Panneau Michelin dans les rues de Sézanne (photo: MV, septembre 2023).
Borne de la Libération à Moussy, vers Epernay. En 1944, la R.N.51 a fait partie de l'itinéraire des armées libératrices (photo: MV, septembre 2023).

VILLES ET VILLAGES traversés par la R.N.51 (1959):
Sézanne (N4)
Soizy-aux-Bois
Baye
Champaubert (N33)
La Caure
Montmort
Vaudancourt
Pierry
Epernay
(N3)
Magenta
Dizy
Champillon
Mont-Chenot
Reims (N31, N44)
Witry-lès-Reims
Isles-sur-Suippe
Tagnon
Rethel (N46)
Novy-Chevrières
Faissault
Launois-sur-Vence
Raillicourt
Montigny-sur-Vence
Poix-Terron
Yveraumont
Boulzicourt (N64A)
Charleville-Mézières (N64)
Tournes
Cliron
Lonny
Rimogne
Tremblois-lès-Rocroi (N39)
Le Cheval-Blanc
Rocroi
Pavillon-de-Diane
Fumay
Fépin
Montigny-sur-Meuse
Vireux-Molhain
Hierges
Givet (N49)

La descente vers Reims depuis Mont-Chenot: un axe toujours très encombré (photo: MV, septembre 2023).
Après Novy-Chevrier (photo: Marc Verney, septembre 2023).

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RESSOURCES EN LIGNE
-Wikipédia (lire)
-Wikisara (lire)

Ancien panneau métallique à Faissault (photo: MV, septembre 2023).
Belle plaque émaillée des Ardennes à Raillicourt. Un grand coup de chapeau à ce département pour la conservation de ce petit patrimoine (photo: MV, septembre 2023).
SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°53 Arras-Mézières, Michelin (1969); carte n°56 Paris-Reims, Michelin (1958); carte n°61 Paris-Chaumont, Michelin (1970); Annales des travaux publics de Belgique (T.IV), B.J. Vandooren, imprimeur de la statistique générale (1846); Bulletin des lois du royaume de France, Imprimerie royale (1842, 1843); Excursions et voyages, Touring club de France, L. Pochy, imprimeur (1897); Géographie historique du département de la Marne (T. 1), G. Lesage, Flamant imprimeur-libraire-éditeur (1839); Géographie historique du département des Ardennes, J.B. Hubert, chez Lhuyer et compagnie, libraires-éditeurs (1838); Givet, recherches historiques, J. Lartigue et A. Le Catte, F. Choppin, imprimeur-éditeur (1868); Guide pittoresque du voyageur en France, Girault de Saint-Fargeau, Firmin Didot frères (1842); Guide Rouge, Michelin (1959); Histoire de la ville de Rocroi, J.B. Lépine, chez Letellier, libraire à Charleville (1860); Histoire du Consulat et de l'Empire (tome cinquième), A Thiers, Meline, Cans et compagnie (1857); Les anciennes fortifications de Fumay et de Revin, Jean-Luc Lefebvre, rééd. num. FeniXX (1977); Recueil général des lois et ordonnances, les rédacteurs du Journal des notaires et des avocats, imprimerie de J.B. Gros (1852); Reims, essais historiques sur ses rues et ses monuments, par Prosper Tarbé, librairie de Quentin-Dailly (1844); Sézanne, Roger Boyer, éditions de l'Est Républicain (1988); Situation des travaux au 31 décembre 1837, Ministère des Travaux publics, Imprimerie royale (1838); Situation des travaux au 31 décembre 1833, ministère du Commerce et des Travaux publics, Imprimerie royale (1834); Situation des travaux au 31 décembre 1838, ministère des Travaux publics, Imprimerie royale (1839); Statistique historique du département de la Marne, Adolphe Guérard, éd. T. Martin (1862); Travaux de l'académie nationale de Reims (54e et 101e volumes), chez P Giret, F. Michaud, libraires de l'académie (1874, 1898); archives.marne.fr; ardennes.com; champillon.com; charleville-mezieres.fr; givet.fr; novy-chevrieres.fr; posteauxchevaux.com; reims.fr; reserve-pointe-givet.org; rocroi.fr; villederethel.fr; ville-sezanne.fr; remerciements, le Géoportail de l’IGN; Wikipédia; Wikisara.
Un regard vers Rocroi depuis le Cheval-Blanc (photo: MV, septembre 2023).

A VOIR, A FAIRE
Sézanne:
il est conseillé de visiter l’imposante église Saint-Denis, qui domine, du haut de sa tour de 42 m, les ruelles de la cité. Amusant: des commerçants ont eu le droit de s’installer entre chaque contrefort! Il existe un circuit à faire dans le Sézanne médiéval (maisons à colombage vers la rue Cogne-Fort).
Champaubert: le voyageur y trouve la colonne commémorative des victoires napoléoniennes du 10 février 1814.
Epernay: un tour à l’office du tourisme (conseillé) permet au voyageur d’obtenir les dépliants proposant des circuits de visite du centre-ville et de ses vieux immeubles. Mais on vient à Epernay surtout pour le vin de champagne! Les sociétés Moët et Chandon, Mercier, De Castellane notamment invitent le touriste et l’amateur de bulles à visiter leurs caves (28 km de longueur chez Moët!).
Reims: un incontournable, la visite de la cathédrale, bijou architectural inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco avec ses façades ornées de 2303 figures sculptées... A découvrir aussi, l’ancienne abbaye Saint-Remi, également patrimoine de l'Unesco, et les belles façades Art Déco du centre-ville! Situées sur la colline Saint-Nicaise, les grandes maisons de champagne, Pommery, Veuve Clicquot, Taittinger, Ruinart, G.H. Martel... proposent aussi la visite des crayères où reposent les milliers de bouteilles qui feront «plop» au jour de l'An... Et puis après, sillonner le vignoble autour de la montagne de Reims en admirant la vue depuis le phare de Verzenay! Enfin, le parc naturel régional de la Montagne de Reims englobe le spectaculaire site des Faux de Verzy.
Rethel: Hélas lourdement détruite lors des deux guerres mondiales, la ville propose néanmoins plusieurs balades, des sentiers urbains autour de l'église Saint-Nicolas, fondée au XIIIe siècle, de la promenade des Isles, site de 4 ha créé au XVIe siècle et planté de plus de 500 arbres... L'imposant hôtel de ville (1933) a été bâti après les destructions de la Première Guerre mondiale. Les matériaux qui ont été utilisés pour sa réalisation font jouer les couleurs du drapeau national. Spécialité: le boudin blanc.
Launois-sur-Vence: le relais de poste à chevaux est le principal monument du village et un bâtiment très rare, car resté «dans son jus». Il date du XVIIe siècle, époque où les diligences s'y arrêtaient et les voyageurs s'y restauraient. Véritable «cathédrale de poutres», le bâtiment est réalisé par les compagnons charpentiers ardennais de l'époque.
Charleville-Mézières: le fondateur de Charleville, Charles de Gonzague, a placé tout l'esprit de sa «cité idéale» sur la grande place Ducale, alter ego de la place des Vosges à Paris... Dans un coin, le musée de l'Ardenne et ses 3400 m2 de collections archéologiques et historiques. Situé au bas de la rue du Moulin, le musée Rimbaud est posé sur un bras de la Meuse dans un ancien moulin du XVIIe siècle. A deux pas de la place Ducale, sur 14 hectares, le site du mont Olympe est un espace propice à la détente.
Rocroi: la cité, indique le site visitardenne.com est la seule localité en Europe -avec Palmanova en Italie- qui a conservé ses fortifications et son urbanisme radiocentrique tel qu’à l’origine. En partant de la place centrale, dix rues se séparent pour former une étoile vue du ciel.
Fumay: «capitale de l’ardoise», la ville a réalisé sur l’un de ses murs une fresque qui rend hommage à ces travailleurs, souvent des femmes et des enfants, qui ont oeuvré dans l'enfer de l'eau glaciale des galeries. Haybes, village voisin de Fumay, comptait 50 ardoisières. Une randonnée balisée plonge le visiteur au coeur de cette histoire de l'extraction.
Vireux-Molhain: le camp romain. A Hierges, deux kilomètres plus loin, le château domine sans nul doute l’un des plus beaux villages ardennais.
Givet: Nichée dans la large vallée de la Meuse, la petite ville a lié sa destinée avec ce fleuve. Voie commerciale, le fleuve prend vite au Moyen Age une grande importance stratégique. Celui qui détient son cours devient maître de l'économie du nord de l'Europe. Les fortifications de Givet en sont l'une des conséquences, à commencer par le gigantesque fort de Charlemont, construit sous Charles-Quint et amélioré par Vauban. Depuis l'autre rive, en gravissant le mont d'Haurs, l'immensité des fortifications de Givet se dévoile au cours d'une promenade de 4 km. Labellisée «les Plus beaux détours de France», la ville compte nombre de bâtiments en pierres bleues, issues de la carrière dite «des Trois-Fontaines» située le long de la D8051. Il s’agit du fort de Charlemont, du fort Condé, des anciens couvents des Récollets et des Récollectines, de l’ancien manège militaire, de la chapelle de Walcourt et des deux églises.

Signalisation Michelin à Givet (photo: MV, septembre 2023).
D'anciennes bornes kilométriques ont été conservées sur un parking de la ville de Givet (direction de Beauraing). Celle-ci semble forcément liée à la R.N.51 puisqu'elle indique Vireux à 700 m (photo: MV, septembre 2023).





Belles routes de France...
R.N.51: LA LOIRE EST DANS LA MEUSE (II)
Voici la deuxième partie de notre long voyage sur la R.N.51 de 1959. De Sézanne, le chemin nous emmène en direction de Champaubert où nous croisons la R.N.33 historique, puis voilà Epernay et Reims, qui marquent le passage de la nationale déclassée au cœur des plus fameux champagnes… Plus au nord, on poursuit vers Rethel, Charleville-Mézières, Rocroi… Encore plus au nord, nous approchons des boucles de la Meuse en traversant de vastes forêts proches de la frontière belge, c’est Fumay, puis Givet, deux cités placées le long de cet étrange appendice français âprement défendu par les rois de France qui s’étire vers Dinant et Namur.

La R.N.51 historique à la sortie de Tagnon vers Rethel (photo: Marc Verney, avril 2011). En cliquant sur l'image vous revenez à la page principale.

La cité actuelle de Sézanne date du Xe siècle, son développement est assuré, nous raconte le site ville-sezanne.fr, «grâce aux moines de Saint-Julien qui, par une dérivation du Grand-Morin, permirent à une douzaine de moulins de tourner, et assurèrent enfin une alimentation en eau suffisante pour les habitants». C’est la «rivières des Auges». A la même époque, le comte Thibaud Ier de Champagne fait construire un château, des fortifications et fonde deux grandes foires annuelles, celle de Pâques et celle de la Saint-Nicolas qui prospèrent jusqu'au XIIIe siècle. Puis les guerres contre le royaume de France d'abord, et contre l'Anglais, après le rattachement en 1289 à la couronne de France du comté ravagent Sézanne. En 1632, la ville (1200 maisons…) est quasiment détruite par un incendie... «Le retour de la paix civile, au début du XVIIe siècle, lit-on encore sur le site ville-sezanne.fr, rend inutile l’entretien coûteux des remparts. Dès le milieu du XVIIe siècle, ils sont en voie de désaffectation, et, en 1771, débute le comblement des fossés» de la cité. Sous la Troisième République, une importante série de travaux, destinés à embellir la ville est entreprise, poursuit ville-sezanne.fr: «Alignement et élargissement des rues, nouveaux bâtiments, réaménagement des rues et des places». On peut aujourd’hui entrer dans Sézanne par la «route de Troyes», l’avenue Jean-Jaurès, la rue Notre-Dame et la rue Paul-Doumer. Mais il n’est plus obligatoire de passer par le centre-ville. Un contournement 2x1 voie par l’est existe depuis la fin des années trente. On l’emprunte depuis le carrefour de Retortat en direction de la R.N.4. Puis on peut suivre le contournement de la route Paris-Strasbourg (années cinquante) jusqu’à l’échangeur situé au nord du faubourg de Broyes.

R.N.4: ALLER REJOINDRE LES CIGOGNES
La N4 file plein est vers Strasbourg... Terres de Champagne, de Lorraine et d'Alsace, nous voilà! D'ailleurs, voilà encore un bout de macadam qui va nous rappeler des pans entiers d'histoire de France... (lire)

La R.N.51 historique (D951) après Sézanne (photo: Marc Verney, sept. 2023).

La route (D951 aujourd’hui) remonte d’un coup au milieu des vignes parsemant la cuvette dans laquelle se trouve Sézanne. Le site ville-sezanne.fr mentionne l’itinéraire comme un chemin médiéval vers Epernay. En 1814, écrit A. Thiers dans l'Histoire du Consulat et de l'Empire (tome cinquième, 1857), «la route de Nogent à Champaubert était un chemin de traverse, mal entretenu comme l'étaient alors tous les chemins secondaires de France, et au delà de Sézanne il devenait presque impraticable pour les gros charrois». La carte de Cassini (XVIIIe) montre également cette chaussée, mais avec un cheminement plus rectiligne dans la grimpette au-dessus de Sézanne. Vers Lachy, on passe à côté de la source du Grand-Morin, puis on longe le domaine de Chapton avant d’arriver dans le village de Soizy-aux-Bois. A proximité, on trouve les marais de Saint-Gond qui occupent une dépression formée par la vallée supérieure du Petit-Morin que la R.N.51 de 1959 franchit à Saint-Prix. D'importants affrontements s'y déroulent du 5 au 9 septembre 1914, dans le cadre de la première bataille de la Marne (Wikipédia). Ici, note Wikisara, on réalise la route moderne de Lachy à Soizy-aux-Bois en 1835. Les cartes du Géoportail sont à nouveau d’une grande aide pour nous montrer qu’au XVIIIe le chemin descendait vers Saint-Prix depuis Chapton en longeant une tuilerie située plus à l’est du bois du Botrait que la voie du XIXe coupe, elle, en plein cœur. Plus loin, la Situation des travaux de 1838 nous indique que «la route a été presque entièrement restaurée» entre Pont-Saint-Prix et Champaubert et qu’on a «commencé les travaux» entre la Caure et Montmort. Voilà maintenant Baye, que l’on atteint en longeant le ru de Maurupt; c’est un «gros village qui se compose presque uniquement d'une longue rue inclinée, qui suit la route de Sézanne à Epernay», dit la Géographie historique du département de la Marne.. L'Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790 de la Marne y mentionne la «construction d'une rampe et d'un ponceau sur le fossé de la route aux abords de ce village (1788)». Il reste trois kilomètres à parcourir jusqu’à Champaubert. Ce village, où l’on croise l’ancienne R.N.33, est «le lieu d'une victoire de Napoléon contre les coalisés lors de la campagne de France en 1814. Une colonne entourée de canons a été érigée au carrefour», mentionne Wikipédia.

R.N.33: UN AIR D'EMPIRE...
La route nationale 33 va de la Ferté-s-Jouarre à Châlons. Des plaines marquées par le sang des ultimes batailles de Napoléon en 1814...(lire)

Plaque de cocher à Pierry (photo: Marc Verney, septembre 2023).

Il faut rouler six kilomètres pour parvenir à Montmort. C’est là que Cassini (XVIIIe) interrompt son trait marron… Entre ce village et Brugny, dans le bois de Montmort, il y a ce que l’on appelle une «lacune». Et pour la combler, la Situation des travaux de 1837 nous indique que «les travaux sont très avancés». Depuis le lieu-dit la Pointe-à-Pitre, la R.N.51 historique, avant d’entrer dans Epernay, traversait Moussy puis Pierry, où l’Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790 de la Marne révèle l’existence d'un devis détaillé pour le pavage dans la traverse de cette dernière localité (1766-1775). Depuis 1986 et 1987, nous dit de son côté Wikisara, il y a un contournement de ces deux villages. Mais on pénètre cependant toujours dans Epernay par l’avenue du Maréchal-Foch. En 1959, la traversée de la ville emprunte les rues de Sézanne et Eugène-Mercier pour rejoindre la place de la République où l’on croisait les flots automobiles de la R.N.3. Puis il fallait aller vers la rue de Reims pour traverser la Marne et sortir de l’agglomération par l’actuelle avenue Alfred-Anatole-Thévenet de Magenta. «La fondation d'Épernay date de 418, l'endroit étant déjà considérable en 445», dit Wikipédia. «Il semble pourtant que la fondation d’Épernay soit antérieure à l’installation des tanneurs comme le veut la légende», raconte encore l'encyclopédie en ligne. Maintes fois pillée et ravagée, la ville entre en 1024 dans le domaine des comtes de Champagne à la suite d'un traité entre l’archevêque de Reims, Eble de Roucy, et Eudes II, comte de Champagne. On remarque désormais aujourd'hui plutôt les belles demeures cossues, propriétés des grandes marques de champagne... Sous la ville, 100 km de caves dans lesquelles reposent des millions de bouteilles (le guide Baedeker du Nord-Est de la France parlait de 5 millions de flacons en 1903… il y en a beaucoup plus aujourd’hui!). On peut dire sans se tromper que l'on passe ici dans le berceau de cette boisson joliment pétillante qu'est le champagne! La grande prospérité de la ville au XIXe siècle est venue, nous dit la Statistique historique du département de la Marne de la canalisation de la rivière Marne, du commerce des vins (même en 14-18, le travail ne cessa point alors que le front était tout proche!) et de l’installation des grands ateliers de réparation des chemins de fer de l’Est. Mais Epernay a aussi vécu des drames, comme sa destruction volontaire, par François Ier en 1544, qui ne voulait pas que la cité et ses approvisionnements tombent aux mains de Charles-Quint (au total, la ville fut brûlée 25 fois)… Quant au pont sur la Marne, traversé ici par la R.N.51 historique, c’est un ouvrage présent dès 1567 sur la rivière. Détruit pendant le siège de la ville, il est rétabli en 1595, mais à nouveau coupé deux siècle plus tard lors de la campagne napoléonienne de 1814. Complètement reconstruit en 1820-1823 «avec des arcs en pierre plus espacés et des remplissages en brique» (Wikipédia), il est à nouveau coupé et reconstruit en 1944, signale l’encyclopédie en ligne.

R.N.3: REJOUER LES TAXIS DE LA MARNE
La route nationale 3 relie Paris à l'Allemagne en passant par Verdun et Metz. Que des terres de batailles mais voilà, l'Est nous attire! (lire)

A l'entrée de Magenta, juste après le pont sur la Marne (photo: Marc Verney, mai 2013).
Les belles vignes du champagne, au-dessus de Dizy (photo: Marc Verney, septembre 2023).

De l’autre côté de l’ouvrage, voilà le bourg de Magenta. Autrefois plaine inondable, l’espace a été urbanisé à la fin du XIXe siècle. La route Orléans-Givet n’y passe plus depuis belle lurette: les contournements de Magenta, Dizy et Champillon ont été organisés de 1986 à 1987 (Wikisara). Dès le canal latéral à la Marne passé (pont de 1949), notre R.N.51 historique commence, elle, à escalader le coteau couvert de vignes en direction de Champillon (D251). Dans cette «côte de Dizy», il est relativement amusant de constater que la route abandonnée par la rectification décidée grâce à l’ordonnance du 22 janvier 1843 (réalisée en 1850, Wikisara) sera partiellement réhabilitée, bien plus tard, au XXe siècle, par le contournement de Champillon. Dès le hameau de Bellevue passé nous voici sur le territoire de la forêt de la Montagne-de-Reims. Une étape importante dans la notoriété des lieux, raconte champillon.com, «se déroula en 1788 à l'époque où le sieur Nicolas Ricoteau obtint de l'intendant de Champagne, Rouillé d'Orfeuil, la concession d'un terrain au hameau de Bellevue pour y construire une auberge. Il avait en effet constaté qu'un soleil radieux éclairait le lieu, même lorsque la vallée était couverte de brouillard et que, de cet endroit, le voyageur, avait le plus beau panorama de la région. Le premier propriétaire de l'Auberge Neuve avait également été attiré par la fréquence des passages de diligence et voitures dont les chevaux, fatigués par une longue montée, devaient être relayés et dont les conducteurs altérés pendaient à calmer leur soif». La route longe le village de Saint-Imoges puis plonge vers Reims par le Mont-Chenot. Ici, on découvre l’ordonnance royale du 17 novembre 1841 qui décide de «la rectification de la côte de Montchenot»… Hélas, au XXIe siècle, l’arrivée au pied de la côte est toujours aussi abrupte, au milieu des maisons. Voilà Reims, au loin, qui n’est plus qu’à une dizaine de kilomètres… La chaussée Orléans-Givet n’est pas dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN. On la retrouve cependant, jusqu’au faubourg de Vesle, sur la carte d’état-major (1820-1866) présente sur le même site. De même sur un plan de Reims (1844) publié par Wikipédia. A cette époque, celle-ci s’embranche, dans le faubourg de Vesle, à la «route royale de Paris à Reims», la R.N.380 de 1959. Après Champfleury, la banlieue de Reims a hélas avalé aux XXe et XXIe siècles une partie du tracé de la R.N.51 historique. Zones commerciales, rond-point, échangeurs autoroutiers, nouveaux quartiers… difficile de se faufiler jusqu’à l’avenue d’Epernay qui se reprend au niveau du C.H.U. de la maison-Blanche. Au départ, il y avait là une cité-jardin construite en 1922 par l’architecte Edmond Herbé et –déjà- un hôpital bâti entre 1926 et 1933. Depuis la «porte de Paris», la traversée de Reims était, jusqu’au XXe siècle, d’une grande simplicité: tout droit, par la rue de Vesle et les places Royale (1756), Aristide-Briand jusqu’à la «route de Rethel» qui traverse le faubourg de Cérès.

Au Mont-Chenot (photo: Marc Verney, septembre 2023).

R.N.44: LA NATIONALE PERDUE
Au sud de Saint-Quentin, se trouvent les vestiges d'une autostrade jamais achevée. Un site d'archéologie routière majeur que Sur ma route a visité pour vous... (lire)

C’est par la «porte de Paris» au faubourg de Vesle que les rois de France entraient dans Reims pour s’y faire sacrer. «La remise symbolique des clés de la ville» s’y tenait, raconte Wikipédia. «Le baptême de Clovis, roi des Francs, par Remi, évêque de Reims, écrit le site reims.fr, eut lieu le jour de Noël 498 dans un baptistère dont l’emplacement est occupé aujourd’hui par la cathédrale Notre-Dame. C’est suite à ce baptême que Reims deviendra le siège du sacre des rois de France». Au total, ce sont 33 souverains qui se sont faits couronner dans la ville, le dernier en date étant Charles X, en 1825. L’ancienne Durocortorum, capitale gallo-romaine de la province de Belgique, devient Reims, et s’enrichit grâce à ses draps, toiles et autres produits textiles vendus sur les foires du sud de la Champagne et en commerçant avec la Hanse. «L’essor du champagne, à partir du règne de Louis XIV, vint compléter la gamme de ses productions», précise encore reims.fr. Beaucoup plus tard, au début de la Première Guerre mondiale, l’armée allemande entre dans Reims le 4 septembre 1914; et même si le centre-ville est rapidement libéré, le calvaire des habitants va durer trois ans et demi. Les Allemands, tapis dans les fortifications entourant la cité, vont se déchaîner: des centaines d’obus défigurent la cathédrale, et, au total, lit-on sur reims.fr, «la ville à elle seule concentre plus de 2% du total des destructions subies par la France». Cependant, la reconstruction avance très rapidement entre 1920 et 1925. En 1922 et en 1923 on délivre d’ailleurs à Reims plus de permis de construire qu’à Paris, signale le site municipal. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Reims, libérée le 30 août 1944, accueille le quartier général d’Eisenhower, installé dans un collège. C’est là que, le 7 mai 1945 à 2h41, le général Alfred Jodl, commandant suprême de la Wehrmacht, signe la capitulation sans conditions de l’Allemagne nazie. On quitte la cité rémoise par l’actuelle avenue Jean-Jaurès qui longe le faubourg de Cérès (D151). Il doit son nom, dit Wikipédia, à la «porte Céres» ou «porte de Trèves» car la voie antique qui s'en échappait donnait accès à cette ville. «La route nationale 51, de Givet à Orléans, occupe l'emplacement de la voie antique de Reims à Trève sur une longueur de 6200 mètres, de Reims à un kilomètre avant d'arriver à Witry-lès-Reims», lit-on d’ailleurs dans les Travaux de l'académie nationale de Reims de 1898 (101e volume). Le «chemin de Rethel» est d’ailleurs visible sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN. Des plans de cette chaussée (datés du XVIIIe) apparaissent aussi sur le site des archives du département de la Marne. Les Travaux de l'académie nationale de Reims (54e volume) nous fournissent encore de précieux détails: il y est écrit que cette chaussée Reims-Rethel existait dès avant le XVe siècle, mais que «ce fut vers 1723 qu'on se remit à l'oeuvre sur notre grande route» y découvre-t-on. «Chaque village, poursuit l’ouvrage, avait sa tâche marquée et un syndic de la corvée avertissait les corvoyeurs du jour du travail, les menait à l'atelier, et faisait punir les manquants par des amendes... (...) Tous les habitants du pays, les hommes ayant moins de 70 ans, et les veuves même, âgées de moins de 60 ans étaient astreints à ces corvées jusqu'à une distance de trois lieues». L'horrible corvée ne disparut pas totalement avec la Révolution qui fut obligée de la rétablir «sous le nom pompeux de prestation. En 1794, les communes situées à proximité de la route furent requises de venir réparer le défoncement causé par le passage continuel des troupes. Les laboureurs du Châtelet transportèrent 19 toises de cailloux, arrachés à l'ancienne voie romaine de Reims à Trèves, sur le territoire d'Aussonce». «L'empierrement de la route s'est accompli de 1827 à 1830», concluent les Travaux de l'académie nationale de Reims.

Au nord de Reims, la quatre-voies a remplacé l'ancienne R.N.51 (photo: Marc Verney, septembre 2023).

La voie romaine Reims-Trèves s’échappe de l’ancien «grand chemin» peu avant Witry-lès-Reims à la hauteur du lieu-dit le Poisson-Vert. En 1959, Witry est traversée par les avenues de Reims et de Rethel. Aujourd’hui, l’A34/N51 contourne le bourg devenu banlieue rémoise et se superpose –en partie- à l’ancienne R.N.51. Jusqu’à Rethel, il va donc falloir «jouer» avec les échangeurs et les portions encore carrossables de notre chaussée de 1959… La première étape est à Isles-sur-Suippe. Un relais de la poste royale, placé entre les postes de Reims et de Rethel, raconte l’encyclopédie Wikipédia, y est créé au milieu du XVIIe siècle car la route postale de Paris à Sedan, mise en fonction en 1654, y passe nécessairement. Par ailleurs, on note que les archives de la Marne détiennent un plan du pont sur la Suippe daté de 1735. Un peu plus loin, on entre dans le département des Ardennes au niveau du lieu-dit la Gentillerie. Notre route n°51 historique continue son chemin tout droit entre les villages de Bergnicourt et du Châtelet. Un lieu-dit y porte le nom évocateur de Pont-Royal. Trois kilomètres au nord, voilà Tagnon, où nous retrouvons des portions de la vieille route d’Orléans à Givet sous le numéro tarabiscoté D8051A. Ce village, traversé avec la «rue de la 2e DI», se trouve à dix kilomètres de Rethel, petite cité liée à l’existence d’un gué sur l’Aisne. «Construite sur une hauteur, raconte le site municipal villederethel.fr, la butte féodale initiale permet de surveiller la vallée de l’Aisne de l’approche de troupes armées et d’assurer la sécurité des premiers habitants. Si le château fut rapidement fortifié, il faut attendre l’année 1357 pour que Louis III entreprenne une ligne de fortifications continues encerclant Rethel». Tout au long des siècles, Rethel sera d’ailleurs un carrefour de batailles et d’invasions: 1411, 1423, 1543, 1590, 1617, 1650, 1652, 1653, 1814, 1870, 1914, 1940... la liste est longue et tragique! En 1838, raconte la Géographie historique du département des Ardennes, la ville est le «centre d'une fabrication considérable de tissus légers, tels que schals, flanelles, napolitaines, circassiennes, etc: il renferme six grands établissements de filature de laine, et, depuis quelques années, une vaste manufacture de machines de toutes espèces, pompes à feu, engrenages, etc. qui obtient de grands et justes succès». Lors des conflits mondiaux du XXe siècle, la ville de Rethel est le théâtre de violents combats, incendiée et détruite à plus de 80% en 1914 et en 1940. On quitte la petite cité par la rue Jean-Baptiste-Clément (D8051A puis D951) qui grimpe en direction de Novy-Chevrières en longeant la multivoies. Peu avant Novy, il y a la «côte de la Hussette», dont l’encyclopédie des routes Wikisara mentionne la rectification en 1862. Autrefois, raconte novy-chevrieres.fr, la commune «s'appelait Novy-les-Moines en souvenir du prieuré fondé en 1097 par le comte Hugues de Rethel». Une ligne droite de 5,5 km (où se trouve un lieu-dit la Guinguette) nous amène aux lisières de Saulces-Monclin (Saulces-aux-Bois sur la carte d’état-major du XIXe). Plus loin, l’A34 nous coupe la route avant de pénétrer dans Faissault, village placé «sur la route de Paris à Mézières», écrit la Géographie historique du département des Ardennes en 1838.

Le franchissement du canal des Ardennes à Rethel (photo: Marc Verney, septembre 2023).
Le franchissement de l'Aisne, à Rethel (photo: Marc Verney, septembre 2023).
La route est plus calme vers Faissault (photo: Marc Verney, septembre 2023).

C’est peu après que nous devons suivre la départementale n°3 pour continuer sur le tracé de la R.N.51 historique. En janvier 1972, explique l’encyclopédie des routes Wikisara, la route n°51 ne passe plus par Launois-sur-Vence, Raillicourt et Montigny-sur-Vence, itinéraire déclassé en D3 et D35. Elle prend un nouveau tracé au sud de Neuvizy en s'orientant vers Villers-le-Tourneur. Puis, à La Bascule elle reprend la R.N.387 vers Poix-Terron. Mais l’histoire ne s’en tient pas là… Il est nécessaire de remonter encore le temps! Jusqu’au XIXe siècle, la «route de Rethel à Mézières» remonte vers Charleville-Mézières par Jandun et Warnécourt, soit l’actuelle D3. Et c’est au magnifique relais de poste de Launois-sur-Vence que nous nous rendons tout d’abord. L’endroit nous permet de mettre une date précise sur l’existence de l’itinéraire de l’époque: «Il a été construit en 1654, écrit le site ardennes.com. Ce site exceptionnel, considéré comme unique en France se compose de plusieurs bâtiments, corps de logis, écuries, halles aux diligences, bergerie, pressoir. A l’époque il permettait l’échange des chevaux pour les voyageurs et le courrier entre Paris et Sedan sur la route qui passait aussi par Charleville-Mézières, il était ouvert nuit et jour». «En 1762, précise la page Wikipédia consacrée au site, il voit passer une fois par semaine un carrosse Paris-Sedan. Au début du XIXe siècle, c'est une diligence par jour». On laisse, du coup, cette ancienne voie s’enfuir par le nord du village (le Haut-Chemin), pour nous intéresser à la R.N.51 de 1959 qui part de Launois en direction de Raillicourt. L’ordonnance royale décidant de la rectification a été signée le 9 juin 1842: «la route royale n°51, de Givet à Orléans, sera rectifiée entre Mézières et Launois, dans le département des Ardennes. La nouvelle route empruntera, à partir de Mézières et jusqu'à Poix, la route départementale n°1 (de Mézières à Vouziers), traversera la vallée de la Vence dans la direction de Montigny et Raillicourt, et viendra se rattacher à la route actuelle vers le pont de Pierre-Pont». Désertée par le flux automobile, c’est aujourd’hui une chaussée très agréable traversant un vallon bucolique à souhait, marquée par les jolies plaques émaillées des Ardennes (à Raillicourt et Poix, notamment). De Poix-Terron, il ne reste plus qu’une quinzaine de kilomètres à parcourir jusqu’à Mézières. Entre Guignicourt et Boulzicourt, il est nécessaire d’emprunter l’autoroute A34 (gratuite) qui se superpose à la D951.

Vers Launois-sur-Vence (photo: Marc Verney, septembre 2023).

Notre R.N.51 historique entre dans Boulzicourt par la rue du Moulin pour en sortir par la rue de Halbotine. Au lieu-dit la Patte-d’Oie, la R.N.64A (D864 aujourd’hui) file à l’est vers Flize et Sedan, une courte annexe de la R.N.64 (D764), qui permet, dit Wikisara, «d'éviter Charleville-Mézières pour les voyageurs qui souhaitent poursuivre vers l'ouest». On continue vers le nord. Avant d’arriver à la Francheville, bâtie au XIIe par des colons affranchis de toute redevance, voilà l’ancienne poudrerie de Saint-Ponce, qui, de 1677 à 1904, a produit diverses sortes d’explosifs. Nous voici désormais sur la rive gauche de la Vence, on passe les lieux-dits de la ferme Mogador puis du moulin Leblanc, ce dernier complètement recouvert par l’échangeur de l’A34. L’avenue Carnot (D8051A) traverse la localité de Mohon, rattachée à Charleville-Mézières en 1966 et finit par aboutir au faubourg de Pierre. En 1959, voit-on dans le Guide Rouge Michelin, pour passer Charleville-Mézières, il faut traverser le faubourg de Pierre, la Meuse par deux fois pour aboutir au faubourg d’Arches et suivre à gauche la longue avenue Charles-de-Gaulle. Et maintenant, un peu d'histoire... Charleville-Mézières est une cité bicéphale. Et le trait d'union entre les deux villes est plutôt récent: Mézières l’ancienne ne s'est associée (avec Etion, Mohon et Moncy-Saint-Pierre) à Charleville, sa soeur cadette, que le 1er octobre 1966. La cité de Mézières, tout d'abord, dit le site charleville-mezieres.fr, «se développe à partir du Xe siècle sur l’ancienne voie romaine Reims-Cologne, au creux d’une boucle de la Meuse. La ville tire sa richesse du commerce entre les Flandres, la Champagne et la Bourgogne». Après le siège victorieux de 1521 face à Charles Quint, le rôle défensif de Mézières s'impose au royaume de France. Dès 1675, l’enceinte urbaine est intégralement bastionnée. Et les fortifications ne seront démantelées qu'à la toute fin du XIXe siècle, entre 1884 et 1890. Juste à côté de Mézières, Charles Ier de Gonzague (1580-1637), est le prince souverain d’un petit territoire limitrophe au royaume de France, où ne s’élève qu’un petit bourg appelé Arches. En 1606, précise le site charleville-mezieres.fr, il décide «d’y fonder une cité qui portera son nom: Charleville. Le 6 mai 1606, il en pose la première pierre. Pendant une vingtaine d’années, il s’emploie à faire sortir de terre sa ville idéale: la cité rationnellement organisée autour de la place Ducale déroule ses perspectives de façades de briques et de pierres». L'intérêt de l'emplacement de la nouvelle cité, découvre-t-on sur la page Wikipédia qui lui est consacrée, est qu'elle «se trouve sur un territoire dépendant du Saint-Empire romain germanique et donc libéré des règles économiques du royaume de France». La sortie de la préfecture des Ardennes se fait par l’avenue Charles-de-Gaulle. A son extrémité, voilà les lieux-dits la Bellevue du Nord, puis, plus loin, la Mal-Campée, la Côte-du-Temple… La voie est ici numérotée en D8043. En effet, c’est en 1978, indique Wikisara que l’Etat décide de former «une grande transversale Calais-Metz» (R.N.43) et y incorpore le tronçon de Charleville-Mézières à Tremblois-lès-Rocroi.

R.N.64: DES ARDENNES AUX VOSGES
La route nationale 64 de 1959 traverse les plus grands champs de bataille français et nous emmène au pied des Vosges par la jolie forêt de Darney (lire)

Vers Rimogne (photo: Marc Verney, septembre 2023).
Encore une belle plaque émaillée à Rimogne (photo: Marc Verney, septembre 2023).

De Charleville à Rocroi, il y a 27 kilomètres, indique le guide Excursions et voyages du Touring club de France (1897), c'est une «fort belle route, mais très accidentée, côtés nombreuses et assez longues, descentes assez rares; néanmoins, cet itinéraire est très suivi». La carte de Cassini (XVIIIe) dessine un chemin jusqu’à Cliron, prolongé par Renwez et Bourg-Fidèle jusqu’à Rocroi. Sur la carte d’état-major (1820-1866) publiée par le Géoportail, on est sur le tracé actuel, de Cliron à Harcy, Rimogne et Tremblois. Sa réalisation daterait de 1760, indique l’Histoire de la ville de Rocroi. Le même ouvrage signale que la partie du Tremblois à Rocroi «a été construite en 1707». Impossible de suivre l’intégralité de l’itinéraire en raison de l’autoroute A304; on peut emprunter la multivoie (gratuite) de l’échangeur n°9 au n°8 puis «faire» la longue ligne droite de l’ancienne R.N.51 autour du Cheval-Blanc et ensuite atteindre Rocroi. L’origine du lieu, mentionne le site rocroi.fr, «remonte à 1198 lorsque le seigneur Nicolas IV de Rumigny a fait ériger une croix au nom de son vassal Raul du Chatelet au carrefour de deux chemins qui mènent vers le Hainaut et la Meuse. Nicolas IV y fit construire un peu plus tard une chapelle qu’il a placé sous le saint patron qui porte son nom. Le lieu-dit aurait alors pris le nom de  "Croix de Raul" puis "Raulcroix"». Mais ce n'est que quelques siècles plus tard que, inspectant les villes fortifiées de l’est du royaume de François Ier, Martin du Bellay, lieutenant général du roi et Girolamo Marini, commissaire général de fortifications en Champagne, choisissent de fortifier le site, entouré de marécages et tourbières. Les premiers travaux n'interviennent cependant que vers 1555, sous Henri II; les premières maçonneries vers 1610, signale rocroi.fr. Et donc, contrairement aux idées reçues affirme le site municipal, ce n’est donc pas Vauban (1633-1704) qui a fait construire les remparts de la «ville étoile» dont on visite aujourd’hui le singulier plan à «l’urbanisme atypique radioconcentrique». Le 19 mai 1643, le nom de Rocroi marque l’histoire nationale: ce jour-là, l’armée du royaume de France commandée par le Duc d’Enghien, futur Grand Condé, met en déroute la redoutable armée espagnole. Une victoire qui permet à la France d'aborder un peu plus tard les traités de Westphalie en position de force et ainsi mettre fin à la guerre de Trente Ans. En 1959, et c’est nettement plus pacifique, la route nationale contourne déjà les fortifications par la bien nommée rue du Tour-de-Ville. Puis, c’est la «rue Royale» qui nous emmène en direction de Fumay. «La route Rocroi-Fumay fut tracée à la fin du XVIIIe siècle», indique Jean-Luc Lefebvre dans l'ouvrage Les anciennes fortifications de Fumay et de Revin. On passe le carrefour avec la route n°385 (D985), qui oblique à gauche vers Gué-d’Hossus et Charleroi (Belgique). Puis, la chaussée (D8051 aujourd’hui) pénètre dans la vaste forêt du Franc-Bois.

L'entrée de Rocroi (photo: Marc Verney, septembre 2023).

A peu près rectiligne jusqu’au lieu-dit du Pavillon-de-Diane au XIXe siècle, notre route d’Orléans à Givet semble nettement moins viabilisée dans les bois à partir de la «caserne des Douaniers», la Maison-Brûlée d’aujourd’hui. Et ce, malgré le tracé de la fin du XVIIIe siècle évoqué précédemment, invisible sur la carte de Cassini du Géoportail. Plus tard, le dessin apposé sur la carte d’état-major (1820-1866) publiée par l’IGN montre une voie en terrain naturel jusqu’à Fumay, une «lacune, un chemin de terre», pointent les Etudes ardennaises en 1961. Problème confirmé par la Situation des Travaux de 1834, qui signale une «lacune de 6,7 kilomètres» dans les bois précédant l’arrivée à Fumay et précise qu’une première adjudication des chantiers «a permis d'exécuter les terrassements sur toute la longueur de la lacune, et à établir la chaussée d'empierrement sur 3154 mètres». Mais il y a un «hic». Ni la R.N.51 de 1959 et, a fortiori, la D8051 du XXIe siècle ne suivent totalement la «route projetée» visible sur la carte d’état-major (1820-1866) de l’IGN: au niveau du lieu-dit de la Place-de-l’Argentine, la chaussée «remonte» chercher dans l’épaisse forêt les boucles de l’ancien chemin de terre… Seule vraie nouveauté, un large virage au niveau du «Trou du Bidet» à l’approche de Fumay. «De la route royale, qui côtoie une montagne rapide, découvre-t-on dans le Guide pittoresque du voyageur en France (1842), on aperçoit la ville, bâtie sur la rive gauche de la Meuse, entre des montagnes presque à pic, couvertes de forêts et hérissées en plusieurs endroits de rochers escarpés; la rivière coule paisiblement au-dessous, dans un vallon resserré, au milieu d'une prairie bordée de peupliers» .La petite localité ardennaise, lovée dans une boucle de la Meuse, est parfois nommée «la cité de l'ardoise» en référence au matériau qui fit sa prospérité au XIXe siècle. On y trouvait en effet plus d’une quarantaine d’ardoisières, dont la dernière a fermé en 1971. On quitte Fumay par la rue Bauduin-Petit qui longe la Meuse sur la rive gauche. Un traité, datant de 1772, entre le roi de France et son altesse le prince-évêque, l'Eglise et l'Etat de Liège, relatif à divers échanges de territoires, lit-on dans les Annales des travaux publics de Belgique, stipule également la construction, par le roi de France, «d'une route sur la rive gauche de la Meuse, de Givet à Fumay, et de là, sur Rocroy»... alors que, côté belge, selon le même ouvrage, «la route de Dinant (23 km au nord, NDLR) à Givet était une conséquence de la convention du 16 mai 1769, entre le roi de France et l'impératrice, reine de Hongrie et de Bohème»...

Détail de la plaque émaillée de Fépin (photo: Marc Verney, septembre 2023).
A Montigny-sur-Meuse (photo: Marc Verney, septembre 2023).
Arrivée à Givet (photo: Marc Verney, septembre 2023).

Il reste 23 kilomètres à parcourir jusqu’à Givet et nous allons longer en permanence la Meuse. La vallée est étroite, et la ligne de chemin de fer est souvent «collée» à la route. Voilà Fépin, où, selon le Recueil général des lois et ordonnances de 1852, une rectification y a été ordonnée dans «les rampes» le 28 juillet 1847. Puis voici Montigny-sur-Meuse, où la carte d’état-major (1820-1866) place un «gué dangereux» sur le fleuve. On croise Vireux-Molhain, Hierges, Aubrives… peu avant d’arriver à Givet, la R.N.51 historique «coupe» la boucle de la Meuse à Chooz; la chaussée ancienne passait au pied des collines par le lieu-dit Fond-de-Vaux. L’entrée dans Givet se fait en passant sous l’immense fort de Charlemont, dont la construction débute sous l’Empire de Charles-Quint en 1555. Conquis par Louis XIV en 1678, le fort et la ville de Givet sont rattachés au royaume de France en exécution du traité de Ryswick, en 1697. On entre dans la ville par le quai du Fort-de-Rome après avoir passé la porte de France, aménagée en 1862 pour le passage du chemin de fer, puis pour celui de la route (givet.fr). Le centre historique est «un vestige du passé tourmenté de cette région frontalière, dit le site ardennes.com. Ruelles étroites, tours, églises et portes fortifiées illustrent le rôle stratégique de cette cité» placée à cheval sur la Meuse. «Le quartier principal, écrit Wikipédia, appelé le Grand-Givet ou Givet Saint-Hilaire est la vieille ville qui s'étend sur la rive gauche de la Meuse, entre le fleuve et le chemin de fer. Sur la rive droite, se trouve le Petit-Givet ou Givet Notre-Dame». Quelques dates notables piochées dans l’ouvrage Givet, recherches historiques (1868): en 1777, le sieur Bécourt, de Lille, fait placer 25 réverbères dans la ville. En février 1778, des matériaux entraînés par de fortes eaux brisent le pont de bateaux. L'administration locale émet le voeu d'obtenir un jour un pont de pierre dont le projet date de 1739. Le 15 janvier 1791, la ville de Givet demande l'établissement d'un service des postes qui serait destiné à desservir Fumay, Givet, Mézières et Rocroi. Le 14 octobre 1796 (23 vendémiaire), un ouragan brise le pont de bateaux. En 1816, le pont de pierre, décidé par Napoléon Ier est en service. Givet est occupée durant les deux guerres mondiales; en 1914 et 1940, le pont est détruit devant l’avance des Allemands En 1944, les Américains installent une passerelle métallique; le pont actuel est construit en 1969. (reserve-pointe-givet.org). Mais notre voyage ne nous fera pas franchir la Meuse, la R.N.51 de 1959 se poursuit tout au bout de la «Pointe de Givet» en direction de Dinant par les actuelles avenue du Maréchal-Leclerc et route de Bon-Secours. Puis, avec la route des Quatre-Cheminées, nous achevons notre long parcours de la route d’Orléans à Givet au lieu-dit du Café-Français à la frontière belge, juste à côté du Bac-du-Prince.

Marc Verney, Sur ma route, septembre 2024

La porte de France à Givet (photo: Marc Verney, septembre 2023).
A la frontière avec la Belgique (photo: Marc Verney, septembre 2023).

R.N.51: REFAIRE LE TRAJET
La R.N.51 de 1959 traverse une bonne partie de l'Est de la France... Une bonne raison pour y revenir et redécouvrir cet itinéraire long et passionnant (lire)

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