Plaque Michelin des années trente mentionnant la R.N.51 à Manchecourt (photo: MV, septembre 2023).
Plaque de cocher bien restaurée à Chilleurs-aux-Bois (photo: MV, septembre 2023).

VILLES ET VILLAGES traversés par la R.N.51 (1959):
Orléans (N20, N60)
Saint-Jean-de-Braye
Lory
Chilleurs-aux-Bois
Pithiviers
Manchecourt
Villiers-Martin
Coudray
Malesherbes
Mainbervilliers
Butteaux
La-Chapelle-la-Reine
Ury
Carrefour de l'Obélisque (N5, N7)
(quelques km sur R.N.5)
Montereau-Ft-Yonne (N5bis)
Marolles-sur-Seine
La Tombe
Bazoches-lès-Bray
Bray-sur-Seine
Jaulnes
Toussacq
Noyen-sur-Seine
Villiers-sur-Seine
La Motte-Tilly
Nogent-sur-Seine (N19)
Port-Saint-Nicolas
La Saulsotte
Villenauxe-la-Grande
Bethon
Barbonne-Fayel
Saudoy
Sézanne (N4)

Indication de route forestière à l'entrée de la forêt d'Orléans (photo: MV, septembre 2023).
En route vers Malesherbes (photo: Marc Verney, septembre 2023).

NOTE IMPORTANTE: toutes les publications de photos, dessins et textes de Sur ma route entendent respecter scrupuleusement le droit d'auteur. Aucune utilisation de ces documents hors de ces pages n'est permise sans l'autorisation de l'auteur de Sur ma route. Merci d'en tenir compte.

RESSOURCES EN LIGNE
-Wikipédia (lire)
-Wikisara (lire)

A la sortie du village de La Tombe (photo: MV, septembre 2023).
A la sortie de Bray-sur-Seine (photo: MV, septembre 2023).
SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959, 1973); carte n°60 Le Mans-Paris, Michelin (1940); carte n°61, Paris-Chaumont, Michelin (1970); carte n°64 Angers-Orléans, Michelin (1951); Annuaire administratif du département de l'Aube, Bouquot, libraire-éditeur (1833); Essai historique sur les routes du département de l'Aube, André Seure-Hanot, Grande imprimerie de Troyes (1938); Guide pittoresque, portatif et complet, du voyageur en France, Girault de Saint-Fargeau, F. Didot frères (1842); Histoire de la forêt de Fontainebleau, Paul Domet, Hachette et Cie (1873); Histoire de la forêt d’Orléans, Paul Domet, H. Herluison, libraire-éditeur (1892); Histoire de Nogent-sur-Seine, Amédée Aufauvre, Bouquot imprimeur-libraire (1859); Histoire topographique, politique, physique et statistique du département de Seine-et-Marne, T.II, Félix Pascal, Corbeil, imprimerie de Crété (1836); Inventaire-sommaire des archives départementales de l'Aube antérieures à 1790, M. d'Arbois de Jubainville, imprimerie administrative de J. Brunard (1864); Malesherbes, qui a grandi entre ses châteaux, Michel Gand, éditions du Courrier du Loiret (1970); Situation des travaux au 31 décembre 1842, ministère des Travaux publics, Imprimerie royale (1843); Villenauxe-la-Grande et ses environs, association Archéonoxe, Alan Sutton (2009); orleansha.free.fr; orleans-pratique.fr; pithiviers.fr; saintjeandebraye.fr; ville-sezanne.fr; Wikisara, Wikipédia. Remerciements: le Géoportail de l’IGN.
Plaque de cocher à Port-Saint-Nicolas (photo: MV, avril 2014).

A VOIR, A FAIRE
Orléans:
malgré la destruction de 17 ha de son centre-ville durant la Seconde Guerre mondiale, la ville conserve un indéniable pouvoir d’attraction. Une balade dans la vieille ville permettra de découvrir de nombreuses maisons anciennes et hôtels particuliers. Le voyageur pourra admirer la cathédrale Sainte-Croix et les vitraux consacrés à l’épopée de Jeanne d’Arc, le musée des Beaux-Arts, le musée historique et archéologique (hôtel Cabu), l’église Saint-Aignan et sa crypte (visite guidée); près de la cathédrale, voilà l’hôtel Groslot, réalisé au XVIe siècle; il ne faut pas manquer d’arpenter la place du Martroi, véritable cœur de la ville… A voir aussi, la maison de Jeanne d’Arc à pans de bois, la rue Royale et ses commerces. L’amateur de paysages pourra se promener le long de la Loire et sur le pont George V. De l’autre côté du fleuve, il ne faut pas rater le parc floral de La Source d’où jaillit le bouillonnant Loiret.
Loury: les trois massifs d’Orléans, d’Ingrannes et de Lorris, forment un immense arc de cercle forestier de 35.000 hectares au nord de la Loire. On y trouve 1200 km d’allées forestières! Classé «jardin remarquable», voilà l'arboretum des Grandes bruyères à Ingrannes, au cœur de ce massif.
Pithiviers: l’égise Saint-Salomon, qui est Renaissance dans son ensemble, date des XIVe et XVIIe siècles. Sa façade présente une rosace de style classique très original, signale le site tourismeloiret.com. Aux alentours de Pithiviers, ne pas manquer la forteresse médiévale de Yèvre-le-Châtel, le château de Chamerolles, la roseraie de Morailles et le château de Courcelles-le-Roi.
Manchecourt: en bordure de chaussée, au nord du bourg, un obélisque astronomique en pierre de 7 m de haut marque le passage ici du méridien de Paris, mesuré dans la première moitié du XVIIIe siècle. Plus tard, dans les années 1740, les astronomes français César-François Cassini et Nicolas Louis de Lacaille améliorent la précision de la mesure, conduisant entre autres à la réalisation de notre essentielle carte de Cassini. Le monument de Manchecourt, réalisé en 1748 (détruit en 1794, puis reconstruit) a été légèrement déplacé en 1931 car son implantation «mordait» sur la R.N.51 de l’époque. Parmi les cent monuments de balisage décidés par Cassini, il n’en reste plus que trois.
Malesherbes: «Le nord du département du Loiret était un chef-lieu de l’imprimerie depuis le siècle des Lumières et ce jusque dans les années 1960», raconte tourismeloiret.com. Ouvert en 2018 avec plus de 5000 m2 d’exposition et 150 machines exposées, l’atelier-musée de l’Imprimerie est un site phare de ce territoire. A voir aussi, le château, dont le corps de logis a été construit entre 1718 et 1724, se situe dans un parc boisé d'une centaine d'hectares (grange aux dîmes, maison dite «de Chateaubriand», chapelle des XIVe et XVe siècles, grand pigeonnier, glacière de 12 mètres de profondeur).
Forêt de Fontainebleau: les gorges de Franchard, les gorges d'Apremont, le Long Rocher, le rocher des Demoiselles, le massif des Trois-Pignons, le village de Samois-sur-Seine... L’automobiliste qui souhaite se contenter d’une balade motorisée peut suivre la route Ronde, créée par Henri IV pour la chasse, entre Bois-le-Roi et Thomery. A vélo, on peut conseiller le «Fontainebleau-Barbizon», balisé FB à même la chaussée. Il emprunte de toutes petites routes, passe par la gorge aux Néfliers et longe les hauteurs d’Apremont. A l’office du tourisme de Fontainebleau, les marcheurs peuvent obtenir des dépliants présentant différentes promenades. Les 700 arbres remarquables du massif portent, sur le tronc, un grand cercle de couleur bleue. On compte 300 km de sentiers touristiques pittoresques, certains ont été tracés au XIXe siècle par Denecourt et son successeur Colinet. Par exemple, en suivant le circuit autour de la mare aux Evées, nous voilà face à un puit de pétrole qui a été exploité jusqu’en 1986... Là, c’est histoire de rester dans la thématique de ce guide, mais de nombreuses autres promenades nous font approcher la forêt par ses côtés les plus sauvages, les plus insolites, les plus verts... Certains peuvent être téléchargés en audioguide.
Fontainebleau: le château! A voir, dans ce vaste ensemble qui se trouve à deux pas du centre-ville: la cour du Cheval-Blanc ou des Adieux (l'escalier du Fer-à-Cheval), la cour Ovale, les Grands Appartements, les jardins et le parc...
Montereau-Fault-Yonne: on peut faire le tour de la collégiale Notre-Dame-et-Saint-Loup, bel édifice à cinq nefs qui s’est construit en quatre siècles! A l’intérieur, épée, dite de Jean-sans-Peur suspendue dans le choeur (on ne garantit pas que c’est l’originale!).
La Motte-Tilly: niché dans une boucle de la Seine, le domaine, édifié pour un ministre de Louis XV, offre aux promeneurs «un rêve d’harmonie et de symétrie», écrit le site chateau-la-motte-tilly.fr.
Nogent-sur-Seine: une promenade de découverte de la ville peut se faire par un circuit sur les pas de Gustave Flaubert qui a trouvé à Nogent une partie de son inspiration pour L’Education sentimentale. Le musée Camille-Claudel se rappelle les trois années passées ici par celle qui allait devenir l’élève talentueuse de Rodin. En suivant le parcours de visite «Echappées nogentaises» conçu par le musée, arpentez les monuments et les paysages incontournables de la cité.
Villenauxe-la-Grande: on peut découvrir le bourg à travers plusieurs promenades, la «balade des ruelles», la «balade au fil de l’eau» et «patrimoine et vieilles demeures». Sinon, explique le site villenauxelagrande.fr, une randonnée de 17km propose la découverte du vignoble de Villenauxe-la-Grande et les vestiges de son patrimoine, en particulier les ruines de l’abbaye de Nesle-la-Reposte.





Belles routes de France...
R.N.51: LA LOIRE EST DANS LA MEUSE (I)
Sur près de 400km, la route nationale 51 de 1959 reliait Orléans à Givet, une longue transversale, qui, sans passer par Paris, permettait de mettre le cap sur les Ardennes et la Belgique en traversant le sud du bassin parisien, la Champagne. En 1824, lors de sa création, la R.N.51 est présentée comme étant la route «de Mézières à Orléans». Mais elle sera rallongée jusqu'à Givet le 6 janvier 1826 en reprenant le tracé de la route impériale 3, démembrée à la chute de l'Empire, plus de dix ans en arrière, nous raconte Wikisara, l'encyclopédie des routes. Pas toujours très touristique, ce long itinéraire croise cependant de bien belles cités, comme Reims ou Charleville-Mézières. Mention spéciale au site de la montagne de Reims, couvert des fameux vignobles du champagne et à la vaste forêt du parc naturel régional des Ardennes, écrin vert des méandres de la Meuse… Notre première étape nous emmène d’Orléans (Loiret) à Sézanne (Marne), soit environ 190 kilomètres.

La R.N.51 historique vers Barbonne-Fayel (photo: Marc Verney, septembre 2023). En cliquant sur l'image vous suivez la suite du voyage sur la R.N.51 de 1959. Pour retourner sur la page index, cliquez ici.

Pour retrouver le tracé de la R.N.51 historique, il nous faut quitter Orléans par la rue du Faubourg-de-Bourgogne. Celle-ci se situe dans le prolongement de la «rue de Bourgogne», ainsi nommée au milieu du XIXe siècle (on peut s’en douter!) «en raison du fait qu'elle était la principale voie vers la Bourgogne pendant le Moyen Age», écrit le site orleans-pratique.fr. Détail supplémentaire, elle emprunte, nous signale le site orleansha.free.fr, «le tracé de l’ancienne route gallo-romaine qui partait vers Autun. Jeanne d’Arc fit son entrée dans Orléans par cette rue». Mais ce n’est pas notre direction… Plus à l’est encore, on voit très bien, sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN, le croisement de Saint-Loup d’où part une chaussée qui pointe sur Saint-Jean-de-Braye, aujourd’hui D2152. Mais c’est bien notre R.N.51 historique, car la voie a été re-numérotée R.N.152 en 1978 jusqu’au déclassement des années 2000. Le carrefour lui-même n’est plus identique: deux rond-points «escamotent» l’avenue du Capitaine-Jean, le chemin initial désormais en impasse. Au-delà du passage à niveau, voici Saint-Jean-de-Braye. Au confluent de voies romaines menant à de Sens et à Nevers, «c'est en ce lieu que naît Saint Loup en 573. Les reliques du futur évêque de Sens, rapatriées après sa canonisation, contribuent à fonder ici, en 1249, un couvent et une abbaye d’apanage royal qui perdureront jusqu’à la Révolution. C’est aussi là que, le 4 mai 1429, Jeanne d’Arc emporte d’assaut la bastille Saint-Loup, établie dans l’enceinte de l’abbaye et tenue par les Anglais, ouvrant ainsi la voie à la libération complète d’Orléans», raconte le site municipal saintjeandebraye.fr.

Vers Loury (photo: Marc Verney, septembre 2023).

Les avenues du Général-Leclerc et de Verdun nous transportent en direction de la forêt d’Orléans, plus vaste ensemble domanial de France métropolitaine. On longe d’abord les bois de Charbonnière et des Trois-Arches, puis voilà les lieux-dits Maison-Rouge et Maison-Blanche, des appellations que l’on retrouve tant au bord de nos voiries nationales. Et voici Loury, à 17 kilomètres d’Orléans. En regardant la carte d’état-major du XIXe siècle sur le site de l’IGN, on s’aperçoit que le village est divisé en quartiers le long de la route et que ceux-ci portent quasiment tous le nom d’une auberge, le «Lion d’Or», le «Dauphin», le «Cheval Blanc», le «Chapeau Rouge»… Nous sommes très certainement en présence d’un village étape où se trouvait un relais de poste. La route de Fontainebleau devait d’ailleurs avoir suffisamment d’importance pour que sa chaussée soit «pavée» au «commencement du XVIIe siècle» écrit Paul Domet dans l’Histoire de la forêt d’Orléans. La forêt commence après le lieu-dit de la Rue-Creuse et le croisement avec la route forestière de Nibelle. Mais nous ne passerons qu’une fraction du massif. Voici presque immédiatement le village de Chilleurs-aux-Bois, d’origine gallo-romaine, tout comme son voisin de Loury. Il reste à parcourir quinze kilomètres en parfaite ligne droite jusqu’à Pithiviers. Le nom de cette petite ville «vient du gaulois "quatre"», signale pithiviers.fr, comme les quatre chemins, car la voie d’Orléans à Reims y croisait celle de Sens à Rennes. «Au cours du temps, la ville s’étoffe: Pithiviers est un important centre marchand. Ses marchés et ses foires attirent les foules. La foire de la saint Georges, fin avril, anime le centre ville depuis mille ans. Le chemin de fer de Malesherbes à Orléans apporte une nouvelle activité après 1870», voit-on encore sur le site municipal.

R.N.20: LIMOUSINES EN PYRENEES...
La RN20 de 1959 relie Paris à l'Espagne en passant par Orléans, Limoges, Toulouse... Une sacré chevauchée qui coupe la France en deux. Hola!! (lire)

R.N.60: LES VOIES DE JEANNE...
Entre Orléans et Toul via les belles cités de Sens et Troyes, voici une route qui vit au rythme de la grande histoire de France... Jeanne d'Arc, nous voilà!! (lire)

Après Chilleurs_aux-Bois (photo: Marc Verney, septembre 2023).
Plaque de cocher à Malesherbes (photo: Marc Verney, mai 2007).

L’avenue du Huit-Mai-1945 nous emmène en direction de Malesherbes. C’est l’amorce d’une immense ligne droite déjà dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe) qui coupe les plaines de la Beauce. L’œil s’ennuie un peu à force d’essayer d’agripper une ligne d’horizon fuyante… Seules balises visibles, les châteaux d’eau et les silos à grain. Sur cette portion de route, dit Wikisara, il y aurait eu des «réparations» en 1835. A Malesherbes (autrefois nommée Soisy), dernier bourg du Loiret, on retrouve la rivière Essonne, qui fait frontière départementale avec la Seine-et-Marne. Malesherbes, qui a grandi entre ses châteaux, l'ouvrage de Michel Gand en dit un peu sur notre ancienne route royale à la fin du XVIIIe siècle: «La route d'Orléans à Fontainebleau ne nécessitait pas de grands frais aux abords de Malesherbes: 73 toises en terrain naturel ne demandaient aucun entretien, 722 toises traversant la ville étaient aux frais de la commune et du seigneur, 694 toises étaient aux frais du roi. Le pont sur l'Essonne en bois suscitait les souci de la municipalité. Une arche même s'effondra en 1790, on se contenta alors de diminuer la largeur du pont et de remblayer la troisième arche...». S’y trouve aujourd’hui un ouvrage en pierre, nettement plus robuste! De là, on prend la direction de La-Chapelle-la-Reine sur la D152. La chaussée, toujours dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe), file encore en ligne droite dans la plaine du Gâtinais après avoir remonté la petite vallée Poirette. A partir du XVIIe siècle, annonce Wikipédia, La-Chapelle-la-Reine est traversée par la route royale venant d’Orléans et «abrite pendant plus de deux cents ans un relais de la poste aux chevaux. Les façades des maisons du centre ont été modifiées au XIXe siècle, car beaucoup n'étaient pas à l'alignement, or l'élargissement de la route royale a nécessité leurs destruction et reconstruction», précise encore l'encyclopédie collaborative en ligne.

Détail de l'une des colonnes du carrefour de l'Obélisque, non loin de Fontainebleau (photo: Marc Verney, septembre 2023).

Après avoir franchi l’autoroute A6, la route n°51 historique atteint le village d’Ury, situé à la lisière de la forêt de Fontainebleau. Là encore, la chaussée y file tout droit en direction du carrefour de l’Obélisque où elle va se «fondre» dans la R.N.5 historique jusqu’au niveau de Montereau-Fault-Yonne. La traversée de la forêt, d’Ury au carrefour, ne fut «entièrement pavée qu’en 1751», écrit Paul Domet, que l’on retrouve dans son Histoire de la forêt de Fontainebleau (1873). A l’Obélisque, voilà devant nous très certainement un des plus importants (et des plus élégants!) carrefours routiers de l’histoire des routes de France, écrivais-je en avril 2013 dans l’article «Tournez manège, ou la véritable histoire du giratoire» publié sur le site Sur ma route. L'obélisque, qui trône au milieu du giratoire est la réplique en plus petit de celui de la place Saint-Pierre de Rome. La légende veut qu'il ait été offert à Marie-Antoinette par les habitants de Fontainebleau. Son origine provient en réalité des crédits de travaux du château et de la forêt alentours. Il date de 1785 et a été édifié sous la responsabilité de M. de Cheyssac, alors grand maître des Eaux et Forêts, qui a pour l’occasion, créé autour du monument une vaste rotonde de 54 toises de diamètre ornée d’une double plantation d’ormes. L’endroit se trouve précisément à l’emplacement de la 31e borne milliaire de la route royale Paris-Lyon; les ingénieurs y ont donc installé quatre grandes colonnes indicatrices. Celles-ci portent toujours, depuis les restaurations de 1817, de 1870 et des années vingt, les mentions, à l’angle de la route d’Orléans, «ROUTE D’ORLEANS», de la route de Nemours (ancienne R.N.7), «ROUTE DE LYON PAR LE BOURBONNAIS», à l’angle de la route de Moret (ancienne R.N.5 puis R.N.6), «ROUTE DE LYON PAR LA BOURGOGNE». Dès 1958, la radio France Inter, en partenariat avec la gendarmerie, y diffusait les premiers «points routes», précurseurs du sympathique «Bison Futé».

R.N.5: LA ROUTE BLANCHE
La N5 Paris-Genève-St-Gingolph va quasiment disparaître à la suite du vaste déclassement des routes nationales en 2006... On aborde ici le tronçon Melun-Sens. (lire)

R.N.7: LA ROUTE DES 1000 BORNES
La N7 est sans doute la plus connue de nos nationales historiques. Voilà la plus sympathique des balades vers la Côte d'Azur. A déguster depuis Montargis... (lire)

Dans les rues de Montereau-Fault-Yonne (photo: Marc Verney, septembre 2023).

Il faut maintenant suivre la D606 (la R.N.5 historique de 1959) jusqu’au carrefour du Petit-Fossard et obliquer à gauche vers le centre-ville de Montereau-Fault-Yonne. La route n°51 y reprend, au niveau du faubourg Saint-Maurice, entre les ponts de l’Yonne et de la Seine. Devant tant d’eau, l’endroit ne manque pas de majesté… D’autant que l’histoire s’en mêle: c’est là, le 10 septembre 1419, que Jean sans Peur, duc de Bourgogne, est assassiné lors d'une entrevue sous tension avec le dauphin, le futur Charles VII. Un acte qui poussera encore plus le duché de Bourgogne à faire alliance avec les Anglais (traité de Troyes, ratifié le 21 mai 1420). Napoléon Ier y a aussi remporté l’une de ses dernières victoires en février 1814 (d’où la statue équestre). C’est beaucoup plus pacifiquement que la R.N.51 de 1959 s’enfonce dans la rue Grande-Saint-Maurice. On laisse à notre droite les quelques restes du donjon construit vers 1020 par le comte Raynard pour surveiller et certainement «rançonner» les marchands qui descendent la Seine et l’Yonne vers Paris. Le déclassement de 1973 re-numérotera curieusement la route nationale en départementale 411 dans l’ensemble de la Seine-et-Marne. Aussi, nous voici, roulant, en direction de Nogent-sur-Seine sur une chaussée départementale, la «route de Bray», ayant perdu tout souvenir de l’historique R.N.51… Dommage! Ici, jusque vers Bray-sur-Seine, il n’y a plus de mention de l’itinéraire sur la carte de Cassini, le dessin n’est visible que sur la carte d’état-major du XIXe (1820-1866) publiée par le site de l’IGN. Nous surplombons légèrement la vallée de la Seine, invisible malgré tout derrière son rideau d’arbres… Marolles-sur-Seine est contournée depuis mai 1992 (Wikisara), nous frôlons La Tombe, puis Balloy et Bazoches-lès-Bray (contournée en 1985)… Au niveau du lieu-dit la Croix de Saint-Marc, on oblique sur la D2411, la «route de Montereau», pour accéder au centre de Bray-sur-Seine, aujourd’hui également contourné. Au centre-ville, il faut suivre un temps la «route de Sens» puis tourner à droite sur les rues des Fossés-de-la-Tour puis des Taupins et enfin sortir de la zone habitée avec l’avenue de la Libération. Victor Hugo, notre cher grand voyageur, aurait séjourné à l’auberge de l’Ecu de Bray-sur-Seine, le 28 juillet 1835, sur laquelle il a écrit ces vers avec sa verve habituelle: «Au diable, auberge immonde, hôtel de la punaise, où la cuisine pue, où l’on dort mal à l’aise, où la peau le matin se couvre de rougeurs, où l’on entend chanter les commis voyageurs...». Diable! Quelques mots sur l’histoire des lieux: Bray-sur-Seine est citée pour la première fois «en 958 dans une charte de Lothaire qui confirme l’appartenance du domaine à Bouchard 1er de Montmorency, qui y fait dresser une grosse tour féodale», écrit le site bray-sur-seine.fr. Qui indique aussi que les comtes de Champagne possèdent cette seigneurie jusqu’en 1234, date à laquelle le roi de France s'en empare. A noter que c'est «dans l'ancienne mairie de ce bourg qu'a été élaboré le plan de bataille victorieux de la Marne le 4 septembre 1914 par le général Franchet d’Esperey», raconte aussi le site municipal.

Vers Bray-sur-Seine (photo: Marc Verney, septembre 2023).
Au niveau du château de la Motte-Tilly (photo: Marc Verney, septembre 2023).

Sitôt quitté Bray-sur-Seine, voilà que l’on passe non loin du village de Jaulnes, habité et fortifié dès l’Antiquité. Y passait la voie romaine dite aujourd’hui «du Perré» en provenance de Sens et à destination de La Ferté-sous-Jouarre. A l'époque de Charlemagne, Bray était donc «sous la dépendance de Jaulnes», écrit Wikipédia. En 841, raconte encore l’encyclopédie en ligne, «les petits-fils de Charlemagne, Lothaire d'un côté, et ses frères Louis le Germanique et Charles le Chauve de l'autre, se sont affrontés au sujet de la succession. Les combats ont eu lieu à Jaulnes, qui a subi d'importants dégâts». La route, de nouveau dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN, prend la direction de Nogent-sur-Seine. En 1836, l'Histoire topographique, politique, physique et statistique du département de Seine-et-Marne de Félix Pascal signale ici le passage de «la route royale d'Orléans à Mézières, qui longe la rive gauche de la Seine». Des travaux sur la route n°51 «sont en cours d'exécution entre la limite de l'Aube et Bray-sur-Seine» indique de son côté la Situation des travaux au 31 décembre 1842. De fait, le trait sur la carte de Cassini est nettement plus sinueux que l’actuelle ligne droite visible vers le lieu-dit des Hauts-Fossés peu avant le château de Toussacq. Juste après Villiers-sur-Seine, où l’on s’approche d’une boucle de la Seine, la R.N.51 historique passe dans l’Aube en franchissant l’Orvin. On passe au numéro D951. Tout de suite, nous arrivons au niveau du flamboyant château de la Motte-Tilly (construit à partir de 1754), bien visible à gauche de la chaussée. Nogent-sur-Seine n’est plus qu’à six kilomètres. Connue depuis l'époque gallo-romaine, la petite cité où l’on croise aujourd’hui la R.N.19 historique est rattachée en tant que commune au comté de Champagne au XIIe siècle. De ce fait, la cité profite de l’essor des foires de Champagne. Souvent ravagée par les incendies au fil des âges (1442, 1550, 1814…), la cité était le point de départ de la Seine navigable; un coche d’eau la reliait à Paris. En 1842, le Guide pittoresque, portatif et complet, du voyageur en France, écrivait ainsi sur la ville de Nogent-sur-Seine: «Jolie petite ville. Nogent est une petite ville propre, bien bâtie et généralement bien percée; la partie principale occupe la rive gauche de la Seine. Du côté de Paris, cette ville se présente agréablement avec ses maisons gracieuses, ses jardins et ses belles plantations qui bordent la rivière».

R.N.19: PAR ICI L'HELVETIE!
En 1959, il faut parcourir 490 kilomètre pour joindre Paris à Bâle, en Suisse, en passant par Troyes, Chaumont, Langres, Belfort et Saint-Louis, non loin de Mulhouse... (lire)

En direction de Port-Saint-Nicolas (photo: Marc Verney, septembre 2023).
Au carrefour de Port-Saint-Nicolas (photo: Marc Verney, septembre 2023).

Arrivée au faubourg Bechereau, la R.N.51 de 1959 s’oriente vers les ponts sur la Seine par la rue François-Bachimont. Après la traversée du fleuve, on quitte la R.N.19 historique pour se rendre, à droite, en direction du Port-Saint-Nicolas par l’avenue Beauregard puis par la D951A, dite la «route des vingt-et-un ponts» qui achève la traversée du val de Seine. Celle-ci a fait partie «jusqu’en 1743» de la chaussée de Nogent à Provins, dit l’Inventaire-sommaire des archives départementales de l'Aube antérieures à 1790. Conservée pour la liaison avec une douzaine de village, elle fait maintenant partie de la route impériale n°51, écrit encore cet ouvrage. Puis, en 1874, Wikisara évoque «l’élargissement des ponts» sur la section entre «la Saulsotte et Nogent». Reste que, avec tous ces ouvrages de pierre «perdus» au milieu des bois, cette portion de la route n°51 est l’une des plus intéressante du voyage… Au sortir de Port-Saint-Nicolas, une chaussée plus large nous emmène vers la Saulsotte à sept kilomètres au nord. La carte de Cassini (XVIIIe) montre une voie en direction de Villenauxe-la-Grande; celle-ci semble passer sur la gauche de Montpothier (Montlepotiers) alors que la route du XIXe trace au plus court au travers du bois de la Saulsotte. On entre dans Villenauxe-la-Grande par la rue du Pont-du-Roi. Les hommes s’installent très tôt sur le bords de la Noxe, en lisière de forêt; l’habitat premier, c’est Dival, découvre-t-on dans l’ouvrage Villenauxe-la-Grande et ses environs. Mais, au XIIe siècle, des moines augustins défrichent plus au sud un terrain marécageux donné par le comte de Champagne. Villenauxe se développe si bien qu’au XVIe siècle, «François Ier autorise la cité (désormais réunie à Dival) à construire des fortifications», note encore l’ouvrage réalisé par l’association Archéonoxe. Fossés et fortifications disparaissent aux XIXe et XXe siècles. A l’emplacement des murs, dit Villenauxe-la-Grande et ses environs, «on crée des promenades ombragées de tilleuls dont le charme est toujours apprécié de nos jours». Vers 1850, raconte le site villenauxelagrande.fr, «se développe une nouvelle activité qui allait prendre le relais de l’activité viticole déclinante: celle de la fabrication de céramique». Et, en même temps que s’ouvrait cette activité nouvelle, on découvrait à Villenauxe, des filons d’argile propre à la fabrication de la faïence. Ils furent d'abord exploités artisanalement, mais, l’ouverture de la ligne de chemin de fer de Dijon à Amiens en 1883 et la construction de la gare de Villenauxe, ouvrirent de nouveaux débouchés pour cette matière première et incitèrent à l’exploiter industriellement. «Les emplois de mineurs extrayant l’argile dans les galeries souterraines allaient ainsi se multiplier, pour atteindre l’effectif de 150 environ dans les années 1950», précise le site municipal. Le drame, cependant, est intervenu le 13 juin 1940: l’aviation allemande chassant les troupes françaises, a fait disparaître ce jour-là en un instant sous ses bombes l'ensemble du centre historique de la ville. Et si les maisons sont reconstruites en «bandes rectilignes le long de rues larges et claires», Villenauxe-la-Grande a perdu beaucoup de son âme... Après la Deuxième Guerre mondiale, le classement du terroir en appellation champagne amorça cependant la renaissance de Villenauxe. Dans les années 1970, on vit les coteaux se couvrir à nouveau de la vigne qui avait disparu depuis tant d'années...

Limite départementale entre l'Aube et la Marne (photo: Marc Verney, septembre 2023).
A Saudoy, aux portes de Sézanne (photo: Marc Verney, septembre 2023).

On quitte Villenauxe-la-Grande par l’avenue de la Gare (qui n’est plus) et la «route de Sézanne». Il reste vingt-deux kilomètres à parcourir jusqu’au terme de notre première étape sur la route nationale 51 historique. Autour de Villenauxe, l’Annuaire administratif du département de l'Aube (1833) précise que la voie de Mézières à Orléans est «une assez bonne route»… Mais les chaussées ne se sont pas faites comme cela sous l'Ancien régime! On lit dans l’Inventaire-sommaire des archives départementales de l'Aube antérieures à 1790,  pour la période 1771-1789, que des avertissements ont été «signifiés à des habitants de Villenauxe qui font partie de l'atelier de La Saulsotte et qui sont réfractaires aux corvées»... Après une rude montée, on entre dans le département de la Marne. Ici, la chaussée n’est pas dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe). Le site de la ville de Sézanne (ville-sezanne.fr) expose une carte de 1770 levée par le sieur Morla «pour servir au projet de la route de Sézanne à Nogent-sur-Seine». On peut imaginer que les travaux se sont prolongés jusqu’au XIXe siècle puisque la carte d’état-major de cette époque (1820-1866) publiée par l’IGN montre une lacune au niveau de la forte descente du bois de la Cense. Le tracé ne reprend qu’après Barbonne-Fayel jusqu’au carrefour de la ferme de Retortat où l’on retrouve une chaussée venant de Troyes. Pour poursuivre vers Epernay, il n’est d’ailleurs plus nécessaire en 1959 de pénétrer dans Sézanne. Un contournement réalisé depuis le début des années cinquante permet d’éviter les petites ruelles médiévales… Dommage, car on y trouve quelques Michelin!! Voilà une histoire à suivre… (deuxième partie)

Marc Verney, Sur ma route, août 2024

R.N.51: LA LOIRE DANS LA MEUSE (II)
La R.N.51 de 1959 poursuit son chemin vers Epernay et Reims, monte au nord vers la Belgique en flirtant avec les boucles de la Meuse à Givet (lire)

Retour vers la page principale du site (clic!)