Plaque Michelin de la R.N.727 à Belâbre (photo: MV, octobre 2024).
La «route de Montmorillon» à l'Erable (photo: MV, octobre 2024).
Le pont sur la Benaize à La Trimouille (photo: Marc Verney, octobre 2024).
Beau poteau Michelin vers Belâbre (Photo: Marc Verney, octobre 2024).

LOCALITES traversées par la R.N.727 (1959):
L'Erable (N148)
Epinoux

La Chapelle-Bâton
Fontmorant
Joussé
Usson-du-Poitou
La Font-d'Usson
Bouresse
Mazerolles (N147)
Lussac-les-Châteaux
Saint-Nicolas
Montmorillon
La Trimouille (N675)
Plumartin
Belâbre
Oulches
Laveau
Les Brunets
Rivarennes
Thenay
Saint-Gaultier (N151)
Le Pont-Chrétien-Chabenet
Saint-Marcel
Argenton-sur-Creuse (N20)
Bouesse
Neuvy-Saint-Sépulchre
La Châtre (N140, N143)

Passage de l'Anglin, juste à côté de Belâbre (photo: MV, octobre 2024).

D'AUTRES RESSOURCES autour de la nationale 727 historique:
-la page Wikipédia consacrée à cette route (lire).
-la page Wikisara (lire).

Citation d'une vidéo postée sur le site ville-belabre.fr et montrant la ville en 1953 (cliquez sur l'image). L'auteur se veut scrupuleux du droit d'auteur: en cas de souci avec cette citation, merci d'en avertir le rédacteur de Sur ma route.
Entrée d'Argenton-sur-Creuse sur la D927A, l'ancienne R.N.20 (photo: MV, octobre 2024).
AMI LECTEUR: les textes, photos et dessins de ce site sont soumis au droit d'auteur. Pour toute autre utilisation, contacter l'auteur de Sur ma route. Merci de votre compréhension...
A VOIR, A FAIRE
Civray: station verte de vacances, la ville offre de nombreuses activités et promenades le long de La Charente. Dans le centre, on peut visiter l’église Saint-Nicolas (XIIe siècle), chef d’oeuvre de l’art roman poitevin. Dans les rues de Civray, on remarque de nombreux hôtels particuliers. Le plus connu est l’hôtel de la Prévôté. En 1616, il a accueilli le roi Louis XIII et sa jeune épouse.
La Chapelle-Bâton: L’église Saint-Pierre-aux-Liens du village possède des peintures murales classées aux monuments historiques dès 1913. Caché sous un badigeon de chaux, l'ensemble recèle une suite de peintures qui honorent la Vierge, Sainte-Anne, Sainte-Madeleine, Saint-Antoine, Saint-Blaise et Saint-Michel. Dans le coin, une trentaine de circuits balisés, récupérables auprès de la maison du tourisme du Civraisien en Poitou (Charroux), sont compilés en fiche-circuits, praticables à pied, à vélo et pour certains itinéraires, à cheval...
Usson-du-Poitou: on y trouve une église romane du XIe siècle avec le bas-relief de la crucifixion au dessus du porche. Un itinéraire tracé au coeur du bourg part à la découverte de l'histoire du village, du quartier ancien avec ses petites venelles, jusqu'aux jardins de la Clouère. Dans les environs, le château de la Guéronnière (XVIIe siècle), le château de Badevillain (XVIIIe siècle).
Bouresse: l’église Notre-Dame est un monument de style roman qui date du XIIe siècle. Par ailleurs, le donjon de la Rigaudière date du XVe siècle. Les brandes du Fay (ZNIEFF) sont un des patrimoines naturels de la commune: cette lande, située sur un plateau, haute parfois jusqu’à 3 mètres, peut évoquer les maquis méditerranéens.
Lussac-les-Châteaux: le musée de la Préhistoire présente les nombreuses et remarquables découvertes préhistoriques effectuées près du bourg et ses environs (grotte des Fadets).
Montmorillon: au siècle des Lumières, les jolies berges de la Gartempe étaient occupées par des moulins à papier. Héritière de cette tradition, la ville contemporaine se dit Cité de l’écrit et des métiers du livre. On peut, aujourd'hui, y visiter le musée de la Machine à écrire et à calculer. À six km au sud de Montmorillon, à Saulgé, un ancien corps de ferme abrite l’écomusée du Montmorillonnais.
La Trimouille: de nombreux manoirs, moulins, châteaux et ruines médiévales jalonnent cette région verdoyante et vallonnée. Il existe plusieurs circuits de découverte du patrimoine local.
Bélâbre: sur les coteaux dominant la vallée de l’Anglin, le village, doté d'un charme indéniable, se situe dans un environnement de bocage, de prés, landes, étangs et forêts caractéristiques de la petite Brenne, partie méridionale du Parc naturel régional. Plusieurs promenades et randonnées rafraîchissantes sont disponibles sur le site internet ville-belabre.fr.
Saint-Gaultier: la très touristique vallée de la Creuse recèle une foultitude de lieux à visiter. La visite de la ville ancienne est conseillée: la chapelle, l'église, l’ancien séminaire, les restes des remparts du XVIe, de vieilles portes du XVIIe…
Saint-Marcel: La commune recèle les vestiges de la cité gallo-romaine d'Argentomagus. A l'est, le site du Virou sur le plateau des Douces, en constitue un lieu emblématique avec la superposition de deux théâtres antiques édifiés et utilisés successivement au Ier et au IIe siècle de notre ère. D'une superficie de 2400 m2, le musée archéologique comporte trois niveaux: reconstitutions en grandeur nature, films, vidéo, animations audiovisuelles et maquettes rythment la visite...
Le Pont-Chrétien: la vallée de la Bouzanne et le pont couvert du XIXe siècle, unique en France.
Argenton-sur-Creuse: du Vieux-Pont, jolie vue sur la Creuse. Célèbre pour son industrie textile, la ville possède un intéressant musée de la Chemise, qui raconte l'histoire de ce vêtement, du Moyen Age à nos jours! A quelques kilomètres au sud-est, le pittoresque village de Gargilesse-Dampierre, classé depuis 1982 parmi l’un des «Plus beaux villages de France».
Neuvy-Saint-Sépulchre: La basilique Saint-Etienne a été construite au XIIe siècle. En 1257, le cardinal Eudes de Châteauroux, légat du pape et proche du roi de France Louis IX, y fait parvenir deux gouttes du sang du Christ. Elle est élevée au rang de basilique mineure par le pape Pie X, le 23 novembre 1910 et est également inscrite en décembre 1998 sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco au titre des chemins de Saint-Jacques de Compostelle en France.
La Châtre: le musée George-Sand et de la Vallée Noire; le parcours de vingt étapes dans le centre-ville: la vieille ville et ses maisons à pan de bois, l’imposant donjon du XVe siècle, la mystérieuse lanterne des morts, le pittoresque quartier des tanneurs.
Indication touristique ancienne à Saint-marcel (photo: MV, octobre 2024).
Panneau Michelin dans le village de Fougerolles. La D19 coupe la R.N.727 quelques kilomètres en amont (photo: MV, octobre 2024).

SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°68 Niort-Châteauroux, Michelin (1951); carte n°72 Angoulême-Limoges, Michelin (1948); Analyse des votes des Conseils généraux de département, ministère de l'Intérieur, imprimerie Royale (1829); Annales des ponts et chaussées, administration des Ponts et Chaussées, imprimerie de Fain et Thunot (1834); Congrès archéologique de France, Séances générales tenues à Châteauroux, «Rapport sur les voies romaines dans les environs d'Argenton» M. Lenseigne, Derache, Didron, Dumoulin libraires (1874); Département de la Vienne, Adolphe Joanne, Hachette (1877); Guide rouge, Michelin (1959); Laissez-vous conter Usson-du-Poitou, document réalisé par la commune d’Usson-du-Poitou et le syndicat mixte du Pays Montmorillonnais, avec le soutien financier de la Drac Poitou-Charentes et de la Région Poitou-Charentes (janvier 2014); Le Berry en confidences, Maurice Croze, Sets NR (1983); «Le département de la Vienne. Accès et communications», Daniel Petit, Norois (1954); Précis historique du Poitou, Jean Giraudeau, B. Dussilion, éditeur (1843); amisvieuxlachatre.fr; archinoe.net; civraisienpoitou.fr; lachapellebaton86.fr; lanouvellerepublique.fr; lussac-les-chateaux.fr; mairie-saintgaultier.fr; museedelachemiserie.fr; neuvysaintsepulchre.fr; routes-touristiques.com; tourisme-la-trimouille.fr;. vienneetgartempe.fr; ville-belabre.fr; Wikisara; Wikipédia; le Géoportail de l’IGN.

Plaque de cocher sur la commune de Sarzay (photo: MV, octobre 2024).





Ces belles routes de France...
R.N.727: «LES CHOSES DE LA VIE»
Entre Savigné (Vienne) et la Châtre (Indre), il y a un peu moins de 160 km. Un trajet attribué en 1933 à la route n°727 jusqu’à son déclassement total, une quarantaine d’années plus tard… Mais l’important n’est pas dans les mots lorsqu’on emprunte cette petite chaussée… mais dans le plaisir –renouvelé- de rouler. Le véhicule peut être électrique, thermique… voire un simple vélo. En voyage, la logique de la route est toujours la même et à la fois différente: les paysages muent à chaque tour de roue, l’œil s’imprègne des ces mélodies colorées et la joie s’installe. Comme au cinéma! Le voyage, oui, est la vraie «gastronomie de l’œil»… Usson, Lussac-les-Châteaux, Montmorillon, la Trimouille, Belâbre, Saint-Gaultier, Argenton-sur-Creuse, Neuvy-Saint-Sépulchre, la Châtre… On ne va pas se voiler la face, bien peu d’entre-nous connaissent vraiment ces bourgs du centre de la France, et pourtant… Bonne route!

La R.N.727 historique parcourt une campagne tranquille, où la performance n'a pas sa place (photo: Marc Verney, octobre 2024). En cliquant sur l'image, vous revenez à la page principale

C’est au lieu-dit l’Erable (commune de Savigné) que s’amorce notre R.N.727 de 1959 à partir de la nationale 148 historique, route de Limoges à la Roche-sur-Yon et à Noirmoutiers. Le tracé de notre voie prend la direction du bourg d’Usson-en-Poitou au milieu d’un paysage agricole désormais fortement remembré. Sur la carte Michelin de 1948, c’est un mince double trait noir qui indique une «autre route empierrée». La carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN mentionne une voie jusqu’à Usson alors que la carte d’état-major du XIXe (1820-1866) éditée sur le même site montre un «chemin de grande communication n°39 de Civray à Lussac» en travaux (ou encore inexistant sur d’autres plis plus anciens). En 1843, le Précis historique du Poitou mentionne cette chaussée d’intérêt local qui dessert également «Chapelle-Bâton, Joussé, Usson, Bouresse». Le premier changement par rapport à l’itinéraire initial intervient rapidement: c’est le passage de la ligne de chemin de fer qui reliait Saint-Saviol à Lussac-les-Châteaux qui fut mise en service, en plusieurs étapes par la Compagnie PO (Paris-Orléans), «la section de Saint-Saviol à Civray et Charroux (17 km) le 15 novembre 1886 puis l'autre section Charroux - Le Vigeant - Lussac-les-Châteaux (47 km), cinq ans plus tard, le 10 août 1891», raconte le site lanouvellerepublique.fr (14 avril 2012). Si les trains ne passent plus, la route a néanmoins conservé son coude brusque sous le pont désormais inutilisé. Il y a 5,5 km jusqu’au premier village traversé qui est la Chapelle-Bâton. On constate sur l’ancienne carte d’état-major que le tracé projeté au XIXe siècle ne fait qu’effleurer le bourg (rue des Grands-Chênes, le Canal, la Croix-Vaillier) alors qu’aujourd’hui, la route passe bien au pied de la mairie (rues Saint-Pierre et Saint-Jacques). «La première mention du toponymique de La Chapelle-Bâton date de 1383», lit-on sur le site lachapellebaton86.fr. Par ailleurs, dit encore ce site, le culte du bâton de Saint-Pierre pourrait expliquer le nom de la commune à travers la légende d’un bâton planté qui aurait reverdi... Mais là, rien n'est sûr! La chaussée se poursuit vers Fontmorant, longe le bois de la Selle et aboutit à Joussé par la rue des Loges. On note, écrit le site civraisienpoitou.fr, que les halles du bourg sont en fait un pavillon de l’exposition universelle de 1900 acquis par la municipalité, «témoignage de l’importante activité commerciale due aux foires». Après avoir traversé le Clain, il nous faut parcourir sept kilomètres pour parvenir à Usson-en-Poitou, situé sur la rive droite de la Clouère, traversée sur un ouvrage de la deuxième moitié du XIXe siècle. Durant la Deuxième Guerre mondiale, la commune est occupée «par les troupes allemandes pendant un mois» avant d’être coupée en deux par la ligne de démarcation. «Trois fermes se trouvent en zone occupée: la Brunelière, la Chaise et la Cotterie. Le poste allemand se dresse à proximité de Bellevue», mentionne le dépliant touristique Laissez-vous conter Usson-du-Poitou. Dans la cité, signale encore le document, se trouve une originale petite cité ouvrière, fruit de l’initiative de Joseph Blondet de Pluvillière, un notable local, «qui en trace les rues et vend les parcelles constructibles à des habitants d’Usson à des prix intéressants», histoire de retenir les meilleurs ouvriers dans la commune. En 1873, le quartier comptait dix-sept maisons.

A L'Erable (commune de Savigné), on trouve le croisement des R.N.148 et R.N.727 historiques (photo: Marc Verney, octobre 2024).
La chaussée grise tranche dans une campagne toute verte avant Lussac-les-Châteaux (photo: Marc Verney, octobre 2024).

La route qui part d'Usson-du-Poitou pour rejoindre Bouresse «fut ouverte sous Napoléon III», écrit l'encyclopédie en ligne Wikipédia. On passe d’abord par la Font-d’Usson. La zone a vu se dérouler l’opération Bulbasket, le parachutage de plusieurs dizaines de commandos SAS britanniques qui, entre juin et juillet 1944, vont ralentir et obstruer les mouvements des troupes allemandes, dont la sinistre 2e division SS Das Reich qui met trois semaines -au lieu des trois jours estimés comme nécessaires- pour remonter de Toulouse à la Normandie (avec son tragique cortège d’exactions: Tulle, Oradour-sur-Glane..). Mais beaucoup de ces commandos SAS et des maquisards ne reviendront pas des combats… On entre d’ailleurs à Bouresse par la rue de la Liberté. «Le peuplement de la région, écrit le site routes-touristiques.com, est attesté dès l'époque gallo-romaine avec un camp romain au lieu-dit la Fuite ou la Fuye situé à 2 km de Bouresse. Un puits gallo-romain a été découvert, au cours de travaux de voirie au milieu de la Grand-Rue». Nous remarquons également, sur la carte d’état-major des années cinquante publiée sur le site de l’IGN la mention «ancienne chaussée romaine» sur un chemin en provenance de Poitiers, desservant Bouresse et se dirigeant vers Bellac… Notre chemin se poursuit, lui, en direction de Lussac-les-Châteaux, bourg distant de 12 kilomètres. La voie traverse et suit le Goberté, un affluent de la Vienne que l’on va passer peu après Mazerolles, en suivant sur quelques hectomètres la R.N.147 de Limoges à Saumur. En 1831, écrit le site archinoe.net, les Ponts et Chaussées projettent un premier pont sur la Vienne, en remplacement d’un bac. Il s'agit d’établir un ouvrage composé de piles en maçonnerie supportant un tablier en charpente. Mais les marchands et habitants de Lussac-les-Châteaux se plaignent rapidement: dès 1866, la structure est fragilisée par le transport des matériaux nécessaires à la construction du chemin de fer. Et donc, entre 1866 et 1871, un second projet vise à construire un pont en pierre, réputé plus solide. On entre dans Lussac par la «route de Poitiers» puis les avenues du Docteur-Robert-Soueix et du Docteur-Dupont. «Haut lieu de la Préhistoire», dit lussac-les-chateaux.fr, la petite ville a vu la mort, en 1369, durant la guerre de Cent ans, de Sir John Chandos, le sénéchal du Poitou. C'est aussi à Lussac que naît, le 5 octobre 1640, Françoise de Rochechouard, future madame de Montespan, qui deviendra la maîtresse de Louis XIV.

A Bouresse, on roule sur «la pointe des pneus» au milieu des maisons un peu défraichies (photo: Marc Verney, octobre 2024).
A Lussac-les-Châteaux, on emprunte un moment la R.N.147 (photo: Marc Verney, mai 2007).

On quitte Lussac par la «route de Montmorillon». La principale cité de la région ne se trouve qu’à une douzaine de kilomètres de là. On voit là une chaussée bien tracée en ligne droite sur la carte d’état-major du XIXe (1820-1866) publiée par le Géoportail de l’IGN. C’est le 15 février 1834 que «le chemin de Lussac à Montmorillon est classé sous le n°6 parmi les routes départementales de la Vienne», signalent les Annales des ponts et chaussées. A Montmorillon, ville citée pour la première fois à la fin du XIe siècle, la descente vers la Gartempe se fait aujourd’hui par la rue Charles-Dubois et l’avenue de la République. Auparavant, on empruntait certainement les rues Fontaine-des-Miracles et du Gué pour aller traverser la rivière. Mais, plus en aval, le site montmorillon.fr évoque un autre ouvrage «mentionné dès le XIIe siècle en contrebas du château et de Notre-Dame. Probablement reconstruit au XVe siècle, il portait, côté rive droite, une porte de ville fortifiée qui a servi de prison, et sur l’autre pile, côté rive gauche, un petit oratoire». Au XIXe siècle, raconte Wikipédia, Montmorillon, cité médiévale, «se lance dans de grands travaux d'aménagement: un boulevard remplace les anciens remparts, un pont neuf est construit ainsi qu'un palais de justice qui deviendra un office de tourisme. Une ligne de chemin de fer, reliant Poitiers et Limoges, est inaugurée en 1878». On quitte Montmorillon par l’avenue Victor-Hugo et la «route de la Trimouille». «En dehors des vallées, découvre-t-on sur le site vienneetgartempe.fr, les paysages du Montmorillonnais se caractérisaient jusqu’au XIXe siècle par la lande à genêts, ajoncs et grandes bruyères, appelées "brandes". Cette végétation, souvent impénétrable, servait pour les parcours des troupeaux et constituait, jusqu’au début du XXe siècle, un refuge pour les loups. Dans la seconde moitié du XIX e siècle, le défrichement permet un développement agricole et progressivement un paysage de bocage à larges mailles remplace les "brandes"». La carte de Cassini (XVIIIe) du Géoportail de l’IGN montre un chemin jusqu’à la Trimouille par la Baudinière. Par contre, la carte d’état-major du XIXe (1820-1866) publiée le même site montre une vaste lacune entre Montmorillon et les environs de la Bodinière. Cette portion de route fera partie, au XIXe siècle, de la départementale n°14, entre le Blanc et Confolens. On arrive à la Trimouille, petit bourg tranquille. «Les premières mentions du Castrum Tremoliae (La Trémouille) remontent à la fin du XIe siècle», écrit le site tourisme-la-trimouille.fr. On y exploitait le fer au XIXe siècle dit Adolphe Joanne dans son guide de la Vienne de 1877. il faut descendre sur les bords de la Benaize pour emprunter la «route de Belâbre» qui passe la rivière sur un joli pont de pierre et de parapets en briques.

R.N.675: LA FRANCE DES DOUCES COLLINES
Voilà une de ces routes qui font encore le charme de notre pays… petits bourgs croquignolets, échappées vertes, auberges de campagne… (lire)

Le passage de la Gartempe à Montmorillon (photo: Marc Verney, octobre 2024).
Détail de la belle plaque Michelin de Belâbre (photo: Marc Verney, octobre 2024).

Le chemin vers Belâbre (Indre) apparaît sur la carte de Cassini (XVIIIe siècle) publié par l’IGN. Il est bien moins rectiligne que la route actuelle puisqu’il rejoint le bois des Grands-Gas et le prieuré de Fontmorand avant de pointer sur le lieu-dit le Marchais-à-l’Anguille et de «retrouver» notre D727 au lieu-dit Carthage. Les moines de ce prieuré, venus de l’abbaye de Fontgombault dans l'Indre voisine, aidés de laïcs, dit le site routes-touristiques.com, «défrichèrent au cours du XIIe siècle la "brande" et exploitèrent les terres afin de les drainer et de les assainir, ils aménagèrent des étangs et développèrent la pisciculture. Ils installèrent des moulins sur l'un des étangs». On approche maintenant de la petite commune de Belâbre, et, avant d’y pénétrer, il nous faut franchir l’Anglin, un affluent de la Gartempe. Sur son site internet très fourni ville-belabre.fr, la commune raconte avec précision ce qu’elle sait du franchissement… Il y a donc un vieux pont de Bélâbre «qui ne manque pas de pittoresque avec sa chaussée et son dos d’âne», qui s'agrippe à la rive du côté du faubourg du Bout-du-Pont. Si on ne connaît pas du tout sa date de réalisation, la municipalité dit qu'il faut «arriver à la grande crue de 1792 pour trouver mentionnée son existence et sa partielle destruction. Deux arches furent emportées par les eaux et l’on dut organiser aussitôt un service de passage». Ca n'est que le 6 juin 1808, soit seize ans plus tard, que le gros du travail de réparation est fait; «il n’y a plus que les garde-corps et le pavage à effectuer», poursuit ville-belabre.fr. Mais ce pont causera toujours de gros soucis… Dès 1859, sa réfection totale est nécessaire! Un pont tout neuf semble s’imposer pour rendre pérenne la passage de l’Anglin. Ce qui sera fait dès 1867. Le 21 mai de cette année, un ouvrage tout en pierre taillée est mis en construction du lieu-dit Plumartin à Belâbre. Mais, du coup, le nouvel itinéraire oublie les habitants du Bout-du-Pont... Le bourg, indique un dépliant touristique préparé par la commune, doit son nom au «Chastel de Bel arbre», donné en 1372 par le roi Charles V à son ami le chevalier Jehan de Pocquières, proche compagnon du chevalier Bayard qui s’illustra lors de la guerre de Cent Ans. Une forteresse est alors construite sur les bords de la rivière. L’histoire économique de la cité connut son apogée pendant les trois siècles durant lesquels les forges créées en 1543 sur l’Anglin, appartenant au marquis de Bélâbre, ont apporté travail et richesse à une nombreuse population. L’ancienne route n°727 (D927) quitte la localité par la rue Jules-Ferry.

La D927 musarde (photo: Marc Verney, octobre 2024).
Une vraie «nationale à la campagne» (photo: Marc Verney, octobre 2024).

On s’approche de la vallée de la Creuse en passant par Oulches. Un paysage d’étangs et de bois s’étend autour de la minuscule chaussée digne d’un coquet chemin vicinal… A Rivarennes, en arrivant par la rue de la Côte-des-Boissons, il faut prendre à droite la «route du Calvaire-d’Usseau». On longe la Creuse jusqu’à Thenay. On se demande encore comment une chaussée nationale a bien pu passer par ici tant le chemin est étroit et tortueux (bon, on se souvient de la R.N.454 en Bourgogne!). Et pourtant on ne rêve pas, sur la carte Michelin Niort-Châteauroux n°68 de 1951, le mince trait blanc est surmonté de la mention «N727»… De Thenay, on passe la Creuse par le pont de la Gare en direction de Saint-Gaultier. Il fut précédé, en 1834, par un pont suspendu «en fil de fer» à péage, indique un panneau touristique placé sur l’ouvrage actuel en pierre. Celui-ci voit le jour vers 1883 et prend le nom «pont de la Gare» en 1889. Détruit en 1940 devant l’avancée allemande, il est reconstruit par la suite en étant «élargi de deux trottoirs». «Saint-Gaultier tire son origine de Gaultier, fils d’un chevalier charentais, né à Confolens vers 990», écrit le site municipal mairie-saintgaultier.fr. Devenu religieux, l'abbé Gaultier se voit attribuer à titre de réparation, après le pillage de son abbaye, une terre située près d’un gué supposé être l’emplacement actuel de la ville de Saint-Gaultier pour y édifier un prieuré. Puis une petite communauté villageoise s’y installe rapidement autour d'une petite chapelle. À la fin du XIe siècle et au XIIe siècle, celle-ci subit de nombreuses modifications pour devenir une belle église romane. Le prieuré se transforme, au fil des ans, en collège religieux et séminaire. «La ville connaît un développement important à partir du XIXe siècle, continue le site mairie-saintgaultier.fr. De nombreux commerçants et artisans s'y trouvent, l’industrie de la chaux et la confection sont à la base d’une activité intense. La construction de la voie ferrée et de la gare en 1889 y contribue également». Notre chemin se poursuit en direction d’Argenton-sur-Creuse en empruntant –sur quelques mètres- la R.N.151 historique de Poitiers à Avallon, l’avenue de Lignac. Le croisement avec la «route d’Argenton» arrive vite. Celle-ci est visible jusqu’à Argenton-sur-Creuse sur la carte d’état-major du XIXe (1820-1866) par le pont sur la vallée de la Bouzanne. En 1829, le Conseil général de l'Indre demandait à ce que «le pont sur la Bouzanne, route n°3 de Saint-Gaultier à Châteaumeillant soit fait le plus promptement possible, et fait observer que la direction de cette route est plus urgente à terminer que celle qui suit le coteau de la Bouzanne». «Terre de passage et de rencontre, écrit Maurice Croze dans Le Berry en confidences, Saint-Marcel s'élève à l'emplacement de l'antique Argentomagus, au carrefour de six voies romaines conduisant à Poitiers, Orléans, Bourges, Lyon, Clermont, Limoges, Bordeaux»...

R.N.151: EN COEUR DE FRANCE (I)
La N151 de 1959 part de Poitiers et se dirige en direction d'Avallon en Bourgogne en passant Châteauroux, Bourges, Clamecy et sautant la Loire. Historique! (lire)

Le pont sur la Creuse à Saint-Gaultier. De l'autre côté de la rivière, passe l'ancienne R.N.151 que l'on emprunte sur quelques mètres (photo: Marc Verney, octobre 2024).
On passe la Bouzanne à Pont-Chrétien (photo: Marc Verney, octobre 2024).
Vers Neuvy-Saint-Sépulchre (photo: Marc Verney, octobre 2024).

R.N.20: LIMOUSINES EN PYRENEES...
La N20 de 1959 relie Paris à l'Espagne en passant par... Orléans, Limoges, Toulouse... une route qui coupe la France en deux du nord au sud. Une sacrée chevauchée... (lire)

On arrive à Argenton-sur-Creuse par les rues Jean-Jacques-Rousseau et Gambetta, qui rencontrent bien vite le vénérable tracé de la R.N.20. Un de ses amoureux, raconte Maurice Croze dans Le Berry en confidences, «baptisa» Argenton-sur-Creuse «la Venise du Berry»! Il y a effectivement la jolie traversée de la Creuse par la route n°20 historique mais ce serait alors une «Venise» bien pentue… La ville, qui a succédé à la cité gallo-romaine d'Argentomagus à Saint-Marcel, devient, durant le Moyen Age, une place fortifiée sur la colline dominant la vallée, écrit argentonsurcreuse.fr. Le château connaîtra des fortunes diverses... Il est pris par Philippe Auguste en 1188, par Henri IV en 1589 et est enfin démantelé sous Richelieu en 1632, sous ordre de Louis XIII. Dès le XVe siècle, la ville basse va s'étendre sur la rive droite, reliée par le «Vieux Pont» à la ville haute, lovée, elle, aux pieds du château (ou de ses restes). Beaucoup plus tard, pendant un siècle, de 1860 à 1960, la petite cité des bords de Creuse fait figure de véritable «capitale de la chemiserie»… Un industriel, Charles Brillaud, installé à Saint-Omer dans le nord du pays, «ouvre le premier atelier de lingerie mécanique dans sa ville natale», écrit le site museedelachemiserie.fr; «à la Belle époque, l’âge d’or de la chemiserie, les ateliers de la région argentonnaise emploient environ 3000 ouvrières».
On quitte Argenton-sur Creuse par l'avenue George-Sand (D927E). La ligne droite cible le village de Bouesse. «En l'année 1839, écrit M. Lenseigne dans son "Rapport sur les voies romaines dans les environs d'Argenton" (1874), lorsque l'administration des ponts et chaussées faisait construire la route départementale n°3 de Saint-Gaultier à Châteaumeillant, entre Argenton et Bouesse, les ouvriers, en déblayant le terrain, mirent à découvert une chaussée d'empierrement assez bien conservée. C'était la grande voie de communication d'Argentomagus à Lugdunum par Néris, qui venait de se révéler, voie que la terre recouvre depuis des siècles». De Bouesse à La Châtre, terme de notre voyage, il reste 26 kilomètres à parcourir. Le dernier bourg d’importance traversé est Neuvy-Saint-Sépulchre. Présent dans tous les guides de voyage, le bourg, raconte le site municipal neuvysaintsepulchre.fr, «tient son nom tient son nom du latin novus vicus, qui signifie "bourg neuf", et Saint-Sépulchre, son principal édifice, une basilique que fit construire Eudes, le prince de Déols, seigneur de Châteauroux, à son retour de Terre sainte». La forme du bâtiment, classé dès le XIXe siècle, est originale: l'édifice se présente comme une rotonde couronnée à l'extérieur d'un «chapeau chinois» dit Wikipédia. Une nef a été accolée à celle-ci au XIIIe siècle. A l’intérieur, la rotonde n'a que onze colonnes, symbolisant chacune un apôtre (après le départ de Judas). Le pont des deux arches sur la Bouzanne, édifié en pierre de taille, au centre du village, a été construit en 1844, signale un panneau d’informations positionné non loin de là. L’avenue Thabaud-Boislareine nous emmène vers La Châtre. Voilà le hameau de La Chaussée, qui rappelle l’existence de la voie romaine d'Argentomagus à Lugdunum, précédemment évoquée. La R.N.727 historique pénètre dans La Châtre par l’avenue Gambetta et la rue Gallieni. La jolie petite cité s'étage doucement le long de la rivière Indre. Nous sommes là au pays de George Sand, «bonne dame» de Nohant, femme et écrivaine exceptionnelle qui a beaucoup sillonné les voies de la région. «Les premières sources évoquant La Châtre remontent au milieu du XIe siècle», raconte le site amisvieuxlachatre.fr. C'est l’installation à cette époque d’un collège de chanoines par Ebbes de Déols qui marque les débuts de la cité. Plus tard, au début du XVe siècle, en réponse à l'insécurité due à la guerre de Cent Ans, la ville se dote de nouvelles enceintes. La superficie de la ville passe alors d’environ 2 hectares à plus de 5 hectares. Au bord de l’Indre, on trouve moulins à blé et à tan, tanneries et teintureries. Des industries qui vont contribuer, avec les foires et marchés, «à la prospérité de la ville», signale encore l'Association des amis du vieux La Châtre. L’enceinte fortifiée est détruite en 1778. Depuis cette ville on peut notamment rouler vers Guéret et le Sud-Ouest avec la longue et sinueuse R.N.140 historique (D940) ou bien se promener en direction du Massif Central avec la R.N.143 historique (D943)…

L'arrivée à La Châtre (photo: Marc Verney, octobre 2024).
Panneau Michelin réattribué à la D927 à La Châtre (photo: Marc Verney, octobre 2024).

R.N.140: ROULEZ VERT!
Jusqu'à Figeac, par Bourges, Guéret, Tulle... la route nationale 140 historique fait un sacré bout de chemin en travers de l'Hexagone! L'occasion de se promener au milieu des plus beaux paysages! (lire)

R.N.143: «AU TOURS DE CLERMONT»
Entre Chambray-lès-Tours et Riom, la route nationale 143 de 1959 traverse deux régions, quatre départements aux paysages singulièrement différents (lire)

Marc Verney, Sur ma route, avril 2025

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