Panneau Michelin situé à l'entrée de Dieppe, côté Neuville, sur l'ancienne chaussée, aujourdhui avenue de la République (photo: MV, janvier 2019).
La côte d'Epouville marque l'irruption de la route n°25 historique sur le vaste plateau du pays de Caux (photo: Marc Verney, janvier 2022).
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Borne kilométrique à Fécamp (photo: MV, janvier 2022).
Longues perspectives dans le pays de Caux (photo: MV, janvier 2022).
SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°52 Le Havre-Amiens, Michelin (1936, 1968); A Dieppe et aux environs, A. Marais libraire-éditeur (1871); Almanach royal, mis en ordre, publié et imprimé par Le Breton, premier imprimeur ordinaire du Roi (1779); Annales des ponts et chaussées, Dunod éditeur (1864); Guide Bleu de la France automobile, Hachette (1954); Guide classique du voyageur en France, par Richard, ingénieur-géographe, L. Maison (1842); Guide Vert Normandie, Michelin (1957); Histoire d'Abbeville et du comté de Ponthieu jusqu’en 1789, F.C. Louandre, T. Jeunet, imprimeur-éditeur (1847); Histoire de Dieppe, L. Vitet, Paris, librairie de Charles Gosselin (1844); Histoire de la ville de Montivilliers, Ernest Dumont et Alphonse Martin, Imprimeries réunies L. Durand et fils (1886); La topographie historique et archéologique d'Abbeville (tome second), Ernest Prarond, chez Prévost, Abbeville (1880); Le Havre, Etretat, Fécamp, Saint-Valéry-en-Caux, guide Diamant, Adolphe Joanne, Librairie Hachette et Cie (1872); «Le port de Dieppe», Martin des Pallieres, Etudes Normandes (1957); Notes pour servir à l'histoire des communes du canton de Goderville avant 1789, A. Lechevalier, René Doutreligne, imprimeur-éditeur (1908); «Note sur l'entretien des routes», par M. Frissard, ingénieur des ponts et chaussées, Journal du génie civil, des sciences et des arts (T.III), Paris, chez Alexandre Corréard (1829); Recueil industriel, manufacturier, agricole et commercial, J.G.V. de Moléon, Bachelier, libraire (1833); Répertoire archéologique du département de la Seine-Inférieure, M. l'abbé Cochet, Imprimerie Nationale (1871); «Un quartier de Dieppe, le Pollet», Quiquengrogne n°45, publication du fonds ancien et local de la médiathèque Jean-Renoir, ville de Dieppe (février 2009); abbeville.fr; archives.somme.fr; criel-sur-mer.fr; ville-fecamp.fr; IGN (Géoportail). Wikipédia, Wikisara.
VILLES ET VILLAGES traversés par la R.N.25 historique (1959), en italique, les anciennes RN principales croisées:
Harfleur (N13bis, N182)
Montivilliers
Epouville
Goderville
Epreville
Fécamp (N26, N40)
Senneville
Hâbleville
Bondeville
Sainte-Hélène
Anneville
Ouainville
Cany-Barville
Veauville
Ingouville
Saint-Valery-en-Caux
Veules-les-Roses
La Chapelle-sur-Dun
Bourg-Dun
Ouville-la-Rivière
Hautot-sur-Mer
Appeville
Dieppe (N15, N27)
Neuville-lès-Dieppe
Graincourt
Saint-Martin-en-Campagne
Biville
Tocqueville-sur-Eu
Criel-sur-Mer (N40)
Etalondes-la-Pipe
Eu (N15bis)
Woincourt
Fressenneville
Valines
Miannay
Cambron
Rouvroy
Abbeville (N1, N28, N35)
A VOIR, A FAIRE
Harfleur: le musée d’histoire locale du Prieuré; la porte de Rouen (édifiée durant la guerre de Cent Ans); l’église Saint-Martin.
Montivilliers: l’ancienne église de l’abbaye, Saint-Sauveur.
Goderville: l’accès à Etretat, sur la côte d’Albâtre, par les départementales 139 et 39.
Fécamp: l’ancienne résidence des ducs de Normandie nous laisse apprécier de beaux endroits, comme l’abbatiale de la Sainte-Trinité, le palais, musée et distillerie Bénédictine, le port et ses estacades sur lesquelles on fait de magnifiques promenades, face à la mer, la chapelle Notre-Dame-de-Salut (panorama). Il y a aussi un circuit 39-45 sur les traces du mur de l’Atlantique. Non loin, la station balnéaire d’Yport appréciée des peintres impressionnistes.
Cany-Barville: l’ancienne capitale du lin normand jusqu’au XIXe. Château Louis XIII.
Saint-Valery-en-Caux: son bord de mer et la vue sur les falaises; la maison Henry-IV, édifiée en 1540; le quai d’Aval et son quartier préservé; une promenade jusqu’au sommet de la falaise d’Aval. A 8 km au sud, le château du Mesnil-Geoffroy.
Veules-les-Roses: une mignonne petite station balnéaire (promenades dans les rues, la plage et autour de la source de la Veules, les cressonnières).
Dieppe: le château-musée et sa vaste collection d’objets en ivoire, la Cité de la mer, l’Estran, pour tout savoir sur la pêche, l’église Saint-Jacques, la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours (vue). Non loin de Dieppe, le château de Miromesnil, les villages de Pourville et de Varangeville (jardins remarquables, demeures, falaises, plages).
Eu: le château, musée Louis-Philippe; la collégiale Notre-Dame et Saint-Laurent; à côté, en bord de mer, le Tréport et Mers-les-Bains. La vallée de la Bresle est un des haut lieux de la verrerie (musées).

Abbeville: réduite en cendres le 20 mai 1940, l’ancienne capitale du Ponthieu mérite cependant un détour pour la collégiale Saint-Vulfran (XVe) et l’église du Saint-Sépulcre (XVe). A visiter, le beffroi-musée Boucher-de-Perthes. A une vingtaine de kilomètres en direction de la mer, les beaux paysages de la baie de Somme.
Très ancienne borne routière à Bourg-Dun (photo: MV, janvier 2022).
AUTRES RESSOURCES sur la R.N.25 historique:
La page Wikisara
L'encyclopédie en ligne Wikipédia
Panneau d'indications à Dieppe (photo: MV, janvier 2019).
Vers Abbeville, après Eu (photo: MV, janvier 2022).
Chaussée d'Hocquet à Abbeville (photo: MV, janvier 2022).
EXPERIENCES ROUTIERES Au début du XIXe siècle, plusieurs expériences ont été menées sur et autour de la chaussée de la R.N.25. Il s'agissait d'essayer différents revêtements issus des théories de l'ingénieur britannique McAdam. La première a été lancée vers Saint-Valéry-en-Caux, sur une cinquantaine de mètres de route, au-dessus de la côte de Fécamp. On y dénombre le passage quotidien de 10 à 15 voitures à deux roues de 6t à 8t qui transportent les cotons chargés au Havre pour les Flandres et la Picardie. S'y ajoute le trafic d'un grand nombre de voitures plus légères qui approvisionnent la région en poisson. Une brigade de huit cantonniers triés sur le volet furent désignés pour oeuvrer sur cette portion entièrement défoncée, «les pierres de fondation étaient dérangées et l'argile rouge formant le fond de la route revenait à la surface». La route, curée «au vif», puis défoncée «jusqu'au terrain naturel», a été refaite sur cinq mètres de largeur; «l'emploi du caillou a été fait sur 25 cm d'épaisseur, en donnant à la route le bombement voulu». Obligées par un cantonnier de passer sur la nouvelle chaussée, les voitures à cheval semblaient avoir beaucoup de peine à franchir le chantier: «Les roues s'enfonçaient de 8 à 10 centimètres en faisant refluer le caillou des deux côtés et formaient un bourrelet en avant avec celui qu'elles repoussaient». Pas vraiment concluant!! Au bout de huit jours, les cantonniers versèrent du gros sable sur 25 mètres de la chaussée expérimentale, laissant en l'état le reste. Ce sable, s'infiltrant au coeur de la couche de cailloux, contribua à la stabiliser, et permit une circulation plus facile. Les autres 25 mètres «restèrent mobiles pendant plus de trois mois»... mais la chaussée y formera par la suite «un corps solide, très compact et sans vide». La deuxième expérience a été menée aux environs de Dieppe (à une demi-lieue de cette ville) sur une portion de chaussée commune à trois routes royales (n°15, 25 et 27). Six cantonniers vont charger une route -préalablement «curée jusqu'au vif»- avec des cailloux de 5 à 6 cm de côté sur 10 mètres de largeur et sur une épaisseur de 5 à 10 cm «suivant le bombement prescrit par M. McAdam». «Six semaine après l'emploi du caillou, l'on a enlevé les boues sur le milieu de la chaussée, elle était encore parfaitement unie et sans flâches, l'on reconnaissait qu'elle s'était usée uniformément mais pas encore assez pour exiger un nouvel emploi». Conclusion: «On pense que l'on pourrait remettre toutes les routes de France, à l'état de simple entretien, en employant la méthode indiquée par cette expérience, excepté celles qui sont tellement dégradées qu'il serait indispensable de reconstruire l'encaissement». Le procédé McAdam sera le dernier grand progrès dans la construction des chemins avant le goudronnage systématique des années vingt à trente. Source: «Note sur l'entretien des routes», par M. Frissard, ingénieur des ponts et chaussées, Journal du génie civil, des sciences et des arts (T.III), Paris, chez Alexandre Corréard (1829).

Grandes routes de France
R.N.25: DE MANCHE EN FLANDRES (I)
La chaussée n°25 du Havre à Lille porte l’un des premiers numéros de route transversale en France… C’est-à-dire un itinéraire dont on considère qu’il n’est pas radial, soit «de Paris à…». Aujourd’hui largement déclassé et réorienté, cet axe national de près de 290 km né en 1824 vaut largement la balade: natif du Havre, son tracé de 1959 virevolte en Haute-Normandie jusqu’à Dieppe avant de traverser les grands espaces du nord de la France entre Abbeville, Doullens et Arras, puis pique sur Lille… Au XXIe siècle, on se perd hélas un peu entre les contournements et différentes bretelles d’une chaussée qui a parfois, d’ailleurs, perdu la référence de son numéro d’origine. Vous l’aurez compris, on est loin des bucoliques petites nationales qui inspirent tant le site Sur ma route! Et pourtant, on aime fureter en ces contrées, dans ce nord français qui apprécie –un peu plus qu’ailleurs peut-être- de conserver l’ancien petit patrimoine routier… Et là, on va être servi!! Bonne route! Première partie entre Le Havre et Abbeville.

La R.N.25 historique dans le pays de Caux, petites collines et champs à perte de vue (photo: Marc Verney, janvier 2022). En cliquant sur l'image vous accédez à la deuxième partie du voyage.

Les premiers mètres de la R.N.25 historique se font sur l’avenue Paul-Doumer à Harfleur aux portes du Havre. On y prend la direction de Montivilliers. La D925 d’aujourd’hui longe la Lézarde, tout comme l’itinéraire visible sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée sur le site de l’IGN. Cette tranquille petite vallée fut autrefois largement pénétrée par les flots marins: en lisant l’Histoire de la ville de Montivilliers on constate que des salines étaient exploitées au XIe siècle entre Harfleur et Montivilliers. Dans le même ouvrage, il est question d’une «chaussée» antique partant de Harfleur et aboutissant à Montivilliers qui «aurait été détruite en 1415 par les Anglais». En 1779, l'Almanach royal indique une diligence régulière vers Montivilliers et Fécamp, soulignant ainsi la présence d'une chaussée bien établie en ces lieux. «Montivilliers, dit Adolphe Joanne dans le guide Le Havre, Etretat, Fécamp, Saint-Valéry-en-Caux, doit son origine à une abbaye fondée en 682». Ravagée deux siècles plus tard, elle fut relevée par la piété des fidèles. On y trouva d'abord des moines, ensuite des religieuses. La population établie autour de l'abbaye s’accroissant considérablement, on l'entoura d'une enceinte et Montivilliers devint une ville. Vers la fin du XVe siècle, «elle possédait aussi de nombreuses fabriques de draps dont les produits jouirent d'une grande vogue. Mais cette prospérité ne fut qu'éphémère; l'industrie de Montivilliers tomba, pour ne plus se relever, en même temps que le commerce d'Harfleur». On traverse la petite cité avec l’avenue du Maréchal-Foch (faubourg Sainte-Croix), les rues Léon-Gambetta, Félix-Faure et du Faubourg-Assiquet. En 1820, et certainement dans le but d’améliorer le trafic, «le Conseil de la Seine-Inférieure déclare qu’il est indispensable d’ouvrir sur la route du Havre à Lille une traversée dans Montivilliers», rapporte le Recueil industriel, manufacturier, agricole et commercial.

R.N.13bis: BELLE MISE EN SEINE
La R.N.13bis est la "route d'en bas", celle qui atteint Rouen par la rive gauche de la Seine, puis se rend au Havre par Yvetot et Bolbec... (lire)

Après Harfleur en direction de Montivilliers (photo: Marc Verney, janvier 2022).

Peu avant Epouville, la D925 «saute» la Lézarde. Puis, passée la mairie, escalade la modeste «côte du Cap» pour se retrouver sur un large plateau qui va nous emmener en quasi ligne droite vers Goderville. Cet itinéraire diffère d’une ancienne chaussée, dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe) et publiée par le Géoportail de l’IGN. On va alors à Fécamp par un chemin qui passe au large de Turretot, croise un chemin de Criquetot à Goderville non loin du lieu-dit le Presbytère, file vers Maniquerville et, enfin, Fécamp. A Montivilliers, le faubourg du Brisgaret, («brise-jarret»), situé sur l’ancienne route de Fécamp (sans doute la rue Aldric-Crevel) serait un indice de cette vieille voirie. Un autre indice de la création d’une nouvelle voie entre Le Havre et Fécamp à la fin du XVIIIe siècle, c’est le labeur à Ecrainville, en juin 1770 (ou 1778?), de ces ouvriers qui cherchent «des cailloux pour la route royale du Havre à Lille», lit-on dans le Répertoire archéologique du département de la Seine-Inférieure. Enfin, dans l’article «Fécamp et Louviers en Normandie» (Village et ville au Moyen Age: les dynamiques morphologiques), Bernard Gauthiez signale que les derniers événements majeurs à marquer Fécamp avant 1830 «sont l’établissement des grandes routes du Havre et de Rouen, l’une par l’ouest, l’autre par le sud-est, vers 1782».

Vers Goderville (photo: Marc Verney, janvier 2022).

Après Goderville, lit-on dans le Guide classique du voyageur en France (1842), «la route jusqu’à Fécamp est plate et bien entretenue». Avant la Révolution française, on découvre cependant un autre son de cloche. Dans les Notes pour servir à l'histoire des communes du canton de Goderville avant 1789, on constate que «les voies étaient généralement en mauvais état. De Goderville à Fécamp, la route, en plusieurs endroits, n'était que tracée et non empierrée». D'importants travaux de voirie furent heureusement exécutés à la veille de la Révolution: «Les principaux ouvrages, de nouvelles constructions ont été faits sur les routes du Havre à Dieppe et de Goderville à Fécamp et Cany», lit-on à ce sujet dans une lettre adressée à l'ingénieur en chef des ponts et chaussées de la généralité de Rouen... La «route du Havre» traverse maintenant Epreville et aborde Fécamp par la rue Charles-Leborgne. Le port puise ses origines dans un petit village de pêcheurs installé aux abords d’une «zone marécageuse», explique le site ville-fecamp.fr. Mais c’est le fait religieux qui va largement faire connaître la ville. Il y a d’abord, au VIIe siècle, une abbaye de moniales qui disparaît deux siècles plus tard du fait des raids vikings. Un siècle plus tard, raconte encore le site municipal de Fécamp, «ces conquérants devenus ducs de Normandie font de la ville une de leurs capitales. Ils bâtissent un palais doté d’une large enceinte et, afin de prouver leur conversion au christianisme, fondent l’abbaye de la Sainte-Trinité». Richard II fait même venir en Normandie l’abbé de Saint-Bénigne de Dijon, Guillaume de Volpiano, qui y applique la réforme venue de Cluny. En 1067, le duc Guillaume Le Conquérant y célèbre sa victoire de Hastings; mais il délaisse la cité pour s’établir à Caen, devenue la nouvelle capitale du duché. Cela n’empêche pas l’abbaye de Fécamp d'être le deuxième lieu de pèlerinage en Normandie après le Mont-Saint-Michel. La relique du Précieux-Sang attire une foule de voyageurs jusqu'au XIXe siècle. La Révolution française verra néanmoins sombrer l’abbaye. Depuis de nombreuses années déjà, la pêche en haute mer fait vivre une grande partie de la population. Entre 1901 et 1905, on va compter jusqu'à 69 trois-mâts immatriculés à Fécamp, les célèbres terre-neuvas. En 1955, écrit le Guide Vert Normandie, «Fécamp représente 44% de la production française de morue salée»… Très abîmée durant la Deuxième Guerre mondiale, la cité portuaire se reconvertit aujourd’hui dans le tourisme, la plaisance…

Gros plan sur la borne de Fécamp (photo: Marc Verney, janvier 2022).

R.N.40: CAPS SUR LA MANCHE
En 1959, route n°40 relie Le Havre à Dunkerque. Des falaises gigantesques, des plages de sable à l'infini... Le Nord n'a pas fini de vous faire tourner la tête (lire)

L’ancienne traverse de Fécamp se faisait par la rue Arquaise et la rue Queue-de-Renard qui grimpait sec sur le plateau non loin de Hâbleville. C’était dans la rue Arquaise que l’on trouvait la plupart des auberges de la ville (l’hostellerie des Trois-Roys, de l’Aigle-d’Or, du Lyon-d’Or, du Dauphin-Couronné…). Plus tard, le trafic automobile emprunte la chaussée et le pont Gayant, qui coupent le port en deux. Toute la structure de ce pont tournant qui sépare le bassin Bérigny de la mer a dû être refaite de 1945 à 1961 en raison des destructions menées par les Allemands lors de leur retraite en 1944. Puis le trafic de la R.N.25 historique (D925) remonte maintenant la «route de Cany», une rampe construite dans la deuxième moitié du XIXe siècle, indiquent les Annales des ponts et chaussées, et qui prend la direction de Senneville-sur-Fécamp. Dès lors, une longue ligne droite mène jusqu’aux abords de Cany-Barville que l’on atteint en descendant la «côte de la Route». On emprunte alors l’avenue du Général-de-Gaulle qui enjambe la Durdent. Au sortir du village, les cartes publiées par l’IGN au fil des époques montrent une évolution du tracé en direction de Dieppe. Ce que confirme Wikisara: une rectification de la côte dans les bois de Sasseville a été décidée au «début des années 1860». La voie remonte maintenant au nord pour pointer vers Saint-Valery-en-Caux, distante d’une douzaine de kilomètres. C’est toujours aussi droit, le bitume effleure les villages de Saint-Riquier, Ingouville… On ne peut pas dire que les paysages, sur ce vaste plateau de Caux, soient enthousiasmants! Mais voici la «plongée» vers le centre de Saint-Valery. Nous sommes sur la «route du Havre» qui se transforme bien vite en «quai du Havre». Le nom actuel de l'agglomération, relate le site saintvaleryencaux.fr, viendrait du nom d'un moine, Vallery, mort en 622 et béatifié; d’origine auvergnate, il aurait bâti le premier édifice chrétien de Saint-Valery-en-Caux après avoir évangélisé une partie de la côte normande. Les lieux sont ensuite mentionnés dans une charte délivrée par Richard Ier, duc de Normandie, le 15 juin 990, dans laquelle il fait don de Saint-Valery au monastère de Fécamp qui en aura la tutelle jusqu'à la Révolution. Le site municipal signale de premiers travaux d’aménagements du port au début du XIIIe siècle, pour la pêche au hareng. Mais l’envasement vient vite. Il faut attendre le XVIIe siècle pour que des travaux d’aménagement permettent à la petite cité de retrouver une activité économique: le port est réaménagé sous l’ordre de Louis XV. Au XIXe siècle, la ville se tourne vers une nouvelle économie: le tourisme. Hélas, assiégé par la division blindée de Rommel en juin 1940, le port est détruit à 70%. Et les travaux de reconstruction dureront jusqu’en 1964.

Vers Cany-Barville (photo: Marc Verney, janvier 2022).
Rue de Saint-Valery-en-Caux (photo: Marc Verney, janvier 2022).

Pour sortir de Saint-Valery, on traverse la «zone de l’écluse», la place de l’Hôtel-de-Ville et on suit la «route de Dieppe» qui monte vers la plaine d’Ectot. A huit kilomètres à peine, se trouve la minuscule station balnéaire de Veules-les-Roses, blottie au cœur d’un petit vallon. On y trouve, dans les premiers temps, un petit port d’échouage, dit le site veules-les-roses.fr. Au XIe siècle, le minuscule fleuve d’à peine un kilomètre de long sert de ligne de partage entre deux paroisses: Saint-Martin sur la rive gauche et Saint-Nicolas sur la rive droite. Au XVIIe siècle, des moulins sont édifiés le long du cours d'eau. On moud le blé et le colza dont on extrait l’huile, mais on foule aussi le lin, qui fournit ainsi la matière première aux ateliers de tisserands de la région. A l’embouchure de la Veules, il y avait aussi un moulin de mer qui fonctionnait grâce à un bassin fermé par une porte à marée haute et que l'on ouvrait à marée descendante. Vers la source, les habitants cultivaient le cresson, qui était ensuite commercialisé à Paris. Au XIXe siècle, l'activité des moulins déclina en même temps que le village devenait un lieu de villégiature pour le milieu intellectuel parisien; Paul Meurice, Alexandre Dumas fils, Jules Michelet firent de fréquents séjours sur les bords du petit fleuve, écrit Wikipédia. Dieppe est à vingt-quatre kilomètres de là. La route nationale 25 historique -dans les terres- est incomparablement moins jolie que les départementales 68 et 75, qui suivent la côte. A noter ici, la traversée du village de Varengeville et de ses nombreuses attractions (ses valleuses, sa chapelle) qui font le bonheur des Parisiens en week-end sur la côte d’Albâtre.

Plaque de cocher à Bourg-Dun (photo: Marc Verney, janvier 2022).

On arrive à Dieppe par le Petit-Appeville et la «côte enragée»… Jadis, le «chemin du Relais» filait tout droit jusqu’à l’actuelle avenue Jean-Jaurès. Dans les années cinquante, on s’orientait ensuite à gauche sur l’actuelle avenue Léon-Gambetta (ancienne R.N.15) pour atteindre le cœur de la cité portuaire. Notre route empruntait ensuite le quai Duquesne, tournait à droite vers le Pollet par le quai du Carénage et grimpait sur la colline en direction de Neuville-lès-Dieppe par l’avenue du Général-Leclerc. Aujourd’hui, tout cela est un peu brouillé par l’apparition des rocades qui environnent la vallée de l’Arques et les installations portuaires. S’orienter sur les anciens itinéraires n’est ici pas de tout repos… Mais l’histoire de Dieppe est tout aussi compliquée et passionnante… Le «Camp de César», situé au nord de l'actuelle cité de Dieppe, est une enceinte (gauloise?) en bord de mer qui semble attester par ici de la plus ancienne présence de vie humaine avant l'époque gallo-romaine. En 910, les Vikings s'installent à leur tour en bord de mer. La cité de Dieppe semble, elle, avoir été fondée après 1015 par le duc de Normandie Richard II. Mais à l'époque, le vrai centre urbain se trouve encore dans les terres à Arques où un château a été édifié. En 1066, la conquête de l’Angleterre par les Normands va fortement développer ce qui n'est alors qu'un tout petit port de pêche au hareng. Ainsi, c'est de Dieppe que Guillaume le Conquérant retourne en Angleterre le 6 décembre 1067. Sous contrôle français après 1204, Dieppe, qui a été rasée et incendiée par les troupes de Philippe Auguste, peine à se remettre de cet épisode sanglant. Seul port important de la côte normande entre Saint-Malo et Boulogne-sur-Mer accessible à marée basse, Dieppe compte cependant environ 7000 habitants au début du XIVe siècle. La guerre de Cent Ans touche la localité, qui est occupée durant une quinzaine d'années par les Anglais après la bataille d'Azincourt en 1420. Au XVe siècle finissant, «les rois Charles VIII et Louis XII accordent à Dieppe une protection particulière permettant à la ville de connaître une grande période de prospérité fondée sur le commerce et la navigation», écrit Wikipédia. Au XVIe siècle, c'est l'apogée: sous le règne de François Ier, de nombreux navigateurs partent de Dieppe pour explorer le monde. «Les navires de l'armateur dieppois Jehan Ango (1480-1551) atteignent notamment Sumatra, le Brésil et le Canada. En 1508, les capitaines Thomas Aubert et Jean Vérassen embarquent de Dieppe pour se rendre à Terre-Neuve. Ils reconnaissent le fleuve Saint-Laurent auquel ils lui donnent son nom. Le 28 mars 1529, les navigateurs Jean et Raoul Parmentier, voyageant pour le compte de Jehan Ango, quittent Dieppe pour une longue navigation qui les amène jusqu’en Indonésie et Sumatra», signale encore l'encyclopédie en ligne. Nul doute, les Dieppois sont de grands voyageurs!

R.N.15: UN TOUR DANS LA MANCHE...
La route de Paris à Dieppe file droit dans un bouton... avant de tomber dans la Manche! Ce n'est pas une plaisanterie, voyez plutôt... En route pour 135 km d'aventures. (lire)

Les trois grandes destinations au départ de Dieppe, Paris, par la R.N.15 (D915), Rouen avec la R.N.27 multivoies et Le Havre par la R.N.25 (D925). Photo: Marc Verney, janvier 2007.

Plus tard, au XVIIe siècle, Dieppe est bombardée durant deux jours les 22 et 23 juillet 1694 par la flotte anglo-néerlandaise de l'amiral Berkeley durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Le port, aux maisons à pans de bois, est incendié et presque complètement détruit. Initié par Vauban le chantier de reconstruction est mené par Antoine de Ventabren. Il impose aux habitants un des premiers règlements d'urbanisme français. Mais le chantier s'éternise jusqu'en 1720 et ne plaît pas particulièrement aux Dieppois en raison de la trop grande uniformité du bâti. Les conflits, récurrents, avec le voisin anglais n'aident pas, non plus, au développement de la ville. A la fin du XVIIIe siècle, voit-on dans l’article «Le port de Dieppe» de Martin des Pallieres (1957), la cité approvisionne Paris en poisson frais. «Un service régulier de chasse-marées emporte le poisson à Rouen et Paris. Cinq à six relais s'échelonnaient sur la chaussée du roi; le trajet passait par Rouen avant la création de la route directe Dieppe-Paris (Vexin, Saint-Ouen-l'Aumône, Epinay, porte Saint-Denis). En 1770, on pouvait compter trois à quatre mille voitures effectuant le parcours en vingt-quatre à trente heures». Passée la Révolution française, c'est sous le Premier Empire que l'on réalise -à l'emplacement d'une zone marécageuse- le premier bassin à flot du port avec écluses. Sous la Seconde Restauration, les corsaires disparaissent, une liaison transmanche favorise la venue des Anglais alors que Dieppe s'ouvre peu à peu sur l'espace littoral, encore fortement occupé par l’armée. En 1822, naît sur ce que l’on appelle la «banquée» un premier établissement de bains de mer créé par le comte de Brancas, sous-préfet de la ville. Sept ans plus tard, la militarisation du front de mer n'est plus d'actualité, celui-ci peut être construit. Puis, du 20 août au 9 septembre 1853, Dieppe est le lieu de résidence de l'empereur Napoléon III et de l'impératrice Eugénie qui y séjournent longuement à l'occasion de leur voyage de noces. L'Empereur déplore alors le mauvais état de la plage et impose de lourdes modifications à l'aspect de la cité. Après l'occupation prussienne, la fin du XIXe est l'occasion de grands chantiers: réfection des rues, prolongement des jetées et approfondissement des chenaux, reconstruction de quais, creusement de nouveaux bassins, arrivée du chemin de fer (1872)... et réalisation du pont tournant Colbert, mis en service le 1er janvier 1889, qui permet à la R.N.25 (D925 aujourd'hui) de gagner le Pollet, l’ancien quartier des pêcheurs, situé en partie sur la rive nord, et auparavant relié à Dieppe par un pont de pierre entre le XVIe siècle et 1830.

L'avenue de la République à Dieppe (photo: Marc Verney, janvier 2019).

L’histoire de l’automobile passe aussi par là: le 24 juillet 1897, la course Paris-Dieppe voit la victoire de Paul Jamin sur une voiture Léon-Bollée. Plusieurs compétitions prestigieuses se tiendront d’ailleurs dans la région, avant et après Guerre. Au début du XXe siècle, et jusqu’en 1914, c’est la première station balnéaire de France, rivale de Trouville-sur-Mer, Cabourg ou encore du Touquet. Durant la Première Guerre mondiale, la ville joue un rôle logistique dans l’approvisionnement du front, situé plus au nord. La guerre sous-marine cependant, fait rage dans la Manche. Dans les années trente, on comble le bassin Bérigny (la mairie est construite dessus) et l’on accueille les premiers «congés payés»… Le 19 août 1942, l’opération «Jubilee» va ravager Dieppe, cité occupée par la Wehrmacht depuis 1940. Premier débarquement en force des armées alliées, 7000 anglo-canadiens sont jetés sur les plages dieppoises. Mais la manœuvre tourne au cauchemar pour les troupes canadiennes: «Les chars Churchill évoluant péniblement sur la plage de Dieppe, soumis à un tir d’artillerie intense, doivent se sacrifier pour protéger le rembarquement», lit-on dans le Guide Vert Normandie de 1957. Côté alliés, les pertes sont terribles, plus de mille morts et des milliers de blessés, prisonniers ou disparus… La fin de la guerre ne parque pas la fin des difficultés: «Transformée en champ de mine par l'occupant, la plage de Dieppe est presque inaccessible pendant une dizaine d'années», signale Wikipédia. Durant les années soixante, la ville veut relancer le tourisme: inauguration de l’actuel casino et d’un centre de thalassothérapie en 1961…

Court délaissé de la R.N.25 historique à Criel-sur-Mer (photo: Marc Verney, janvier 2022).
Panneaux Michelin à Eu (photo: Marc Verney, janvier 2022).

R.N.40: CAPS SUR LA MANCHE
En 1959, route n°40 relie Le Havre à Dunkerque. Des falaises gigantesques, des plages de sable à l'infini... Le Nord n'a pas fini de vous faire tourner la tête (lire)

Notre chaussée du Havre à Lille, après avoir traversé le quartier du Pollet, s’élance en direction de Neuville-lès-Dieppe par l’avenue de la République. Le percement à travers champs de cette chaussée, «fut décidé par Louis XV vers 1773. Les travaux débutèrent en 1774 et se terminèrent en 1804. La portion du Pollet à Graincourt fut, elle, terminée en 1777. Jusqu’alors, pour sortir du faubourg, il fallait soit emprunter la cavée du Mont-de-Neuville soit la rue du Mont-de-l’Hôpital», découvre-ton dans le n°45 du Quiquengrogne, une publication du fonds ancien et local de la médiathèque Jean-Renoir. La route nationale n°25 historique pointe maintenant vers Saint-Martin-en-Campagne. On passe Biville, Tocqueville-sur-Eu (rectification en 1864) et nous voilà à Criel-sur-Mer, petite localité pelotonnée au creux de la vallée de l'Yères. La départementale D925 contournant largement les maisons, il faut suivre la D925A (rue de la Libération) pour rester fidèle au tracé des années cinquante. Autre tracé au début du XIXe siècle: la route du Havre à Lille grimpe sur le coteau par la rue du Vert-Bocage, s’oriente sur le bois de Bréclonde et retrouve la D925 dans la plaine d’Heudelimont. Le tracé sera rectifié en 1866 par l’actuel chemin, précise Wikisara. Là encore, le tourisme balnéaire s’épanouit au XIXe siècle avec l’ouverture de la voie de chemin de fer de Dieppe à Eu en 1872… Mais ce n’est pas tout: «la ligne sera utilisée pour le transport des galets ramassés sur le littoral et expédiés dans le monde entier à des fins industrielles», signale le site criel-sur-mer.fr. La «route de Dieppe» arrive maintenant en ligne droite dans la petite cité d’Eu, au nord de la Seine-Maritime, et son faubourg de Mathomesnil. «Cette ville ancienne est célèbre par son château et sa magnifique église», dit le Guide Bleu de la France automobile de 1954. «Située en forêt d'Eu, sur le plateau de Beaumont dominant la vallée de la Bresle au nord et le vallon sec de Saint-Pierre-en-Val au sud-ouest, l'agglomération gallo-romaine de Briga (lieu-dit "Bois-l'Abbé") constitue l'ancêtre de l'actuelle ville d'Eu», indique Wikipédia. Les lieux semblent avoir été abandonnés à la suite des incursions vikings sur les côtes. Plus tard, à la suite de l’invasion normande, le site actuel d'Eu, situé sur la frontière avec les possessions du roi carolingien Charles III le Simple, est transformé par le seigneur viking Rollon en ville de garnison en 925 à la suite du traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911. Des années après, en 996, le comté d'Eu est créé par Richard, petit-fils de Rollon, dans le but de protéger la Normandie. En 1093, Henri, cinquième comte d'Eu, dote la ville d'un hôpital et améliore le port en détournant le cours de la Bresle. Vingt-sept années plus tard, la construction de l'abbaye est achevée.

Sur la Chaussée-de-Picardie, ce panneau Michelin a été préservé dans un cadre en bois!! (photo: Marc Verney, janvier 2022)
La route nationale 25 historique vers Woincourt (photo: Marc Verney, janvier 2022).

Passée sous domination française, la ville d’Eu subit au fil des ans la dure loi de la guerre. Assiégée, pillée… elle sera même incendiée en juillet 1475 par le roi de France Louis XI de peur que ses habitants ne la livrent aux Anglais! La cité mettra du temps à se relever de cette terrible infortune. En 1660, la duchesse de Montpensier, dite la «Grande Mademoiselle», cousine germaine de Louis XIV et plus riche héritière de France, achète le comté d’Eu. Elle s’installe au château en 1677, le transforme, y fait construire et aménager un jardin à la française, raconte Wikipédia. Le futur roi Louis-Philippe Ier, alors duc d'Orléans et petit-fils du duc de Penthièvre par sa mère, hérite du château en 1821. Eu devient résidence royale en 1830 et se réjouit des séjours réguliers du roi et de sa famille. A deux reprises, en 1843 et 1845, la reine Victoria est reçue au château d’Eu. Là aussi, comme toujours sur cette impressionnante côte d’Albâtre, le tourisme balnéaire s’installe au XIXe siècle: un tramway Eu-Mers-les-Bains-Le Tréport est mis en service en 1902 pour relier les trois villes sœurs et assurer le transport des riverains ainsi que des amateurs de bains de mer. Avant la Première Guerre mondiale, ce tram transporte près de 500.000 voyageurs par an. En 1959, on traverse la ville par les boulevards Thiers et Faidherbe, ce qui nous amène au pont sur la Bresle et à la Chaussée-de-Picardie. Le lieu, qui jouxte Eu, porte bien son nom… la voie qui se poursuit vers Abbeville pénètre assez rapidement dans le département de la Somme. L’ancienne voie du XIXe siècle emprunte la rue de l’Europe pour aller se raccorder à la D925 d’aujourd’hui au lieu-dit Gros-Jacques. C’est à cet endroit que l’on entre d’ailleurs dans la Somme. Le tracé de la route jusqu’à Abbeville est aussi visible sur la carte de Cassini (XVIIIe) publié sur le site du Géoportail de l’IGN. Les archives départementales (archives.somme.fr) de la Somme possèdent un plan du projet «d’alignement» de la chaussée du Havre à Lille vers Fressenneville et Valins. Il date de 1772-1774. On peut donc penser que le tronçon «moderne» entre la Chaussée-de-Picardie et Abbeville puise ses origines dans l’Ancien Régime. Aujourd’hui, les villages de Woincourt et de Fressenneville sont contournés par la D925, un chantier réalisé à partir de 1969, signale Wikisara. Huit kilomètres après Valines, nous voici à Miannay, où l’on franchit la Trie. Là, nous explique encore Wikisara, le pont sur la rivière est «reconstruit» en 1840 alors qu’une déviation plus large des maisons de ce bourg est datée de 1968. Juste avant Abbeville, voilà le village de Cambron, puis le Toquet et Rouvroy. Ici, la chaussée, qui porte le nom de ce dernier village, nous emmène tout droit sur la Somme canalisée, qui est franchie avec la «chaussée d’Hocquet» par laquelle on se dirige vers le centre-ville de l’ancienne capitale du Ponthieu. Dans ces faubourgs d’Abbeville, la circulation fut longtemps difficile: «En 1651, la chaussée d'Hocquet et le faubourg de Rouvroy étaient tellement défoncés par le charroi, que la circulation était devenue impraticable; ce qui occasionnait de nombreux accidents (...). Pour subvenir aux frais de pavage, on fut obligé d'établir un impôt extraordinaire sur les voitures et les chevaux», lit-on dans l'Histoire d'Abbeville et du comté de Ponthieu jusqu'en 1789.

Anciennes publicités peintes à Abbeville (photo: Marc Verney, janvier 2022).

Abbeville marque la fin de la première partie de notre virée sur la R.N.25 historique. Son histoire est des plus troublée. «Vers 990, Hugues Capet enlève le domaine rural d'Abbeville à l'abbaye de Saint-Riquier contre dédommagement», écrit le site municipal abbeville.fr. Le lieu devient alors une place forte. Au XIe siècle, la ville est encore un port, les bateaux voguent sur la Somme, jusqu'à la mer, à Saint-Valery ou le Crotoy, mais aussi en direction d'Amiens. Au XIIIe siècle, Abbeville est une ville drapante qui fabrique du drap de laine. Son port est alors un des premiers du royaume et son commerce considérable. Mais, au fil des ans, l'ensablement de la baie de Somme repousse la mer plusieurs kilomètres vers l'ouest, il faut canaliser le fleuve, ce qui ne sera fait qu’en 1827. Au XIVe siècle, la confiscation, par les Français, du Ponthieu, détenu par les Anglais, marque le début de la guerre de Cent Ans. Puis la cité passe sous la coupe des Bourguignons après le traité d’Arras (1435). Mais elle sera rachetée (ainsi que plusieurs autres villes de la Somme) par Louis XI en 1463 afin que les Bourguignons soient éloignés de Paris. Reprise par Charles le Téméraire en 1466, le belliqueux duc de Bourgogne y fit brûler 1700 maisons afin d’impressionner les habitants. La mort du Téméraire sous les murs de Nancy le 5 janvier 1477 mit fin au rêve bourguignon et Abbeville est à nouveau réunie au royaume de France. Le 30 octobre 1665, dit abbeville.fr, un industriel hollandais vient se fixer à Abbeville pour y établir une manufacture royale de draps fins à la demande de Louis XIV et de son ministre Colbert. Cette manufacture, dite «des Rames», est construite chaussée d'Hocquet entre 1709 et 1713. L’année 1847 voit l’arrivée du chemin de fer dans la ville. Comme souvent en France, le XIXe siècle est une période de grands travaux: en 1867, Abbeville, alors place forte de troisième classe, est déclassée. Portes et fortifications seront partiellement démolies à partir de 1869 pour laisser la place à de nouvelles voies (boulevards de la République et Voltaire).Si les bombardements de 1914-18 laissent des traces (1200 immeubles détruits ou endommagés), celui du 20 mai 1940 sera dévastateur: entre 9h30 et 17h environ, les avions allemands, arrivant par vagues successives, déversent 5000 bombes qui ravagent la quasi-totalité du centre-ville en détruisant 2400 immeubles et en endommageant 3600, signale Wikipédia. Les opérations de reconstruction furent longues. Inauguré en 1948 par le président Vincent Auriol, le chantier se prolongera jusqu'en 1960 avec l'ouverture du nouvel hôtel de ville. On quitte la cité par l’avenue du Général-Leclerc qui nous emmène au rond-point où se séparent les chaussées d’Amiens (R.N.35 historique) et d’Arras (R.N.25 historique). La D925 va tout d’abord atteindre Saint-Riquier dont l’abbaye a tant compté dans l’histoire d’Abbeville. Ici, le «nouveau grand chemin d’Abbeville à Saint-Riquier et à Doullens» a été fait en 1758 et 1759, dit La topographie historique et archéologique d'Abbeville

Marc Verney, Sur ma route, septembre 2022

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R.N.28: SUS AU NORD!
De Rouen à Bergues, c ’est la «course au Nord», au milieu de paysages de bocage, de «plat pays» sillonné de canaux, de villages de brique... (lire)

On sort d'Abbeville par l'avenue du Général-Leclerc (photo: Marc Verney, janvier 2022).

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