Ancienne borne de limites départementales entre l'Indre et le Cher (photo: MV, mai 2022).
Autour de Bellac, de longues lignes droites et une chaussée moderne ondulant entre les collines (photo: MV, mai 2022).
Ancienne signalisation non loin de La Souterraine (photo: Marc Verney, mai 2022).
Vers Dun-le-Palestel (Photo: Marc Verney, mai 2022).

LOCALITES traversées par la R.N.151 bis (1959):
Chasseneuil (N141)
Saint-Claud

Les Trois-Chênes
Ansac
Confolens (N148)
Saint-Germain
Quatre-Chemins
Champeaux
Mézières-sur-Issoire
Bellac (N147)
Labrousse
Le Beauvert
La Souterraine (N142)
Saint-Léger-de-Bridereix
Colondannes
Dun-le-Palleteau (N713)
Chambon-Sainte-Croix
Aigurande (N690)
Rimbert
Crevant
L'Embranchement (N140)
(La Châtre)
Thevet-Saint-Julien (N140)
Vicq-Exemplet
Le Châtelet
Loye-Ardenais
Fosse-Nouvelle
Bouzais
Saint-Amand-Montrond (N144)
Charenton (N153)
Laugère
Bessais
Sancoins (N719, N720)
Mornais

Saint-Pierre-le-M. (N7)

Vers Aigurande (photo: MV, mai 2022).

D'AUTRES RESSOURCES autour de la nationale 151 bis historique: La page Wikipédia consacrée à cette route (lire).
La page Wikisara (lire).

Plaques Michelin à Charenton (photo: MV, mai 2022).
Jolie persective vers Sancoins (photo: MV, mai 2022).
AMI LECTEUR: les textes, photos et dessins de ce site sont soumis au droit d'auteur. Pour toute autre utilisation, contacter l'auteur de Sur ma route. Merci de votre compréhension...
A VOIR, A FAIRE
Chasseneuil-s-Bonnieure: on peut y visiter le mémorial de la Résistance, haut de 21 m, il est l'oeuvre de François Poncelet, un architecte charentais qui l'a conçu comme «un livre de pierre». Dans cette région, on peut aussi suivre la «route Claude-Bonnier», matérialisée par de grandes bornes blanches, qui salue la mémoire d'un ingénieur de l'aéronautique, grand résistant français de la Seconde Guerre mondiale, qui, emprisonné par les Allemands, choisit de se suicider avant son interrogatoire.
Confolens: jolies vues sur la ville depuis le Pont-Vieux et le square Jules-Halgand. Nombreuses maisons à colombages (rue du Soleil). A voir aussi l’église Saint-Maxime et son portail gothique du XIIIe siècle; la fontaine de la Fontorse; l’église romane Saint-Barthélémy. Chaque année, au mois d’août, la ville s’anime aux sons du festival international de danses et Musiques du monde.
Saint-Germain-de-Confolens: joli village au bord de la Vienne. On ne peut rater les vestiges de l’imposante forteresse du XVe siècle. Promenade motorisée possible sur la D82 en direction d’Esse et de la vallée de l’Issoire.
Bellac: patrie du dramaturge Jean Giraudoux. On peut y flâner sur le pont médiéval de la Pierre (XIIIe), par où étaient «acheminés, depuis le littoral de Saintonge, le sel, les poissons de mer et les vins de Charente», dit le site bellac.fr. En empruntant la rue Lafayette, vue générale sur l’implantation de la cité, qui surplombe le Vincou. La châsse de Bellac (vers 1130) est le plus ancien reliquaire en forme de sarcophage connu et le premier objet attribuable aux ateliers de Limoges (à admirer dans l'église Notre-Dame).
La Souterraine: construite à l'emplacement d'une villa gallo-romaine, la petite cité a conservé plusieurs témoins de ses fortifications du Moyen Age dont, près de l'église, la porte Saint-Jean. A l'est de la ville, la tour de Bridier est une ruine du château-fort médiéval construit à partir de la fin du XIIe siècle par les vicomtes d’Aubusson.
La Châtre (sur la R.N.140 historique, D940): situé à 6 km seulement au nord de la petite ville (R.N.143 historique, D943), Nohant est le village qui abrita souvent George Sand (1804-1876). La demeure de l'écrivain qui s'habillait en homme est un petit château construit vers 1760. On y visite toutes les pièces où George Sand recevait (et aimait parfois) les plus grands noms de l'art de son époque. Une jolie phrase de cette auteure atypique: «Voyager, c'est apprendre; savoir, c'est exister». Sinon, de vieilles maisons dans le centre historique de La Châtre (circuit depuis l’office du tourisme). A côté, le village de Lourouer-Saint-Laurent (église Saint-Laurent).
Thevet-Saint-Julien: en empruntant la D69, vous atteignez le village de Verneuil-sur-Ignerais, où se trouve le château du Petit-Coudray, fréquenté par George Sand. Au nord, par la D68, La Berthenoux et son église romane du XIIe siècle.
Le Châtelet: l’abbaye de Puyferrand. Non loin, le village des Archers (poterie).
Saint-Amand-Montrond: l’office du tourisme propose des visites guidées de la ville (maisons anciennes). A voir, la Cité de l’Or (c’est le troisième pôle français de fabrication de bijoux en or…); le musée Saint-Vic, qui met en valeur l’histoire locale; les restes de la forteresse de Montrond; à 4 km au nord-ouest, l’abbaye de Noirlac.

Sancoins:
le donjon de Jouy; la tour de Jeanne d'Arc; le musée et centre artistique Jean-Baffier. A 7 km à l’ouest, le village médiéval de Sagonne; au nord, par la D920, le village de Grossouvre abrite l'Espace métal, qui retrace ingénieusement l’histoire du fer et le développement de la métallurgie dans le Berry.





Ces charmantes routes de France...
R.N.151BIS: MA BELLE DIAGONALE
En 1959, la route n°151bis relie Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente) à Saint-Pierre-le-Moûtier (Nièvre), soit une distance de 296 km environ, en comptabilisant les itinéraires de liaison, car notre chaussée, dite «d’Angoulême à Nevers», née en 1827 par ordonnance royale, relie plusieurs voies préexistantes. Rouler sur la R.N.151bis d’antan, c’est redécouvrir la France tranquille des anciennes régions du centre du pays, traverser des bourgs et villages restés encore un peu «dans leur jus»… L’idéal pour ce voyage en noir et blanc (clin d'oeil à notre passé argentique), c’est le printemps, quand le vert primeur des feuilles éclabousse le regard et quand, toutes fenêtres baissées, la voiture virevolte au cœur de fraîches senteurs libérées par Dame nature...

La R.N.151bis peu après Saint-Amand-Montrond (photo: Marc Verney, mai 2022). En cliquant sur l'image, vous continuezsur la R.N.7 historique.

A Chasseneuil, notre voie s’extrait de la «route de Limoges» peu après le pont sur la Bonnieure. Nous voici sur la rue de Confolens, qui marque les premiers hectomètres de la route «d’Angoulême à Nevers», qui est encore invisible sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN. On remarque que le Premier Empire a évoqué le financement des travaux de cette route: «A dater de l'an 1808, et pendant quatre ans, découvre-t-on dans le Bulletin des lois de l'Empire français, il sera levé un centime additionnel à toutes les contributions directes du département de la Charente, et, de plus, deux centimes additionnels à toutes les contributions directes de l'arrondissement de Confolens; le tout pour en former un fonds qui sera exclusivement affecté aux travaux de la route de troisième classe de Chasseneuil à Confolens». Mais les choses avanceront à partir de la Restauration. C’est la carte d’état-major du XIXe (1820-1866), visible sur le site de l’IGN, qui dévoile ainsi une chaussée desservant Lussac, Saint-Claud et Confolens. Lussac, placé quatre kilomètres au nord de Chasseneuil, est désormais contourné par la D951 depuis 1993 (Wikisara). Si l’on veut suivre la voie historique, il faut désormais y emprunter la rue de la République. Puis, peu avant d’atteindre Saint-Claud, notre voie traverse le Son-Sonnette. En essayant d’oublier le vaste rond-point qui se trouve là, au niveau du Moulin-du-Pont, il faut tâcher de se remémorer l’endroit dans les temps passés: un petit pont, une route poussiéreuse et un carrefour qui accueille, venant de la droite, la route de Nieuil (l’ancienne R.N.739 qui rejoint Tonnay-Charente, en Charente-Maritime). Le bourg de Saint-Claud et la vallée du Son, dit le site saintclaud.fr, «connurent aux XVIIe et XVIIIe siècles une grande activité économique: élevage, tanneries, moulins et même une exploitation de minerai de fer». Pendant la Deuxième Guerre mondiale, «de juin 1940 à novembre 1942, la ligne de démarcation coupe le canton de Saint-Claud en deux, indique encore le site saintclaud.fr; Saint-Claud en zone libre, Cellefrouin (à l'ouest) en zone occupée». On évitera la moderne déviation (2012) pour suivre, depuis le lieu-dit la Côte, l’avenue Pasteur, qui se glisse dans le centre-ville. Pour en sortir, voilà la «route de Confolens», qui passe par Chez-Béard et les Agriers. Il y a 22 kilomètres jusqu’à cette localité.

R.N.141: AU TOUR DES VOLCANS... (I)
La route de Saintes à Clermont-Ferrand rappelle de bien anciens itinéraires comme la via Agrippa... un saut dans le temps jusqu'à la chaîne des Puys (lire)

La rue principale de Mézières-sur-Issoire (photo: Marc Verney, mai 2022).

Avant que cette chaussée ne soit numérotée 151bis en 1827, ce fut une route départementale, dite «d'Angoulême à Châteauroux» réalisée petit à petit par le Conseil général de la Charente. On peut lire, dans la Statistique du département de la Charente (1818), que les «travaux d'ouverture et de confection de cette route, aux abords de Confolens, furent adjugés le 4 novembre 1813, moyennant une somme de 172.700 francs; mais la modicité des fonds n'a pas permis de pousser ces travaux avec vigueur; cependant, les chaussées et les ouvrages d'art sont confectionnés entre le bourg d'Ansac et Confolens; les terrasses sont faites dans la traverse du parc de la Vilatte, et n'attendent plus que les empierrements qui doivent les revêtir». Le site internet d’Ansac-sur-Vienne évoque aussi ces vieux itinéraires: «Par le sud», écrit ansac-sur-vienne.fr, c'était la rue du Moulin qui faisait jadis office d'entrée de bourg, car l'ancien chemin venant de Saint-Claud passait par Chantrezac et coupait «l'ouest de la paroisse de Manot». «L’établissement de nouveaux itinéraires, poursuit ce site, va faire glisser une partie de l’habitat vers l’ouest, avec la création dans la première moitié du XVIIIe siècle d’un nouvel itinéraire venant de Confolens en suivant le pied des coteaux qui bordent la vallée de la Vienne, puis la construction d’un nouveau chemin vers Angoulême. Les remblais qui ont accompagné sa création ont complètement oblitéré l’ancienne sortie vers le nord, faisant de l’actuelle rue des Violettes une impasse». Après avoir passé la Tulette, notre R.N.151bis de 1959 s’approche de Confolens, située à 3 km. «Confolens, ville ancienne et mal bâtie, est le siège d'une sous-préfecture, voit-on dans le Manuel géographique, historique et statistique des départements de la France et des colonies (1828). Les environs, riches en gras pâturages, nourrissent une grande quantité de bestiaux, qui forment, avec les bois merrain et de construction, les branches principales du commerce de cette ville». Créée par les seigneurs de Chabanais, lit-on sur le site municipal mairie-confolens.fr et sa plaquette historique, la cité, séparée en deux par la Vienne dépendait, sur chaque rive, d’un diocèse différent: «Limoges à l’est, Poitiers à l’ouest». Confolens se trouve aussi à cheval sur deux zones linguistiques, la langue d’oc à l’est et la langue d’oïl à l’ouest. On entre d'abord dans le quartier Saint-Barthélémy par l'avenue de la Libération. La traversée de la rivière s'est d'abord faite par un passage à gué, puis par le Pont-Vieux construit au XIIIe siècle. L'ouvrage, «jadis défendu par trois tours, légèrement en dos d’âne», signale le Guide Vert Périgord-Limousin-Quercy, et qui recevait l’ensemble du trafic commercial, a entraîné, par ricochet, l’essor de certaines rues: la Grand-Rue (actuelle rue du Soleil) dans le quartier Saint-Maxime, la place de la Fontorse et les rues adjacentes dans le quartier Saint-Barthélemy. En s'émancipant au XVIe siècle de la tutelle des Chabanais, la cité affirme son rôle de plaque tournante entre la côte, l’Angoumois, la Saintonge et le Limousin. En 1604, la baronnie qu’elle devient alors est érigée en comté par le roi Henri IV. Fortifiée au Moyen Age, la ville n'échappe pas au XVIIIe siècle à la grande réflexion sur la problématique des murailles et la pertinence de les maintenir en état. C'est ainsi que les fossés du quartier Saint-Barthélemy sont comblés -dans les années 1770- et donnent naissance aux allées de Blossac, du nom de l’intendant de la généralité de Poitiers. Au XIXe siècle, Confolens est érigée en sous-préfecture; outre les nouveaux bâtiments liés à ce statut, on revoit le plan de la ville. Le Pont-Neuf ou pont Babaud-Laribière, construit sur la Vienne entre 1848 et 1849, et le le pont Larréguy bâti sur le Goire en 1840, revisitent le plan de circulation de la route n°151bis intra-muros: on réaménage la circulation au niveau de la rue des Portes-d'Ansac côté Saint-Barthélémy, on rallonge la rue du Collège (actuelle rue Emile-Roux) côté Saint-Maxime. Le nouveau passage sur le Goire dédaigne la Grand-Rue qui est remplacée par la rue du Pont-Larréguy, nouvellement percée.

En direction de Bellac, on s'ennuie un peu sur une belle chaussée bien standardisée (photo: Marc Verney, mai 2022).

Peu après avoir traversé le Goire, on prend la direction de Bellac, sur la rive droite de la Vienne. Un peu plus de quatre kilomètres au nord, la R.N.151bis traverse le village de Saint-Germain-de-Confolens. «Au Moyen Age, lit-on sur la plaquette historique publiée sur le site de la mairie de Confolens, cette puissante baronnie est l'une des plus importantes de la Marche, province constituée dès le Xe siècle aux limites du Poitou et de l'ancien comté de Limoges». Un proche de Charles VIII, Gautier Pérusse des Cars, fait construire le château actuel. La période troublée des Guerres de religion touche Saint-Germain: des affrontements entre protestants et catholiques y ont lieu en 1570 et 1589. Au XVIIIe siècle, outre les tanneries, de nombreuses vignes, établies sur la rive gauche de la Vienne, contribuent à l'essor du village. Un siècle plus tard, lors de la réalisation de la route d'Angoulême à Nevers en 1831, «les dernières portes de la ville sont détruites et un réalignement massif des façades est effectué». «La rue du Verre-de-Gris, ancienne rue principale, devient une rue parallèle à la nouvelle route royale», lit-on sur le site inventaire.nouvelle-aquitaine.fr. Mais la traverse du bourg reste difficile au début de l’ère automobile: «le pont sur l'Issoire, trop étroit, ne permettait pas aux véhicules de se croiser. Certaines maisons ont même vu leurs façades frottées par les carrosseries»... C’est aux environs de la Grange-Bardonnin que l’ancienne R.N.151bis retrouve la grande déviation de Confolens (D951), inaugurée en 1988. La route oblique alors vers l’est et met le cap sur Mézières-sur-Issoire, dans le département de la Haute-Vienne, section réalisée en 1837 nous dit Wikisara.

A Bellac, cette publicité peinte convie l'automobiliste du XXe siècle à emprunter l'autoroute A10 à Poitiers, son terminus provisoire (photo: Marc Verney, mai 2022).

Il faut oublier la grande déviation de 2016 et traverser la petite cité par l’avenue de Seltz. Un nom qui mérite explication: en 1939-40, cette bourgade d’Alsace –située sur l’ancienne R.N.68- trop proche de la frontière allemande est évacuée et ses habitants relogés dans la Haute-Vienne. D’où l’hommage actuel… On suit maintenant l’avenue de Bellac qui embraye sur une longue ligne droite jusqu’au lieu-dit le Repaire. Cette partie de la R.N.151bis, faite en 1836 (Wikisara), rencontre la R.N.147 à la hauteur de ce lieu-dit. Mais la carte de Cassini (XVIIIe), raconte une autre histoire: vers Bellac depuis Mézières, on remarque un chemin par la Tuilières, les Fosses, Lagedamont, Châtaignier et se reliant à la route de Poitiers peu avant le pont sur le Vincou. Pour ce qui est du XIXe siècle, l’encyclopédie des routes Wikisara mentionne aussi la réalisation -vers 1837- de la chaussée de la «route de Limoges à Poitiers» entre le Repaire et Bellac. Cette petite ville, «étagée sur un éperon dominant la vallée du Vincou, occupe un site pittoresque dans un paysage vallonné et verdoyant», raconte en 1961 le Guide Vert Périgord-Limousin-Quercy. «Protégée par ses remparts au temps où l’Aquitaine anglaise et le royaume de France s’affrontaient, dit le site bellac.fr, elle constituait un carrefour commercial réputé: le comte de la Marche y battait monnaie au XVIIIe siècle». Au temps des diligences, on dit que Jean de La Fontaine, qui passait par là en 1663, et qui fut frappé par le relief accidenté des abords de la ville, y a trouvé l'inspiration pour écrire la fable Le Coche et la Mouche. Sur la carte de Cassini (XVIIIe siècle) publiée par le Géoportail de l’IGN, on voit s’échapper de cette cité un itinéraire en direction de Châteauponsac et la Croix-du-Breuil où se situe le carrefour avec la chaussée de Paris à Toulouse. En ce qui concerne notre voie d’Angoulême à Nevers, rien non plus sur la carte d’état-major du XIXe jusqu’à Labrousse. Pas étonnant puisque dans l'Annuaire statistique des départements de la Haute-Vienne, de la Creuse, de la Corrèze, pour l'année 1835, on mentionne que la route n°151bis «est en cours d'exécution» vers Bellac. Construction toujours inachevée vers 1841 puisqu’on lit dans l’Analyse des voeux des Conseils généraux de département de cette année-là, que le Conseil de la Haute-Vienne «réitère la demande, aussi vive que pressante, que la route royale n°151bis, construite jusqu'à Bellac, ne soit pas ouverte de ce point jusqu'à Beauvert, et qu'elle continue d'emprunter de Bellac au Dorat, comme elle le fait actuellement, la route départementale n°4, qui allonge peu et rend complètement inutile la construction de la partie projetée, dont l'exécution blesserait d'ailleurs très fortement les intérêts généraux et les intérêts particuliers»... A la fin de la Monarchie de Juillet, lit-on dans l'ouvrage Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle 1845-1880, la situation est totalement différente, la chaussée d'Angoulême à Nevers est en effet déclarée dans la région «en bon état». Les archives de la Haute-Vienne mentionnent 1840-1846 pour les travaux jusqu’à Beauvert.

A la sortie de La Souterraine (photo: Marc Verney, mai 2022).

Notre route n°151bis de 1959 (R.N.145 au XXIe siècle) se dégage de Bellac par l’avenue de la Libération et prend la direction de La Souterraine. On passe la vallée de la Gartempe. A gauche du pont et de la chaussée moderne (1993), l’ancien ouvrage et la boucle du vieux bitume se perdent dans la belle végétation qui longe la rivière. De la petite rectification aux Côtes-du-Pic, on se laisse tranquillement «glisser» jusqu’à Labrousse (la Brousse), puis jusqu’à l’intersection de Beauvert où notre chaussée d’Angoulême à Nevers disparaît un temps (jusque vers La Souterraine) sous le macadam de la R.N.142 (devenue R.N.145 en 1978). Il y 21 kilomètres jusqu’à La Souterraine en passant par Saint-Sornin-Leulac et la Croisière (où l’on passe dans la Creuse et où l’on rencontre la R.N.20 historique). On ne va pas se «voiler la face», les axes routiers principaux, ici, sont aujourd’hui dévolus aux poids-lourds qui sillonnent assidûment la route Centre-Europe Atlantique, ou RCEA, qui devient peu à peu une multivoies (payante en «flux libre» entre Montmarault et Digoin). C’est à Bridier, peu après La Souterraine, que l’on retrouve le tracé de la R.N.151bis (D951) sur la rue André-Poutonnet. La carte de Cassini du XVIIIe siècle (IGN) montre un chemin jusqu’à Dun-le-Palestel. Celui-ci est à peu près raccord avec le tracé de la route d’Angoulême à Nevers. Cela étant, Wikisara mentionne des travaux sur ce tracé entre 1836 et 1841. Voilà tout d’abord Saint-Léger-Bridereix où la chaussée s’oriente à l’est vers Colondannes. A quelques foulées de là, voilà Dun-le-Palestel (Dun-le-Palleteau sur les anciennes cartes) que l’on traverse par la Grande-Rue. Quelques kilomètres plus loin, peu avant Chambon-Sainte-Croix, la chaussée passe la Grande-Creuse sur un impressionnant pont «livré au public» en 1841 dit la Situation des travaux de cette année. Plus loin, entre Chambon et Aigurande, toujours selon la même source et à la même époque, «on a exécuté 30.000 m3 de terrassements et commencé un pont sur la Petite-Creuse alors que la route a été empierrée sur 5000 mètres». D’ailleurs, la carte d’état-major du XIXe siècle publiée sur le Géoportail de l’IGN montre une nette interruption de la voirie entre Chambon et Aigude-Bas indiquant qu’il y avait encore du boulot à réaliser sur cet axe… Les Documents statistiques sur les routes et les ponts de 1873 signalent que le pont sur la Petite-Creuse a été, lui, réalisé entre 1841 et 1845. Une poignée de kilomètres plus loin, c’est l’entrée dans le bourg d’Aigurande (Indre) par l’avenue Maurice-Rolinat. Puis, après la place du Champ-de-Foire, on se rend sur l’avenue George-Sand. Bâtie sur un plateau qui est l’un des confins septentrionaux du Massif Central, la petite cité est, depuis l’antiquité, une ville frontière. Le bourg «s’est développé de part et d’autre de la ligne de faîte de ce plateau, là où l’altitude atteint 439 mètres, mais où le relief est assez arrondi pour y faire passer des routes», écrit le site aigurande-patrimoine.fr. «Il est permis d’imaginer, poursuivent les membres de l'Association pour la sauvegarde du patrimoine d'Aigurande (Aspaig), que le village s’est développé autour d’un poste frontière situé à un carrefour de routes dont la principale était sans doute le chemin direct reliant Bourges, la florissante capitale des Bituriges, au chef-lieu des Lemovices, situé sur la Vienne, à l’est de l’actuelle Limoges». Au Moyen Age, Aigurande fut ville frontière entre deux territoires féodaux qui allaient devenir les provinces du Berry et de la Marche pendant tout l’Ancien régime.

Intersection vers le Gué-Cornu à la sortie du pont de l'Enfer (photo: Marc Verney, mai 2022).
Le pont de l'Enfer sur la Grande-Creuse (photo: Marc Verney, mai 2022).

R.N.140: ROULEZ VERT!
Jusqu'à Figeac, par Bourges, Guéret, Tulle... la route nationale 140 historique fait un sacré bout de chemin en travers de l'Hexagone! L'occasion de se promener au milieu des plus beaux paysages! (lire)

D’Aigurande à l’Embranchement, vers Pouligny-Saint-Martin (où l’on retrouve l’ancienne R.N.140), la chaussée d’Angoulême à Nevers voit, en décembre 1836, son chantier bien avancer et les lacunes à peu près terminées, signale la Situation des travaux de 1837. Passé Crevant, nous voici au carrefour avec la R.N.140 historique (D940), qui va nous emmener, sur une ligne droite de huit kilomètre, en direction de La Châtre. Après ce paisible bourg, cher à George Sand, on continue sur la route de Guéret à Bourges jusqu’au village de Thévet-Saint-Julien, où nous retrouvons, sur la droite, le bitume de la R.N.151bis, qui file en direction du Châtelet. Ici, la Situation des travaux signale le quasi achèvement des travaux jusqu’à Fosse-Nouvelle au 31 décembre 1839. A 5,5 km de Thévet-Saint-Julien, nous sommes à Vicq-Exemplet. Ce village portait anciennement le nom de Vicq-sur-l'Aubois. La mention «Exemplet» vient probablement d'un mot qui signifie «lieu défriché». Et le défrichement en question pourrait remonter à l'époque de Saint-Louis (Wikipédia). Au pont sur la Sinaise (1841 selon Wikisara), on passe dans le département du Cher. Et à onze kilomètres, voilà le Châtelet, où l’on entre par la Grande-Rue ayant préalablement passé l’aimable Portefeuille qui tournicote autour de la butte où se trouvait l’ancienne forteresse du XVIe. Wikisara indique des travaux en 1844 pour la traverse de cette localité. Après le centre-ville, la «rue Nationale» se transforme en «route de Saint-Amand» et s’oriente vers Loye-sur-Arnon et Fosse-Nouvelle. Là, notre chemin d’Angoulême à Nevers rencontre une plus ancienne route, car déjà tracée sur la carte de Cassini (XVIIIe), en provenance de Culan (R.N.697 historique). Peu avant Saint-Amand-Montrond, voici Orval, où notre voie traverse le Cher. Cette cité a historiquement précédé Saint-Amand-Montrond, bâti sur l’autre rive: au départ, entre le Xe et XIIe siècle, il y avait là une motte féodale, destinée à contrôler le passage de la vallée du Cher, lit-on sur le site ville-orval.fr. «Son territoire s’étend alors sur les deux rives du Cher jusqu’aux portes de la ville ancienne de Saint-Amand et englobe le domaine et le château de Montrond. Mais, en 1412, durant la Guerre de Cent ans, Orval est pillée et pratiquement détruite par les troupes anglaises. Une partie de la population en fuite traverse le Cher et se réfugie à la Chaume-Billeron, au sud de la Marmande. C'est là, à la paix revenue, que se tiendront de grandes foires annuelles, les célèbres foires d’Orval», explique le site municipal. En 1606, Sully achète Orval au duc de Nevers. Pour remplacer le bac, il fait construire en 1610 un premier pont en pierre qui va relier les deux rives du Cher. De l’autre côté de la rivière, la ville neuve de Saint-Amand, édifiée sur les terres dépendant de Montrond sera bientôt appelée, de ce fait, Saint-Amand-sous-Montrond, unie à sa cité mère Saint-Amand-le Chastel par une courte rue Entre-les-Deux-Villes qui existe encore. «A la fin du XVIIe siècle, Saint-Amand se présente donc comme deux villes distinctes ceintes de remparts, l'une très ancienne serrée autour de son château et de son église (village plutôt que ville puisque qu'y vivent principalement vignerons et manœuvres), l'autre, bourgeoise et commerçante, groupée autour de sa place du marché», écrit ville-saint-amand-montrond.fr. Au XIXe siècle, poursuit le site municipal, «la destruction des remparts ouvre la ville et transforme l'économie locale, ses moyens et ses rayons d'action: des voies plus larges sont tracées et un vaste projet d'ouverture de fontaines publiques est étudié. Enfin, l'arrivée du canal de Berry en 1840 puis du chemin de fer participent grandement à ce développement économique». Pour Wikisara, l’amélioration de la traversée routière de Saint-Amand est réalisée en 1861.

Non loin d'Aigurande (photo: Marc Verney, mai 2022).
A côté de Crevant, ce panneau Dunlop défie le temps (photo: Marc Verney, mai 2022).
Panneau Michelin conservé à la sortie du Châtelet (photo: Marc Verney, mai 2022).

On quitte la cité par la «route de Charenton». Depuis Saint-Amand-Montrond, nous allons accompagner le canal de Berry, déclassé depuis 1955. Longue de 324 kilomètres et grâce à ses trois branches, la voie d'eau, ouverte de 1829 à 1841, irrigue une partie du Bourbonnais, du Berry et de la Touraine (canal-de-berry.fr). A quatorze kilomètres, nous atteignons Charenton-du-Cher, village trônant au milieu d’une campagne apprivoisée, un peu monotone, transpercé par le fil aquatique du canal et baigné par les flots tranquilles de la Marmande. La complète page Wikipédia du bourg évoque un passé gallo-romain, «Carento Magus relève de l'Aquitaine Première et est situé en territoire des Bituriges sur le chemin reliant Avaricum au Bourbonnais». Plus tard, c’est en 1840, que ce village, passé de mains en mains au fil des siècles, verra «le percement de la route Angoulême-Nevers; les remparts sont éventrés, le donjon démoli ainsi que la chapelle Notre-Dame-de-Grâce qui sera reconstruite dans le narthex (avant-nef, ndlr) de l'ancienne abbatiale». On quitte la localité par la rue de la Barrière et la route de Laugère qui va nous mener jusqu’à Bessais-le-Fromental. Par là, indique Wikisara, le chantier de la chaussée qui accueille encore la circulation automobile de nos jours a été mené de 1836 à 1838 jusqu’à Sancoins. Quelques encablures après Bessais, la route ancienne faisait jusqu’en 1973 une large boucle au niveau du lieu-dit les Quatre-Vents. On en voit encore le tracé sur les photos aériennes de l’IGN…

Sortie de Fosse-Nouvelle (photo: Marc Verney, mai 2022).

De Saint-Aignan-des-Noyers, il y a vingt-trois kilomètres à parcourir jusqu’à Sancoins, où la R.N.151bis de 1959 reçoit, sur sa gauche, la R.N.719 (auj. D2076), en provenance de Bourges. Lieu de passage depuis fort longtemps, le lieu s’appelle Tinconium (puis Tincollo) sur la carte dite «de Peutinger», écrit le site sancoins.fr. Le nom dans sa graphie actuelle est attesté à partir de 1730. La petite ville, placée «sous la domination seigneuriale des ducs de Bourbon et la dépendance ecclésiastique de bénédictins de La Charité-sur-Loire, fut déclarée "ville royale" au début du XIIIe siècle», lit-on encore sur le site de la mairie. Au XIXe siècle, se développent à Sancoins de petites industries, comme la «grande carrosserie Rétif» qui a employé, avant 1914, jusqu’à 300 personnes pour fabriquer et exporter (jusqu’en Argentine) ses voitures hippomobiles. Pour ses derniers kilomètres, la route «d’Angoulême à Nevers» emprunte tout d’abord la rue de Saint-Pierre-le-Moutiers qui se transforme aujourd’hui en D2076 dès que l’on passe le carrefour de la déviation de 1974. De Sancoins, ce «gros bourg ouvert», partait en 1841 une route rejoignant «le port de Mornay et se dirigeant sur Bourges», écrit Georges Touchard-Lafosse dans l'ouvrage La Loire historique. Ici, la route a été construite entre 1836 et 1839 jusqu'à Saint-Pierre-le-Moûtier. Pour relier le Cher et la Nièvre par dessus l'Allier, un premier pont suspendu est inauguré le 16 juin 1840. Mais celui-ci est fragilisé et endommagé par de violentes crues quelques années plus (1846 et 1856). De plus, les travées de bois de son tablier ne peuvent supporter que des véhicules légers. Il y aura, au début de l'ère automobile, de nombreux camions qui passeront au travers des planches... faisant un beau «plouf» dans le lit de la rivière! Un nouveau pont suspendu au tablier bitumé est inauguré en août 1936; placé durant la Deuxième Guerre mondiale sur la ligne de démarcation, il ne sera pas détruit par les troupes allemandes en retraite et vivra sa vie de pont jusqu'en 1985, date à laquelle il est relayé par un ouvrage provisoire qui précédera le pont contemporain, inauguré en mai 1991 (geodazner.blogspot.com). Au courant des années cinquante, on pénétrait dans Saint-Pierre-le-Moûtier, terme de notre voyage sur la R.N.151bis historique, par l’avenue Emile-Petitrenaud. Celle-ci s’embranchant sur la R.N.7 d’antan au niveau du carrefour avec la rue du Faubourg-de-Nevers.

On roule bien sur une belle chaussée en direction de Sancoins (photo: Marc Verney, mai 2022).
Belle surprise à Sancoins, ces deux plaques émaillées à l'entrée et à la sortie du bourg (photo: Marc Verney, mai 2022).
Cette deuxième plaque est située sur la chaussée qui s'oriente en direction de Saint-Pierre-le-Moûtier. (photo: Marc Verney, mai 2022).

Marc Verney
, Sur ma route, avril 2023
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