SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France (carte Michelin, 1959); 150 km autour de Paris (carte Michelin n°97, 1970); Les belles routes de France de Paris à l’Alsace et à la Lorraine (n°302, Michelin, 1953-54); Paris-Compiègne (carte IGN Top 100 n°109, 2011); Sorties de Paris (carte Michelin n°100, 1965); Paris-Reims (carte Michelin n°56, 1958); Bobigny-banlieue rouge, Annie Fourcaut, Les Editions ouvrières (1986); Bondy et sa forêt, Maurice Baurit, Editions IGC St-Etienne-Paris (1961); Claye-Souilly, chronique d’une ville, Jacqueline Caudal-Vaïsse, éditions Amatteis (2006); Claye-Souilly et ses environs, Société d’histoire de Claye, éditions Amatteis (1985); Claye-Souilly, histoire d’un village de la vieille France, Société d’histoire de Claye et de ses environs (2006); Dictionnaire historique des rues de Paris, Jacques Hillairet, les Editions de minuit (1972); Dictionnaire topographique et historique des rues de Meaux, Société littéraire et historique de la Brie (1999); D’une rue à l’autre, (dictionnaire des rues de Château-Thierry) Etienne Bourgeois, impr. Reims-Copie (2005); Etat des communes: Bobigny, notice historique et administrative, sous les auspices du conseil général de la Seine, Montévrain-impr. typographique de l’école d’Alembert (1899); Etat des communes: Les Pavillons-sous-Bois, notice historique et administrative, sous les auspices du conseil général de la Seine, Montévrain-impr. typographique de l’école d’Alembert (1906); Evocation du Grand Paris, la banlieue nord-est, Georges Poisson, les Editions de Minuit (1962); Guide Bleu de la France automobile (Hachette, 1954); Guide Bleu des environs de Paris (Hachette, 1928); Guide du cycliste en France, de Paris à Metz et Strasbourg, J. Bertot, G.Boudet, éditeur (1895); Histoire de Charly-sur-Marne, Auguste Corlieu, H. Champoin libraire (1881); Histoire de Meaux et du pays meldois, A. Carro, Res Universis, 1989 (rééd. 1865); Itinéraire complet de la France, H. Langlois, libraire et géographe (1822); La Ferté-sous-Jouarre, Dr Yves Richard, éd. Fiacre (2011); La Ferté-sous-Jouarre et ses environs, R.C. Plancke, éd. Amatteis (1986); La Seine-Saint-Denis, hier et aujourd’hui, Guy Martignon, SIDES (1998); Les Pavillons-sous-Bois, des origines à nos jours, Jean Astruc, SHRPA, impr. Cavillon (1978); L’histoire des routes de France, du Moyen Age à la Révolution, Georges Reverdy, Presses de l’ENPC (1997); Nos vieux murs: Château-Thierry, Georges Pommier, Librairie moderne L. Marchand (1923); Pantin, 2000 ans d’histoire, Roger Pourteau, Temps actuels (1982); Trilport, témoin de l’histoire, Michèle Bardon, Presses du Village (2007); bobigny.fr; iledefrance.fr; noisylesec-histoire.fr; notre-dame-villeparisis.ouvaton.org; pantin.fr; patrimoine.seinesaintdenis.fr; st-jean-les-deux-jumeaux.fr; vaujours.fr; ville-meaux.fr; ville-pantin.fr; Wikipédia; Wikisara. Remerciements: le Géoportail de l’IGN.
Paris, porte de Pantin (boulevard périphérique) Pantin Bobigny (N186) Bondy Les Pavillons-sous-Bois Livry-Gargan Vaujours Villeparisis Claye-Souilly Meaux (N36) Trilport Saint-Jean-les-deux-Jumeaux Sammeron La Ferté-sous-Jouarre (N33) Montreuil-aux-Lions Paris Le Thiolet Vaux Château-Thierry (N37)
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La route nationale 3 de 1959 s'extirpe de Paris à la porte de Pantin (également appelée porte d’Allemagne jusqu’au début du XXe siècle). C'était, nous dit Wikipédia, «l'une des 17 portes percées dans l'enceinte de Thiers au milieu du XIXe siècle pour protéger Paris». A l’époque de mon premier passage, en 2006, tout y «sentait» bon la société automobile «avancée» depuis les embouteillages quasi incessants de l'avenue Jean-Jaurès jusqu'aux imposants piliers de béton gris du périphérique. En 2013, un nouveau venu s’est installé, imposant un aménagement urbain bien spécifique: le tramway des Maréchaux, ce symbole d’un temps «sans moteur thermique» qui avance désormais à grand pas en 2024… Pour ce qui concerne la sortie de Paris, on lit tout de même dans le Dictionnaire historique des rues de Paris que la création de l'avenue Jean-Jaurès (qui remplace l’étroite rue de Meaux) comme élément d'une grande route de la capitale vers l'est de la France -entre la place de Stalingrad et la rue de Crimée- date de 1768. De la rue de Crimée à la porte de Pantin, l'avenue figure sur les plans Roussel et Delagrive de Paris et de ses environs de 1730 comme «route principale» indique encore Jacques Hillairet. La voie est successivement dénommée «grand chemin de Meaux», «route de Meaux à Paris» (1787) ou encore «avenue d'Allemagne» jusque vers 1914.
Bon, nous voici, comme à pratiquement toutes les portes de Paris face à un axe gonflé d’histoire. Le site internet de la ville de Pantin évoque une voie «d’origine antique» sans apporter cependant de preuves archéologiques. Pour sa part, le livre Pantin, 2000 ans d’histoire dit qu’au IIIe siècle, se construit ici la route Lutèce-Trèves via Reims, tracée par l’empereur Julien. Au Moyen Age, raconte encore le site de la ville, le statut de «première importance» de cette voie semble bien prouvé par les léproseries qui «la jalonnent jusqu’au XIVe siècle à Pantin, Bondy, Vaujours». Dans La Seine-Saint-Denis, hier et aujourd’hui, Guy Martignon décrit, de son côté, un territoire, au moment de la conquête romaine, «constellé de marais qui stagnaient en bas du chemin qui menait à Romainville». Pour sa part, Georges Reverdy, dans L’histoire des routes de France, du Moyen Age à la Révolution, cite un ouvrage de 1552, La Guide des chemins de France, qui donne un itinéraire Paris-Nancy par Meaux, Château-Thierry et Epernay. Notre première étape, le bourg de Pantin (de paintain, marécage au XIe siècle) ne s’étoffe qu’à la deuxième moitié du XIXe siècle. Terre tout d’abord agricole, écrit le site pantin.fr, la localité prend, «au même titre que ses consoeurs de la petite ceinture parisienne», le tournant industriel de cette époque. Et, continue le site municipal, «la mise en eau du canal de l’Ourcq en 1822 donne le "la" à un rapide développement, tout comme l’aménagement en 1846 de la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg et la création –déterminante– de la gare en 1864».On y fabrique alors aussi bien de la chaudronnerie, des allumettes, des parfums, des tabacs… le tout se mêle aux odeurs de l’équarrissage et des rues… Les fameuses «odeurs de Pantin» inondent l’est parisien de leurs effluves peu distingués! En 1928, d’après le Guide Bleu des environs de Paris, la R.N.3 est mal pavée jusqu’à Pantin, «bon pavé ensuite sur 26 km»… C’est l’avenue Jean-Lolive (D933 au XXIe siècle) qui a marqué l'histoire de France: c'est par ici qu'est passé Louis XVI lors de sa fuite en 1791. Au début du XXe siècle, lit-on sur le site patrimoine.seinesaintdenis.fr, «l'avenue se pare d'immeubles bourgeois post-haussmanniens, les plus expressifs de Pantin, situés en général aux angles des rues». Le rétrécissement de la «route d’Allemagne» entre la rue du Pré-Saint-Gervais et l'église, qui correspond à l'emprise du village ancien, disparaît dans le premier quart du XXe après un élargissement de voirie. Un décret voté en 1924 modifie l'alignement de la R.N.3, la voie passe de 12 à 21 mètres dans la portion proche de Paris, et de 22 à 29 mètres au-delà. «Le projet d'élargissement est porté à 40 mètres dès 1928 et réalisé après la Seconde Guerre mondiale», rapporte encore le site patrimoine.seinesaintdenis.fr.
Plus loin, l'immense région parisienne développe toujours et encore son décor mercantile, utilitaire et industriel... Voilà maintenant Bobigny, que la R.N.3 traverse sur 2862 m exactement et dont l’existence est avérée en 700. Au XIe siècle, raconte le site bobigny.fr, «le village est un petit coin de campagne habité par une centaine de personnes: on dénombre une motte féodale, une église et son cimetière, ainsi que quelques modestes maisons de paysans». Lors de la guerre de 1870 contre la Prusse, il est décidé, signale encore le site municipal, que Bobigny «doit servir d'avant-poste pour défendre Paris et que toutes les maisons doivent être détruites». Occupé ensuite par l’ennemi, il ne reste que quatre maisons encore debout après le retrait des troupes… Les profondes transformations de Bobigny datent de l’orée du XXe siècle et de l’arrivée (en 1902) du tramway reliant le quartier de l’Opéra au carrefour des Six-Routes, un peu au nord de notre trajet. Alsaciens, Bourguignons repeuplent la zone. Mais les anciennes cultures maraîchères, nous raconte le livre Bobigny-banlieue rouge disparaissent dès les années 20, remplacées par des industries chimiques, des fabricants d’ampoules électriques, de postes de radio… Là, notre chaussée (rue de Paris) se trouve prise entre le canal de l’Ourcq au nord et d’importantes emprises ferroviaires au sud, vers Noisy-le-Sec. C’est en juillet 1856, raconte noisylesec-histoire.fr, que la localité devient «une importante gare de bifurcation» au lieu-dit Les Nouveaux-Ponts, aujourd’hui, avenue de Rosny. Une vaste gare de triage, en service jusqu’en 1994, et des ateliers y sont installés. A un jet de pierre de là, Bondy est le premier relais de diligences rencontré depuis Paris. Appelé le Cygne de la Croix, il comptait, à la fin du XVIIIe siècle, de 60 à 70 chevaux. Et fort logiquement, c'est là que l'on retrouve Louis XVI, lors de sa fuite, dans la nuit du 20 au 21 juin 1791. Georges Poisson, dans l'Evocation du Grand Paris, la banlieue nord-est, raconte «que le maître de poste Frémin reconnut les voyageurs», mais qu'en raison du «secret professionnel», il n'en dit rien. Ce ne fut pas la même affaire au retour du roi, le 25 juin, sous bonne escorte... Ces terres boisées furent exploitées, nous narre La Seine-Saint-Denis, hier et aujourd’hui, «dès l’époque gallo-romaine». Les anciens chemins qui traversaient cette région deviendront, selon l’ouvrage Bondy et sa forêt, «les routes de Lagny et de Meaux». Au XIIe siècle, un péage est installé par le roi Charles VI sur la chaussée de Meaux. A l’époque, la traversée de la forêt de Bondy n’est pas sûre et des gardes accompagnaient les marchands depuis la Mainferme, un manoir fortifié situé sur l’ancienne route de Lorraine, placée un peu au sud de l’itinéraire de la R.N.3 de 1959 (un nouveau chemin sera tracé en 1636). Amusant: les nombreux étangs de la région produisaient un «poisson de Bondy» réputé sur les marchés parisiens. En 1913, il ne reste qu’une dizaine de mares… C’est la mise en service du canal de l’Ourcq, tout proche, qui a lancé le développement industriel de Bondy.
Le territoire des Pavillons-sous-Bois, ancienne clairière de la forêt de Bondy, ne devient commune qu’en janvier 1905. Ce n’est auparavant qu’une partie de Bondy, appelée Bondy-la-Forêt. Après 1770, à l’orée de l’avenue qui mène au château du Raincy, acheté par le duc d’Orléans en 1758, on édifie deux pavillons qui serviront d’entrée à la propriété. La route y est pavée en 1788. Le carrefour portera alors le nom de Fourche des Pavillons. Pour Wikisara, des «réparations» y sont effectuées vers 1840. On peut lire dans l’Etat des Communes: Les Pavillons-sous-Bois que la R.N.3 en 1906 y est large de 7,50 m (chaussée pavée) avec «des trottoirs sablés plantés de peupliers». Dans le coin, on trouvait la Voierie de l’Est, un espace où l’on a transformé les matières fécales des Parisiens en engrais de 1848 à 1905 (odeurs, quand tu nous tiens!). Un peu plus vers l’est, on roule sur l’avenue du Consul-général-Nordling. «C’est sous le nom de Livry-en-l’Aulnoye qu’on trouve la mention de la commune de Livry-Gargan dans les textes du XIIe siècle», découvre-t-on dans le livre Livry-Gargan et son histoire. La région était donc autrefois couverte par cette vaste forêt de Bondy qui, au XVIIIe siècle encore, débutait à deux lieues des limites de Paris. On dit que le Dauphin, fils de Louis XIV adorait y chasser. Un arrêté de 1699 y ordonna le percement d’une trentaine de nouvelles voies ainsi que la construction de ponceaux et de fossés pour y améliorer l’écoulement des eaux. Un château, sans doute bâti à partir du XIe siècle pour garder la route d’Allemagne, se trouvait, là, à Livry, au milieu du XVIIe siècle, dans un grand parc entouré de murs. A la fin du XVIIIe tout comme au cœur du XIXe, la route vers l’Allemagne est en piètre état. Elle est même, lit-on dans Livry–Gargan et son histoire, «presque impraticable en hiver et lors de fortes pluies». En cause encore, la forêt de Bondy, peu défrichée… A la Révolution, dit livry-gargan.fr, le bourg «est une petite agglomération de 1500 habitants vivant essentiellement de l’agriculture, de l’élevage laitier et de la culture des vignes. L’exploitation des carrières de gypse est l’autre activité économique de la ville». L’activité industrielle frénétique de la région parisienne va rapidement faire disparaître les ultimes arpents de verdure. C’est notamment l’entrepreneur Louis-Xavier Gargan qui investit lourdement dans la région. Une scierie, installée en 1863, s’adosse à ses usines de construction ferroviaire. Il y a aussi des fabriques d’allumettes, une tonnellerie (qui façonne les tonneaux destinés aux premières raffineries de pétrole des environs de Paris)… Enfin, à partir de 1875, une voie de chemin de fer (la ligne des Coquetiers) à but industriel mais transportant aussi des voyageurs favorise l’installation de milliers de travailleurs parisiens dans la région. Un vrai miracle qu’un cèdre planté sous Louis XV en 1758 ait survécu juste au bord de la route nationale… En 1912, en hommage à l’industriel qui a tant «contribué» à l’essor économique de la région, Livry devient Livry-Gargan…
A Vaujours et Villeparisis, la chaussée moderne (D933) évite depuis la fin des années 60 l’ancien tracé de la route d’Allemagne historique (que l’on retrouve en suivant la D44). Vaujours est, jusqu’au début du XXe siècle, un village de «pailleux» (négoce du foin) mais aussi -encore maintenant- un haut lieu de la production de plâtre (il y a de l’excellent gypse dans les sous-sols). Henri IV y possédait un pavillon de chasse (du coup on en garde la trace avec le lieu-dit du Vert-Galant). A côté, Villeparisis se trouve dans le département de Seine-et-Marne. Ce «village devenu ville», puise ses origines, nous dit le site notre-dame-villeparisis.ouvaton.org, dans la tribu gauloise des Parisii. Profitant d’un chemin communicant avec la tribu voisine des Meldes, des agriculteurs s’y installent jusqu’au Moyen Age. La route, nous dit d’ailleurs le Guide Bleu de la France automobile de 1954 y «débouche enfin dans la campagne». En roulant 5 km à l’est, voilà Claye-Souilly, où la route retrouve le très pittoresque canal de l'Ourcq, initié par Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, en 1802. Jadis, nous narre Claye-Souilly, histoire d’un village de la vieille France, on trouvait là un gué sur la Beuvronne, rivière qui était (au quaternaire) le lit de la Marne… Au temps du cheval, la ville était un relais sur la voie d’Allemagne (106 bêtes quand même!). On y trouvera même, durant le XIXe siècle, la «maison de repos» de milliers de chevaux de la Compagnie générale des omnibus! La ville va être façonnée par la route: en 1721, un arrêté royal propose l’élargissement de la chaussée. Des travaux qui seront menés entre 1754 et 1806. A cette époque, le tracé de la route d’Allemagne est d’ailleurs aussi sensiblement modifié par la construction du canal de l’Ourcq. La chaussée de Meaux, située rue de Charny, est donc détournée et sera bâtie sur les remblais du nouveau canal (l’avenue Aristide-Briand, auj. D422). En juillet 1839, un décret pris en Conseil d’Etat décide de la fusion des communes de Claye et de Souilly. Entre 1825 et 1855, apprend-t-on dans Claye-Souilly et ses environs, on pourra voyager sur l’eau pour aller à Paris. Enfin, la ligne de chemin de fer entre Paris et Meaux ouvre en 1849. Beaucoup plus tard, à l’ère automobile, Claye-Souilly sera contournée par la R.N.3 au début des années 60. Le projet de ce contournement est visible sur la carte Michelin n°56 Paris-Reims de 1958. Jusqu’à Meaux, il y a 15 km quasiment en ligne droite. La voie est pavée depuis la fin du XVIIIe siècle; des aménagements visant à adoucir trois buttes dangereuses et raides y seront effectués à partir de 1780, découvre-t-on dans l’Histoire des routes de France, du Moyen-Age à la Révolution.
Logée aux avants-postes de la Brie, à 44 km de Paris, la cité de Meaux fut longtemps un important marché de victuailles approvisionnant la capitale. Aujourd'hui, peu à peu aspirée par l'imposante agglomération parisienne, Meaux devient une cité périphérique accueillant des Franciliens à la recherche de loyers moins élevés... La cité de la tribu celte des Meldes, rattachée au royaume de France en 1285 a un long passé historique: les Romains, constate-t-on dans l’Histoire de Meaux et du pays meldois, y bâtissent une forteresse pour protéger la navigation sur la Marne mais aussi le pont qui portait la voie de Sens à Senlis. Sous l'Antiquité, explique ville-meaux.fr, Iatinum se trouve à la croisée de deux itinéraires: celui qui relie Châlon à Lutèce (Paris) et Boulogne à Troyes. L’essor de la cité à cette époque s’explique par le fait qu’elle constitue un noeud routier de dimension régionale sur les rives de la Marne. Cette ville, exposée aux invasions barbares est partiellement détruite au IVe siècle, puis plus tard par les Normands vers le IXe siècle. On entre dans le centre actuel par la rue de la Chaussée-de-Paris. Les environs ont été fortement modifiés avec la réalisation du canal de l’Ourcq, au début du XIXe siècle. Les immeubles de l’avenue Gallieni, nous précise le Dictionnaire topographique et historique des rues de Meaux, ont été bâtis au moment du chantier et la chaussée a été ici «rehaussée plusieurs fois». En bas de l’avenue Gallieni, se trouvait l’ancienne porte de Paris, une entrée fortifiée précédée d’une zone inondée qu’il fallait franchir à l’aide de plusieurs petits ponts (une partie entièrement comblée au début du XIXe siècle). La ville s’urbanise peu à peu jusqu’au milieu du XXe siècle, mais c’est en 1960, avec la création de deux quartiers de grands ensembles (Beauval et Pierre-Collinet) que Meaux devient l’une des grandes villes de Seine-et-Marne (archives.seine-et-marne.fr).
On quitte Meaux par la rue du Faubourg-Saint-Nicolas. Cet axe est très ancien. Ce n’est en fin de compte que le decumanus maximus qui traversait la ville antique d’est en ouest (iledefrance.fr). Le Dictionnaire topographique et historique des rues de Meaux nous raconte qu’il s’est appelé rue du Tril (un nom dérivé du latin trajectus, ce qui évoque le trajet). Pavée au XVe siècle, la rue est entièrement refaite au XIXe. Les lieux ont conservé une vocation très rurale jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. A l'époque, on y trouve surtout des champs, des jardins et des vignes. Plus loin, au bout d’une longue et majestueuse allée longée d’arbres, pavée ici en 1723, la route d’Allemagne (D603) atteint Trilport et la Marne. Evoqué par La Guilde des chemins de France, il y avait là un gué jusqu’au XVIIe siècle. Le nom de Trilport vient d’ailleurs du latin trilportum. Il signale l'existence à cet endroit le gué de l'époque gallo-romaine. Le passage sur l’eau est remplacé par un premier pont en bois de douze arches (qui existait en 1646) puis par un pont en pierre en 1757. Mais celui-ci est détruit en 1814. Un nouvel ouvrage (à péage) est achevé en 1831. Il sautera encore en 1914 et 1940 puis sera élargi en 1986. Dans le village, selon le Guide du cycliste en France, de Paris à Metz et Strasbourg, il y a «400 mètres de mauvais pavé» en 1895. Après Trilport, la nationale rejoint les bords de la Marne à Saint-Jean-les-deux-Jumeaux, où se trouvait la poste aux chevaux. A noter, indique le site du village, que la route entre Trilport et St-Jean passait -jusqu’au percement de la chaussée royale sous Louis XV- par les abords de la forêt domaniale de Montceaux. On remarque un itinéraire dénommé «ancienne route de Strasbourg» sur la carte d’état-major du XIXe siècle (1822-1860) publiée par le Géoportail de l’IGN. Celui-ci pointe d’abord sur le village de Montceaux. Plus loin, après être passée sous l’A4, la R.N.3 de 1959 traverse le bourg de Sammeron, puis le lieu-dit le Haute-Borne. Et voilà La Ferté-sous-Jouarre, à 3,5 km de là. «Le bourg de la Ferté-sous-Jouarre s'est formé au Moyen Age autour d'une forteresse aujourd'hui disparue, qui lui a donné son nom», explique le site inventaire.iledefrance.fr. Le bâtiment, situé sur les bords de la Marne, est attesté depuis le XIe siècle. La petite cité, au confluent de la Marne et du Petit-Morin, dont le nom est cité pour la première fois en 1109, fut longtemps un des hauts lieux mondiaux de la production de meules en pierre destinées à moudre le grain. Au XIXe siècle, le bourg compte 23 entreprises fabricant des milliers de meules partant en bateau ou en chemin de fer dans le monde entier! L'utilisation de broyeurs en acier dans les minoteries à partir de la fin du XIXe siècle et l'abandon de la pierre meulière comme matériau de construction vont précipiter la fin de cette industrie: «En 1951, signale le site inventaire.iledefrance.fr, la principale entreprise d'extraction fertoise, la Société Générale Meulière (créée en 1881), ferme ses portes». Ville étape sur la route d’Allemagne, trois voitures quotidiennes en partent pour Meaux et Paris en 1827; par ailleurs, deux hôtels y sont signalés par le guide Joanne en 1883, l’hôtel du Porc-épic et celui de Paris. La route vers la capitale y est pavée avant 1911. «On passe la Marne, dit en 1822, l'Itinéraire complet de la France, sur un pont nouvellement reconstruit en bois, avec péage: on l'a fait sauter en 1814». Ouvragé en fer par la suite, ce fut, jusqu’au XVIIIe siècle, le seul point de passage sur la Marne. En 1959, on passe le pont de l’Europe –situé plus en aval- et on quitte la petite ville par la rue de la République en direction de Montreuil-aux-Lions.
L’histoire de la route après La Ferté-sous-Jouarre est plus mouvementée: ainsi, voit-on dans l’Histoire des cantons de l’Aisne que la chaussée suivait primitivement la vallée de la Marne (ancienne R.N.369) jusqu’à Château-Thierry. Charly étant équipé d’un relais de poste et d’hôtelleries. Mais, au milieu du XVIIIe siècle, on réoriente la route d’Allemagne par Montreuil-aux-Lions et le plateau de l’Orxois. Et cela, peut-être sous l'influence de Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, qui avait des «intérêts de famille» à Marigny, à 8 kilomètres de Montreuil, dit l'Histoire de Charly-sur-Marne d'Auguste Corlieu. De ce fait, nous signale l’ouvrage La Ferté-sous-Jouarre, «la route, qui monte par la côte de Bécard, est mise en service en septembre 1755 après cinq ans de travaux». Mais, quelques années plus tard, vers 1785, nouveau changement, la route d’Allemagne passe par Montmirail (ancienne R.N.33), lors de la mise en service d’un tronçon plus court de 13 km jusqu’à Châlons. Louis XVI, en fuite, passera par là. Mais le tracé par Montreuil-aux-Lions sera ensuite à nouveau réemprunté par la R.N.3 jusqu’à nos jours, comme on peut le voir sur la carte d’état-major du XIXe (1822-1860) publiée par l’IGN, où cet itinéraire est appelé «route de La Ferté à Château-Thierry». En 1932, à la hauteur du hameau de Bécard, on trouvait un café-épicerie qui s’appelait joliment Au repos de la montagne (La Ferté-sous-Jouarre et ses environs). A Montreuil-aux-Lions, la route entre dans le département de l'Aisne (D1003 auj.). Non loin, le lieu-dit La Ferme-Paris est un des relais de diligences sur la voie vers l’Allemagne. Après le village de Vaux, c’est la descente vers Château-Thierry qui s’annonce. Si les Gaulois, découvre-t-on dans le dictionnaire des rues de Château-Thierry D’une rue à l’autre, furent les premiers occupants des lieux, Charles Martel -qui habita l’endroit- y construit un château-fort à partir du IXe siècle, contrôlant l’axe principal à cette époque, une voie d’origine romaine reliant Troyes à Soissons. Après les fortifications, réalisées au Xe siècle, l’agglomération s’élargit vers la Marne aux XIIe et XIIIe siècle. A l’époque, la rivière pouvait avoir plus de 100 m de large et il n’y avait qu’un gué pour la traverser.
En 1959, on pénètre dans Château-Thierry par l’avenue de Paris et la place de la Bascule (aujourd’hui Aristide-Briand). On y trouvait l’octroi. Petite anecdote: les habitants surnomment les lieux «place de la Girafe», car, en 1832, un voyageur qui roule en direction de Paris y débarque dans une auberge accompagné de la vraie bête au long cou… Une petite fresque (en place en 2013) retrace l’événement! Du centre-ville, une levée, bâtie en 1766, conduit aux abords du pont. Cette chaussée surélevée restera longtemps isolée, au milieu de mares pestilentielles, jusqu’à leur comblement en 1830. C’est aujourd’hui la place des Etats-Unis. Mais, on a pu le lire plus tôt, la route d’Allemagne, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, empruntait les bords de la Marne en croisant Chézy, Nogentel, Etampes et Chierry, passant donc au large de Château-Thierry. C’est en tout cas ce que l’on peut découvrir dans l’ouvrage Nos vieux murs: Château-Thierry. Après le remaniement routier, qui fait passer la route d’Allemagne par Montreuil-aux-Lions et éviter la vallée de la Marne, souvent submergée, la voie emprunte le cheminement de 1959 et traverse la rivière sur un ouvrage qui tire ses origines des temps anciens. Le pont en bois du XIe siècle, restauré par les comtes de Champagne au XIIe siècle est remplacé sous François Ier par un pont à neuf arches disposant, au centre, d’un plancher mobile permettant la circulation des bateaux. Un nouvel ouvrage est encore bâti entre 1767 et 1788. L’actuel date de 1950 et fait suite aux destructions des deux guerres mondiales. Au XVIIIe siècle, l’ouvrage est prolongé par une chaussée surélevée aux origines antiques. Celle-ci traversait toute la vallée de la Marne; ses nombreuses arches permettaient l’écoulement des eaux de la plaine à l’occasion des fortes crues. Plus loin dans ce faubourg, un pont «saute» la «fausse Marne», un fossé creusé vers 1760 et qui permet de mieux drainer les eaux de la plaine. A la moitié du XVIIIe siècle, la chaussée Brunehaut antique est remplacée par une avenue plantée d’ormes aboutissant à une place en demi-lune (actuelle place Carnot) d’où part vers l’est l’avenue de la République, qui nous indique la sortie de Château-Thierry et la suite de la R.N.3 historique vers Epernay (poursuivre le voyage). Marc Verney, Sur ma route, octobre 2024
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