Tout commence à Châtillon-sur-Seine. Capitale d'une petite
région appelée sous l'Ancien Régime "pays de la Montagne", Châtillon
est traversée par la jeune Seine qui y développe une belle percée
orientée Nord-Sud en direction de Troyes alors que des plaines permettent
les échanges Est-Ouest. La voie venant du nord, c'est la route de
l'étain qui a emprunté la vallée de la Seine dès l'Antiquité...
elle se divisait en deux à la hauteur de Châtillon: un antique chemin
celtique partait vers Bibracte (notre N80!) et la "route des Romiers",
un passage vers l'Italie, déjà signalé au XIIIe siècle par un religieux
voyageur (et chroniqueur) anglais. Celui-ci prenait la direction
de Chanceaux (ancienne N71 -D971) et menait par la suite aux cols
du Jura et des Alpes. Un autre axe passant par Châtillon, appelé
"le grand chemin tonnerrois" joignait, à l'époque romaine Langres
à Auxerre (une partie de la R.N6.5 de 1959).
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R.N.65:
TONNERRE SUR LOIRE
Entre Bonny-sur-Loire et Neufchâteau, la route n°65 de 1959 relie Auxerre, Chablis, Tonnerre, Châtillon et Chaumont... une voie de caractère! (lire) |
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R.N.71:
LA SEINE SUR UN PLATEAU
Au fil de la Seine, une belle promenade qui nous fait
emprunter le trajet de la N71 historique entre Troyes et Dijon.
On vous le dit: une sacrée mise au vert... (lire) |
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Une
des belles attractions de Châtillon-sur-Seine, la source
vauclusienne de la Douix qui alimente la jeune Seine. Photo:
Marc Verney, février 2011. |
Cependant,
au XIe siècle, Châtillon-sur-Seine n'est toujours qu'un petit
village, perché sur une colline. Il a été quand même fortifié en
868 pour accueillir les reliques de Saint Vorles. L'endroit se développe
un peu plus aux XIIe et XIIIe siècles sous l'impulsion des premiers
ducs de Bourgogne qui cherchent à limiter l'expansion champenoise.
La ville fortifiée compte, au temps des Valois jusqu'à treize portes
et une trentaine de tours de défense. Le XVIe siècle ouvre la ville
à l'industrie sidérurgique (on compte douze forges en 1550). Et
plus de 20 000 voitures chargées de minerai circulent sur des chemins
encore bien difficiles. Deux faits limitent le développement de
Châtillon: un projet avorté de canal jusqu'à Troyes (1805) et l'échec
du projet de passage par le châtillonnais de la ligne ferroviaire
Paris-Lyon en 1840.
Dès la fin du Premier Empire, la petite cité regarde cependant
passer le souffle de la grande histoire: le congrès de Châtillon,
du 7 février au 11 mars 1814 voit se tenir des négociations sans
lendemain entre les ambassadeurs des souverains alliés et le représentant
de l'empereur, Caulaincourt. Il s'agissait alors de ramener les
frontières de la France à ses limites de 1789. Dernier désastre
vécu par la ville, le bombardement allemand du 15 juin 1940 qui
fait disparaître les anciens ponts à maisons.
A VOIR, A FAIRE
Il existe une "Route du Crémant" autour de Châtillon. Longue
de 120 km, elle relie les villages vignerons des environs qui produisent
un bon crémant à base de chardonnay ou de pinot noir (Dans l'Aube
voisine, les vignerons bénéficient de l'appellation champagne).
Principale curiosité de la cité, le trésor de Vix, découvert
dans une sépulture féminine au pied du mont Lassois (un ensemble
de bijoux et un magnifique vase grec en provenance d'Italie méridionale
-VIe siècle av. JC). A visiter aussi, l'église Saint-Vorles
(XIe siècle), le site naturel de la Douix, une importante
résurgence vauclusienne qui redonne de la vigueur à la Seine.
Office du tourisme du Pays châtillonnais, place Marmont (tél. 03
-80-91-13-19).
La nationale 80 historique s'échappe de Châtillon au niveau de
la place Joffre. On laisse à gauche la route de Dijon, l'ancienne
N71, réalisée ici fin XVIIIe en remplacement d'un tracé plus pentu
en centre-ville (la rue du Bourg-à-Mont). Premier bourg traversé
après quelques kilomètres rectilignes: Ampilly-le-Sec, qui, en 1900,
comptait trois auberges et deux boulangers... Encore un peu plus
en avant, à Coulmier-le-Sec (le nom viendrait d'un colombier en
pierre), on vivait quasi entièrement de la route à cette époque:
ainsi, on pouvaut y croiser deux auberges, trois charrons, quatre
maréchaux-ferrants, deux maîtres carriers...
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Zoom
sur la plaque de Puits. Photo: Marc Verney, octobre 2009. |
Quelques
kilomètres plus loin, voici Puits (on devinera sans mal que,
dans une région très sèche, ce puits-là devrait abreuver tous les
environs!). On passe Etais et la route longe la forêt de Fontenay
dans laquelle se blottit la magnifique abbaye fondée au XIIe siècle.
Ce joyau de l'architecture religieuse est classé au patrimoine mondial
de l'humanité par l'Unesco. Puis le bitume s'incurve et entame une
longue descente en direction de Montbard. La petite ville, sous-préfecture
depuis 1926, nous dit la brochure de l'office du tourisme, confortablement
installée dans une boucle de la Brenne semble aujourd'hui rêver
à des temps meilleurs... Le souvenir de Georges-Louis Leclerc, comte
de Buffon (1707-1788), naturaliste et ingénieur de génie y émerge
de partout... C'est là aussi que la D980 rencontre la route blanche
Paris-Genève.
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R.N.5:
LA SUISSE PAR MONTS ET PAR VAUX
La N5 Paris-Genève-St-Gingolph va quasiment disparaître
à la suite du vaste déclassement des routes nationales
en 2006... On aborde ici le tronçon Montbard-Vitteaux.
(lire) |
Nous
voici dès lors en route pour Semur-en-Auxois. Sur la droite,
voilà les ruines du château de Montfort, construit au XIIIe siècle
par Géraud de Maulmont sur un piton à 317 m d'altitude. A l'origine,
la puissante forteresse était constituée de sept tours et de remparts
entourés de profonds fossés. Ici, la chaussée serpente au milieu
de reliefs doux et bucoliques. Avant d'arriver aux abords de Semur-en-Auxois,
voilà Champ-d'Oiseau et Pont-de-Chevigny où la route traverse l'Armançon
sur un ancien pont de pierre (milieu du XVIIIe siècle) qui a été
retouché au fil du temps pour améliorer la circulation.
La ville de Semur-en-Auxois apparaît sur la gauche de la route.
Enlacée dans un méandre de l'Armançon, la cité médiévale (divisée
en trois parties: le Château, le Donjon, le Bourg) s'accroche de
belle manière sur un éperon rocheux de granit rose. Tout autour,
les chaumes (du latin calma), des terrains rocailleux où
se sont bâtis plusieurs faubourgs. On retrouve les premières traces
de la ville en 606 dans la charte de fondation de l'abbaye de Fontenay
sous le nom Sene Muro (Vieilles Murailles).
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Semur-en-Auxois
et son pont Joly de 1786 qui a bien simplifié la vie
des habitants et des visiteurs de la ville. Il n'y pas de brume...
il pleut des cordes!! Photo: Marc Verney, février 2011. |
Une
des vues les plus connues de la ville est celle où l'on arrive dans
la ville par la rue de Paris. Il n'a d'ailleurs pas toujours
été facile d'accéder à Semur... Si, côté route de Dijon, ce n'était
pas compliqué: on entrait dans la cité médiévale par la Barbacane,
dressée en avant de la porte Sauvigny, c'était une autre "paire
de manches" côté Armançon! L'ancien accès en arrivant de Montbard,
d'Avallon et de Paris, c'était le pavé Saint-Lazare, une redoutable
pente glissante aussi dangereuse à la montée qu'à la descente. Puis
il fallait franchir le pont des Minimes et relancer les équipages
dans la rue des Vaux sous les hautes tours de défense. Les
ingénieurs dijonnais se mettent en quête d'une solution de remplacement
dès 1758. Et le devis est réalisé en 1779: il s'agit de construire
pour 62 538 livres et 16 sols un chemin depuis les Quinconces (l'actuelle
rue de Paris), de jeter un pont d'une seule arche dressé à 24 m
au dessus de l'Armançon (le pont Joly) et de remonter vers le centre-ville
par l'actuelle rue du Pont-Joly. Après quelques retards, le nouveau
chemin est inauguré en 1786 et est encore utilisé de nos jours.
A VOIR, A FAIRE
La vieille ville et la promenade des remparts, puis
descendre vers le pont Pinard par une jolie volée d'ecaliers;
la tour de l'Orle d'Or, ainsi nommée parce que son sommet
était -jadis- entouré d'une bande de métal qui scintillait au soleil;
la collégiale Notre-Dame (XIIIe siècle); le musée municipal,
installé dans l'ancien couvent des Jacobines. Un petit train fait
le tour des remparts et l'office du tourisme propose diverses promenades
dans la cité. Juste à côté, on trouve le lac de Pont, promenade
dominicale des Semurois dont le barrage a été édifié entre 1878
et 1883 pour l'alimentation du canal de Bourgogne.
Office municipal de tourisme, 2, place Gaveau (tél. 03-80-97-05-96).
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R.N.454: L'ECHAPPEE BUCOLIQUE
La
RN454 de 1959 relie Cussy-les-Forges à Recey-sur-Ource dans un inoubliable délice de balade champêtre. Et avec un incroyable terminal forestier...(lire) |
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R.N.470: DES COLLINES ET DES MONTS
Entre Bourgogne et monts du Jura, la route nationale 470 historique se faufile au travers des plus belles contrées de la région (lire) |
La RN80 historique (D980) se contente en fait d'effleurer Semur. Après le rond-point, la voie prend la direction de Précy-sous-Thil
et croise, à la hauteur de la jonction avec la route d'Epoisses,
la promenade ombragée des Quinconces, qui était aussi, à l'époque,
la gare du tacot. Au XVIIIe siècle, les routes étaient ici sous
la responsabilité du Conseil des Etats de Bourgogne qui mettaient
un point d'honneur à tenter d'entretenir convenablement leurs abords:
ainsi, il fut ordonné en 1718 de planter des arbres fruitiers le
long des axes et d'arracher "sur une largeur de 36 pieds (1 pied = 0,32 m) tous les bois et broussailles bordant"
les cheminements.
A la sortie de Courcelles-lès-Semur, une sorte de calvaire
dresse ses croix catholiques. Dans ce village, nous dit Nicole Bourgeois-Puchot
dans ses Chroniques du Semurois, un château féodal dont il
ne reste que des vestiges a reçu Philippe le Hardi à plusieurs
reprises. L'automobiliste de 2011 peut faire un petit détour et
visiter le mignon village de Flée, juste à côté de la route. Mais
voilà déjà Précy-sous-Thil, un village bâti autour de deux voies
antiques. Mais le bourg "décolle" grâce à l'impulsion donnée par
le trésorier général de Louis XV, Chartraire de Montigny, originaire
du coin, qui fait réaliser entre 1734 et 1743 la route n°2 des Etats
de Bourgogne (anc. RN70) qui relie Dijon à Paris par Vitteaux. Il
nous faut d'ailleurs passer le pont sur le Serein (terminé en 1739)
pour rejoindre la chaussée de Saulieu.
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R.N.70: AU GRAY DE LA SAONE!
Entre Bourgogne et Franche-Comté, la route n°70 traverse Dijon, capitale des grands duc d'Occident. Un voyage dans l'histoire. (lire) |
Un ultime mot sur Chartraire de Montigny: l'homme, extrêmement
avisé (ou très magouilleur) fit construire une superbe hostellerie
en 1743 à la sortie de Précy pour capter le nouveau trafic créé
par "sa" route nouvelle... Là, se trouve en effet une côte imposante
qui imposait le relais ou le renfort de nombreux chevaux supplémentaires...
Anecdote amusante: en 1895, lors de la course automobile Paris-Marseille,
les concurrents durent faire appel aux chevaux des paysans des environs
pour faire grimper leurs montures mécaniques essoufflées!!
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Cette
plaque Michelin indiquant Saulieu se trouve dans le village
de la Motte-Ternant Photo: Marc Verney, février 2011. |
Avant
de repartir en direction de Saulieu, on peut jeter un oeil à
la butte de Thil voisine (490 m) et aux restes des fortifications
qui s'y trouvent (redescendre vers la D980 par Vic-sous-Thil). Entre
collines de l'Auxois et monts morvandiaux voici maintenant Saulieu,
ville-étape par excellence sur les chemins de cette région et notamment
la via Agrippa, la voie romaine Rome-Boulogne-sur-Mer construite
en 40 apr. JC. Celle-ci se poursuivait vers Autun par Liernais et
Lucenay. Courtépée, historien originaire de la région pense même
que le nom de Saulieu dérive du latin et du statut d'étape des lieux:
sedis locus, ou lieu de relais.
Depuis, la vocation d'étape de Saulieu sur les itinéraires nord-sud
ne s'est jamais démentie: devant les vestiges des murs de la
ville, deux auberges obtiennent dès 1926 une étoile, l'année même
de de la création du Guide Michelin: l'Hôtel de la Poste
et l'Hôtel de la Côte-d'Or (ce dernier, repris dès 1931 par le chef
Alexandre Dumaine, recevra même sa troisième étoile en 1935). A
258 kilomètres de Paris, la petite cité du Morvan (514 m d'altitude)
est encore aujourd'hui une des grandes étapes de la route Paris-Côte
d'Azur malgré la déclassification de la RN6 en D906.
A VOIR, A FAIRE
Edifiée au XIIe siècle, la basilique Saint-Andoche est un
bel exemple de l'art roman bourguignon; le musée municipal,
qui a recréé l'ambiance d'une vieille auberge (au XVIIIe , un relais
y comptait jusqu'à 200 chevaux!) et où l'on peut voir une partie
de l'oeuvre de François Pompon, natif de Saulieu; les anciennes
bornes routières autour de l'office du tourisme; quelques
pas dans le centre ancien à la recherche des panneaux de
la "route N6 historique"...
Office du tourisme, 24, rue d'Argentine (tél. 03-80-64-00-21).
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Gros
plan sur la borne impériale de Saulieu. Celle-ci oriente
le voyageur vers la route n°6 ou vers la route n°80.
Photo: Marc Verney, février 2011. |
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R.N.77bis:
LA TRAVERSEE DU MORVAN
La
RN77bis de 1959 relie Nevers à Sombernon en
passant par le Morvan. Une route
de jolies courbes à suivre ici (lire) |
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R.N.6,
LA ROUTE DES ALPES
Auxerre, Saulieu, Chalon, Mâcon, Lyon... suivez
le jeu de piste de la N6 historique (1959) jusqu'en haut du
col du Mont-Cenis. Ca décoiffe de visiter les belles
routes des Alpes... (lire)
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Marc
Verney, Sur ma route, avril 2011
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