C'est juste après le village des Bézards, sur la nationale 7 (D2007), que l'on trouve la célèbre «bifur», le carrefour qui voyait la R.N.140 historique quitter la route de la Côte d'Azur pour prendre la direction de Gien. Le lieu, une des grandes étapes sur les chaussées menant vers le Sud, a bien changé depuis l'époque héroïque des premiers voyages automobiles... La nationale 140, encadrée de longues rangées de platanes centenaires, filait en quasi ligne droite jusqu'aux premières maisons de Gien. Au lieu-dit le Poteau (commune de Boismorand), un vaste carrefour giratoire a fait disparaître l’embranchement où trônaient jadis de vénérables panneaux Michelin. Même la vieille chaussée de béton, coulée dans les années 70, a été remplacée en 2009 par un enrobé noir bien ordinaire organisant une circulation à 2 X 2 voies. Quant aux platanes, à l’ombre si agréable en été, ils ont été liquidés à partir d'octobre 2005... Au Petit-Bouland, le passage du Vernisson a été rectifié en 1976, nous signale Wikisara. Une voie totalement rectiligne traverse dès lors les lieux-dits de la Croix de Saint-Vrain, de la Gâcherie, de la Maltournée, de la Métairie-Neuve. Alors, on passe vite les multiples ronds-points de l’actuelle D940, pour, enfin, jouir, à Gien, du beau regard sur les rives de la Loire et de son vieux pont.
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L'échelle
des crues à côté du pont sur la Loire à
Gien (photo: MV, août 2011). |
Difficile d’échapper au contournement de Gien. Au rond-point, c’est la rue de la Bosserie qui représente l’ancien accès à la ville. Hélas, c’est désormais une impasse, coupée par la voie de chemin de fer (ligne du Bourbonnais) et il faut réaliser un long détour pour retrouver le tracé de l’ancienne R.N.140, qui est matérialisé par la rue du 32e-Régiment-d’Infanterie. On continue par l’avenue de la République, la rue de Paris et l’avenue du Maréchal-Leclerc qui aboutit au quai Joffre. L’histoire de la cité tient beaucoup à son implantation, comme souvent… «Au Moyen-Age, écrit le site gien-tourisme.fr, la construction d’une forteresse pour défendre la ville attire le peuple en quête de protection. Mais cette ascension donne lieu à des rivalités entre seigneurs puis à des guerres, auxquelles le roi Philippe Auguste met fin. Cette intervention vaut à la ville d’être incorporée à la Couronne en 1199». Le centre-ville, qui était donc riche en vieilles demeures, est ravagé durant les combats sur la Loire, le 15 juin 1940. Au total, nous précise Wikipédia, «422 immeubles ont été totalement détruits et 921 partiellement» mais le château est heureusement épargné. Le projet de reconstruction, voulu par le gouvernement de Vichy est initié dès la fin 1940. Il ne se lancera vraiment qu’après la fin de la guerre, en 1946. Le chantier, préparé par l’architecte André Laborie, nous dit encore Wikipédia, «se situe dans la ligne du retour à l'esprit français et à la tradition» (il faut dire que ce sont les plans de Vichy qui sont suivis). La voie d'accès au vieux pont (l’avenue du Maréchal-Leclerc) voulue à l'époque nous amène directement à la Loire. Ce nouvel axe Nord-Sud, signale la Société historique et archéologique du Giennois (SHAG), permettait de résoudre les problèmes de circulation «dans un centre-ville enclavé entre la Loire et la butte du château» et a été réalisé «en mordant sur les parcelles partiellement ou totalement détruites».
GIEN A VOIR, A FAIRE Le château-musée de Gien, chasse, histoire et nature en Val-de-Loire, l'église Sainte-Jeanne-d'Arc (reconstruite dans les années 50, elle surplombe la ville, seul le clocher a résisté aux bombardements de juin 1940), le musée de la Faïencerie, les bords de Loire. |
Le pont actuel, «avec sa forme caractéristique en dos d'âne» dit la SHAG, date de 1734. Mais un premier pont de pierre, remplaçant un difficile gué, avait vu le jour en 1246, à la demande du comte de Gien. Disloqué en 1458 par la débâcle du fleuve, il sera régulièrement entretenu par Anne de Beaujeu (1461-1522). Cependant, «la terrible crue du 28 mai 1733 marque la fin du pont du XIIIe siècle», voit-on sur le site gien-histoire-patrimoine.fr. L'ouvrage d'aujourd'hui est cependant toujours bâti sur les solides piles de son prédécesseur. En témoignent, révèle encore la SHAG, les «douze arches inégales reposant toutes sur des piles de formes différentes». Amusant: rive droite, on peut remarquer, à côté de l'échelle des crues, une plaque marquant les distances entre Gien et d'autres cités de bord de Loire. Ainsi, on constate que Gien est à 72,640 km d'Orléans ou bien à 388,678 kilomètres de Nantes... En direction du sud, passé le faubourg de Gien, la route prend la direction de Bourges. Là aussi, même s'il reste encore quelques beaux arbres le long de l'axe ancien, les paysages urbains évoluent à grande vitesse. Depuis 2011, l'apparence de la nationale 140 historique (D940) entre Loiret et Cher a considérablement évolué: ronds-points, créneaux de dépassement... si les apparences changent, le bitume reste, lui, incroyablement droit: dix-neuf kilomètres sans virage jusqu'à Argent-sur-Sauldre. Nous voici, nous raconte le Guide Bleu de la France automobile 1954, à «l'extrémité orientale de la Sologne, plaine de 500 km2, jadis marécageuse, assainie au XIXe siècle».
«La création de la route royale de Paris à Bourges par Gien provoqua de nombreux conflits» dans la région, écrivent Dominique Massounie et Vincent Dupanier dans l’article «Autour du cas d’Argent-sur-Sauldre: l’embellissement des chemins dans la seconde moitié du XVIIIe siècle». Plusieurs lettres, plans et documents, écrivent encore les auteurs de l’article, «documentent cette longue entreprise». Mais c'est d'abord Sully, au tout début du XVIIe siècle, alors ministre et Grand Voyer de France, qui veut relier ses possessions en Berry à Paris... Il investit sans compter sur certains tronçons de la route Bourges-Paris. Quelques années plus tard, entre 1767 et 1776, un intendant, Dupré de Saint-Maur entend faire de Bourges un carrefour routier majeur. Des chaussées sont notamment projetées vers Châteauroux, Vierzon, Nevers ou encore Guéret, peut-on lire dans l'Histoire de Bourges d'Emile Mesle. Une petite partie seulement de cet ambitieux plan sera réalisée: sous Dupré de Saint-Maur, les travaux furent «peut-être» entamés entre «1771 et 1774» signalent de leur côté Dominique Massounie et Vincent Dupanier pour le tronçon Gien-Bourges qui sera finalisé vers 1777. Assurément, les travaux étaient souvent d’une insigne lenteur sous l’Ancien Régime et pas toujours de bonne qualité. Une lettre d’avril 1771 citée par l’article «Autour du cas d’Argent-sur-Sauldre: l’embellissement des chemins dans la seconde moitié du XVIIIe siècle» et signée par l’ingénieur Valframbert –en poste dans la province- nous éclaire à ce sujet: «Pour faire plus d’ouvrages, on a employé à ces chaussées au lieu de bonnes pierres, un espèce de tuf qui est par feuillets, et qu’on trouve presque partout dans les fossés même de la route. En fait, on se contente de le placer au milieu du chemin sans encaissement, arrangement de pierre, ni bordure. Et comme la gelée, l’air, la pluie, et les rouages le réduisent chacun en poussière et en boue, ces amas de pierre seront bientôt anéantis».
Le premier virage se situe à Argent-sur-Sauldre. Ici, la route se détourne un tantinet depuis 1975 du petit centre où se trouvent les relais de la Poste et du Cor d'argent. Pour le site argentsursauldre.com, «l'origine d'Argent semble très ancienne. On retrouve le nom Argento sur des monnaies mérovingiennes (...). Argent figure dans un texte de 1217». Traversé «autrefois par l'ancienne voie romaine reliant Orléans à Sancerre, écrit encore le site municipal, vraisemblablement fortifié en raison de sa situation stratégique, Argent est né en bordure de Sauldre, en prolongement de l'unique gué de la rivière situé en bas de l'actuelle rue de la Madeleine, la rue la plus ancienne de la commune». Un premier pont en bois sur la Sauldre s’écroule en 1740 et est remplacé en 1772 par un ouvrage en pierre, élargi en 1898, et qui supporte encore de nos jours le trafic automobile de la D940. On traverse aussi à Argent le canal de la Sauldre, «sans queue ni tête», dit argentsursauldre.com, puisqu'il ne relie que Blancafort à Lamotte-Beuvron (47 km). Mis en service en 1869, il servait essentiellement à transporter la marne du Pays-Fort afin d'amender les terres agricoles de Sologne. Il est déclassé en 1926; l’activité s’interrompt totalement en 1941. Une nouvelle et immense ligne droite d'une cinquantaine de kilomètres nous emmène jusqu'à Bourges. La route se joue des collines et des douces vallées: l'ondulation du bitume nous laisse entrevoir des paysages agricoles sereins; ici et là des forêts touffues couronnent l'horizon.
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Plaque
Michelin située à Aubigny-sur-Nère (photo:
Marc Verney, décembre 2011). |
Lovée dans ce décor bucolique, voici Aubigny-sur-Nère, huit kilomètres au sud d’Argent. «Fondée à l’époque gallo-romaine d’une villa implantée sur les bords de la Nère, elle se développe surtout à partir du XIIe siècle lorsque Philippe Auguste y fait édifier un château», signale le site petitescitesdecaractere.com. Mais la période la plus étonnante de son histoire se déroule durant la guerre de Cent ans: pour bouter l'Anglais hors de France, Charles VII demande l'aide des Ecossais, alors ennemis jurés de la Couronne d'Angleterre. Ceux-ci, dirigés par John Stuart, sont vainqueurs de l'armée anglaise à Beaugé. Et Charles VII, obligé de remercier John Stuart, va lui donner la terre d'Aubigny-sur-Nère. «Grâce aux seigneurs écossais, l’industrie et le commerce du drap sont très florissants au XVIe et XVIIe siècles. Les maisons des ouvriers employés à la manufacture sont regroupées dans les faubourgs d’Argent, d’Oizon et de Sainte-Anne», apprend-on sur le site aubigny.net. La cité ne reviendra à la couronne de France qu’en 1672, au moment de l’extinction de la lignée des Stuarts. Ce qui fait qu'aujourd’hui encore, cette petite cité berrichonne a un «je-ne-sais-quoi» d'écossais dans son ambiance urbaine. Quatorze kilomètres plus au sud, voici La Chapelle-d'Angillon. Encore une cité à l'histoire étonnante! Dotée depuis le IXe siècle environ, d'un statut de principauté, La Chapelle d'Angillon a longtemps exonéré ses citoyens d'impôts; et ce jusqu'au XVIIIe siècle! Grand personnage des lieux, Sully, seigneur de Boisbelle (c'est le nom de la principauté), fit construire une ville nouvelle, Henrichemont, une dizaine de kilomètres à l'ouest de la route. Encore un personnage célèbre ayant vécu en ces contrées: l'écrivain Alain Fournier, auteur du célèbre roman Le Grand Meaulnes.
On passe maintenant la vaste forêt domaniale de Saint-Palais, les villages de Saint-Martin-d'Auxigny, de Fussy, et voilà Bourges, la préfecture du Cher, solidement installée sur sa colline, au confluent de l'Yèvre et de l'Auron. On y entre par l’avenue du Général-de-Gaulle, qui emmène la R.N.140 historique jusqu’au faubourg Saint-Privé. Un passage à niveau très gênant y a été supprimé avec la réalisation d’un contournement (actuelle avenue Jacques-Chirac) en 1967 (Wikisara). La ville a une longue histoire, voit-on sur le site ville-bourges.fr: capitale de la tribu des Bituriges, l'ancienne Avarich est prise d'assaut par César en 52 av. JC. Il va y massacrer les 40.000 Gaulois qui s'y étaient enfermés. Passée sous la domination de Rome, Avaricum retrouve de son faste. La ville est reliée au reste de la Gaule par un vaste réseau de voies romaines et se trouve être la capitale d'une large province. En 1100, suite au rattachement du Berry à la couronne de France, Bourges passe sous la coupe de Philippe Ier. Louis VII, son petit-fils, est même couronné dans l'église de Bourges. Mais son mariage avec Aliénor d'Aquitaine va être annulé; ce qui déclenche la guerre entre les Plantagenêts et les Capétiens. De ces temps troublés, date à Bourges, la construction de la Grosse Tour, un colossal système de défense, haut de 33 m et aux murs épais de 6 m. Celle-ci ne sera rasée qu'au XVIIe siècle.
BOURGES, petite histoire locale... en 1644, nous raconte l'ouvrage Bourges pas à pas, il existait une rue des Ecrevisses. Ce drôle de nom n'a pas été choisi par hasard! En effet, la rue était si étroite, que, lorsque survenait un quelconque carrosse, les piétons devaient reculer rapidement devant l'avancée du véhicule, tout comme des écrevisses... |
En 1415, après la lourde défaite d'Azincourt, le Berry est l'une des rares régions à rester ralliée à la couronne de France. Charles VII, monarque -presque- sans terre est appelé ironiquement le «roi de Bourges» par les Anglais, les ennemis d'alors (ils occupent Issoudun, juste à côté!). Mais deux personnalités hors du commun vont l'aider à recouvrer ses territoires: une jeune bergère de Lorraine (que l'on a déjà rencontré au fil de nos voyages -voir R.N.60) et un homme d'affaire avisé, le Berruyer Jacques Coeur. Celui-ci va amasser un bien considérable, qui va contribuer à la richesse de Bourges. La ville connaîtra, à la disgrâce de Jacques Coeur, un lent déclin, amplifié, le 22 juillet 1487, par un incendie considérable qui ravage près de 3000 bâtiments. Le coup de pouce viendra en 1861, avec Napoléon III qui décidera d'installer, suite à une visite dans la région de vastes usines d'armement. La production d'armes de guerre emploiera jusqu'à 20 000 personnes en 14-18. On y a créé le célèbre canon de 75 mm.
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R.N.76: TRES CHER BERRY
La
route nationale Tours-Bourges-Nevers se glisse le long des "jardins de la France"... Un voyage inoubliable dans le temps et l'espace... (lire) |
BOURGES A VOIR, A FAIRE Bien évidemment, on visitera la vaste cathédrale Saint-Etienne, élevée dans la première partie du XIIIe siècle et désormais inscrite au patrimoine mondial de l'humanité (remarquables vitraux); le palais Jacques-Coeur, dans le vieux Bourges, construit entre 1443 et 1451, est un somptueux exemple d'architecture gothique civile; le musée du Berry, qui rassemble de nombreux restes gallo-romains; la rue Bourbonnoux et ses vieilles demeures; les marais de Bourges, 135 ha de verdure, royaume des maraîchers et des pêcheurs. Spécialité gourmande: la forestine, un bonbon croustillant contenant un onctueux praliné parfumé au chocolat... |
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R.N.151: EN COEUR DE FRANCE (II)
La deuxième partie de la N151 de 1959 part de Châteauroux et se dirige en direction de Vézelay en Bourgogne en sautant la Loire. Historique!
(lire) |
On quitte Bourges par la route de Saint-Amand-Montrond que l'on suit jusqu'à Levet. «La route, plate comme la contrée, est droite comme presque toutes celles du département», écrit M. Vaysse de Villiers, dans son Itinéraire descriptif de la France, en 1830. A Levet, on s'inquiète très tôt d'ailleurs des grandes vitesses atteintes par les automobiles sur cette ligne droite que l'on doit aux Romains: en 1907, peut-on lire sur le site levet.org, un panneau y limite la vitesse des voitures à pétrole à 10 km/h!! C'est dans ce village que l'on prend la direction de Châteauneuf-sur-Cher par la D940 que l'on retrouve à la sortie du village. Suite à la réforme de 1973, la R.N.144 (devenue la D2144) récupère le tronçon Bourges-Levet.
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Gros
plan sur la plaque Michelin de Saint-Hilaire-en-Lignières (photo: Marc Verney, août 2011). |
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Ancienne
publicité peinte à Levet (photo: Marc Verney,
août 2011) |
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Au
croisement de l'ancienne N140 et de la départementale
73, à la sortie de Châteauneuf-sur-Cher (photo:
Marc Verney, août 2011) |
On traverse la forêt de Soudrain. La route, toujours en ligne droite (décidement!), nous raconte le Guide Bleu 1954, «descend insensiblement vers le Cher». Le projet de route reliant Bourges à Guéret par La Châtre n'est pas neuf: en février 1683, Colbert écrivait ainsi à son cousin, intendant du Berry: «Je vous recommande la réalisation du chemin de Paris à Guéret par La Châtre»... mais les chaussées ne seront correctement réalisées que petit à petit, au fil des XVIIIe et XIXe siècles. La carte de Cassini publiée par le site de l’IGN montre un autre chemin vers Châteauneuf-sur-Cher, par Trouy et Saint-Lunaise (actuelle D73). D’ailleurs, en arrivant à Châteauneuf, cette D73 s’appelle «Petite route de Bourges». «Au XIIIe siècle, voit-on sur le site chateauneufsurcher.fr, la cité est divisée en deux villes. Il y a celle du promontoire rocheux, ou ville haute, qui est protégée par l’enceinte des murs et des fossés du château. De son côté, la ville basse est installée au point de passage à gué sur les îles formées par les méandres du Cher». Pendant la réalisation de la chaussée de Figeac à Montargis, la morphologie de la petite cité de Châteauneuf-sur-Cher sera profondément modifiée par les divers chantiers des ponts et levées réalisés sur la rivière. Sur la rue de la Chaussée, qui traverse le centre-ville, quatre ponts se succèdent aujourd’hui, ce sont des ouvrages réalisés de la fin du XVIIe au début du XVIIIe siècle: le pont de la Boucherie qui enjambe le bief alimentant jadis une tréfilerie, le pont de Madame-Mille, anciennement pont Ausserie, le pont Vieux, ou pont Marchand et le pont Neuf.
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Anciens
panneaux indicateurs de la R.N.140 historique à Châteauneuf-sur-Cher,
29 km au sud de Bourges (photo: Marc Verney, août 2011). |
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Extrait
de l'Atlas de Trudaine pour la Généralité de Bourges
n°12 (XVIIIe siècle). On y voit clairement l'état du
Grand Chemin de Bourges à La Châtre vers Lignières. Origine du
document: culture.gouv.fr. |
A 17 km, voilà Lignières, où la R.N.140 historique franchit l’Arnon. Comme à Châteauneuf, de nombreux travaux de voirie y ont été menés sous l’Ancien Régime. On retrouve les traces de ces activités dans l'Atlas de Trudaine, réalisé au cours du XVIIIe siècle et disponible en ligne sur le site culture.gouv.fr. Il faut souligner la grande précision des informations accompagnant les cartes... ainsi, ce texte, décrivant les approches de Lignières sur l'Arnon: «Chaussée de pavé d'échantillon sous laquelle sont construits une levée... percée de deux ponceaux de six pieds d'ouverture chacun et d'un petit pont de trois arches ayant même ouverture... à cette levée succède une levée... revêtue de murs et de parapets, laquelle est percée de douze arches de huit pieds d'ouverture chacune et se termine au fossé de la ville de Lignières». «L’actuelle ville de Lignières s’est développée autour d’une place forte tenue par les chevaliers de Lignières du XIe au XVe siècle jusqu’au mariage de la dernière héritière de la lignée avec Edouard de Beaujeu, attaché aux familles de Bourbon d’Orléans, en 1431», indique le site comcomabc.fr de la communauté de communes Arnon-Boischaut-Cher. La promenade se poursuit dans l'Indre vers La Châtre. La route est dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN. Ce département est traversé sur un peu plus de 35 km par l'ancienne N140. En 1804, peut-on voir dans L'Indre et d'après la Mémoire statistique du département de l'Indre, la route Bourges-Tulle est pavée sur 7,3 km, empierrée sur 9,8 km. Reste à faire: 18,3 km. Il y a du boulot! Après avoir longé un circuit automobile, voilà donc La Châtre, jolie petite cité qui s'étage doucement le long de la rivière Indre. Nous sommes là au pays de George Sand, «bonne dame» de Nohant, femme et écrivaine exceptionnelle qui a beaucoup sillonné les voies de la région. Dans l’ouvrage Le Berry dans l'oeuvre de George Sand de Marie-Louise Vincent, on apprend que «l’ancienne route de Lignières à La Châtre, rectifiée en 1780, passait au milieu de l’étang de Thevet». «Les premières sources évoquant La Châtre remontent au milieu du XIe siècle», raconte le site amisvieuxlachatre.fr. C'est l’installation à cette époque d’un collège de chanoines par Ebbes de Déols qui marque les débuts de la cité. Plus tard, au début du XVe siècle, en réponse à l'insécurité due à la guerre de Cent Ans, la ville se dote de nouvelles enceintes. La superficie de la ville passe alors d’environ 2 hectares à plus de 5 hectares. Au bord de l’Indre, on trouve moulins à blé et à tan, tanneries et teintureries. Des industries qui vont contribuer, avec les foires et marchés, «à la prospérité de la ville», signale encore l'Association des amis du vieux La Châtre. L’enceinte fortifiée est détruite en 1778. En 1882, on inaugure la gare du chemin de fer et la ligne venant de Châteauroux; celle-ci se poursuivra vers Montluçon en 1884. Notre R.N.140 historique arrive dans la ville par l’avenue du Berry et traverse l’Indre sur le pont du Lion-d’Argent, restauré en 1839, signale la Situation des travaux.
LA CHATRE A VOIR, A FAIRE Située à 6 km seulement au nord de La Châtre, Nohant est le village qui abrita souvent George Sand (1804-1876). La demeure de l'écrivaine qui s'habillait en homme est un petit château construit vers 1760. On y visite toutes les pièces où George Sand recevait (et aimait parfois) les plus grands noms de l'art de son époque. Une jolie phrase de cette auteure atypique: «Voyager, c'est apprendre; savoir, c'est exister». |
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R.N.151bis:
MA BELLE DIAGONALE
En 1959, la route n°151bis relie Chasseneuil-sur-Bonnieure à Saint-Pierre-le-Moûtier. Où comment redécouvrir la France tranquille des anciennes régions du pays (lire) |
La R.N.140 de 1959 quitte La Châtre par la rue Nationale et la «route de Guéret». Il reste 55 km à parcourir jusqu'à la préfecture de la Creuse. Nous roulons dans la région de la Marche (c'est ainsi que les régions frontières du royaume de France étaient jadis appelées). La carte de Cassini (XVIIIe siècle) publiée par l’IGN montre un «chemin de Limoges» entre La Châtre et Guéret passant par Genouillac et Glénic. Une carte publiée dans l’ouvrage Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle, 1845-1880, indique que la route n°140 jusqu’à Guéret -et au-delà- est réalisée à la fin de la Monarchie de Juillet (1830-1848). Au lieu-dit l’Embranchement, huit kilomètres après La Châtre, non loin de Pouligny-Saint-Martin, la R.N.151bis historique se détache en direction d’Aigurande. On notera la rectification de la chaussée datée 1840 par Wikisara, dès le lieu-dit les Sauvages, où la route nouvelle évite Montfargeau avant de traverser la Petite-Creuse au «pont de Genouillac». Puis, ce sont les côtes, autour du village de Genouillac, dont une ordonnance royale d’octobre 1846 demande la rectification. On voit d’ailleurs la «Vieille route» s’échapper tout droit du bourg par les lieux-dits des Loges et de la Courzette alors que la chaussée actuelle fait une boucle par le Pâtural, les Charderies et Bellevue. Après le lieu-dit le Chêne, de nombreux virages sont coupés par des rectifications effectuées durant le XXe siècle. Plus loin, la Creuse est franchie à Glénic. On arrive enfin à Guéret par l’avenue du Berry. Le but de notre première étape a d'abord été l'une des villes principales du comté de la Marche puis est devenue en 1790 le chef-lieu du nouveau département de la Creuse. C'est au VIIe siècle que tout a commencé. Le site est alors occupé par un domaine agricole appartenant au comte de Limoges, Lantarius. Ce dernier convainc un moine de s'y installer. Plus tard, un village se développe autour du monastère créé par le moine devenu abbé... Ces premières bâtisses de Guéret sont détruites par une incursion viking au IXe siècle. C'est en 1514 que Guéret obtient le titre de capitale de la Marche. Plus tard, au cours du XVIIIe siècle, la ville est le théâtre de plusieurs insurrections contre un impôt: la maltôte. Durant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux jeunes Guéretois qui refusent d'aller au Service du travail obligatoire (STO) rejoignent le maquis. Grâce à leurs sacrifices, Guéret est libérée deux fois: une première le 7 juin 1944, au lendemain du débarquement allié. Mais, reprise par les allemands deux jours après, la cité n'est débarrassée définitivement de l'occupant que le 25 août 1944...
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Ancien
panneau Dunlop situé sur la départementale 26
à quelques encablures du hameau du Brolet, sur la N140
historique (photo: MV, août 2011). |
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Au
lieu-dit Le Chêne, au nord de Glénic. Peu avant
sur la route, l'automobiliste attentif aura vu une ancienne
pub pour la marque Azur (photo: MV, août 2011). |
Marc Verney, Sur ma route, août 2023
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