Ancienne signalisation Michelin de la RN1 à l'entrée de Saint-Denis, sur l'avenue du Pdt-Wilson (source: médiathèque de Saint-Denis). Ce site respecte le droit d'auteur. En cas de souci sur cette image, merci de le faire savoir à l'auteur. Merci!

SOURCES ET DOCUMENTS : Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte cycliste Michelin n°120 50 km autour de Paris (1947); carte Michelin n°55 Caen-Paris (1955); carte Michelin n°97, 150 km autour de Paris (1970); carte Michelin n°100, Sorties de Paris (1965); Beaumont-sur-Oise, hier, aujourd’hui, demain, ville de Beaumont-sur-Oise, 1999; Beaumont-sur-Oise, images de rues, municipalité de Beaumont, éd. des Etannets, 2000; De Percenco à Persan, Nanou Meynard-Villemagne, éd. du Valhermeil, 2005; En diligence sur la route royale n°1 aux XVIIIe et XIXe siècles, Jean Lahousse, Syndicat d’initiative de la vallée de Presles, 2002; Histoire de Beaumont-sur-Oise, Paul Bisson de Barthélémy (imp. de Persan-Beaumont); Histoire de Beauvais et du Beauvaisis, sous la direction de Jean Ganiage, éditions Privat, 1987; Histoire de Saint-Denis, sous la direction de Roger Bourderon et de Pierre de Peretti, éditions Privat, 1988; Histoire de la ville et du canton de Saint-Denis, Fernand Bournon, librairie Ch. Delagrave (1892); La petite Espagne de la Plaine-Saint-Denis, 1900-1980, Natacha Lillo, Autrement, 2004; La Plaine-Saint-Denis, Anne Lombard-Jourdan, CNRS éditions-Ed. PSD Saint-Denis, 1994; «La Plaine-Saint-Denis dans l'entre-deux», Alain Bertho, revue Projet (2008/2); La ville de Pierrefitte, son histoire, son évolution, Jean Abily, secrétaire général de la mairie (1957); Le chasse-marée de Picardie sur la route du poisson, Lucette Fontaine-Bayer, éditions Dumerchez, 1993; La Seine-Saint-Denis, hier et aujourd’hui, Guy Martignon, Sides, 1998; Les routes de France du XXe siècle (1900-1951), Georges Reverdy, Presses de l’ENPC, 2007; L’Oise autrefois, Robert Lemaire, éditions Horvath; Recherches sur les routes anciennes de Seine-et-Oise, A. Dutilleux, imprimerie et librairie Cerf et fils, 1881; Saint-Denis au coin des rues, Pierre Donzenel, éd. PSD, 1999; Saint-Denis 1948-1976, Pierre Donzenel, éd. Allan Sutton, 2001; Wikipédia; Wikisara; francebleu.fr; mairie-groslay.fr; noailles60.fr; saintbrice95.fr; saintegenevieveoise.fr; tourisme93.com; Géoportail (IGN).

Signalisation de la N1 à la porte de Paris, à l'entrée de Saint-Denis (photo: MV, déc. 2005).

LOCALITES traversées par la R.N.1 (1959):
Paris, porte de la Chapelle (Bd périphérique)
La Plaine-St-Denis

Saint-Denis
Pierrefitte (N16)
Groslay
Saint-Brice
Moisselles

(Beaumont-s-Oise)
(Persan)
(Chambly)
Sainte-Geneviève
Noailles
Warluis
Beauvais (N31)

Panneau indicateur moderne de la RN1 peu avant Pierrefitte. Les lieux se transforment profondément avec l'arrivée d'un tramway sur pneus (photo: MV, octobre 2012).
Ancienne signalisation Michelin à Puiseux-le-Hauberger. Le village conserve précieusement plusieurs panneaux de béton (photo: MV, sept. 2006).
Ancienne borne kilométrique de la RN1 à l'entrée de Beauvais, faubourg Saint-Jacques (photo: MV, août 2011).
LE CHASSE-MAREE, ou la route de la mer… Alimenter Paris en poisson frais n’a pas toujours été une mince affaire. On trouve le terme chasse-marée pour la première fois au XIVe siècle. On décrit ainsi les gens qui amènent le poisson frais sur les marchés parisiens depuis les côtes de la Manche (Boulogne, Dieppe principalement). Leurs itinéraires étaient souvent distincts des routes habituelles; certains convergeaient vers Beauvais, l’un des postes de péage principaux. Leurs moyens de transports étaient très variables, de la simple brouette au cheval (le bidet), qui portait la «somme», jusqu’aux attelages tirés par cinq chevaux (le ballon de marée)… Durant le voyage, les poissons étaient protégés par des enveloppes d'algues, de fougère, de foin ou de paille. C’était une vraie course contre la montre pour livrer le produit pêché le plus frais possible! Il fallait donc que le poisson soit livré à Paris en deux jours tout au plus… A Beauvais, des itinéraires de déviation précis étaient organisés; il y avait même un vrai code routier: dans les passages difficiles, c’était à la charrette la moins chargée de se détourner du chemin. L'activité difficile des chasse-marée a pris fin en 1848 avec l'inauguration de la ligne de chemin de fer entre Boulogne-sur-Mer et Paris.

AUTRES RESSOURCES autour de la nationale 1 historique: La page Wikisara consacrée à cette ancienne nationale française (lire).
La page Wikipédia de la RN1 historique (lire).

AU LECTEUR: merci de noter que ce site respecte le droit d'auteur. Toute autre utilisations des textes, images, dessins présents sur les pages de Sur ma route est soumise à l'autorisation de l'auteur (sauf mention contraire).



Belles routes en France...
R.N.1: A NOUS LES PETITES ANGLAISES (I)
En 1959, la nationale n°1 allait de Paris à Calais. C'était, par excellence, la voie qui emmenait les Français vers Londres... et réciproquement, qui propulsait les Anglais vers les joies du continent... Malgré le Brexit, le Nord-Pas-de-Calais attire de nos jours encore tant les populations britanniques et leurs jolies petites MG, Rover, Vauxhall que les services de l'équipement hexagonaux ont tapissé les paysages routiers de la région d'énergiques invitations à rouler à droite: Keep right. C'est ça aussi «l'entente cordiale»! Nous vous proposons en 2023 un tout nouveau texte de présentation de l’itinéraire car le site Sur ma route a, cette fois, refait virtuellement le trajet Paris-Calais en passant par les nouvelles documentations numériques trouvées ici et là… Voici la première partie du trajet, entre Paris et Beauvais.

Début de la N1 historique à Paris, porte de la Chapelle (photo: MV, déc. 2005). En cliquant sur l'image, vous avancez sur la nationale 1 historique!


PERIPHERIQUE PARISIEN: L'ANNEAU MAJEUR
Avant de sortir de Paris, un petit tour sur le boulevard périphérique de la capitale? On y rencontre du béton, du métal et du plastique. Des gens, aussi... (lire)

Le début de la nationale 1 historique de Paris à Calais se situe en 1959 à la porte de la Chapelle. C'était, lit-on dans l'encyclopédie en ligne Wikipédia, «une vaste entrée des fortifications de 1840, qui contrôlait la route impériale numéro 1 de Paris à Calais par Saint-Denis et qui faisait suite à la rue de la Chapelle, ancienne grand-rue de la commune de La Chapelle, de nos jours disparue». La zone perd progressivement sa vocation agricole au XIXe siècle par la poussée démographique parisienne puis, donc, l’élévation, de 1840 à 1841, de l’enceinte de Thiers –longue de trente-trois kilomètres- matérialisée par le tracé des boulevards des Maréchaux actuels. En 1860, la commune de La Chapelle est annexée par Paris: la porte de la Chapelle devient une des sorties de la capitale française. Après le passage sous le périphérique, le macadam de la route s'extirpe de la petite ceinture parisienne et file, quasi absorbé par l'imposante autoroute A1 vers Saint-Denis. Ici, le boulevard circulaire parisien est achevé en octobre 1966 entre la porte de Saint-Ouen et la porte de la Chapelle et en mars 1967 de la porte de la Chapelle à la porte de la Villette. L’imposant échangeur aura été préalablement visité par le général de Gaulle en mai 1966. On est là bien dans les symboles de l’époque: gigantisme et tout-auto!! En d’autres temps, les lieux avaient une apparence très différente: bien avant d’être avalé par Paris, le pas de la Chapelle, point le plus haut entre la capitale et Saint-Denis n’était qu’un hameau ne comprenant, nous narre Anne Lombard-Jourdan dans La Plaine-Saint-Denis, que quelques demeures «habitées par des cultivateurs et des vignerons». Quant au nom, il vient de l’érection d’une construction religieuse au Ve siècle, première étape du trajet vers la France du nord. Cette chapelle, dédiée à Sainte Geneviève, appartenait à l’abbaye de Saint-Denis.

Cette phrase attend le voyageur des routes à l'intérieur du musée historique de Saint-Denis (Photo: Marc Verney, octobre 2012)...

Jadis, un chemin de quelques kilomètres nous conduit à Saint-Denis à travers la plaine du même nom. Cette dernière voie était sillonnée par les hommes dès la préhistoire, et faisait, plus tard, partie de la route de l’étain, un itinéraire qui reliait les îles britanniques à la péninsule italienne. Beaucoup plus tard, la route est le chemin qui mène à la cité dans laquelle on trouve la sépulture des rois de France, une église construite sur les ruines d'un monastère fondé par le bon Dagobert... La grande histoire de France joue ici pleinement son rôle dans l’élaboration de la chaussée. L’Estrée, le chemin antique, sert donc aux convois funèbres qui amènent à l’église abbatiale de Saint-Denis les dépouilles des souverains français. La voie était parsemée de croix. Ainsi, peut-on lire dans La Plaine Saint-Denis, il y avait notamment les montjoies, édifiées à la fin du XIIIe siècle; celles-ci marquaient les étapes faites par le cortège menant Saint-Louis à sa dernière demeure. Une borne en grès y marquait aussi la limite du domaine royal et de la seigneurie de l’abbaye de Saint-Denis. Détruite à la Révolution, elle indiquait les secteurs pavés entretenus par Paris et l’abbaye. De 1723 à 1725, découvre-t-on dans l’Histoire de Saint-Denis, l’ancien chemin, boueux et sinueux, est remplacé par une voie plus moderne, rectiligne, large d’une quarantaine de mètres en comptant accotements, contre-allées et deux rangées d’arbres. Un carrefour en demi-lune terminait la route, aussi bien à Paris qu’à Saint-Denis. Et pourtant, cette voie, d’ampleur considérable pour l’époque, allait se révéler insuffisante en de nombreuses occasions: en 1768, lit-on dans La Plaine Saint-Denis, il est expliqué que lors de l’exposition du corps de Marie Leszczynska, l’épouse de Louis XV (décédée le 24 juin de l’année), «il y eut une affluence prodigieuse au point qu’on ne savait de quel côté se retourner»! De quoi faire sourire l’automobiliste du XXIe siècle, coincé dans le souterrain de l’A1, un dimanche soir… C’est sur ce tronçon, nous signale Georges Reverdy dans Les routes de France du XXe siècle (1900-1951) qu’a été réalisé en 1925 la première réalisation d’éclairage en continu de la route. La Plaine-Saint-Denis, surnommée le «Manchester français» est, depuis la fin du XIXe siècle, le lieu industriel le plus important de l’Ile-de-France avec près de 14.000 ouvriers (dont de très nombreux Espagnols) employés dans près d’une centaine d’usines métallurgiques, chimiques… «En 1862, écrit Alain Bertho dans l'article «La Plaine-Saint-Denis dans l'entre-deux», la Compagnie des entrepôts et magasins généraux se crée et s’installe à l’extrême sud. En 1883, un entrepreneur parisien de la pierre de taille crée le Chemin de fer industriel dont le réseau rend possible et oriente l’implantation d’industries et de commerces de gros. L’ensemble des terrains du Nord, propriété de la ville de Paris, est occupé par la Compagnie du gaz et ses usines, en 1889 puis en 1922». Devenue l’avenue du Président-Wilson, l’antique Estrée se transforme peu à peu en autoroute dans les années 60. Le projet initial ne prévoyait pas son passage en tranchée au milieu des habitations… D’ailleurs, la couverture des voies –à l’intense circulation- n’intervient qu’en 1998, date également de la réalisation du Stade de France, tout proche. En regardant la carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) publiée par l’IGN (Géoportail), on remarque, à l’ouest de la chaussée Paris-Calais, venant de l’Ile-Saint-Denis, un «chemin des poissonniers» et un autre «chemin des fruitiers».

Belle plaque de cocher à Presles, un village-rue situé au sud de Beaumont-sur-Oise. On est ici sur le tracé de l'ancienne route royale (photo: Marc Verney, septembre 2006).

On arrive à la porte de Paris à Saint-Denis. «Jusqu'au temps de Dagobert, raconte Fernand Bournon dans l'Histoire de la ville et du canton de Saint-Denis, la cité actuelle n'était représentée que par un tout petit hameau élevé sur le bord de la route romaine qui conduisait de Lutèce vers le nord et la haute Normandie». Au début du XVIIIe siècle, pour «traverser la ville, poursuit Fernand Bournon, les voitures venant de Paris sont encore forcées de faire un grand circuit par la rue de la Boulangerie qui conduit à la place Pannetière. Ce n'est qu'en 1725 que fut percée la rue de Paris, traversant la ville dans toute sa longueur; on l'appelait alors rue d'Enghien parce que le prince de Condé, duc d'Enghien avait beaucoup contribué à se construction. Ce fut un grand bienfait pour Saint-Denis que l'ouverture de cette voie, très large pour l'époque (13,20 m de large), aboutissant directement aux routes du nord et traversant un massif de maisons pressées les unes sur les autres, sans air ni lumière. On est surpris que l'idée n'en soit pas venue plus tôt». A l’intérieur de la cité, voit-on dans Saint-Denis au coin des rues, il y avait un café appelé Au Postillon, où se désaltéraient les conducteurs des diligences avant de relayer à l’Hôtel de la Poste, tout proche. A noter qu’en mai 1750, Louis XV, impressionné par les révoltes des Parisiens, fait construire une chaussée reliant directement Saint-Denis à Versailles… Le boulevard Anatole-France suit aujourd’hui cette «route de la révolte»! On quitte Saint-Denis par la place du Général-Leclerc, autrefois dénommée «le Barrage». Là se trouvait l’octroi et le fort de la Double-Couronne, protégeant les approches de la capitale française.

SAINT-DENIS A VOIR, A FAIRE Dans cette cité trépidante, bigarrée et cosmopolite (accessible en métro depuis Paris), il ne faut pas manquer l'incontournable basilique de Saint-Denis; le centre ancien abrite cependant d’autres monuments intéressants : la mairie, l’église St Denis de l'Estrée, l’abbaye royale, le porche du couvent des Ursulines ou encore l'ancien siège du journal L'Humanité, conçu par Oscar Niemeyer. Un parcours historique en vingt étapes, situé entre la basilique et le Stade de France, évoque l’essentiel de l'histoire de la ville.

Après Saint-Denis, voici la route de Picardie, réalisée au XVIIIe siècle. On traverse le quartier des Joncherolles (lotissement en 1927). Les lieux sont très urbanisés et évoquent très peu les chaussées anciennes. Pierrefitte, la localité suivante, située à 13,6 km de Paris, doit très certainement son nom à une borne antique plantée au bord du chemin. «La première mention de l'existence du village date de 862, signale le site tourisme93.com. Les vignobles de la région sont alors alloués aux moines de l'abbaye de Saint-Denis. Le village restera sous la suzeraineté de la grande abbaye jusqu'à la Révolution. Quelques années avant, en 1725, la grande route de Paris à Saint-Denis est prolongée en ligne droite jusqu'à l'entrée du village, ce qui rend les trajets plus aisés», précise encore le site tourisme93.com. A ce niveau, on est encore loin d'en avoir fini avec la banlieue... A la sortie de Pierrefitte, au niveau de la Pointe-Trois-Quarts, notre R.N.1 historique (D301) laisse partir, sur sa droite, la R.N.16 (316). De Groslay jusqu'au niveau de Beaumont-sur-Oise, la route «moderne» est une quatre-voies sans âme, coupée de feux rouges, environnée de garages, centres commerciaux, hangars discount aux tôles rouillées... Selon le site de la mairie de Groslay, l'origine du nom de la petite cité pourrait venir du gaulois et signifier «terrain contenant des petits cailloux». Cette nature de sol très particulière est favorable à la culture de la vigne qui fut exploitée ici durant de nombreux siècles. La commune vit essentiellement de l’agriculture jusqu'au début du XXe siècle; outre la vigne et le maraîchage, la culture du poirier s'y développe à partir de 1860. L'urbanisation pavillonnaire rapide du siècle dernier est facilitée par la mise en service -en 1877- de la ligne de chemin de fer Paris-Persan-Beaumont (Wikipédia).

R.N.16: LE COEUR AU NORD
La RN16 de 1959 relie Pierrefitte-sur-Seine à Dunkerque en passant par Creil, Clermont, Amiens et Doullens. Nous voilà à la rencontre des Ch'tis! (lire)

Plus loin, voici le bourg de Saint-Brice-sous-Forêt (17 km de Paris). Pour suivre l’ancienne chaussée, il faut emprunter ici la D11, avenue du Général-de-Gaulle puis rue de Paris. Au milieu du XVIIIe siècle, nous dit le site internet de la mairie, «une activité s’est rapidement développée dans le village, comme dans beaucoup de bourgades situées le long de la route royale: celle de la dentelle qui, jusqu’à la Révolution, constitua un débouché pour la main d’œuvre féminine locale, et un surcroît de ressources pour les familles»… De belles demeures –possessions de riches Parisiens- furent bâties au XIXe siècle tout au long de la rue de Paris. De bourgade agricole, Saint-Brice devient alors un lieu de villégiature très recherché, car proche de Paris. Au n°15bis, se trouvait la poste au chevaux assurée par la famille Brunard de 1707 à 1785. Il y avait de nombreux cabarets et auberges aux noms évocateurs: le Bouchon, le Cheval Blanc, la Croix Rouge, le Lion d’Or… La route royale, perdue entre enseignes commerciales et chaussée bitumée laisse encore deviner quelques pavés, entre Saint-Brice et Moisselles… Dans son ouvrage En diligence sur la route royale n°1 aux XVIIIe et XIXe siècles, Jean Lahousse nous éclaire sur quelques anecdotes liées au chemin de Paris à Calais. Ainsi à Moisselles, où, en raison d’une côte difficile, il y a à l’époque plusieurs dizaines de chevaux au relais de poste, s’exerce une singulière activité. On ramasse le crottin pour en faire de l’engrais! Et ce sont les femmes qui s’occupent du job, non sans parfois se crêper le chignon pour la possession des précieuses matières… Le bourg est contourné en 1959 par la route nationale. Au lieu-dit la Croix-Verte, l’assassinat sordide en 1829 d’un jeune couple d’aubergistes allait donner lieu à la publication d’une BD dans les colonnes de France-Soir plus de 130 ans plus tard!

Sur la poste de Beaumont-sur-Oise (photo: Marc Verney, juin 2011).

On peut continuer à emprunter le vieux tracé de la route royale entre Maffliers et Beaumont-sur-Oise en empruntant l'actuelle départementale 78 qui longe la forêt de Carnelle. Projeté dès la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le contournement de Beaumont-sur-Oise est en partie réalisé au milieu du XXe siècle. A Presles, explique le site municipal ville-presles.fr, «l'ancienne route royale n°1 (devenue route impériale N°1 puis route nationale 1), actuellement rue Pierre-Brossolette, est fort ancienne. Dès 1576, les premières voitures publiques allant de Paris en Picardie l’empruntaient. Elle était alors d’une grande importance économique et stratégique pour le royaume. Lors de sa déviation sur le plateau des Garennes en 1956, elle perdit la vocation de route nationale et devint une voie à vocation locale». Après ce village, voilà Beaumont-sur-Oise, première grosse étape sur la route de Calais, 32 km au nord de Paris. On entre dans la cité par les avenues de la Division-Leclerc, Carnot et la rue de Paris. Là, voit-on dans Wikipédia, un oppidum gaulois gardait vraisemblablement le gué, point de passage obligatoire de l’Oise. L'emplacement de la cité antique, dit encore l’encyclopédie en ligne, «devait être situé à l'est de la ville actuelle sur un terrain en pente douce qui descend sur l'Oise, car on a retrouvé à cet endroit des restes d'un pont, vestiges de la voie romaine qui allait de Lutèce à Bellovacum». Après quelques siècles d'abandon, le lieu est choisi au début du Xe siècle par les chanoines de Saint-Léonor pour leur implantation et il est vraisemblable que le pont sur l'Oise fut initialement construit par ces religieux à cette époque. La cité, bien abritée derrière ses murailles, connaît une intense vie commerciale. Passé sous la domination des rois de France, le pont de Beaumont, toujours fragile, se voit surveillé par un maître de pont (le tout premier a été nommé par Charles VI, roi de 1380 à 1422). Cet officier public a pour mission de garder le pont en bon état: ainsi, pour éviter que les bateaux ne soient drossés contre les piles, ils sont tirés par des cordes le temps de franchir l’ouvrage. Le maître de pont avait tout loisir de prélever des taxes pour financer son œuvre. Dès 1552, Beaumont est présent dans l’ouvrage La Guide des chemins de France. Ce livre désigne la ville comme une étape sur le chemin de Paris à Beauvais, route dont l’existence est attestée depuis le XIIIe siècle. En 1680, alors en voyage pour les Flandres, le roi Louis XV fait étape à Beaumont-sur-Oise; il loge à l’Hôtel du Croissant, le relais de poste de la cité. Le vieux pont vit des heures difficiles: sa maîtresse arche s’effondre en 1647, en 1735, trois arches sont reconstruites; il est ravagé en 1870, 1914 et 1940… Reconstruit en 1948, il est désormais long de 103 m en une seule travée.

BEAUMONT A VOIR, A FAIRE Le château et ses remparts. Il ne reste plus grand chose d’une imposante enceinte médiévale qui dominait les bords de l’Oise. L’Hôtel du Croissant, qui abrite l’office du tourisme était le relais de poste (XVIe-XVIIIe siècles). A Beaumont-sur-Oise, il y avait dans les rues un trafic considérable, entre diligences et chasse-marée, toujours pressés! L’église Saint-Laurent, dont la façade date du XIIIe siècle ; la chapelle de la famille de Lesseps, dans le cimetière de la ville.


Ancienne plaque de cocher à Persan en direction de Chambly (photo: Marc Verney, juin 2011).

On prend alors la direction de Beauvais par Persan, cité placée de l’autre côté du pont sur l’Oise et qui a beaucoup profité de l’arrivée du train en 1848 (les habitants de Beaumont doivent traverser le pont pour aller à la gare commune). Le passage à niveau, installé à l’époque, allait faire couler beaucoup d’encre: surnommé après la Grande Guerre «Verdun, on ne passe pas» par les habitants, il ne s’ouvrait que peu de temps en raison d’un trafic ferroviaire intense (De Parcenco à Persan). A remarquer: au début du XVIIIe siècle, un premier tracé de la route royale passait par Neuilly-sur-Thelle et Silly-Tillard. Cependant, un nouveau chemin voit le jour à la moitié du XVIIIe siècle. Celui-ci traverse Puiseux-le-Hauberger, où est installé un relais de poste en 1748. Mais auparavant, il nous aura fallu traverser Chambly, dans le département de l’Oise. Ici, la route (désormais D1001) aura été tracée à l’initiative du prince de Conti, dont les possessions sont toutes proches. Sur cette chaussée, le village de Puiseux-le-Hauberger (43 km de Paris) est fier de son passé routier. Il conserve d’anciennes bornes royales dans les fossés de la route n°1, aujourd’hui déviée. Son important relais de poste contenait, nous précise la page Wikipédia du village, «80 chevaux en permanence, une maréchalerie, une bourrellerie, une charronnerie, une sellerie, une réserve à fourrage et des postillons de service jour et nuit. L'on y servait quotidiennement des repas à tous les voyageurs dans la salle d'auberge, ainsi qu'au personnel employé au relais». Ca devait bourdonner! Huit kilomètres au nord, voilà Sainte-Geneviève. Le village s’est développé tout au long de l’ancienne voie romaine qui reliait Paris (Lutèce) à Beauvais au niveau du hameau de La Croix. Afin de relancer leurs industries et le commerce, les Beauvaisiens décident de rénover la route de Paris entre ce dernier hameau et Beauvais pour un coût de 50 000 livres. Pour éviter les zones difficiles, nous dit l'encyclopédie en ligne Wikipédia, le nouveau tracé, réalisé entre 1742 et 1745 (noailles60.fr), s'écarte de l'ancienne voie passant par Tillart, relais de poste traditionnel et place de marché pour passer par les terres du duc de Mouchy, Philippe de Noailles, entre Longvillers et Boncourt. Là, un nouveau relais de poste voit le jour, bâti par André Blainville en 1750. Puis c'est un marché qui s'édifie, remplaçant celui de Tillart, peu facile d'accès. Autour de ces premières constructions une petite cité va alors naître, peu à peu, entre 1745 et 1770, réunissant Boncourt et Longvillers: Noailles. La R.N.1 historique ne fait que suivre ces anciens itinéraires.

Ancienne plaque de cocher à Voisinlieu dans les faubourgs de Beauvais (photo: Marc Verney, août 2011).

En arrivant à Beauvais, ville martyre de la Seconde Guerre mondiale, nous sommes déjà à 77 km de Paris. L’ancienne nationale 1 prenait ici en 1959 (et jusqu’en 1972) la direction d'Abbeville par Poix-de-Picardie (c'est la R.N.181 qui allait à l’époque vers Amiens et la R.N.35 qui joignait Abbeville et Amiens). L’entrée ancienne dans la cité se fait par la rue de Paris puis par la rue du Faubourg Saint-Jacques. D’ailleurs, dans l’Histoire de Beauvais et du Beauvaisis, on peut lire que «filous et ribaudes guettaient le voyageur en quête de logement»… Aujourd’hui, on accède au centre-ville par l’avenue Winston-Churchill, aménagée en 1976. Voyons cette description de Beauvais en 1898 dans L’Oise autrefois: «Beauvais est un de ces villes dont les approches sont heureuses et riantes. La couronne des remparts, qui, si souvent, joua un grand rôle dans notre histoire nationale, est tombée. Sur cet emplacement, d’admirables rangées d’ormes, des jardins, des parterres fleuris dessinent une ceinture ombreuse. La ville apparaît comme dans une corbeille de verdure». Ce paysage disparaît à tout jamais du 5 au 10 juin 1940: un bombardement allemand dévaste les deux tiers de la vieille ville. Carrefour routier idéal entre Champagne et Normandie mais aussi entre la région parisienne et l’Angleterre, Beauvais a sans doute été fondée peu avant l’ère chrétienne. A la fin du XIIe siècle, la cité fait partie d’une union commerciale de quinze villes. Celle-ci est en relation avec les grandes villes de foire en Champagne. Plus tard, à l’approche du XVIIIe siècle, Beauvais, qui possède une forte industrie textile, reste une ville peu pratique, mal pavée, mal éclairée (on se satisfait d’un éclairage à l’huile jusqu’en 1848!)… Si la situation s’améliore quand même un peu après 1844 (destruction des remparts et élargissement de rues), la ville ne bénéficie pas avant 1876 de liaison ferroviaire directe avec Paris. Au XIXe siècle, il fallait quand même huit heures de diligence pour rejoindre la capitale française par la route! Ces problèmes de communication affaiblissent gravement l’industrie textile locale, qui pâtit désormais de la concurrence des cités du nord de la France. D’ailleurs, en 1932, un journaliste local, Robert Pimienta, se fait l’ardent défenseur d’un réseau d’autostrades «à l’italienne» reprenant les axes Paris-Calais et Champagne-Normandie (aujourd’hui, on pense à l’A16 et à l’aménagement de la R.N.31…).

A Beauvais, ces deux Michelin ont défié le temps (photo: Marc Verney, août 2011).

BEAUVAIS A VOIR, A FAIRE La cathédrale Saint-Pierre, dont la construction débuta au XIIIe siècle, aujourd’hui encore, inachevée et fragile (voir son horloge astronomique)… La galerie nationale de la Tapisserie, crée en 1976, et la Manufacture nationale de la Tapisserie, due à l’action de Colbert sous Louis XIV. Le palais épiscopal, juste à côté de la cathédrale, abrite le Musée départemental de l’Oise. A l’entrée de la ville en arrivant de Paris, l’église Saint-Etienne laisse voir de beaux vitraux (XVIe siècle). Plus loin, sur l’ancienne R.N.1, en sortant de la vieille ville, après le bar Paris-Calais, l’étonnante «maison Gréber» est une manufacture de grès artistique, joliment décorée avec sa propre production.

On quitte Beauvais par la rue de Calais puis la longue rue de Notre-Dame-du-Thil. Le prochain village, Troissereux, se trouve à 7 kilomètres.

Marc Verney, Sur ma route, mars 2023

A la sortie de Beauvais en direction de Calais, cette plaque de cocher est bien abîmée. Et rien ne dit que l'immeuble qui la supporte vieillira bien longtemps (photo: Marc Verney, août 2011).
Sortie nord de Beauvais (photo: Marc Verney, août 2011).

AU FIL DE LA ROUTE NATIONALE...
Les régions du nord de la France recèlent de nombreuses traces des routes anciennes... Le voyageur qui zigzague entre anciennes nationales et nouvelles départementales le sait bien... (lire)

Continuer la promenade sur la RN1 historique