Lors de mon passage, la nationale 191 ne manquait pas de vieux vestiges de son passé automobile. Cette borne se trouve à Boissy-le-Cutté (photo: MV, juin 2007).

SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°94 Environs de Paris, Michelin (1947); carte n°95 Environs de Paris, Michelin (1954, 1955); carte n°97 150 km autour de Paris, Michelin (1970); Bulletin des lois de l'Empire français, Imprimerie impériale (1867); Bulletin des lois de la République française, Imprimerie nationale (1849); Bulletin des lois du Royaume de France, Imprimerie royale (1844); Etampes en lieux et places, Frédéric Gatineau, association A travers champs (2003); Guide Bleu des environs de Paris, Hachette (1928); Guide des environs de Paris, Taride (1928); Guide Vert Environs de Paris, Michelin (1965); Histoire de Montainville: joli village du pays de Pincerais (des origines au XXe siècle), Jacques Tréton, J. Tréton (1998); Histoire du Canton de Meulan, volumes 1 à 2, Edmond Bories, Laffitte Reprints (1906); Rambouillet devenu chef-lieu d'arrondissement, J.-S. Delorme, imprimerie de Madame Poussin (1839); Recueil de documents statistiques, direction générale des ponts et chaussées et des mines, Impr. royale (1837); Recherches sur les routes anciennes dans le département de Seine-et-Oise, Adolphe Dutilleux, Collection XIX (2016); Table décennale du bulletin des lois, Imprimerie impériale (1865); ablis.fr; aventures-culturelles.fr; boissy-le-cutte.fr; corpusetampois.com; epone.fr; etampois-sudessonne.fr; fontenaylevicomte.fr; lafertealais.fr; lesmesnuls.fr; mairie-etampes.fr; mareil-le-guyon.fr; mennecy.fr; monumentum.fr; villeneuve-mesnil.fr; Wikipédia; Wikisara. Remerciements: le Géoportail de l’IGN; CartoMundi.

Juste avant Baulne, en arrivant de Ballancourt-sur-Essonne (photo: MV, juin 2007).

LIEUX TRAVERSES PAR LA R. N.191 (1959):
Epône (N13)
Aulnay-s-Mauldre
Maule
Mareil-s-Mauldre (N307)
Beynes
Neauphle-le-Vieux (gare)
(N12)
Mareil-le-Guyon
Les Mesnuls
(N10)
Rambouillet
Ablis
Paray-Douaville
Authon-la-Plaine (N838)
Boutervilliers
Etampes (N20)
Mesnil-Racoin
Boissy-le-Cutté
La Ferté-Alais (N449)
Baulne
Ballancourt-s-Essonne
Fontenay-le-Vicomte
Mennecy
Le Plessis-Chenet (N7)
Corbeil-Essonnes


NOTE IMPORTANTE: toutes les photos de ce site sont soumises au droit d'auteur. Aucune utilisation de ces images hors de ces pages n'est permise sans l'autorisation de l'auteur de Sur ma route qui parcourt la France en long et en large... Merci d'en tenir compte!

Carte des Routes à priorité (réseau officiel au 1er avril 1933) éditée par le Laboratoire de médecine expérimentale pour le corps médical. On y remarque qu'à l'époque, la R.N.191 prend la place de la R.N.10 entre Rambouillet et Ablis (qui, elle, passe par Maintenon).
A VOIR, A FAIRE
Epône: un parcours fléché –en 1h30- met en lumière vingt lieux notamment l'église Saint-Béat du XIe siècle, le parc du château du XVIIe siècle, le temple de David et pas moins de onze objets classés qui retracent l’histoire de France avec ses pages importantes écrites dans le parc du château, indique le site epone.fr. A une dizaine de kilomètres à l’ouest se trouve Mantes-la-Jolie: la collégiale Notre-Dame, église gothique des XIIe et XIIIe siècles; Le Vieux Pont, dont l'origine remonte au XIIe siècle, qui reliait la ville de Limay à Mantes et dont il ne reste que quelques arches.
Maule: l’église, bâtie fin XIe… et à 6,5 kilomètres, le ZooSafari de Thoiry.
Beynes: les ruines du château, qui trouve ses origines au XIe siècle.
Neauphle-le-Vieux: l’église Saint-Nicolas de Neauphle-le-Château (à 2 km à l'est), construite en 1118, les promenades dans la forêt de Sainte-Apolline (voie antique), le château de Pontchartrain.
Mareil-le-Guyon: des promenades autour du village et le site de Monfort-l’Amaury, à quelques kilomètres à l’ouest.
Les Mesnuls: l'allée des Tilleuls, le château et la poterne à deux tourelles. Les promenades dans la forêt de Rambouillet et le parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse.
Rambouillet: le château, le parc et le domaine (les lieux abritent aussi un jardin anglais de 25 ha). On trouve aussi la Bergerie nationale, une ferme expérimentale destinée à l'élevage de moutons mérinos importés d’Espagne par Louis XVI en 1786 (boutique de produits bio).
Ablis: à l'ouest, sur la R.N.10, Chartres et sa cathédrale... à l'est, Dourdan, ancienne ville royale et capitale du Hurepoix.
Etampes: deux promenades thématiques jalonnées de plaques en lave émaillée permettent de découvrir l'histoire d'Etampes. Le visiteur s'intéressera à la collégiale Notre-Dame dont la crypte date du XIe siècle, à la tour Guinette, un donjon au rare plan quadrilobé, à l'église Saint-Martin, bâtie aux XIIe et XIIIe siècles, dont la tour, reconstruite au XVIe, est nettement penchée...

La Ferté-Alais: Au départ de la gare de la Ferté-Alais, un circuit touristique permet de découvrir le patrimoine de la cité (églises, lavoir, petites rues, place du Marché...). Chaque année à la Pentecôte a lieu un important meeting aérien sur l'aérodrome de Cerny-la Ferté-Alais.









 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 














Belles routes en région parisienne...
R.N.191: LE TOUR DE L'ILE (DE FRANCE)...
Entre Epône, sur les bords de la Seine et Corbeil-Essonnes, sur les bords de... la Seine, une jolie route propose le tour du bassin parisien par le sud: la nationale 191 (aujourd'hui D191), qui, en 1959, reliait de charmants bourgs comme Mareil-sur-Mauldre, Etampes, la Ferté-Alais, Fontenay-le-Vicomte... Soit une petite centaine de kilomètres d'une balade qui fleure bon les premiers weekends de l'été, quand on rôdait sa caisse sur les rondeurs agricoles de la région capitale avant d'entamer le périple estival sur la R.N.6 ou la R.N.7... Voici un nouveau texte, plus dense et bien plus complet, sur le tracé et l’histoire de cette chaussée francilienne…

Eté 2007... Joli virage de la R.N.191 historique peu avant Baulne et la Ferté-Alais lorsque l'on arrive de Ballancourt-sur-Essonne (photo: Marc Verney, juin 2007). En cliquant sur l'image vous continuez sur la R.N.7. Pour retourner sur la page index, cliquez ici.

Voilà Epône, en bordure de Seine. C’est de là que jaillissent les premiers hectomètres de la R.N.191 historique (D191) au niveau du lieu-dit du «Poteau d’Epône». Sur le Géoportail de l’IGN, la carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) nous montre une disposition des chaussées quasi identique à celle d’aujourd’hui. Ancienne départementale n°4, la route de Mantes à Corbeil est élevée au rang de route royale de 3e classe en 1820 (Wikisara). En 1847, effectivement, la Géographie départementale, classique et administrative de la France d'Ernest Badin évoque la route royale n°191, de Corbeil à Mantes, qui est «la plus longue du département» de Seine-et-Oise (en 2020, on est ici dans les Yvelines). Ce schéma n’est pas dessiné sur la carte de Cassini (XVIIIe), puisque la route d’Epône semble rester sur la rive gauche de la Mauldre jusqu’à Maule. Cette même carte de Cassini montre une autre voie en provenance de Flins, le «grand chemin de Maule», qui débouche dans la vallée de la Mauldre par la «côte d’Aulnay». Placée «en amphithéâtre sur les coteaux qui dominent le débouché de la vallée de la Mauldre», la petite cité d’Epône, nous indique le Guide Bleu des environs de Paris de 1928, possède une église -avec un clocher octogonal roman- «du XIe siècle dédiée à Saint-Béat, ermite venu du Midi au Ve siècle pour évangéliser le pays carnute», raconte le site epone.fr. De son côté, l’ancien château, du XVIIe siècle, «fut détruit le 18 août 1944 par les Allemands». Non loin de là aussi, voici plusieurs dolmens. Il s'agit, nous dit encore epone.fr, de «l’allée couverte de la Justice», qui fut découverte au XVIIIe siècle et pillée en 1793 avant d’être finalement fouillée en 1881. Des ossements humains y ont été découverts ainsi que des outils.

R.N.13: DEBARQUEMENT A L'HORIZON
Dans les années cinquante, la route nationale 13 relie Paris à Cherbourg en passant par Lisieux, Caen, Bayeux. Normandie nous voilà... (lire)

Notre chemin s'enfonce dans la vallée de la Mauldre (on n'est quand même pas dans les Alpes et le relief reste doux...) par Nézel et Aulnay-sur-Mauldre. Ici, la carte d’état-major du XIXe du Géoportail montre des moulins sur le cours d’eau: moulins de Mille-Soupes, de la Chaussée… la page Wikipédia d’Aulnay y signale l'installation, en 1867, d'une «usine à papier par Émile Larnaude». La promenade le long de cette petite rivière est signalée en 1948 dans le Guide des environs de Paris (Taride): voilà, nous dit ce petit road book, une balade «pittoresque». Au passage, on pourra noter la précision de ces anciens ouvrages: à Nézel par exemple, Taride nous alerte sur la présence d'un passage à niveau, tout comme à Maule, bourg situé plus avant sur le trajet... Celui-ci appartenait jadis à la tribu gauloise des Carnutes, mentionne Wikipédia. Au moment de la guerre de Cent Ans, Maule, déjà touchée par la peste noire est saccagée en 1357 par les combattants de ce conflit, car elle se situe à la frontière entre les possessions de la couronne royale française -à l'est- et le domaine de Charles II de Navarre, alors allié des Anglais. A Mareil-sur-Mauldre, la route rencontre la R.N.307 historique, qui achève ici son parcours depuis la porte de Saint-Cloud. Si cette dernière chaussée est bien dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par l’IGN, on ne voit rien côté Beynes. Le site monumentum.fr donne le XVIIIe siècle pour la construction du pont sur la Mauldre car celui-ci irrigue aussi un chemin allant sur Montainville et Andelu visible sur Cassini. Il est fort possible que l’ouvrage remonte à la fin du XVIIIe, puisque l’on apprend, dans l’Histoire de Montainville, le «projet en 1779 de construction d'un pont et de deux routes nouvelles passant par le village de Mareil». Les choses n'ont pas dû avancer bien vite... On lit, dans l'Histoire du Canton de Meulan, que les habitants de Maule (dans leurs doléances de 1789), «réclamaient l'achèvement de la route de Versailles à Mantes, commencée depuis plus de trente ans», passant par leur bourg, et «dont il ne restait plus qu'une lieue à faire pour qu'elle rejoigne celle de Mantes à Ecquevilly». Retour à l’Histoire de Montaiville: «La portion de route royale allant de la sortie de Mareil vers Beynes et dont les plans furent décidés en 1787 est presque achevée sous la Restauration. elle est plantée d'un mail de platanes». Cinq kilomètres plus au sud, voilà Beynes. Au XIVe siècle, le château fort du bourg a participé à la défense de Paris contre les Anglais, indique Wikipédia. De Beynes à Neauphle-le-Vieux, la route, remonte toujours le val de Mauldre, mais côté rive droite par la «route du Pontel». Son tracé, visible sur les cartes de XIXe siècle, ne comporte que peu de différences avec la chaussée actuelle, hormis à la sortie de Beynes et à la hauteur de Cressay (côte de la Chapelle), où des rectifications sont ordonnées par un décret impérial de mars 1867.

A Beynes, en 2008 (photo: Marc Verney, juin 2008).

A Neauphle-le-Vieux (photo: EF, juin 2008).

R.N.12: AU BOUT DES TERRES
L'appel du large! La route nationale 12 nous transporte jusqu'au bout des terres, à Brest. Préparez le pull rayé et le bonnet de marin !!! (lire)

La route nationale 191 historique ne passe pas exactement à Neauphle-le-Château, tout proche, mais effleure Neauphle-le-Vieux au lieu-dit la Mauldrette, coupe les voies SNCF sous un pont puis va se «jeter» dans l’actuelle D912 (R.N.12 historique) un peu après Pontchartrain au lieu-dit le Pontel. Il faut suivre un kilomètre de la route de Paris à Brest pour dénicher, sur notre gauche, la jonction avec une nouvelle partie de la R.N.191. Le tracé de notre chaussée, jusqu’aux Mesnuls et Saint-Hubert, n’est visible qu’à partir des cartes d’état-major du XIXe siècle. Confirmation par l’ouvrage Rambouillet devenu chef-lieu d'arrondissement (1839), qui indique que c'est en 1824, que «la lacune des Mesnuls, sur la route royale 191, venait d'être confectionnée de la manière la plus satisfaisante». Voilà donc tout d’abord Mareil-le-Guyon, un mignon petit bourg dans lequel on roule sur la «pointe des pneus» tant on a l'impression d'entrer dans la cour d'un particulier... «Le château de Mareil a été construit au Moyen-Age au milieu des marécages qui assuraient sa protection et qui ont été drainés depuis», écrit Jean-Pierre Jouve sur le site mareil-le-guyon.fr. «En 1719, lit-on sur la page Wikipédia consacrée à l’édifice, la famille Chaumont de Galaizière acquiert le château et le conserve jusqu'en 1789. Le plus célèbre membre de cette illustre famille est Antoine-Martin Chaumont de La Galaizière, marquis de La Galaizière, nommé "intendant des troupes françaises en Lorraine" par Louis XV et chancelier du Roi Stanislas Ier en 1737». A côté, nous indique le Guide Bleu des environs de Paris (1928), le touriste pourra visiter Montfort-l'Amaury, «petite ville ancienne et très pittoresque» située «à la lisière nord de la forêt de Rambouillet». Retour sur la R.N.191, on longe la Guyonne jusqu’au lieu-dit le Cheval-Mort. Dans le village des Mesnuls, l’allée des Tilleuls (encore pavée) semble vouloir s'enfiler entre les tours d'une forteresse moyenâgeuse cachant en son sein une bâtisse du XVIIe siècle... Sous les massifs platanes longeant la chaussée, tout cela ne manque pas de classe! A l'époque gallo-romaine, raconte le site lesmesnuls.fr, «une voie traverse l'actuel territoire de la commune. Cette chaussée venant de Beauvais passe par Jouars-Pontchartrain, Bazoches, les Mesnuls, Saint-Léger, Epernon, Chartres et aboutit à Orléans». Le nom actuel de Mesnuls apparaît au XIIIe siècle; en 1230, Ernaut des Mesnuls, «pose la première pierre d'un manoir sur le site actuel du château», dit encore le site communal. En 1540, Christophe de Refuge «fait construire la poterne actuelle» à l'emplacement du manoir d'origine. Le château est achevé en 1630. L'allée des Tilleuls, qui relie la place de l'Eglise à la poterne est réalisée en 1792. Au sud, la sortie des Mesnuls est rectifiée en 1843 au niveau de la Foucharderie en démolissant plusieurs maisons de ce hameau (Wikipédia). Dès lors, la «route de Mantes» s’oriente en direction de Saint-Hubert en traversant le bois des Plainvaux. A Saint-Hubert, notre chemin croise les restes d’un nouveau château, dû à Louis XV, qui aimait chasser dans les environs, non loin des étangs de Pourras, créés sous Louis XIV afin d'alimenter en eaux le parc de Versailles. Ce qui deviendra peu à peu une nouvelle résidence royale, sera démoli en 1855. «Louis XV avait envisagé d'établir à Saint-Hubert une petite ville. Les maisons du village, d'un type uniforme, portent témoignage de ce projet qui ne fut pas mené à son terme», conclut Wikipédia. La jonction avec la route nationale 10 se fait entre les Essarts-le-Roi au nord et le Perray-en-Yvelines au sud. Jusqu'à Ablis, le tracé de la R.N.191 va se fondre dans celui de la R.N.10. Ce qui n’était pas le cas avant 1949, puisque la R.N.10 passait plus au nord, à Epernon et Maintenon.

R.N.10: AUX BASQUES DE LA GIRONDE
La route annonce la couleur: rouge piment d'espelette, rouge bordeaux, rouge de touraine... la N10? une route de gastronomes... (lire)

Donc, depuis 1949, la R.N.191 renaît à Ablis. On dit (le Guide Bleu...) que Guillaume le Conquérant y aurait dormi dans un vieil hôtel, proche du presbytère. Force est de constater que tout le bourg est désormais endormi... relégué au rang de cité dortoir pour Franciliens -relativement- aisés... Et pourtant, l’histoire est ancienne: «A l’époque de la Gaule celtique, dit ablis.fr, une tribu appartenant aux Carnutes, basés à Chartres, s’installe au croisement de deux routes, l’une ralliant Auneau, l’autre Gallardon», fondant ainsi le petit bourg. A l’époque gallo-romaine, ce sont deux voies antiques qui se croisent ici, l’une menant à Chartres, l’autre à Orléans. Plus tard, au Moyen Age, les pèlerins, en route pour Saint-Jacques de Compostelle via Chartres font halte dans les aumôneries et léproseries de la cité. «Le territoire appartient à la châtellenie de Bréthencourt, propriété de Guy le Rouge, seigneur de Rochefort, puis Ablis est dominé par les familles d’Auneau et de Gallardon. La ville est fortifiée en 1562, puis en 1652 pendant la Fronde», raconte encore le site internet municipal. Mais Ablis, c'est aussi la porte de la Beauce. Un plat pays que ne renierait pas Jacques Brel... Au sortir de ce bourg, il faut suivre la rue de la Libération. Ca tombe bien, nous voici jusqu’à Etampes sur la «voie de la Liberté», qui marque la progression de la IIIe armée du général Patton durant l’été 1944 en France. Au sud d’Ablis, l’itinéraire est (très) ancien puisque nous roulons sur les vestiges de la voie romaine d’Orléans que nous laissons filer plein sud après le lieu-dit le Petit-Orme, où se trouvait une importante sucrerie. Ce chemin est encore bien indiqué sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN. Le bitume défile au coeur des blés d'été. Et coupe les mottes de terre dans la grisaille de l’hiver. Il faut le dire: ce coin est ennuyeux. Les villages défilent, comme des silhouettes égarées dans l'horizon lointain. Voilà Paray-Douaville, autrefois appelée Paré-le-Moineau; la chaussée n’y apparaît que sous la forme d’un chemin sur la carte d’état-major du XIXe (1820-1866) publiée sur le site de l’IGN… et pourtant le n°191 y figure bien (en rouge) jusqu’à Etampes… C’est une des «lacunes» du réseau routier de l’époque; et celle-ci ne sera comblée que progressivement. Si un premier tronçon de la R.N.191 avait bien été réalisé d’Etampes aux Granges-le-Roi (vers Dourdan), nous signale Wikisara, cet itinéraire –plus au nord- sera dédaigné au profit de l’actuelle liaison, ordonnée en avril 1841 (ord. n°9343) et février 1844 (ord. n°11227) de Paray-Douaville jusqu’au lieu-dit la Cabane-à-Pierrot (ou la Croix-de-Chenay). Les travaux se feront jusqu’au milieu du XIXe siècle.

Nous voici maintenant à Allainville et Authon-la-Plaine, où l’on croise la R.N.838 de Dourdan. Le village a été fortifié par autorisation royale en 1578 «selon un tracé hexagonal», nous dit le site etampois-sudessonne.fr. Rien de bien passionnant avant Etampes, où l’on arrive aujourd’hui par l’avenue du 8-Mai-1945. Ce n’a pas toujours été le cas, une ancienne voie suivait l’avenue Henri-Farman passant non loin de la ferme de Guinette pour ensuite descendre dans le centre-bourg par la côte de Rambouillet et la rue du Château. Ce changement d’approche a été rendu nécessaire par la construction de la gare et de la tranchée du chemin de fer d’Orléans à partir de 1843. La cité est une «villégiature agréable», nous signale le Taride 1948.

Etampes, la belle étape. Une première cité existait en 58 avant J.C. à l'emplacement de l'actuelle église Saint-Martin, voit-on sur le site mairie-etampes.fr. Placée sur la voie antique de Lutèce à Cenabum (Orléans), elle profita ensuite du passage, au Moyen Age, des nombreux pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. Sous l'impulsion des rois de France, Robert le Pieux et Louis VI, Etampes s'agrandit au XIe siècle: autour de la résidence royale, se construit une véritable nouvelle ville, irriguée par les eaux détournées de la Louette et de la Chalouette. D’autres bâtiments sont élevés au XIIe siècle autour de l'église Saint-Gilles. Placée au coeur des guerres de religion, la ville est ravagée par les troupes protestantes. En 1589, Henri IV s'en empare; le château et les remparts sont détruits. Le 10 juin 1944, les bombardiers de la RAF attaquent cet important noeud ferroviaire: le quartier Saint-Gilles est dévasté et 141 habitants sont tués. La ville, qui est également traversée par la R.N.20 historique, compte de bien beaux restes d'un passé plutôt prestigieux. On jetera un oeil sur la tour Guinette, l'église Ste-Basile (XIe) ou l'église St-Martin, au clocher étrangement penché, car bâti sur un sol marécageux.

On traversait la ville par la longue rue de la République (qui a porté des noms différents au fils des âges) et qui va jusqu’au faubourg Saint-Pierre. «Cet axe est-ouest de la ville correspond au tracé médiéval de l’ancienne route Sens-Chartres, écrit Frédéric Gatineau dans l'ouvrage Etampes en lieux et places. Le passage de la nationale 191 (Corbeil-Mantes) y provoquera de multiples embouteillages jusqu’à sa déviation par l’avenue de Coquerive en 1969». Plus loin, la «route de la Ferté-Alais» remplace l’ancien «chemin de la Ferté-Alais» mais longe toujours le «hameau de Bretagne», ainsi nommé en raison –peut-être- des nombreux soldats d’origine bretonne qui y furent ensevelis au XVe siècle durant les conflits de l’époque. Un tout petit peu plus loin, l’ancienne chaussée du XIXe, telle que dessinée sur la carte d’état-major (1820-1866) publiée par le Géoportail de l’IGN, suivait le chemin des Vaux-Logers et zigzaguait au pied de la butte de Blandar. La rectification dite de la «côte de Beauvais» passant au cœur du vallon, signale le Bulletin des lois de la République française, a été planifiée «le 30 décembre 1846». Après la sortie d'Etampes, la R.N.191 (D191) se sépare de la «voie de la Liberté» qui emprunte la R.N.837 (D837) vers Milly-la-Forêt. Nous voici encore au milieu des champs mais on va, imperceptiblement, retrouver quelques reliefs en avançant vers la Ferté-Alais… Jusqu’au Mesnil-Racoin, voit-on sur les sublimes photographies aériennes de l’IGN des années cinquante, notre chaussée était garnie d’une double allée d’arbres, tranchant de belle manière dans cette mer de céréales, installée depuis des lustres de la Beauce à la Brie… Mais cette région, entre Hurepoix et Gâtinais, recèle bien quelques surprises: ainsi, nous dit le site aventures-culturelles.fr (qui propose des promenades dans les environs), «alors que les céréales envahissent les plaines, les fonds de vallée sont destinés à la production maraîchère, dont les spécialités sont les petits pois de Clamart, la tomate de Monthléry, le cresson de Méreville, les fraises de Bièvre et de Marcoussis»… Que du gourmand!

Au Mesnil-Racoin en 2007 (photo: Marc Verney, juin 2007).

L’entrée du Mesnil-Racoin se fait par la rue des Hautes-Bruyères. Des carrières de grès sont exploitées dans la région à la fin du XIXe siècle (carr. des Brétines et des Bois-Thibault), raconte le site villeneuve-mesnil.fr: «Elles employaient une soixantaine d’ouvriers, dont une vingtaine d’Italiens. Ces entreprises produisaient des pavés destinés aux rues parisiennes». On doit noter que les cartes d’état-major du début du XIXe siècle montrent un «ancien chemin d’Etampes à la Ferté-Alais» se détournant du Mesnil-Racoin et arrivant par l’ouest à Boissy-le-Cutté. Mais on constate également d’autres modifications par rapport à notre R.N.191 de 1959: sur la carte d’état-major (1820-1866) publiée sur le Géoportail de l’IGN, une chaussée sortait du Mesnil-Racoin par la «rue du Relay» avant de grimper en direction de Boissy-le-Cutté par le «chemin de la Vieille-Montagne» qui faisait une épingle à cheveux digne des Alpes sous le Gros-Rocher… Et il faut attendre le 23 août 1858 pour voir acter par décret la rectification de cette côte par une nouvelle voie passant «la vallée des Rois». A Boissy-le-Cutté, la viticulture a tenu une place importante jusqu’à la fin du XIXe siècle. Et, comme dans le village précédent, l’activité des carriers a connu un grand essor à la Belle-Epoque, nous dit le site boissy-le-cutte.fr. Juste après avoir longé Cerny, notre R.N.191 historique aborde la Ferté-Alais. Le petit bourg, situé sur la rive droite de l'Essonne, nous dit le Guide Bleu 1928, «a conservé la forme» des enceintes du château qui la protégeait. «Dès l’an mil, dit le site lafertealais.fr, le bourg est une place fortifiée. Elle avait pour mission de garder le gué de l’Essonne, vers la Gâtine, ainsi que la jonction des routes de la Brie et de la Beauce. Le premier seigneur connu de la cité est Robert 1er, grand père d’Hugues Capet, en 865. Au début du Xe siècle, les Normands assiégèrent Paris et des forteresses dites "fertés", sont élevées afin de défendre la capitale, notamment à Etampes et à la Ferté». «Alais, nous signale le Guide Vert Environs de Paris (1965), est l’abréviation d’Adélaïde, châtelaine du lieu au XIe siècle». La guerre de Cent Ans dévaste la région et c’est sans doute au cours de ce conflit qu’est rasé le château, vers 1358. Etre sur une voie de communication d’importance cela n’attire souvent que des ennuis… au cours des guerres de religion, l’armée huguenote ravage la cité, puis un siècle plus tard, après un intervalle marqué par le développement de la cité, la fronde, suivie par la famine, déferlent sur la région… En 1870, la Ferté Alais est occupée par les Prussiens pendant six mois. Situé sur le plateau, l'ancien «aérodrome de secours» de la Ferté-Alais est devenu aujourd’hui un magnifique musée de l'Aviation qui s'anime chaque année lors d'un époustouflant meeting aérien où sont présentés en vol les avions qui ont fait l'histoire des plus lourds que l'air...

A l'entrée de Boissy-le-Cutté (photo: Marc Verney, juin 2007).
Plaque de cocher à Ballancourt (photo: Marc Verney, juin 2007).

La route remonte franchement vers le nord en direction de Corbeil et suit de loin le val de l'Essonne par Baulne, Ballancourt-sur-Essonne, Fontenay-le-Vicomte Les multiples étangs artificiels, qui parsèment le tracé de la rivière, sont ici, nous explique le Guide Bleu, «le paradis des pêcheurs à la ligne». Ici, la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par l’IGN nous montre une chaussée remontant l’Essonne jusqu’au carrefour de la D191 avec la R.N.7 historique, à la Demi-Lune. Mais le Recueil de documents statistiques de 1837 montre une partie de la route à réparer entre «le pavé de Baulne et la Ferté-Aleps, par reconstruction et élargissement». Deux contournements récents émaillent la fin de notre parcours: autour de Ballancourt (1984) et autour de Fontenay-le-Vicomte (1985), indique Wikisara. L’urbanisation est ancienne dans la région: «Durant l'Antiquité, écrit Wikipédia, un habitat rural existait sur le plateau de Fontenay»; celui-ci a été découvert en 1966. Puis, «un castellum fut érigé au IVe siècle à la limite du plateau, dominant l'Essonne. Il constituait un poste de surveillance de la rivière et de la route, à la frontière entre Parisis et Sénons». La vallée de l’Essonne, basse et marécageuse, était propice à l’exploitation de la tourbe, qui dura toute la première moitié du XIXe siècle (fontenaylevicomte.fr). Dès lors, on longe le parc de Villeroy, où l'on trouvait autrefois, explique le site mennecy.fr, «un château Renaissance ainsi que des douves, un donjon et des tours». Dans le secteur, le Recueil de documents statistiques de 1837 signale «une chaussée en blocage à convertir en empierrement, à la porte de Mennecy». Encore quelques kilomètres désormais sans aucun intérêt, la R.N.191 historique rejoint la R.N.7 au Plessis-Chenet avant de renaître pour deux kilomètres jusqu'au centre de Corbeil-Essonnes.

Marc Verney, Sur ma route, janvier 2021

R.N.7: LA ROUTE DES MILLE BORNES
La N7 est sans doute la plus connue de nos nationales historiques. Voilà la plus sympathique des balades vers la Côte d'Azur... Près de mille kilomètres avant de plonger dans la Grande Bleue... (lire)