On sort de Saulieu en suivant un itinéraire qui contourne
le centre ancien. Dès la sortie de la cité, nous laissons, au rond-point
partir sur la droite l'ancienne N77 bis (D977bis), une route ouverte
en 1838 pour désenclaver la région et qui sillonne le Morvan sauvage
jusqu'à Prémery. Peu de villages traversés jusqu'à Chissey-en-Morvan
mais une végétation omniprésente autour de la chaussée étroite...
Nous sommes là sur un tronçon de la route n°16 des Etats de Bourgogne
et sur le tracé de l'antique via Agrippa.
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La
brume hivernale recouvre les paysages autour de la RN80 après
Saulieu. Cent mètres plus loin, le regard ne voit plus
le mince trait de bitume striant les prés. Photo: Marc
Verney, février 2011. |
En
1763, ce chemin, reliant Saulieu à Autun fut l'objet de travaux
particuliers (reconstruction de ponts et réparation des chaussées)
en vue d'établir une route de poste avec notamment des relais à
Saulieu, Pierre-Ecrite, Chissey et Autun. Du coup, il y avait -à
la toute fin du XVIIIe siècle- deux itinéraires Paris-Lyon concurrents:
celui par Autun et le Morvan et celui par Arnay-le-Duc; les deux
se rejoignant à Chalon-sur-Saône. En 1850, l'itinéraire par le Morvan
est abandonné: "Il y passe si peu de voyageurs, qu'il y a des
relais où l'on ne trouve que cinq chevaux" peut-on lire dans
Paris-Lyon par Arnay-le-Duc ou Autun? de Léon Blin... Et
l'état des routes morvandelles ne s'améliorera pas! Victor Petit,
un auteur de récits de voyages bien connu en Bourgogne écrira encore
au milieu du XIXe: "Qu'on se représente un chemin pierreux, tortueux,
montant ou descendant sans cesse, traversé à chaque pas par des
ruisseaux venant du faîte des montagnes, bordé des haies vives ou
creusé comme un ravin, l'on aura ainsi une idée de l'un des meilleurs
chemins du Morvan...".
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Une
amusante comparaison, cette borne de limites départementales
de la RN80 a été présentée dans
un ouvrage sur les routes françaises au début
du XXe siècle... et la voici à nouveau, bien vaillante
au XXie siècle! Photo de droite: Marc Verney, janvier
2009. |
Mais
l'amélioration viendra rapidement avec l'intervention d'une
famille d'ingénieurs, les Dupin, qui relanceront de vastes investissements
routiers. Et, en 1889, la région possédera 1564 km de routes résistantes,
empierrées avec le granit de la région, offrant aux plus lourds
charrois "une résistance de premier ordre"! Tant mieux pour
les "galvachers", ces conducteurs morvandiaux qui conduisaient leurs
lourds attelages trainés par des boeufs dans toute la Bourgogne...
Au XIIIe siècle, Lucenay-l'Evêque (16,7 km d'Autun) était
entouré de murailles, flanquées de quatre tours. Le bourg, ravagé
deux fois par des incendies a été en outre pillé par les redoutables
"écorcheurs" en 1316 et 1416. Mais, voici qu'au loin, après la forte
descente de Reclesne apparaissent les murs d'Autun... "Doucement
inclinée sur sa colline", la cité, peut-on lire dans Autun
pittoresque, "monte sans brusquerie d'étage en étage, formant
un amphithéâtre majestueux d'où s'élance, rapide, la superbe flèche
de sa cathédrale"... Après avoir passé la zone minière des Télots,
où l'on exploitait des schistes bitumineux (tiens, tiens...) qui
servaient à la fabrication d'un gaz au pouvoir éclairant extraordinaire,
l'entrée dans Autun se fait par l'antique porte d'Arroux (ou de
Sens, ou de Paris). C'était l'une des quatre portes romaines de
la ville. De là, on pouvait aller, par une voie en ligne droite
traversant Augustodunum, à la porte de Rome...
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Gros
plan sur la plaque de Lucenay-l'Evêque. Photo: Marc Verney,
février 2011. |
C'était
l'axe le plus beau, avec une largeur de 16 m; il supportait
le lourd trafic de la via Agrippa. Et il fut continuellement
amélioré, pavé par de grands blocs de granit rouge taillés dans
les gorges de Brisecou, toutes proches. Les travaux du chemin de
fer en 1866 furent l'occasion de vérifier l'ingéniosité romaine:
les lourds blocs de granit reposaient sur un massif de béton formé
de cailloux et de sable fortement comprimé, lui-même installé sur
une assise de moellons de grès houiller disposés sur une glaise
dure et intacte. Nos autoroutes modernes font-elles beaucoup mieux?
A VOIR, A FAIRE
Presque soeur et émule de Rome, Autun se visite avec les yeux grands
ouverts. Des promenades en compagnie d'un guide-conférencier pour
approcher les richesses de la ville sont recommandées (service animation
du patrimoine: 03-85-52-73-50). L'Autun romain montre de
vastes restes (le théâtre romain, les portes d'Arroux et de St-André,
le temple de Janus, les remparts); la ville haute médiévale
(la cathédrale St-Lazare, le musée Rolin). Office du tourisme d'Autun,
13 rue du Général-Demetz (tél. 03-85-86-80-38).
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Ancienne
publicité peinte pour le vénérable hôtel
Saint-Louis d'Autun. Photo: Marc Verney, février 2011. |
Ville-carrefour,
il y avait quatorze voies romaines qui se rejoignaient à Augustodunum...
En 1959, voici la N73 Bâle-Moulins, la N78 Saint-Laurent-Nevers
et la N80 Châtillon-Cluny (il y avait aussi la N494, rejoignant
Arnay-le-Duc).
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R.N.78:
LE JURA PAR LE MORVAN
La
RN78 de 1959 relie Nevers à St-Laurent en Grandvaux en
passant par le Morvan, les beaux vignobles de Bourgogne et Lons.
Une route pleine d'histoires à suivre ici (lire) |
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R.N.73:
DEUX BALE DANS LE MOULINS
La route nationale 73 de 1959 relie Bâle en Suisse
à Moulins dans l'Allier. C'est l'une des plus singulières
transversales qui soient. Mais pas des moins bucoliques... (lire) |
Montant
le long de la forêt de Planoise, la route prend maintenant la
direction de Marmagne et de Montcenis. Cette dernière cité était
un poste avancé des Eduens qui surveillaient le trafic entre le
marché de Cabillonum (Chalon-sur-Saône) et l’oppidum de Bibracte.
Devenue romaine, les légions y bâtirent une forteresse de pierre
pour contrôler la région. Mais c'est à partir du XVIIIe siècle que
les lieux allaient radicalement changer de vocation. François de
la Chaise, un noble entreprenant décide de relancer la production
du fer. Puis, s'installe, en 1786, dans le modeste village du Crozot
(auj. Le Creusot) la Fonderie royale, une société rachetée en 1836
par Joseph-Eugène Schneider et son frère Adolphe, début d'une incroyable
saga industrielle qui allait faire de la famille Schneider de véritables
empereurs de l'acier!!
La descente sur Blanzy est éminement pittoresque au milieu
de pâtures où paissent de robustes charolaises. On passe sur les
eaux du barrage de la Sorme, édifié dans les années 70 pour fournir
de l'eau potable à la région. Puis voilà Blanzy, où l'on croise
la route nationale 74 historique et le canal du Centre. La ville
héberge aussi un intéressant musée de la Mine, dernier témoin régional
de deux siècles d'exploitation intensive du charbon.
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R.N.74:
DE L'EAU DANS LE VIN...
En
1959, la route nationale 74 relie l'Allemagne à Paray-le-Monial
(Saône-et-Loire) en passant notamment par Sarreguemines, Nancy,
Langres, Dijon, Beaune... (lire) |
Non
loin, la commune de Montceau-les-Mines connait un fulgurant
développement: de 300 habitants en 1833, on passe à 11 000 habitants
en 1874... A Montceau, en 1900, on dénombre encore 200 puits de
mine en activité... La production est de 1,4 millions de tonnes
de charbon.
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Cette
vieille borne kilométrique de la RN80 était bien
enfouie sous un amas de feuilles mortes... Photo: Marc Verney,
octobre 2009. |
Les
derniers 45 kilomètres sont nettement plus bucoliques. Après
un petit détour sur la butte de Gourdon (jolie vue, joli village),
la route nationale 80 historique approche le Mont-Saint-Vincent.
Installé sur la ligne de partage des eaux, ce vieux bourg de 350
habitants se dresse à plus de 600 m d'altitude au dessus des monts
du Charolais. C'est tout ce qui reste d'une puissante baronnie qui
dominait toute la région. Du château fort, on remarque encore quelques
remparts et des chemins de ronde qui entourent le village. Point
de vue intéressant depuis une table d'orientation qui domine la
route.
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Au
Mont-Saint-Vincent. Photo: Marc Verney, octobre 2009. |
A
la Croisée de Cray, il reste encore une vingtaine de km pour
atteindre Cluny. La réalisation de cette chaussée
est l'oeuvre du Premier empire qui y voyait là la création
d'un nouvel axe Paris-Lyon. La cité de Cluny vit dans le souvenir
de son abbaye, symbole fort du renouveau monastique en Occident.
L'abbaye de Cluny (dont il ne reste hélas quasiment rien) fut un
foyer intellectuel et culturel important de réformation de la règle
bénédictine entre le Xe et le XIIe siècle. Devenue bien national
en 1789, l'abbaye sert de carrière de pierres jusqu'en 1813 pour
les maisons du bourg. Par la suite, les archives sont brûlées en
1793 et l'église est livrée aux pillages. Il ne reste actuellement
que 8% de l'édifice initial. A 5 km au sud de Cluny, au croisement
avec la RN79, nous aurons parcouru 209 kilomètres sur la RN80 historique
depuis Châtillon-sur-Seine.
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R.N.79:
DU CHAROLAIS AU JURA
En
1959, la route nationale 79 nous conduit de Nevers à La
Cluse sur la commune de Montréal-la-Cluse dans le département
de l’Ain (monts du Jura). Des paysages plein la vue!(lire) |
Marc
Verney, Sur ma route, avril 2011
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