienne et l’abbaye dite «aux Dames», dédiée à la sainte Trinité. Retour au voyage: en 1959, on arrive de Paris en traversant la place de la Demi-Lune, où s’achèvent les chaussées de Deauville (route de Trouville) et de Troarn (av. de Rouen). Le site du quartier de Vaucelles a toujours servi de lieu de passage, nous dit un article du Patrimoine Normand puisqu’il s’agit du seul lieu de franchissement de la barrière du plateau. Puis on emprunte la rue d’Auge, «lieu de passage important», où l’on trouvait, selon Wikipédia, qui cite l’article précédent, de nombreuses auberges et la barrière d’octroi. On passe l’Orne sur le pont de Vaucelles pour entrer dans la ville proprement-dite. L’ouvrage, très ancien, est rebâti au XVIe siècle, puis en 1825 (Histoire de la ville de Caen). En juillet 1944, c’est un pont Bailey, monté par les Britanniques, qui franchira l’Orne jusqu’au milieu des années cinquante. (remplacé par un pont en pierre). Et, à lire l’ouvrage Caen pendant la bataille, les ingénieurs militaires alliés n’en resteront pas là: ils construiront une route de contournement des ruines de Caen, le «Bypass», qui reliait la Maladrerie (sur la route de Bayeux) à Venoix et au pont de Vaucelles (le boulevard Yves-Guillou). Cette chaussée sera intégrée plus tard dans le parcours de la R.N.13 historique. Ecrite dix ans après les combats de juin 44, la description du centre-ville par le Guide Bleu de 1954 reste terrible: «La rue Saint-Jean conduit en direction du nord au boulevard des Alliés, traversant la zone sinistrée de la ville. A moitié chemin, entre le pont et le boulevard des Alliés, au milieu des ruines, s'élève l'église Saint-Jean, de style gothique flamboyant. Elle a subi de graves dommages: la toiture des bas-côtés est détruite, le portail, le croisillon nord et le choeur sont endommagés»... De nos jours, vue du haut des murailles du château de Guillaume le Conquérant, la ville est paisible, bourdonnante d'activité commerciale... L'automobiliste pressé n'aura rien vu de Caen: depuis plusieurs années, un ring encercle la cité et traverse l'Orne sur un vaste pont moderne sur lequel foncent les poids lourds... On quitte la ville par l'ancien tracé de la R.N.13, qui subsiste de place en place aux côtés d'une quatre-voies trop contemporaine pour intéresser le voyageur des nationales...
A Saint-Germain-la-Blanche-Herbe on ne fume pas la moquette… Ce village, à la sortie de Caen, dans la plaine de Carpiquet, a hélas partagé le sort de sa grande voisine, en juillet 1944. Dévasté par les combats de la bataille de Normandie, il est investi par les Canadiens le 9 juillet 1944, qui peuvent ensuite s’emparer de la capitale normande et libérer la rive gauche de l’Orne. Le nom de l'endroit –étonnant- pourrait venir, nous dit le site internet de la communauté d’agglomération de Caen (aucame.fr), «des moines de l'abbaye d'Ardenne qui travaillaient en aube blanche dans les champs alentours... ou encore de l'extraction de la pierre de Caen au XIXe siècle qui répandait une poussière blanche sur les sols environnants». La R.N.13 longe ensuite Carpiquet, où se trouve aujourd’hui l’aéroport régional, ancienne base militaire, où s’est jouée la libération de Caen, en juillet 1944. On peut quitter la voie rapide peu avant le bourg de Rots (D613) et suivre l’ancienne chaussée jusqu’à Bretteville-l’Orgueilleuse, village libéré par les forces canadiennes entre le 7 et le 25 juin 1944. Puis c’est à nouveau la quatre-voies que l’on retrouve après le lieu-dit le Haut-du-Pavé. A Sainte-Croix-Grand-Tonne, l’histoire royale se rappelle à nous: en 1786, Louis XVI, lors de son seul et unique voyage officiel (on rappelle qu’il va à Cherbourg visiter le nouveau port militaire) y aurait fait halte. La ferme (où déjeuna sans doute le roi), voit-on dans le volume 7 des Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de Bayeux, «qui portait alors le nom de la Grande bâtisse a pris celui d'Hôtel Fortuné, nom de bon augure qu'elle a toujours conservé depuis»… La route nationale 13 historique franchit maintenant la Seulles au lieu-dit le Vieux-Pont. Par la D94A (route de Caen), nous approchons de Bayeux, capitale du Bessin, première cité française libérée le 7 juin 1944 et, de ce fait miraculeusement préservée des ravages de la guerre! Un document unique et merveilleux s'y trouve: la tapisserie de la reine Mathilde (l’épouse de Guillaume…), longue broderie de 70 m sur laquelle figurent 58 scènes de la conquête de l'Angleterre par les Normands. La cité est traversée dans toute sa longueur par l'ancienne route de Caen à Cherbourg qui forme sa principale rue. La ville, nous narre le Guide Vert Normandie de 1957, «capitale gauloise des Bajocasses, puis grande ville romaine (Augustodurum) et importante cité épiscopale, est prise d’assaut successivement par les Bretons, les Saxons et les Normands». Bayeux devient d’ailleurs le berceau de la dynastie ducale normande, avec la naissance de Guillaume Longue-Epée, considéré comme étant le deuxième duc de Normandie. Ici, découvre-t-on dans un article de Dominique Bertin paru dans les Annales de Normandie, le réseau routier gallo-romain a connu une certaine ampleur, avec le «chemin haussé», utilisé jusqu’à l’époque médiévale, reliant la Basse-Normandie au centre de la Gaule, mentionné sur la Table de Peutinger, et la chaussée de Bayeux au Bac du Port à Bénouville (en gros, les D35, D176 et D12, jalonnées de «camps romains»). Beaucoup plus tard… le 18 juin 1944, le génie britannique engage les travaux du «bypass», la rocade de contournement de Bayeux, aux rues trop étroites pour les chars lourd. Une artère encore en service aujourd’hui (histoirenormande.fr).
«Au-delà de Bayeux, la N13 parcourt les fraîches campagnes du Bessin», sourit le Guide Bleu 1954. Il faut surtout délaisser la quatre-voies autoroutière qui file directement vers Cherbourg et privilégier la départementale 613. A Vaucelles, la chaussée franchit la rivière Drome, puis s’oriente en ligne droite vers Formigny. Ici, entre Bayeux et Carentan, indique ce voyageur en juillet 1825 dans l’Observation sur le mouvement des voitures, «je ne me rappelle pas avoir parcouru de route plus unie, plus roulante. On me fit remarquer que le cailloutage dont elle est formée se compose d’un galet rond»… On passe La Tour-en-Bessin et le lieu-dit dénommé Le Lieu-Cent-Sous, voilà maintenant le petit village de Mosles qui précède les lieux-dits la Butte et la Cavée (dans le nord-ouest de la France, la cavée désigne un chemin creux). On passe l’Aure Inférieure au lieu-dit le Vieux-Pont avant d’aborder Formigny. C'est à la hauteur de ce village que le voyageur se trouve à la hauteur de l'une des plages du D-Day: la sinistre Omaha Beach qui a vu tant de GI's tomber sur le sable normand. Mais c’est aussi là, qu’en 1450, lors d’une autre bataille, cinq siècles auparavant, s’achève la Guerre de Cent Ans contre les… Anglais! A Longueville, un peu plus loin, pour suivre l’ancien itinéraire, il faut arriver à emprunter la rue du Roulage (D204A). Tout comme à la Cambe, où c’est la rue Principale qui faisait office de R.N.13 historique avant le contournement. A Osmanville, on s’écarte à nouveau de la chaussée multivoies pour suivre la route de Cherbourg (D613). Au km 280, Isigny-sur-Mer, nous dit le Guide Bleu, «fait un commerce considérable de beurres». Dans les premières années du XIXe siècle, malgré le mauvais état des chaussées, l’ouvrage Normandie chez Bonneton signale un service de livraison accéléré du beurre à Paris en 36h!
La chaussée aborde ici l’un des passages parmi les plus délicats de la route de Cherbourg, la traverse de la baie fortement marécageuse des Veys (vey = gué). La carte de Cassini (XVIIIe siècle) publiée par l’IGN montre, depuis le village de Saint Clément (au nord d’Isigny) un «passage du grand Vay», jalonné de postes de garde jusqu’à Beuzeville-au-Plain. Tout au long, on y retrouve aujourd’hui des noms de lieux-dits comme le Grand-Chemin ou la Chaussée… Inutile de rajouter que ce passage –périlleux- dans les sables de la baie ne devait être praticable qu’à marée basse… Plus bas, au sud d’Isigny, la même carte ne montre aucun pont sur le «passage du petit Vay» qui sert à aller vers Carentan… Une voie antique passait plus au sud, nous dit Gauthier Langlois dans un article paru sur son blog paratge.wordpress.com, traversant la Vire à la hauteur du lieu-dit la Chasse-Ferrée pour enfin rejoindre Carentan par la D544. On apprend dans le volume 7 des Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de Bayeux, que «le détour que le Roi (Louis XVI, ndlr) fut obligé de faire par Saint-Lo pour se rendre à Cherbourg l'avait étonné. Il apprit qu'il était rendu nécessaire par les obstacles que le Petit-Vey apportait à la communication directe du Bessin avec la presqu'île du Cotentin, que depuis longtemps le projet de relier l'un à l'autre par un pont avait fixé l'attention des intendants, mais sans produire aucun résultat. A son retour à Caen, il fit appeler M. Le Fèvre, ingénieur en chef de la généralité, et lui ordonna de mettre la dernière main aux plans et études commencés pour construire un pont sur le Petit-Vey... (...) La Révolution vint mettre un obstacle momentané à l'exécution de ce projet»... On lit plus loin dans le même ouvrage que «le pont du Petit-Vey et la chaussée ont été livrés à la circulation le 1er mai 1824». Carentan trône au beau milieu d’une vaste zone humide, entre Douve et Taute. En juin 44, les combats y seront violents entre parachutistes américains et allemands. On y entre par la rue d’Isigny (D974). Au Moyen Age, la ville, «cernée par l’eau des marais», nous dit René Le Tenneur dans Carentan à travers les siècles, n’avait «aucune activité industrielle et son activité commerciale était très limitée». Carentan s’organise notamment autour de la rue Sébline (ancienne rue des Prés) gagnée sur le marais, pavée après 1781 et élargie en 1840. Au-delà des faubourgs, nous précise encore René Le Tenneur, «la route n’était bien souvent guère praticable»… et cite un historien: «Jusqu’au pont d’Ouve, les eaux inondent tout le chemin»… De vastes travaux de drainage sont menés entre le XIIe et le XIXe siècle dans toute la région. «A partir de la moitié du XIXe, voit-on dans Carentan à travers les siècles, on constate une réelle reprise de l’activité économique, stimulée par l’assèchement progressif des marais, la construction des grandes routes»… Selon le site ville-carentan.fr, la cité se dote entre 1842 et 1845 d'un bassin à flot et transforme le canal du Haut-Dick en port de commerce. De plus, le chemin de fer arrive en 1858... Un homme d'affaire avisé, Joachim Lepelletier, transforme la beurrerie d'origine en société florissante, qui emploie 300 employés en 1913... Grâce à un nouveau pont sur la Taute à Saint-Hilaire, se crée en 1949 l’amorce d’un premier contournement de Carentan par le boulevard de Verdun et la route de Saint-Côme. Sur ce tronçon, en 1810, ce sont des prisonniers espagnols qui travaillent à la route de Cherbourg, écrit René Le Tenneur. Les zones alentours sont si détrempées et tellement proches du niveau de la mer que Napoléon Ier, avait un temps, envisagé de relier la baie des Veys et la côte ouest par un chenal maritime (Guide Vert Normandie). Une paire de kilomètres au nord, voilà le Pont-d’Ouve, autre passage stratégique vers Cherbourg au milieu des marais. D'après les recherches historiques de Gauthier Langlois (précédemment cité), un château y est bâti vers 1353 par Geoffroy d'Harcourt. Le bâtiment défendait l'accès du pont côté Nord. Sur notre route, le pont de la chaussée royale est encore à péage en 1780. Il sera reconstruit en maçonnerie en 1951 (Carentan à travers les siècles). Le fana des numéros notera qu'une R.N.13D historique reliait les environs de Carentan à Utah Beach, la deuxième plage de débarquement de l'armée américaine en Normandie. Ici et là, sur fond de bocage, de petits panneaux en ciment commémorent les morts alliés dans les opérations militaires... La D974 (R.N.13 historique) entre dans Saint-Côme-du-Mont où le tracé de la multivoies revient se superposer à celui de l’ancienne route. On note un court contournement à Blosville, où il faut emprunter la D974 pour rouler sur l’antique chaussée… Puis la voie croise le village de Sainte-Mère-Eglise, fameux pour avoir été la cible des parachutistes de la 82e division aéroportée US. C'est en ces lieux chargés d'histoire que l'on retrouve la borne km 00 de la Voie de la Liberté.
La route contemporaine contourne Montebourg. Guillaume le Conquérant y fonde dans la deuxième moitié du XIe siècle une abbaye dédiée à Notre-Dame et qui se développe tout au long du XIIe. Les moines possédaient de nombreuses terres. C'est donc une abbaye riche qui entre dans le domaine royal en 1204, quand Philippe Auguste prend la Normandie. En 1346, Edouard III d’Angleterre débarque à Saint-Vaast-la-Hougue et brûle Montebourg dans la foulée. C'est le début de la Guerre de Cent Ans... Le fameux bocage, qui fera tant souffrir les soldats alliés en 1944, naît au XVIIe, d’abord pour des raisons fiscales… On paye moins d’impôts pour les prés que sur des champs labourés. Et l’élevage se développe. A partir de 1765, Montebourg se modifie, nous raconte le site montebourgennormandie.unblog.fr, «on construit la route royale qui va de Paris à Cherbourg. Les habitants de Montebourg ont envoyé une pétition au roi pour que la route passe en plein bourg, au milieu de la place principale, le Haut-Marché, afin de favoriser les foires et le commerce. C’est accordé. (...) On démolit quelques vieilles tanneries et, à leur emplacement, on construit le pont qui enjambe la Durance près du lavoir de la Foulerie». Il est intéressant, ici, de lire les cartes… Le site Géoportail, sur la carte IGN contemporaine mentionne, au sud de Montebourg, un «vieux chemin» (la D420) qui rejoint notre tracé contemporain, après la «chasse des Landes» vers le lieu-dit la Main-Levée. Mais, pour le quitter au plus vite par une «ancienne route» rejoignant Valognes par la Victoire. Ce tracé apparaît aussi sur la carte de Cassini (XVIIIe). La ville de Valognes a une longue histoire: ce serait l’Alauna antique, bâtie au Ier siècle (mairie-valognes.fr)… La ville prospère durant le XVIIe et le XVIIIe siècle et devient la cité principale du Cotentin avant d’être supplantée par le nouveau port de Cherbourg, écrit Wikipédia. C’est aussi le «principal centre de commerce et de l’industrie du beurre en Cotentin», nous dit le Guide Vert de 1957… La ville n’a hélas plus l’aspect aristocratique que décrivait Barbey d’Aurevilly (le «sarcophage» de ses premiers souvenirs…) depuis les amples destructions de juin 1944. A Valognes, la circulation sous Napoléon Ier reste limitée: l'article «Relations économiques et circulation en Normandie à la fin du Premier Empire (1810-1814)» de Jean Vidalenc cite une déclaration du maire de la ville signalant «qu'il passait dans sa ville une diligence tous les deux jours, un fourgon ou des charrettes tous les dix jours entre lesquels s'intercalaient les voitures allant à Cherbourg sans service régulier, en moyenne 1400 à 1500 par an»... Mais l'Annuaire du département de la Manche en 1844 montre néanmoins la difficulté de maintenir le bon état des voiries au temps des diligences: «Cette route a beaucoup souffert par suite des pluies qui ont été presque continuelles pendant l'hiver et le printemps, et de l'augmentation de circulation résultant de l'impulsion donnée aux grands travaux de la marine et du génie militaire. Dans les côtes raides et nombreuses de cette route, entre Valognes et Cherbourg, les voitures suivant les accotements, lorsqu'elles descendent, occasionnent promptement la dégradation de ces accotements qu'il serait convenable d'empierrer pour prévenir cette dégradation; mais ce travail ne peut être fait que lentement avec les ressources ordinaires qui sont à peine suffisantes pour entretenir les chaussées en très bon état. Les chaussées pavées des traverses de Carentan et de Saint-Mère-Eglise ont besoin de réparations»... Il nous reste une vingtaine de kilomètres à parcourir sur une chaussée, dont la réalisation a débuté en 1770, signale Bernard Launey dans l’ouvrage Cherbourg 1900-1975. On sort de Valognes par le boulevard Félix-Buhot (D974). A la hauteur du mont à la Quesne, la carte de Cassini du XVIIIe siècle publiée sur le Géoportail de l’IGN montre une autre voie vers Cherbourg, par Brix et la D50. Le tracé du XIXe siècle passant, lui, par les Rouges-Terres. On lit par ailleurs dans l’Annuaire du département de la Manche 1839 qu’il est demandé «un nouveau tracé de route entre Valognes et Cherbourg, les pentes sur cette partie de la route royale n'étant pas rectifiables».
Au km 344, voilà Cherbourg-Octeville. D'origine gallo-romaine, la cité, d’abord modeste, est rattachée au duché de Normandie avec le Cotentin, en 933, par Guillaume Longue-Epée. Position stratégique, elle est très disputée durant la Guerre de Cent Ans (six changements de propriétaires!). Au fil des ans, la cité devient port militaire, protégé des aléas du grand large par une immense digue de plusieurs kilomètres de long, achevée en 1853, héritière des travaux titanesques menés au XVIIIe siècle, l’immersion des fameux cônes brise-lames. Louis XVI en personne était présent pour la mise en eau de l’une des ces étonnantes structures… La vocation civile du port s’affirme également: un premier transatlantique mouille sur rade dès 1869. A la place de l'immense gare maritime (inaugurée en 1933), d'où sont partis les paquebots à destination du «nouveau monde», les Cherbourgeois ont eu l'idée d'ériger une somptueuse Cité de la Mer dans laquelle on peut visiter l'ancien sous-marin nucléaire français Le Redoutable et s'émerveiller devant de nombreux aquariums... En juin 1944, les Américains libèrent Cherbourg après un court siège. Le port, vite reconstruit, devient la porte d’entrée majeure du ravitaillement allié en Europe, dont le fameux PLUTO, Pipe Line Under The Ocean, qui fournira toute l’essence aux armées US jusqu’en 1945. Un voyage qui finit donc en «histoire d'eau»... Enfin, pas tout à fait, puisqu’il faut noter que, sur la carte Michelin n°54 Cherbourg-Caen, la route nationale 13, en 1965, s’achève au fort de Querqueville, quelques hectomètres après Cherbourg! Marc Verney, Sur ma route, mai 2016
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