La route nationale n°30 historique quitte Rouen par la «route de Darnétal» qui file vers l’est en direction de Gournay-en-Bray depuis la place Saint-Hilaire. La «route de Darnétal», raconte Pierre-Côme Duval dans l’article «Rouen et les voies antiques de Haute-Normandie», est également, sous l’Antiquité, un des accès à Rouen de la «chaussée Jules-César» qui a traversé le Vexin depuis Paris. La carte de Cassini (XVIIIe) publiée par l’IGN sur son site internet montre un chemin qui passe Darnétal et rejoint Gournay en croisant Martainville et Vascoeuil. «Resserré dans une vallée étroite, le site de Darnétal a une plus grande étendue en longueur qu'en largeur», dit Alexandre Lesguilliez dans la Notice historique, topographique et statistique sur la ville de Darnétal. «Son territoire se prolonge jusqu'à la Table-de-Pierre en haut de la côte de Saint-Jacques. La route de Rouen à Beauvais traverse le bourg dans toute sa longueur; c'est une route de troisième classe, et, comme telle, mal entretenue», raconte encore ce livre. Au XIXe siècle, écrit de son côté M. Vaysse de Villiers en 1830, Darnétal , «parcourue par la route de Gournay», première cité traversée par la route n°30 après Rouen, «connue jadis pour ses manufactures de lainage, a remplacé depuis peu ces établissements déchus par un grand nombre d’autres non moins importants, notamment de teintureries renommées». La «route de Gournay», aujourd’hui numérotée en R.N.31, monte vers Saint-Jacques-sur-Darnétal en traversant les lieux-dits de la Table-de-Pierre et du Nouveau-Monde. Ici, pointe Wikisara, la rectification de la côte a été réalisée vers 1837: c’est la large boucle que l’on voit passer aux lisières du bois Pigache, alors que l’ancienne chaussée suit la rue de la Table-de-Pierre. On se dirige maintenant vers Martaineville-Epreville en passant la côte de Beaulieu, «écrêtée» en 1862 signale encore Wikisara. Le petit bourg est vite traversé par la route du Château (lui-même situé au sud). La bâtisse, réalisée sur les vestiges d'un ancien château-fort en briques rouges et en pierre blanche venue des carrières de Vernon, a été construite à la fin du XVe siècle pour le compte de Jacques Le Pelletier un riche commerçant qui avait acquis le fief de Martainville en 1481.
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R.N.13bis: BELLE MISE EN SEINE
La R.N.13bis est la "route d'en bas", celle qui atteint Rouen par la rive gauche de la Seine, puis se rend au Havre par Yvetot et Bolbec... (lire) |
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R.N.14:
MA NATIONALE CHEZ LES NORMANDS
La route nationale 14 relie Paris à Rouen par Pontoise. C'est l'une des
très courtes RN importantes que je puis voir sur mon Atlas
Michelin 1959... (lire) |
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R.N.28:
SUS AU NORD!
De Rouen à Bergues, c ’est la «course au Nord», au milieu de paysages de bocage, de «plat pays» sillonné de canaux, de villages de brique... (lire) |
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Ancienne chaussée de la R.N.30 à Croisy-sur-Andelle (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
A six kilomètres, voilà Vascoeuil, village installé aux portes de la forêt de Lyons dans l’Eure. Notre chaussée y traverse successivement sur le territoire de cette commune le Crevon puis l’Andelle. Au XVIIIe siècle, la carte de Cassini publiée par l’IGN montre un chemin rejoignant La Haye depuis Vascoeuil en passant tout près de Croisy-sur-Andelle. Plus tard, la côte de Croisy est «rectifiée et réparée» en 1834 (Wikisara). La route passe alors par le centre du village, ce qu’elle fera jusqu’au XXe siècle. En 1617, écrit Dieudonné Dergny dans Le pays de Bray, communes et paroisses (1870), «une ordonnance prescrivit la réparation du grand chemin de Vascueil tendant de Rouen en Picardie et passant par Croisy, au lieu appelé le Val. Ce chemin, par où passoient ordinairement les marchands et les rouliers, suivait le Val, se dirigeait vers le Bois-Robert et traversait la Haye. La brigade de gendarmerie fut transférée de la Feuillie à Croisy, il y a 70 ans, ainsi que le relais de poste, qui était également dans le premier lieu». De la Feuillie à Gournay-en-Bray, il y a 17 kilomètres. En 1289, signale Wikipédia, apparaît la première mention du manoir royal «de La Feuillie-en-Lyons fréquemment utilisé par Philippe le Bel et ses enfants». Il y a fait installer «un des tout premiers haras du royaume». Après les virages du bois de la Haute-Haye, le macadam s’approche de Gournay, où nous allons franchir l’Epte. «L’histoire de Gournay, écrit le site gournay-en-bray.fr, remonte à l’époque de la conquête des Gaules. Protégé par la forêt et les marécages, l'endroit est un îlot difficile d’accès offrant un asile sûr aux tribus vaincues qui fuient les Romains. Le développement de Gournay est également lié à l’existence dans cette vallée de l’Epte d’un croisement de voies antiques». Puis, en 911, au «traité de Saint Clair-sur-Epte, Charles III le Simple, roi de France, concède la Normandie, entre l’Epte et la mer, à Rollon, à charge pour lui de mettre fin aux dévastations de cette partie de la Neustrie, et de lui faire hommage», raconte encore le site internet municipal. Rollon confie le pagus de Bray et la défense de la frontière orientale du duché à Eudes, l’un de ses compagnons. En 1202; Philippe Auguste, roi de France, investit la Normandie et prend le contrôle des places d’Eu et de Drincourt (Neufchâtel), puis il met le siège devant Gournay, qui devient française jusqu'à la guerre de Cent Ans. La petite cité ne sera libérée du joug anglais qu'en 1449. Mais la tranquillité ne dure pas: en juin 1465, les Bourguignons de Charles le Téméraire s’emparent de Gournay. Les soldats pillent la région, saccagent plusieurs châteaux. Ils seront défaits par les troupes royales de Charles de Melun en septembre suivant. A la fin du XVIe siècle, la cité est assiégée par les troupes catholiques de la Ligue qui s'en emparent en septembre 1589. Deux ans plus tard, Gournay est prise par le maréchal de Biron, au nom du futur Henri IV. Les bouleversements historiques n'ont pas fini de toucher la petite ville: Gournay est occupée par les Prussiens du 3 septembre 1870 au 9 juin 1871 et lourdement bombardée par les Allemands en juin 1940. «Le centre-ville, incendié, n’est plus que ruines», écrit le site gournay-en-bray.fr.
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R.N.15:
UN TOUR DANS LA MANCHE...
La route de Paris à Dieppe file droit dans un bouton...
avant de tomber dans la Manche! Ce n'est pas une plaisanterie, voyez
plutôt... En route pour 135 km d'aventures. (lire) |
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La R.N.30 historique dans les environs de Gournay-en-Bray (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
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De Rouen à Gournay-en-Bray, les automobilistes de ce premier quart du XXIe siècle empruntent la R.N.31 (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
C'est dans le village de Ferrières-en-Bray, juste à côté, que Charles Gervais (désormais Danone), a produit depuis 1852 le petit-suisse, d'après une recette initiée par un certain Étienne Pommel, faisant la richesse de la région. Aujourd’hui, la traversée complète de la cité n’est plus possible puisque la rue de Ferrières et la route de Gerberoy (D1930) sont coupées par le passage de la ligne de chemin de fer entre Saint-Denis et Dieppe. Après Ferrières-en-Bray, il n’y a plus de route tracée sur la carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) publiée par le Géoportail de l’IGN. Seul, existait au XVIIIe siècle, le «chemin de Gerberoy» visible sur la carte de Cassini. Le Précis statistique sur le canton de Songeons (1836) indique effectivement que la région n'a encore point de route royale, «mais la route n°30, dite de Rouen à La Capelle, doit le parcourir dans la direction du sud-ouest au nord-est. Le décret du 16 décembre 1811 a fixé son tracé par Gournay-en-Bray, Gerberoy, Marseille». A noter que l'ancienne route de Gournay à Gerberoy, signale encore l'ouvrage, «passe par la vallée d'Hannaches. Ce chemin était au Moyen Age une des routes de Picardie en Normandie; il était parcouru par des voitures publiques». Le Précis statistique sur le canton de Marseille (1833) mentionne aussi que la route n°30 de Rouen à La Capelle y était «non encore construite» et ne signale qu'un simple chemin jusqu'à Crèvecoeur, «passant à l'extrémité du village de Hautépine et au midi de Lihus». De Ferrières-en-Bray jusqu’à Marseille-en-Beauvaisis, le site Wikisara donne 1839 et 1840 pour la réalisation de la route n°30.
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Borne de limites départementales entre l'Oise et la Seine-Maritime (Seine-Inférieure jadis) sur une petite route -D143- entre Songeons et Gournay (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
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R.N.1: LES PETITES ANGLAISES
La RN1 de 1959 relie Paris à Calais en passant par Beauvais, Abbeville, Boulogne... Une charmante virée sur la route des petites anglaises! (lire) |
A Marseille-en-Beauvaisis, il faut faire quelques pas vers le sud sur l’ancienne R.N.1 pour reprendre le fil de la R.N.30 historique (D930) en direction de Crèvecoeur-le-Grand, une voie réalisée vers 1835, signale Wikisara. On rentrait autrefois dans ce bourg, dépendant à l’époque de Lihus, par la rue de Marseille (logique!) avant que ne soient réalisées vers 1952 les actuelles avenues de la Libération et du Château (Wikisara). «Crèvecoeur-le-Grand est érigé au rang de seigneurie en 1157», écrit le site municipal crevecoeur-le-grand.fr, qui signale également «qu'en 1517, messire Guillaume Gouffier, seigneur de Bonnivet, devient seigneur de Crèvecœur. Amiral de France et ami d'enfance du Roi, il y accueille François 1er pour préparer la rencontre du camp du Drap d'or destinée à sceller la paix avec les Anglais». Plusieurs fois pillée lors des guerres de religion, Crèvecoeur est ensuite ravagée en 1790 par un gigantesque incendie qui ne laisse que cendres. Au XIXe siècle, la ville abritait une importante industrie textile. Peu avant Hardivilliers (contournée en 1998), en direction de Breteuil, notre route n°30 historique croise une «chaussée Brunehaut», une voie antique du Ier siècle reliant Beauvais à Amiens, raconte Pascal Quérel dans son article «Chemins, gués et établissements routiers dans l’Ouest de la Gaule Belgique». Vers Breteuil, écrit le Précis statistique sur le canton de Crèvecoeur (1836), «la chaussée, faite en cailloux-silex est large de six mètres; chaque accotement a seulement un mètre, et chaque fossé un mètre et demi; ce qui donne pour tout le profil transversal une largeur de onze mètres; il y a une banquette de chaque côté. Cette route, dont la création avait été sollicitée depuis 1785, a été commencée en 1833 dans le canton de Crèvecoeur, et sa construction s'achève en ce moment d'après les dessins de M. de Bréville, ingénieur des ponts et chaussées; elle remplace une ancienne voirie fort importante au Moyen Age». Après la «ferme des Phosphates» (témoignage d’une ancienne carrière), une longue ligne droite nous emmène au cœur de Breteuil, où il nous faut tourner à droite sur l’avenue du Général-Frère pour retrouver un peu plus au sud, la rue de Montdidier. «La première mention de Breteuil se situe en 1049, grâce à la bulle du pape Léon IX», signale le site ville-breteuil.fr. Plus d'un siècle plus tard, le comté de Breteuil est rattaché à celui de Clermont. Puis, vers 1435, suite au traité d’Arras, la forteresse médiévale, qui fut occupée en dernier lieu par un ancien compagnon de Jeanne d’Arc (La Hire), est progressivement démantelée. Pillée vers 1589 lors des guerres de religion, l'abbaye de Breteuil est vendue comme bien national lors de la Révolution, vers 1790-1793. A la même époque, écrit encore le site internet de la cité, «les marais communaux bordant la Noye sont partagés entre les habitants». Enfin, fortement touchée par les combats de mai-juin 1940, «la ville de Breteuil se retrouve détruite à 60% par les bombardements allemands». Dirigée par l’architecte-urbaniste Georges Noël, la reconstruction se fera de 1947 à 1960. Sortant vers l’est, la «route de Breteuil à Montdidier» n’est pas entièrement tracée sur la carte d’état-major du XIXe siècle publiée par l’IGN. Pour Wikisara, les travaux se sont étagés de 1835 à 1839 jusqu’à la limite avec la Somme, puis en 1841 jusqu’à Montdidier.
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R.N.16:
LE COEUR AU NORD
La RN16 de 1959 relie Pierrefitte-sur-Seine à Dunkerque en passant
par Creil, Clermont, Amiens et Doullens. Nous voilà à la rencontre des Ch'tis! (lire) |
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A Breteuil-Embranchement, on croise la voie ferrée Paris-Lille (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
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Vers Breteuil (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
Après avoir effleuré Tartigny, on approche de Breteuil-Embranchement, une station de la Compagnie des chemins de fer du Nord qui a vu le jour autour du chemin de fer Paris-Lille en 1846. Une grimpette nous amène vers le village de Mesnil-Saint-Firmin. Montdidier n’est qu’à moins de quinze kilomètres. «Située sur le penchant d'une montagne calcaire, a une centaine de mètres d'altitude», la position de Montdidier «a toujours été un obstacle à son agrandissement; les abords en étaient roides, dangereux, des travaux de rectification récemment exécutés en ont rendu l'accès plus facile aux voitures», raconte Victor de Beauvillé en 1857 dans l'Histoire de la ville de Montdidier. De nos jours, la départementale 930 traverse la petite cité d’un coup, par le boulevard du Général-Debeney et l’avenue Georges-Clémenceau. Sous la restauration, écrit encore Victor de Beauvillé dans l'Histoire de la ville de Montdidier, «des travaux importants s'exécutèrent dans la ville: on construisit les beaux bâtiments de l'hôpital; on démolit les fortifications et les vieilles portes qui obstruaient l'entrée de la ville. Le fossé à droite de la porte de Roye fut comblé et converti en une promenade dont les arbres ont été abattus en 1843, pour redresser la route d'Amiens à Compiègne: on appelait cette promenade le "boulevard des Os rangés" parce qu'en démolissant les murs de la ville, on trouva à la base, une grande quantité d'os enchâssés dans la maçonnerie. Ce boulevard forme aujourd'hui la rue la plus large et la plus droite de Montdidier; elle communique du Marché-aux-Vaches à la route de Rouen à La Capelle». Dans sa riche histoire, Montdidier a vu naître, dit le site ville-montdidier.fr, «Antoine Augustin Parmentier qui a contribué à propager la culture et la consommation de la pomme de terre dans l’alimentation humaine et qui travailla également sur le lait, le pain, le sang, les biscuits, le maïs, les salaisons, la conservation des viandes et le sucre». La Première Guerre mondiale touche rudement la ville. Après les combats indécis de 1914, lit-on dans l'encyclopédie Wikipédia, «le front se stabilise en 1915 sur une ligne située entre Montdidier et Roye. La ville se situe donc à l'arrière immédiat du front de 1915 à 1918 et se trouve au coeur des combats en mars et août 1918». Reprise par la Ière armée française, la ville, dont il ne reste que des ruines, ne sera entièrement rebâtie qu’en 1931. Il n’y a que quatorze kilomètres jusqu’à Roye.
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Entrée dans la Somme (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
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R.N.17: LE TOUR DES BEFFROIS
La RN17 de 1959 relie Le Bourget à Lille en passant par Senlis, Péronne, Cambrai et Douai. Cap au nord pour une route qui file droit sur la métropole lilloise. (lire) |
Là encore, la carte d’état-major du XIXe siècle (1822-1866) publiée par le site de l’IGN ne mentionne aucun tracé jusqu’à Laucourt, où se trouve l’embranchement actuel avec la route de Paris à Lille (ancienne R.N.17) qui dessert Roye. Pour Wikisara, les travaux se sont échelonnés entre 1843 (Faverolles-Laucourt) et 1846 (Montdidier-Faverolles). D'anciens ouvrages mentionnent cependant une très ancienne voie entre Montdidier et Roye, le «chemin vert», connu aujourd'hui encore sous le nom de «grand chemin de Montdidier», qui desservait les villages de Faverolles, longeait Marquivilliers et traversait Armancourt. Un tracé «qu'il eut été plus sage de suivre quand on a ouvert la grande route nationale qui conduit de Rouen à la Capelle, et qu'on a abandonné au grand détriment des localités qu'il traverse, pour rejeter la route en plaine où elle s'étend, pendant un espace de cinq lieux, sans rencontrer aucun village» déclare l'abbé J. Gosselin dans la Notice historique sur les trois villages de Marquivilliers, Grivilliers et Armancourt. C’est avec la R.N.17 historique que nous pénétrons dans le faubourg Saint-Gilles et la ville de Roye. La situation de cette petite cité «est des plus heureuses, confie Grégoire d'Essigny dans l'Histoire de la ville de Roye, département de la Somme. Elle communique à Péronne et à Gournay par la route de Bruxelles à Paris; à Amiens, par un chemin de construction romaine, nommé Chaussée Brunehaut, et à Noyon, par une assez belle route». Hélas, la «ville ancienne (a été) anéantie pendant la guerre 1914-18 et reconstruite» précise le Guide Bleu 1954. D’autres malheurs avaient hélas précédé celui-ci… La ville est successivement pillée, incendiée –comme souvent dans le nord du pays- par les Anglais, les Bourguignons, les Français… «Jusqu’en 1659, nous signale Wikipédia, année de la signature du traité des Pyrénées, Roye était très proche de la frontière, qui passait par Marché-Allouarde. Elle était donc en première ligne lors des guerres de l’Ancien Régime». A la Révolution, la faubourg de Saint-Pierre, à l'extrémité de Roye, laisse filer trois chaussées depuis l'esplanade du Marché-aux-Chevaux: les routes de Rouen à la Capelle, d'Amiens à Noyon et de Paris à Lille, signale l'Histoire de la ville de Roye, par Emile Coët. «La route de La Capelle est encore une ancienne chaussée romaine, dit encore Emile Coët, mais d'un ordre secondaire, qui établissait une communication particulière et directe entre Saint-Quentin et Roye». A peu de distance de Roye, voici Carrépuis, village aujourd’hui contourné (depuis 1965, dit Wikisara), et dont l’existence semble très ancienne, puisque mentionné sur un acte de 1286 cité par Emile Coët, qui écrit: «Quarrépuis, tenant au chemin qui va de Roye à Nesle». Une ancienne borne kilométrique, située à côté de l’église du village, porte encore, gravé dans la pierre, l’émouvant et simple souvenir de la «route n°30». A sept kilomètres de là, la localité de Marché-Allouarde (Marché-à-la-Warde sur la carte d’état-major du XIXe) a également attiré l’attention d’Emile Coët, qui affirme que l’origine du nom de ce village, Marck, signifie «marche, frontière, limite…». Or, effectivement, avant la signature du traité des Pyrénées (1659), on trouvait par ici la frontière septentrionale du royaume de France.
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A Carrépuis, on trouve cette ancienne borne kilométrique de la R.N.30 historique (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
Cinq kilomètres de plaine plus loin, voici Nesle. Pour Wikisara, la route n°30 moderne date ici de 1840 pour la «section Roye-Rethonvillers», sauf la traversée de Carrépuis (1841), et 1842 pour la partie «Rethonvillers-Nesle». Là encore, nous allons négliger le vaste contournement de 1989 et entrer dans la petite cité située au bord de l’Ingon –qui entourait jadis les murailles- par la rue du Faubourg-Saint-Léonard. La ville a été lourdement frappée par les conflits: en juin 1472, Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, à la tête d'une armée de 80.000 soldats met à sac Nesle et fait massacrer ses habitants; à la fin du conflit 1914-18, les deux tiers de la ville sont considérés comme détruits et en juin 1940, attaquée et bombardée de toutes parts, la cité, défendue par des chasseurs alpins, est encore une fois largement ravagée par l’assaillant allemand (Wikipédia). On quitte Nesle par la «route de Ham». Au Bis-Pont, la chaussée franchit le canal du Nord (ouvert au milieu des années soixante) et qui relie la vallée de l'Oise au canal Dunkerque-Escaut. Il faut une quinzaine de kilomètres pour rejoindre Ham par la ferme du Calvaire, le pont d’Allemagne et Eppeville. Entre 1828 et 2019, c’est l’activité sucrière qui a fait vivre la région. Les impressionnants bâtiments Art déco de l’usine d’Eppeville, emblématiques de la reconstruction de la Haute-Somme par suite des destructions de la Première Guerre mondiale, sont désormais désaffectés. La ville de Ham se trouve un peu plus loin, entre Somme «canalisée» et Somme «rivière». La localité, écrit Charles Gomart dans l'ouvrage Ham, son château et ses prisonniers, «est traversée par la route impériale n°30 de Rouen à La Capelle; mais cette route n'a été pendant longtemps faite que de Ham à Saint-Quentin. La partie entre Nesle et Ham n'a été achevée que de 1836 à 1840». Au lieu de l'ancienne place de guerre, «tant de fois prise et reprise», soulignent en 1881 Elie Fleury et Ernest Danicourt dans l'Histoire populaire de la ville et du château de Ham, et «où les hôtelleries étaient si nombreuses à cause du passage des troupes et du roulage considérable qui s'y faisait, c'est une ville moderne où de tous côtés s'élèvent ce qu'on a appelé ingénieusement les obélisques de l'industrie... (...) Le canton de Ham étant le plus fertile du département, l'exploitation de la betterave a donné à l'industrie saccharine une extension telle que tout semble y converger. Voilà ce qui explique le nombre des usines et des ateliers de construction, l'existence de deux banques, l'énorme quantité de droits perçus par le gouvernement sur les sucres et les eaux-de-vie, les recettes abondantes de la gare, des octrois et du bureau de la navigation». Les guerres du XXe siècle allaient bien altérer cette prospérité… «Gravement touchée par les bombardements durant la Première Guerre mondiale, la ville est partiellement reconstruite à partir de 1920», lit-on notamment sur le site inventaire.hautsdefrance.fr. La «route de Saint-Quentin» s’élance du faubourg Saint-Sulpice. La carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) publiée par l’IGN mentionne «route de Paris à Lille» pour ce tronçon quasiment rectiligne au cours duquel nous entrons dans l’Aisne. A Roupy, notre R.N.30 historique croise la départementale 32 et l’un des plus spectaculaires projets routiers avortés de notre pays: le contournement sud de Saint-Quentin, projeté dès les années trente et inachevé dans les années cinquante…
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R.N.44:
LA NATIONALE PERDUE
Au sud de Saint-Quentin, se trouvent les vestiges d'une autostrade jamais achevée. Un site d'archéologie routière majeur que Sur ma route a visité pour vous... (lire) |
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A Eppeville, notre chaussée longe les vestiges industriels d'une vaste sucrerie (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
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La rue de Guise à Saint-Quentin (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
Après l’aérodrome de Saint-Quentin, on arrive vers la ville éponyme par le faubourg de Rocourt. La route franchit le lieu-dit l’Epine de Dallon, où se sont tenus de terribles combats en 1914-18. Voilà maintenant la longue rue de Paris, tracée en 1735, qui conduit au cœur de Saint-Quentin, cité qui doit actuel son nom au martyr chrétien Quintinus. «L’artère a longtemps été une référence dans le passé industriel de la ville, raconte Alice Meunier dans un article publié dans le Courrier Picard: à la fin du XIXe siècle, la distillerie de Rocourt, l’entreprise de tissage Hugues et les cimenteries et briqueteries Haché faisaient la vie des ouvriers du quartier». «La ville est fondée par les romains au tournant de notre ère, signale le site municipal saint-quentin.fr; elle porte alors le nom d’Augusta Viromanduorum, du nom du peuple gaulois qui occupe alors la région, les Viromandui». Fortifié au IXe siécle, le bourg se voit octroyer une charte communale en 1080, l’une des premières de France. «Les XIIe et XIIIe siècles sont particulièrement prospères pour la ville, cité drapante, où convergent les draps de laine qui sont foulés, teints puis négociés», dit encore saint-quentin.fr. Lors du conflit opposant l’Empire et la France, en 1557, l’armée espagnole de Philippe II assiège et pille la cité. Elle sera cependant rendue au trône de France en 1559 avec le traité du Cateau-Cambrésis. Jusqu'à la Révolution, la prospérité économique de la ville repose sur les toiles de lin: celles-ci sont blanchies, apprêtées puis négociées dans la ville. La production, de grande qualité, est exportée dans toute l'Europe. Au XIXe siècle, poursuit saint-quentin.fr, «les filatures de coton se dressent dans le centre de la cité», alors que les fortifications sont abattues entre 1820 et 1840, ce qui laisse la place à de nouveaux quartiers et au parc des Champs-Elysées. Le canal de Saint-Quentin, achevé en 1810, devient l’axe principal de transport du charbon. La ligne de chemin de fer en provenance de Paris, ouverte en 1850, favorise les échanges avec la capitale. Détruite à 80% à l’issue de la Première Guerre mondiale, un plan d’extension et d’embellissement de la ville par Paul Bigot est adopté en juillet 1919. A cette occasion, «si bon nombre de maisons sont reconstruites ou restaurés à l’identique, les édifices publics et les commerces sont construits dans le style émergeant de l’Entre-deux-guerres: l’Art déco», relate saint-quentin.fr. Notre chemin traverse désormais le canal de Saint-Quentin et les voies de chemin de fer par le «pont Jacques-Chirac». Edifié entre 1927 et 1929, ce viaduc, oeuvre de l’ingénieur Albert Caquot, signale le site petit-patrimoine.com, est long de 230 mètres. C'est l’un des premiers ponts en béton armé, réparti en six travées s'appuyant sur 186 pieux reposant sur un banc de craie dure. On atteint maintenant le faubourg d’Isle, qui se développe dès le XVIIIe siècle. De là, part la rue de Guise, qui s’allonge jusqu’à Homblières. Un quartier un peu en jachère… «La splendeur de cet axe, entre le canal et le faubourg d’Isle, est révolue depuis la fermeture de la dernière industrie textile. A la grande époque, la rue de Guise comptait près de 5000 emplois dans cette industrie», écrit Alice Meunier dans l'article «La lente dégradation de la rue de Guise à Saint-Quentin» paru dans le Courrier Picard du 13 août 2014. Ici, la chaussée est numérotée D1029 jusqu’à son terme. En effet, suite à la grande réforme de 1972, le tronçon St-Quentin-La Capelle fut intégré à la R.N.29, puis finalement déclassé en 2006.
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Le site Sur ma route adore ces anciennes signalisations touristiques aux propositions de visites un peu surannées. Ici, à Guise (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
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Plaque de cocher à Guise (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
De Saint-Quentin à La Capelle, il y a 49 kilomètres. La Statistique du département de l'Aisne de 1825 évoque les routes ouvertes au 1er septembre 1826: on y lit que la route n°30 de Rouen à La Capelle traverse le département «sur une longueur de 64.900 mètres, dont 23.000 mètres de pavés et le reste en empierrement (...). Cette route favorise, d'une part, le commerce des fers provenant des forges du département de l'Aisne et des Ardennes; de l'autre, le transport des ardoises et des marbres de ce département et de celui du Nord». Une nouvelle longue ligne droite nous emmène sur les bords de l’Oise en passant par la ferme de la Désolation. Voici Origny-Sainte-Benoîte, placée à proximité du cours d’eau et du canal de l’Oise à la Sambre. Ce n’est pas là que passait l’ancien chemin de Guise au XVIIIe siècle. Celui-ci, nous montre la carte de Cassini publiée par l’IGN, s’orientait vers Marcy, Bernot, franchissait l’Oise au niveau du Pont-Rouge, ralliait enfin Guise par Macquigny. Le trajet moderne traversant Origny-Sainte-Benoîte est, lui, à voir sur la carte d’état-major du XIXe éditée par l’IGN pour le Géoportail. L’abbaye d’Origny y a été créée, signale Wikipédia, «vers 854 par l'évêque de Laon, Pardule, et la reine Ermentrude, épouse de Charles le Chauve, à à l'emplacement du tombeau de sainte Benoîte, fille de sénateur romain venue en pèlerinage pour vénérer les reliques de saint Quentin». Le bourg allait profiter de l’établissement, en 1839, du canal de l’Oise à la Sambre, utilisé pour alimenter Paris en charbon belge extrait dans le bassin minier de Charleroi. En 1845, le Conseil général de l'Aisne «demande qu'il soit alloué des fonds pour effectuer le pavage de la route royale n°30, comprise entre Origny-Saint-Benoîte et les ponts sur le canal de l'Oise à la Sambre, le projet de ce pavage étant fait et approuvé». Il serait vain, en ces contrées, de chercher un point élevé. L’œil se perd dans un lointain horizon à peine brisé par les rideaux de pluie qui se bousculent dans le ciel capricieux. La route s’étend, fin ruban de macadam, jusqu’au terme de la vision. La brume d’eau enveloppe les rafales de voitures, souvent coincées derrière de puissants quarante tonnes… Et pourtant, il y a le mystère de la conduite. Aimer tenir le volant et voir le lointain venir à vous… La ville de Guise, dernière étape d’importance, s’annonce. On y entre par le faubourg Chantraine, dominé par les restes du château des fameux ducs de Guise. La terre de Guise est un comté au XIIIe siècle, puis est érigée en duché-pairie en 1528, dit Wikipédia. Ville de naissance du révolutionnaire Camille Desmoulins, c’est aussi le berceau de la réalisation -en 1858- du Familistère, un lieu de vie ouvrier communautaire imaginé par l'utopiste Charles Fourier, par l'industriel Jean-Baptiste André Godin (les fameux poêles). Ce qui n'est plus qu'un simple chef-lieu de canton «s’étend au XIXe siècle hors de l’enceinte urbaine détruite peu à peu, lit-on sur le site inventaire.hautsdefrance.fr. Entre 1847 et 1849 disparaissent les dernières murailles ainsi que la porte Chantraine et la porte du Grand Pont, surmontée du beffroi transféré de la porte des Poissons détruite en 1793». Enfin, les deux batailles de Guise en août 1914 et novembre 1917, raconte également ce site, «touchent essentiellement les rues Chantraine et Camille-Desmoulins, et anéantissent le château dont ne subsistent que le donjon et l’enceinte de brique. Les destructions, très localisées, permettent toutefois le percement de la rue Alfred-Chollet entre la place d’Armes et la place Lesur, qui crée une véritable perspective urbaine».
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Vers La Capelle (photo: Marc Verney, septembre 2023). |
On quitte Guise par le faubourg de Villers et la rue des Docteurs-Devillers. La chaussée, pratiquement rectiligne, s'oriente vers Villers-lès-Guise, puis Rue-Herpenne (les Quatre-Chemins) au milieu des bois de Leschelle et de la Taillette. On passe le lieu-dit Rue-des-Charbons, puis voilà Buironfosse, paisible bourgade aux portes de la forêt du Nouvion. La déforestation autorisée et orchestrée au XIIe siècle dans la «charte communale de Buironfosse», d’une grande partie de cette forêt, «va permettre une énorme impulsion vers l’agriculture et l’élevage, mais aussi et bien sûr, vers les métiers du bois», raconte le site buironfosse.fr. La Capelle et l’intersection avec la R.N.2 de Paris à Maubeuge n’est plus qu’à quelques encablures…
Sur ma route, Marc Verney, octobre 2023
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R.N.2:
LA BELGIQUE EN DROITE LIGNE
La route nationale 2 relie Paris à Maubeuge et conduit,
chez nos voisins belges, à Mons puis à Bruxelles. En passant
aussi par Laon, la belle cité juchée sur sa butte
imposante. (lire) |
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