Anciens panneaux Michelin de la R.N.151 à Sancergues (photo: MV, oct. 2019).
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Rond-point après Déols (photo: MV, octobre 2019).
Limite départementale entre Indre et Cher (photo: MV, octobre 2019).
Sortie de Chârost, vers Issoudun et Poitiers (photo: MV, octobre 2019).

LIEUX TRAVERSES PAR LA R.N.151 (1959):
Châteauroux (N20)
Déols
Crevant
Les Quatre-Routes
Issoudun
Chârost
Saint-Florent-sur-Cher
Bourges (N76, N140)
Saint-Germain-du-Puy
Sancergues
Saint-Martine-des-Champs
La Charité-sur-Loire (N7)
Nannay
Châteauneuf-de-Bargis
Varzy
Clamecy (N77)
Dornecy
Chamoux
Vézelay (N457)
Asquins
Blannay
Sermizelles (N6)

SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°65 Auxerre-Dijon, Michelin (1955); carte n°68 Niort-Châteauroux, Michelin (1953); carte n°69 Bourges-Mâcon, Michelin (1951); Almanach administratif, historique et statistique de l’Yonne, éd. C. Gallot (1858); Annales des ponts et chaussées, Dunod, éditeur (1872, 1876); Description des villes et campagnes du département de l’Yonne, Victor Petit, éd. Charles Gallot (1870); Essai sur les assemblées provinciales, et en particulier sur celle du Berry, 1778-1790, Auguste Théodore baron de Girardot, librairie de Vermeil, éditeur (1845); «Evolution des ponts et du lit mineur de la Loire, entre la Charité-sur-Loire et la Chapelle-Montlinard», article collectif, Développement durable et territoires, vol. 5, n°3 (déc. 2014); Guide Bleu Bourgogne-Lyonnais, Hachette (1965); Guide Bleu de la France automobile, Hachette (1954); Guide du Routard Bourgogne, Hachette (2014); Guide Vert Périgord-Limousin-Quercy, Michelin (1961); «Issoudun, à la recherche des lieux disparus», La Nouvelle République (28 juillet 2018); Itinéraire complet de la France, M.D.L.M., imprimerie de Cailleau (1790); Itinéraire du royaume de France, divisé en cinq régions, Hyacinthe Langlois, libraire, géographe (1816); «L’abbatiale Notre-Dame de Déols», Jean Hubert, Bulletin monumental (1927); Le Berry antique, atlas 2000, Christophe Batardy, Olivier Buchsenschutz, Françoise Dumasy, supplément à la Revue archéologique du centre de la France (2001); Recherches historiques et archéologiques sur la ville d'Issoudun, Armand Pérémé, B. Duprat (1847); Scènes de la vie de province (T. II), Honoré de Balzac, Furne, Dubochet et cie, Hetzel (1843); Situation des travaux, ministère des Travaux publics, administration générale des Ponts et chaussées et des mines, Imprimerie royale (1839); chateauroux-metropole.fr; issoudun.fr; marieannechabin.fr (brochures d’histoire locale publiées par l’association Chârost d’hier et d’aujourd’hui); departement18.fr; merat.michel.free.fr; sancergues.fr; ville-bourges.fr; ville-saint-florent-sur-cher.fr; le Géoportail de l’IGN; Persée; Wikipédia; Wikisara.
La R.N.151 historique accompagne -un temps- les pèlerins de Saint-Jacques (photo: MV, oct. 2019).
A VOIR, A FAIRE
Châteauroux: on visitera le quartier médiéval, la rue de l’Indre, la place Saint-Hélène, la rue Grande (ancienne portion, jusqu’au XIXe, de la voie Paris-Toulouse). Le touriste s’intéressera aussi au couvent des Cordeliers et au musée-hôtel Bertrand. A 3 km au sud de la ville, la belle forêt domaniale de Châteauroux (promenades).
Déols: anciennement Bourg-Dieu, on peut visiter librement les restes de la vaste abbaye clunisienne Notre-Dame (XIIe). A voir, les portes de l’Horloge et du Pont-Perrin, vestiges de l’enceinte de Charles VII.
Issoudun: la tour Blanche, système défensif de la ville, de la fin du XIIe; l’église Saint-Cyr; le musée de l’Hospice Saint-Roch. A côté d’Issoudun, le village de Saint-Valentin…
Bourges: ville «d’art et d’histoire», on y trouve un riche patrimoine architectural. La cathédrale Saint-Etienne, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, construite du XIIe au XIIIe siècle; dans le vieux Bourges, le palais Jacques-Cœur et les promenades dans les anciennes rues (Bourbounnoux, Joyeuse, place Gordaine); la maison de la Culture, première de France; les marais de Bourges, zone de maraîchage et de promenades; le musée des Arts décoratifs dans l’hôtel Lallemant; le musée du Berry (en chantier); la ville organise des visites guidées thématiques.
Maubranche: le château du XVe.
La Charité-sur-Loire: l’église Notre-Dame, le cloître et les bâtiments conventuels (XIe siècle); les anciennes rues et les remparts. Non loin, la vaste forêt domaniale des Bertranges (randonnées).
Varzy: l’église Saint-Pierre; le lavoir-abreuvoir de «Sainte-Eugénie»; le musée Auguste-Grasset (fermé en hiver).
Clamecy: le centre ancien et ses ruelles tortueuses, la collégiale Saint-Martin, l’écomusée du Flottage et la promenade autour du port de plaisance sur le canal du Nivernais… A voir aussi, le musée d'Art et d'Histoire Romain-Rolland. On peut admirer l’étonnante église Notre-Dame-de-Béthléem. Non loin, le petit village de Chevroches.
Dornecy: joli village équipé de deux lavoirs; clocher bourguignon du XIIIe.
Vézelay: un lieu très touristique! La basilique Sainte-Madeleine (XIIe et XIIIe siècles);la vue sur le Morvan depuis la terrasse, derrière la basilique; une promenade balisée de 6,5 km autour du site, les musées et les échoppes. A côté de Vézelay, ne pas rater le site archéologique des Fontaines-Salées et le village de Pierre-Perthuis et ses anciens ponts sur la Cure.

Asquins: l’église Saint-Jacques, au point de départ de la via Lemovicencis vers l’Espagne.
AUTRES LIENS: la page Wikipédia de la R.N.151 (lire) ou la page Wikisara de la route de Poitiers à Avallon (lire)
Vue de la R.N.151 historique vers Bourges. Au loin, la cathédrale Saint-Etienne (photo: MV, oct. 2019).
Limite départementale entre Cher et Nièvre à la Charité. On y remarque la mention "de Poitiers à Avallon" (photo: MV, oct. 2019).
Sortie de Nannay vers Clamecy (photo: MV, oct. 2019).
Borne de limites Nièvre-Yonne à côté de Vézelay (photo: MV, août 2014).
Vézelay et sa basilique (photo: MV, mai 2009).

 

Les belles routes de France
R.N.151: EN CŒUR DE FRANCE (II)
La deuxième partie du trajet de la R.N.151 historique nous emmène de Châteauroux aux environs d’Avallon. Jadis, la route arrivait directement dans la petite cité bourguignonne, mais en a été détournée en juin 1846 pour finalement aboutir sur la nationale 6 (D606 aujourd’hui) entre les villages de Sermizelles et Givry. La chaussée Poitiers-Avallon fait partie d’itinéraires très anciens comme la voie antique Poitiers-Bourges ou bien encore les chemins de Compostelle depuis Vézelay. Nous croiserons de bien belles cités, comme Bourges et toute une ribambelle de petits bourgs croquignolets comme la Charité-sur-Loire, Clamecy, Vézelay sur ce trajet de 222 kilomètres… Un dernier mot: depuis 1973, la R.N.151 «pousse» jusqu’à Auxerre en empruntant le tracé de l’ancienne R.N.77… Une histoire qui a déjà été racontée ici sur le site Sur ma route. Bon voyage!

La R.N.151 historique (D951) arrive à Vézelay (photo: Marc Verney, août 2014). En cliquant sur l'image vous revenez à la page principale du site.

Après avoir passé l’Indre au nord de Châteauroux, la R.N.151 de 1959 «décroche» de la R.N.20 au niveau de Déols (jadis appelé Bourg-Dieu) en direction de Bourges. La carte de Cassini (XVIIIe siècle) nous montre un «chemin d’Issoudun» se développant au nord de la chaussée actuelle. Celui-ci passait par Montierchaume, les Gravettes et rejoignant Issoudun en évitant Saint-Aoustrille par le sud. Il ne s’agit pas ici d’une voie antique d’importance puisque la grande route romaine en provenance du Blanc (et de Poitiers) ralliait Saint-Marcel, Ardentes, Brives, Saint-Ambroix avant de rejoindre Bourges (Avaricum).Mais revenons à notre point de départ… «La ville de Châteauroux, écrit le site chateauroux-metropole.fr, est précédée dans l'histoire par celle de Déols. La présence gallo-romaine y est attestée par des pierres sculptées, des monnaies, de la céramique, des urnes et plus récemment par un four un pain découvert vers la place Saint-Christophe». Plus tard, «l'abbaye de Déols, également nommée abbaye du Bourg-Dieu, fut fondée en 917 par Ebbes, prince de Déols, lit-on sur le site archives36.fr. Cette abbaye bénédictine fut d’ailleurs, dit ce site, «l'une des plus puissantes du royaume de France durant le Moyen Age». Détruite en partie par le parti protestant pendant les guerres de Religion, puis sécularisée en 1627 par le prince de Condé, elle perdit lentement son influence et servit finalement de carrière de construction, notamment pour édifier un nouveau pont sur l’Indre au XVIIIe siècle, raconte Jean Hubert en 1927 dans son article sobrement titré «L’abbatiale Notre-Dame de Déols». Il n'en reste aujourd'hui qu'une partie: seul l'un de ses sept clochers a été préservé afin de servir de repère d'alignement lors de la construction de la route de Châteauroux à Issoudun. Un plan de 1787 visible sur le site archives36.fr montre d'ailleurs bien le projet de la nouvelle chaussée coupant au travers des restes de l'abbaye. «Sur l’emplacement même du chœur», insiste encore Jean Hubert. Les événements révolutionnaires retardent le chantier: c'est seulement en 1812, que s'initie la procédure d'expropriation et d'enquête pour le passage de la nouvelle route d'Issoudun au coeur de Déols (Wikipédia).

R.N.20: LIMOUSINES EN PYRENEES...
La N20 de 1959 relie Paris à l'Espagne en passant par... Orléans, Vierzon, Limoges, Toulouse... une route qui coupe la France en deux du nord au sud. Une belle chevauchée... (lire)

Antennes de radio ondes courtes au bord de la R.N.151 (photo: MV, octobre 2019).

Le village de Neuvy-Pailloux est à treize kilomètres. On ne passe pas directement à l’intérieur de cette localité, mais à quelques encablures, au lieu-dit «les Quatre-Routes» (anciennement «les Petites-Maisons») où se trouvait, au temps des diligences, la poste aux chevaux. La longue ligne droite qui s’étend jusqu’à Issoudun ne réserve que peu de surprises si ce n’est ces immenses structures métalliques sur la gauche de la chaussée, vers Saint-Aoustrille… En fait, c’est tout un pan de l’histoire de la radio que nous frôlons… Ces mâts qui surplombent la campagne berrichonne sont des antennes de diffusion en ondes courtes (OC), les Alliss, qui transmettent les programmes de stations de radio internationales, dont principalement RFI. Ces douze antennes, construites dans les années 90, remplacent un centre plus ancien, qui date, lui, des années cinquante. Mais voici que, au bout de la plaine, nous entrons dans Issoudun par le faubourg de Saint-Paterne par la route de Châteauroux et la rue des Alouettes. Pour Wikisara, des travaux de construction ont été menés en 1839 sur la section du «pont de l’Etang-le-Roi au sud-ouest» de la ville et on a fait des «réparations» dans la traversée de la ville en 1839. En feuilletant quelques articles de la presse locale, on apprend que le marais qui s’étendait de la porte Saint-Jacques jusqu’à l’étang du Roi «fut asséché et transformé en prairie au début du XVIe siècle». Plus tard, «on y construisit la route royale reliant Bourges à Châteauroux; le tracé fut repris par la R.N.151» («Issoudun, à la recherche des lieux disparus», La Nouvelle République). Puis, c’est une série de grands boulevards (Pierre-Favreau, Stalingrad, Max-Dormoy) qui permettent à la R.N.151 de 1959 de contourner le centre historique, dont l’histoire est très ancienne. Au Moyen-Age, en effet, «Issoudun est la deuxième ville du Berry», raconte le site issoudun.fr. A la fin du XIIe siècle, la ville, dont le nom rappelle sa position élevée (tout est relatif dans cette vaste plaine…), est «située à la frontière des royaumes de France et d’Angleterre. Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion se battent pour la possession de la cité, dont les remparts sont renforcés. Les travaux de construction de la grande tour sont lancés en 1195. Ils s’achèveront en 1202», précise encore le site internet municipal.

La limite départementale entre Indre et Cher se trouve peu après Issoudun, juste avant Chârost (photo: MV, octobre 2019).

A la Révolution, le choix de Châteauroux, alors seconde ville du Berry, comme préfecture du nouveau département de l'Indre, nuit au développement d'Issoudun. Mais c'est le refus des notables de la ville d'être une ville-étape de la nouvelle route Paris-Toulouse, qui va reléguer la cité au second-plan... Une affaire qui aura prodigieusement irrité Honoré de Balzac, qui s'est exprimé en voisin sur le sujet (il a habité le château de Frapesle en 1834, 1835 et 1838)... «Quand on s'occupa de la route de Paris à Toulouse, il était naturel, dit le célèbre écrivain, de la diriger de Vierzon sur Châteauroux, par Issoudun. Mais les notabilités du pays et le conseil municipal, demandèrent la direction par Vatan, en objectant que, si la grande route traversait leur ville, les vivres augmenteraient de prix, et que l'on serait exposé à payer les poulets trente sous»... La sortie d’Issoudun se fait -très logiquement- par la route de Bourges qui est tout aussi rectiligne que le tronçon Déols-Issoudun. La voie est dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe) jusqu’à Chârost et Saint-Florent-sur-Cher. La «route royale» du XIXe, visible sur la carte d’état-major (1820-1866) apparaît bien plus rectiligne… A Chârost (Cher), un site personnel, merat.michel.free.fr, évoque l'histoire de la traversée de l'Arnon. Il y avait, avant le XIXe, deux ponts sur cette rivière. Pour remplacer ceux-ci, un plan est établi en 1846. Il s'agit aussi de réaménager la route de 3e classe n°151 dans la traverse du village. Les travaux, raconte le site personnel, «sont réalisés sous la Seconde République (...). Les matériaux proviennent en grande partie de la région: pierre de Saint Florent, sable de la rivière du Cher»... La R.N.151 de 1959 utilise toujours cet ouvrage. Aujourd’hui, les parapets de pierre ont disparu, remplacés par des parapets métalliques afin de permettre l’élargissement de la chaussée. «Le goudronnage de la Grande-Rue est à l’étude dès 1924. En 1932 et 1933, les rues principales seront goudronnées ou regoudronnées», lit-on sur marieannechabin.fr qui évoque la vie locale. L’éclairage municipal est installé après la moitié du XIXe, ce sont «douze réverbères anciens remis à neuf provenant de la ville de Châteauroux», signale encore ce site.

Traversée de Chârost (photo: MV, octobre 2019).

De l’autre côté de l’Arnon, voilà le Faubourg et l’avenue du 8-mai-1945 où notre voie prend la direction de Saint-Florent-sur-Cher, une dizaine de kilomètres plus loin. Plusieurs documents issus des archives nationales nous laissent penser que la rectiligne route empierrée, entre Issoudun et Bourges, a été réalisée entre les dernières années de l’Ancien régime et la période du Consulat. En lisant l’Essai sur les assemblées provinciales, et en particulier sur celle du Berry, 1778-1790, on remarque que le passage de la chaussée par Saint-Florent n’avait rien d’évident: «En 1767, M. de Trudaine fit faire le tracé de la route par Villeneuve, ce qui aurait raccourci le trajet de 900 toises. Le pont à construire en cet endroit était évalué à 300.000 livres. Les travaux de la route furent commencés, déjà près de 22.000 livres étaient dépensées, quand le duc de Chârost parvint à conserver à Saint-Florent la route et le passage qui ont fait la fortune de ce bourg; il s'appuya surtout sur ce qu'on serait dans la nécessité d'entretenir le chemin de Bourges à Saint-Florent, qui fournissait à la ville la tuile, la chaux et les carreaux, et contribuait à son approvisionnement en bois». «La naissance de Saint-Florent est liée à l’existence d’un gué naturel sur le Cher, découvre-t-on sur le site ville-saint-florent-sur-cher.fr, Il semble même que le premier village sur la rive droite du cher soit édifié par les Gaulois. À l’arrivée des conquérants romains, un bourg déjà important est implanté». On note d’ailleurs une forte emprise romaine sur la cité, vite dénommée Vicus Aureus, puisque les cartes routières nous montrent, de part et d’autre du bourg, une «chaussée de César» qui s’oriente sur Bourges (c’est notre voie antique de Poitiers). Ce sont aussi les Romains, signale le site municipal, «qui construisent le premier pont sur le Cher». Par ailleurs, cette rivière, navigable jusqu’en 1735, puis flottable jusqu’en 1855, favorise le transport de nombreuses marchandises (ardoises, poissons...), mais également la flottaison de bois provenant des forêts de Tronçay et de Cérilly. Le bourg de Saint-Florent profite largement de ce commerce.

Carte de 1933 montrant la R.N.151 entre Châteauroux et Avallon (Routes à priorité, éditée par le laboratoire de médecine expérimentale pour le corps médical).

A Saint-Florent-sur-Cher, c’est autour des restes du pont romain que l’on a bâti les autres ouvrages. Un nouveau pont (de pierre) est construit sous l’impulsion du prince de Condé, réparé et renforcé en 1641 par l’architecte Jean Lejuge. Mais plusieurs piles sont détruites par les crues de 1642; neuf arches sont, par la suite, emportées par les flots en 1707. On refait alors 100 m de pont en bois. En 1823, rebelote, les crues du Cher et de l’Auron détruisent tous les ouvrages établis sur ces rivières. Alors, un nouveau pont de sept arches de plein cintre est réalisé de 1827 à 1832. Constamment amélioré, il est toujours en service (Wikipédia). On quitte Saint-Florent par l’avenue du Général-Leclerc. Il reste une quinzaine de kilomètres à parcourir jusqu’à Bourges. Ce ne seront pas les plus agréables du parcours. Nous longeons des centres commerciaux, des entrepôts, des usines, des échangeurs et… même l’aérodrome de Bourges, créé en 1928. L’avenue Marcel-Haegelen (ancien as de l’aviation à l’origine de l’aérodrome) nous emmène vers le faubourg d’Auron. Voici Bourges, bâtie sur une colline baignée par l’Yèvre et l’Auron. «De quelque côté qu'on aborde la ville, surgit de la Champagne berrichonne , à des kilomètres à la ronde, l'imposante et majestueuse silhouette de sa cathédrale»... écrit le Guide Vert Périgord-Limousin-Quercy. Et c’est vrai que la ville en impose avec sa longue histoire. Capitale de la tribu des Bituriges, la cité est prise d'assaut par César en 52 av. JC. Il va y massacrer les 40.000 Gaulois qui s'y étaient enfermés... Passée sous la domination de Rome, Avaricum retrouve de son faste. La ville est reliée au reste de la Gaule par un vaste réseau de voies romaines et se trouve même être la capitale d'une large province. En 1100, suite au rattachement du Berry à la couronne de France, Bourges passe sous la coupe de Philippe Ier. Louis VII, son petit-fils, est même couronné dans l'église de Bourges. Mais son mariage avec Aliénor d'Aquitaine va être annulé; ce qui déclenche la guerre entre les Plantagenêts et les Capétiens. De ces temps troublés, date à Bourges, la construction de la Grosse Tour, un colossal système de défense, haut de 33 m et aux murs épais de 6 m. Celle-ci ne sera rasée qu'au XVIIe siècle. En 1415, après la lourde défaite d'Azincourt, le Berry est l'une des rares régions à rester ralliée à la couronne de France. Charles VII, monarque -presque- sans terre est appelé ironiquement le «roi de Bourges» par les Anglais, les ennemis d'alors. Mais deux personnalités hors du commun vont l'aider à recouvrer ses territoires: une jeune bergère de Lorraine (que l'on a déjà rencontré au fil de nos voyages -voir R.N.60) et un homme d'affaire avisé, le Berruyer Jacques Coeur. Celui-ci va amasser un bien considérable, qui va contribuer à la richesse de Bourges. La ville connaîtra, à la disgrâce de Jacques Coeur, un lent déclin, amplifié, le 22 juillet 1487, par un incendie considérable qui ravage près de 3000 bâtiments. Le coup de pouce viendra en 1861, avec Napoléon III qui décidera d'installer, suite à une visite dans la région, de vastes usines d'armement loin de la frontière avec l’Allemagne. La production d'armes de guerre emploiera jusqu'à 20.000 personnes en 14-18. On y a créé le célèbre canon de 75 mm, fétiche français de la Grande guerre.

R.N.76: TRES CHER BERRY
La route nationale Tours-Bourges-Nevers se glisse le long des "jardins de la France"... Un voyage inoubliable dans le temps et l'espace... (lire)

R.N.140: ROULEZ VERT!
Jusqu'à Figeac, par Bourges, Guéret, Tulle... la route nationale 140 historique fait un sacré bout de chemin en travers de l'Hexagone! L'occasion de se promener au milieu des plus beaux paysages! (lire)

Nous traversons Bourges sur les grand boulevards créés de 1880 à 1910 (departement18.fr) pour relier la gare avec le canal du Berry (déclassé en 1955) et les établissements militaires de la ville. De la gare, nous rejoignons l’avenue Pierre-Semard puis la «route de la Charité» qui s’étire vers Sancergues depuis le faubourg Saint-Privé. Celle-ci longe les fameux «marais de Bourges». Ces terrains marécageux qui entouraient la cité, écrit ville-bourges.fr, ont longtemps assuré sa défense. Au XVIIe siècle, les jésuites achètent une partie de ces terres inondées et les louent à des particuliers qui les transforment en parcelles cultivables. Avec la Révolution et la vente des biens nationaux, cette mise en culture s'intensifie: les maraîchers ou «maretiers» vont alimenter la ville en fruits et légumes pendant trois siècles jusque dans les années 70... Je n’ai pas trouvé beaucoup d’infos sur la sortie de Bourges en direction de La Charité-sur-Loire. La carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN montre une inflexion de l’ancienne chaussée par le moulin de Chape (Chappe aujourd’hui) avant le passage à Saint-Germain-du-Puy. La chaussée ultérieure va, elle, tout droit vers Saint-Germain. Ici, c'est en 1760 qu’auraient eu lieu des travaux de construction de la voie de Poitiers à Avallon. Wikipédia mentionne également que deux relais de poste sont prévus entre Bourges et Sancergues, dont un à Brécy (lieu-dit «La Poste»).

Après Bourges on retrouve les vastes campagnes coupées de quelques bois (photo: MV, octobre 2019).
Vers Sancergues (photo: MV, octobre 2019).
Traversée de Saint-Martin-des-Champs (photo: MV, octobre 2019).

Mais ce tronçon nous révèle quelques surprises. Peu après avoir dépassé Nohan-le-Goût, on constate que, jadis, la «route de Bourges à la Charité» passait par Villabon et Baugy (où l’on trouvait un relais postal) pour ensuite remonter vers Sancergues par Pignoux, Sevry et la Crocheterie. C’est en tous cas ce que l’on voit sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN. Et ce que l’on découvre dans l’Itinéraire complet de la France en 1790, qui écrit notamment: «A Baugy, entre la côte et le hameau du Bois-Blanc, et le long d'un étang. Pente rapide». Sur la carte d’état-major du XIXe (1820-1866), c’est une ligne droite qui coupe le paysage entre Brécy («La Poste») et Sancergues. Indiquée dès 1816 par l’Itinéraire du royaume de France, divisé en cinq régions, de Hyacinthe Langlois, qui signale: «A Sancergues, à Charantonet, aux Trois-Brioux, à Marsilly; côte et bois de Brecy à passer, à Brecy; vallon, petit bois de St-Firmin, avenues du château de Montbranche, pont; vignes»... Mais la route n’était sans doute pas encore totalement achevée, comme en témoigne la Situation des travaux de 1839 qui nous dit que la lacune de Sancergues «est exécutée et livrée à la circulation sur 250 m. Les terrassements sont achevés aux 9/10e sur la longueur totale». On arrive à Sancergues par la rue de la Carolerie. Le bourg, raconte sancergues.fr, a été fondé au IXe siècle et «débute avec la construction de l’église par l’archevêque de Bourges. Le reste de la localité s’est formé autour, sous la seigneurie de Saint Martin des Champs». On traverse la Vauvise pour d’ailleurs se retrouver illico dans le village de Saint-Martin-des-Champs. Peu après, au sud de l’itinéraire du XIXe siècle, la carte d’état-major (1820-1866) de l’IGN pointe une «ancienne route de Bourges à la Charité» qui survit dans les bois des Petits et des Grands-Ports. Il y a huit kilomètres entre Sancergues et la Charité-sur-Loire, l’une des belles étapes de notre trajet. Après avoir traversé le canal Latéral à la Loire (mis en service en 1838), l’avenue Jacques-Cœur nous emmène tout au bord du fleuve, au niveau du lieu-dit la Barque. En face de nous, le Faubourg, juché sur son île et les quais de la Charité, au deuxième plan. Là, saint Hugues, abbé de Cluny, fonde en 1059 un monastère qui deviendra rapidement une ville-étape sur les chemins du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. La Charité vit aussi grâce à son port de commerce et de son pont sur la Loire, alors le seul entre Nevers et Gien. Devant l’importance prise par la Charité, Cluny décernera à la ville le titre de «fille aînée» au XIIIe siècle, écrit le Guide du Routard Bourgogne.

R.N.7: LA ROUTE DES MILLE BORNES
La N7 est sans doute la plus connue de nos nationales historiques. Voilà la plus sympathique des balades vers la Côte d'Azur... A la hauteur de Nevers, la route quitte la Loire pour suivre l'Allier (lire)

Détail d'une plaque de cocher à la Charité-sur-Loire (photo: MV, octobre 2019).
Les quais de la Loire à la Charité. Les manoeuvres des poids lourds y sont très difficiles (photo: MV, octobre 2019).

En 1959, il y a là deux ponts; le premier relie la rive ouest au Faubourg (sur le petit chenal), actuellement en béton (1950), il fut précédé au fil des siècles par des ouvrages de bois souvent rapidement emportés par la débâcle des glaces, puis par un pont suspendu (1841) et un «pont de fonte» (1868) détruit par les Allemands en septembre 1944, voit-on dans l’article «Evolution des ponts et du lit mineur de la Loire, entre la Charité-sur-Loire et la Chapelle-Montlinard» publié en décembre 2014 (Développement durable et territoires, vol. 5, n°3). Dès l’arrivée de notre véhicule dans l’étroit Faubourg, nous voici dans la Nièvre. La voie, très passante, demande de l’agilité aux camionneurs qui souhaitent emprunter la R.N.151… L’ouvrage situé face à la Charité sur le bras principal de la Loire est le plus imposant. A-t-il succédé à un gué? Nul ne le sait… car le cours du fleuve, capricieux, a changé plusieurs fois depuis l’ère antique, et les vestiges sont souvent enfouis sous la terre ou emportés depuis belle lurette par les flots… Le fréquent passage de pèlerins en route pour Compostelle plaide en faveur d’un ouvrage de bois dont l’existence semble avérée au XIIe siècle. Plus tard vient le temps d’un pont de pierre; à lire l’article précédemment cité, un tel ouvrage aurait pu être bâti à la Charité entre la fin du XIIe et le XVe siècle. Une gravure de 1640 montre l’ouvrage de pierre, avec en son centre, une tourelle défensive et des portes fortifiées de chaque côté du fleuve. Après une première reconstruction au XVIIe par les ingénieurs Berthe et Poictevin, trois arches sont refaites en 1738 et tous les becs du pont sont restaurés. La Deuxième Guerre mondiale apporte son lot de destructions: le pont saute le 16 juin 1941 afin de tenter de ralentir l’armée allemande et en 1944 par les Allemands qui essayent de freiner les armées alliées… En 1959, la route nationale 151 traverse la Charité d’ouest en est par la Grand-Rue et l’avenue Gambetta (D245a). Il y a 36 kilomètres à parcourir jusqu’à Varzy, notre prochaine étape. Au XVIIIe siècle, le «chemin de Varzy» porte aussi la dénomination de «chemin des troupes». Je n’ai pas trouvé la raison de cette appellation. Peu avant Nannay, la route du XVIIIe, indique Cassini, devait longer la Sillandre au sud des Moutots, alors que la chaussée d’aujourd’hui, filant sur les traces de la route du XIXe, traverse le bois de la Maltrace avant d’aborder les premières maisons du village. Même différence après Châteauneuf-Val-de-Bargis, la voie de jadis, dessinée sur la carte de Cassini publiée par le Géoportail, s’oriente sur le Potin et les Carrés avant de revenir vers les Pontots. Sur la carte d’état-major du XIXe (1820-1866), la route n°151 fait une longue courbe autour du bois Carcot, rejoint les Bornets et s’enfonce dans les Grands-Taillis après les Pontots. Pour Wikisara, la section La Charité-Nannay est datée de 1817, celle de Nannay à Châteauneuf-Val-de-Bargis de 1810 et celle de Châteauneuf-Val-de-Bargis à Varzy de 1825. Vers Varzy, la rectification de la rampe «dite de Saint-Lazare» reçoit sa déclaration d’utilité publique le 29 avril 1872, découvre-t-on dans les Annales des ponts et chaussées de cette année-là.

En direction de Clamecy (photo: MV, octobre 2019).
Plaque de cocher à Nannay (photo: MV, octobre 2019).
A Varzy, en 1959, la R.N.151 s'interrompt pour laisser la place à la R.N.77. Aujourd'hui, la R.N.151 file jusqu'à Auxerre (photo: MV, octobre 2019).

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En 1959, le tracé de la R.N.151 s’interrompt à Varzy pour se fondre dans celui de la R.N.77 jusqu’à Clamecy. De là, notre route «de Poitiers à Avallon» (qui porte désormais l’appellation D951) suit les méandres de l’Yonne puis de l’Armance jusqu’à Dornecy. Cette chaussée est certainement une réalisation du XIXe siècle puisqu’elle n’apparaît pas sur la carte de Cassini publiée par l’IGN. Cette voie, précise Wikisara, daterait des années 1834 à 1835. On voit cependant qu’il y avait par là un chemin; quand on lit l'Itinéraire du royaume de France en 1816, on remarque en effet ceci: «Une route de communication d'Avallon à Vézelay, petite ville, patrie du célèbre Théodore-de-Bèze, se prolonge jusqu'à Clamecy, où elle s'embranche à celle d'Auxerre à Bourges par la Charité». En tous cas, un chemin carrossable existe en 1846, puisqu’une ordonnance royale du 4 novembre de cette année-là prévoit la construction d’un «embranchement entre Cuzy et la route royale n°151, à Dornecy». Après avoir traversé le bois des Fontenottes, voilà Chamoux (Yonne). Auparavant, on aura remarqué la rectification dans les bois, autour du carrefour avec la départementale 100. Il ne reste que peu de kilomètres avant d’atteindre Vézelay, que l’on aperçoit dès la vallée des Tannières.

La D951 vers Chamoux (photo: MV, août 2014).

Les premières traces d'activités humaines dans la région remontent à 2000 ans avant JC. Plus en amont dans le temps, c’est le sel qui est récolté non loin de Vézelay sur le site des Fontaines-Salées. Puis les Romains implantent la culture de la vigne sur la butte (Wikipédia). Mais, écrit le Guide Bleu Bourgogne-Lyonnais, c’est la «création, (au milieu du IXe siècle) par Girard de Roussillon et de son épouse Berthe», d’une abbaye à Vézelay, qui va changer le destin de la «colline inspirée». Après des années d’incertitudes, dues aux invasions normandes, la présence de reliques attribuées à Marie-Madeleine, sœur de Lazare, y font affluer les pèlerins La petite cité, dit encore le Guide Bleu Bourgogne-Lyonnais, «devient le point de départ d’une des quatre routes françaises pour les pèlerinages de Saint-Jacques-de-Compostelle». Au XIIe siècle, deux croisades trouvent leur origine à Vézelay; Saint Louis fait quatre fois au XIIIe siècle le pèlerinage des reliques de Marie-Madeleine. Mais la découverte «d’autres reliques» de la sainte à Saint-Maximin à la fin du XIIIe siècle fait perdre beaucoup de visiteurs à Vézelay. L’abbaye est sécularisée en 1538; la ville, un temps soumise aux protestants, souffre durant les Guerres de religion. En août 1834, Prosper Mérimée découvre l'église abbatiale de Vézelay et s'alarme de son état. Entre 1840 et 1859, une très longue campagne de restauration est dirigée par l'architecte Eugène Viollet-le-Duc (Wikipédia). C’est à peu près de cette époque que date la dernière évolution de la «route de Poitiers à Avallon». En 1846, une ordonnance royale fait rectifier la route n°151 vers Blannay par Asquins. Il s’agit-là de retrouver la nouvelle route n°6 qui pointe désormais vers Avallon depuis le milieu du XIXe siècle. A la suite de cette rectification, lit-on en 1858 dans l’Almanach administratif, historique et statistique de l’Yonne, «on abandonnerait Saint-Père et Pontaubert», des bourgs reliés par une chaussée pourtant directe vers Avallon qui avait été réalisée (autour du chemin du XVIIIe) de 1833 à 1836 (Wikisara). Enfin, «autour de Vézelay, écrit Victor Petit en 1870 dans la Description des villes et campagnes du département de l’Yonne, la pente de la nouvelle route d’Avallon fut trouvée trop forte et tout récemment on traça par le flanc méridional de la montagne, c’est-à-dire en contournant toute la ville, une route à pente douce qu’on pourra monter en "trottant"». Trois kilomètres après Vézelay, notre R.N.151 de 1959 atteint Asquins. Dans ce petit village, traversé par d’antiques voies, on remarque que l'ancien chemin vers Vézelay passait en haut du coteau pour arriver à la porte Neuve et, dans le prolongement, à la porte Saint-Étienne, car, avant la moitié du XIXe siècle et la réalisation de la nouvelle chaussée vers Blannay, «la Cure mouillait le pied du coteau au sud du bourg», écrit Wikipédia. On voit bien ce vieux chemin sur la carte d’état-major du XIXe (1820-1866) publiée par l’IGN sur le Géoportail. Encore de cinq à six kilomètres le long de la Cure et voilà Blannay avec son pont de trois arches sur la rivière qui oriente notre chemin vers la route n°6. «L’ouvrage a été construit en 1854 au service de la route d’Avallon à Poitiers par Vézelay», signale en 1870 Victor Petit dans la Description des villes et campagnes du département de l’Yonne. Nous aurons parcouru 222 km depuis Châteauroux.

Marc Verney, Sur ma route, septembre 2021

De charmants paysages autour de Vézelay (photo: MV, août 2014).

R.N.6, LA ROUTE DES ALPES
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