Quel dommage que la belle plaque en lave émaillée de Pontgibaud ait été mutilée (photo: MV, avril 2021).
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D941 après Limoges. La section comprise entre Limoges et Clermont-Ferrand a été déclassée suite à la réforme de 1972, mais en 1991, dit Wikisara, les départements de la Haute-Vienne et de la Creuse obtiennent son reclassement jusqu'à la limite du Puy-de-Dôme. La réforme de 2005 déclasse à nouveau ce tronçon qui se finissait en cul-de-sac peu avant Saint-Avit (photo: MV, avril 2021).
Panneau Michelin à Bourganeuf (photo: MV, avril 2021).
Panneau Michelin sur la Creuse à Aubusson (photo: MV, avril 2021).

LIEUX TRAVERSES PAR LA R.N.141 (1959):
Limoges (N20, N21)
Panazol
Les Chabannes
Royères
Pont-de-Noblat
Saint-Léonard-de-Noblat
Sauviat
Le Nouhaud
Bourganeuf (N140)
Pontarion
Saint-Hilaire-le-Château
La Pouge
Courcelles
Farges
Aubusson (N142)
Prondesagne
Les Puids
La Villetelle
Maison-Rouge
La Villeneuve
Létrade
Saint-Avit
Le Cheval-Blanc
La Baraque
La Rodde
Pontaumur
La Goutelle
Bromont
Pontgibaud
Saint-Ours
Le Vauriat
Le Cratère
Sayat
Durtol
Chamalières
Clermont-Fd (N9, N89)

SOURCES ET DOCUMENTS:
Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°72 Angoulême-Limoges, Michelin (1964); carte n°73 Clermont-Ferrand-Lyon, Michelin (1961); Analyse des voeux des Conseils généraux, Imprimerie royale (1841); Annuaire du département de la Creuse (pour l'année 1844), Dugenest, imprimeur de la préfecture (1843); Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle 1845-1880, Alain Corbin, PULIM (1975); Bulletin des lois du royaume de France, Imprimerie royale (1847); «Curiosités de voyage, de Limoges à Clermont et à Thiers, 1631», Ambroise Tardieu, La revue lyonnaise (juillet-décembre 1882) Géographie et histoire du Limousin: Creuse, Haute-Vienne, Corrèze depuis les origines jusqu'à nos jours, Alfred Leroux, Doucourtieux, libraire (1890); Guide Vert Périgord-Limousin-Quercy, Michelin (1961); Histoire de la Marche et du pays de Combraille, Joseph Joullietton, P. Betoule, imprimeur-libraire (1815); Histoire des routes de France, du Moyen-Age à la Révolution, Georges Reverdy, Presses de l'ENPC (1997); «Il y a 70 ans, la rentrée de Raymond Poulidor», le Populaire du Centre (11 septembre 2017); «La villa gallo-romaine de Beauclair», Ambroise Tardieu, La revue lyonnaise (juillet-décembre 1882); «Les aménagements hydroélectriques du Bassin de la Vienne», Paule Garenc, Annales de géographie (1952); «Les routes médiévales, mythes et réalités historiques» Franck Imberdis, Annales (1939); Situation des travaux, Imprimerie royale (1846); bourganeuf.fr; cite-tapisserie.fr; clermont-ferrand.fr; forgottencircuits.pagesperso-orange.fr; inventaire.nouvelle-aquitaine.fr; tourisme-creuse.com; tourisme-hautevienne.com; tourisme-noblat.org; ville-chamalieres.fr; Wikipédia; Wikisara; le Géoportail de l’IGN; Persée.
Borne de limites départementales entre Creuse et Puy-de-Dôme (photo: MV, avril 2021).
A VOIR, A FAIRE
Saint-Léonard-de-Noblat:
la patrie du chimiste et physicien Gay-Lussac possède une église romane dont les murs remontent au XIe siècle. Bel exemple de clocher dit «limousin». On trouve quelques maisons anciennes dans le quartier autour de cette église.
Bourganeuf: au milieu de jolies collines boisées, la petite cité «de caractère» est connue parce qu’elle accueillit en 1486, un prestigieux prisonnier en la personne du sultan ottoman Djem, fils de Mahomet II. Surnommé prince Zizim, il a laissé son nom à l’une des tours (on visite) de l’ancien château, siège du prieuré de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Promenades dans les gorges du Verger et autour des roches de Mazuras.
Pontarion: le château (ne se visite pas), du XVe siècle, a été construit pour Antoine d'Aubusson. Dans l'église, trente-deux pierres tombales forment un dallage et sont ornées de croix, équerres, marteaux, signes de seigneurs, chevaliers, maçons ou bien encore tailleurs de pierre.
Aubusson: située dans la pittoresque vallée de la Creuse, la cité est mondialement connue pour son industrie de la tapisserie, à l’œuvre depuis le XVe siècle. La Cité internationale de la tapisserie intègre l'ancien musée départemental de la tapisserie et présente l'histoire et les collections de tapisseries d'Aubusson et de Felletin.
Pontaumur: promenade dans les gorges du Sioulet.
Pontgibaud: château Dauphin, le jardin et le musée de la Mine. De 1853 à 1897, 68 kilomètres de galeries et 2900 mètres de puits furent creusés et les fonderies produisirent 50.000 tonnes de plomb et 100 tonnes d'argent, dit le site chateaudauphine.com. A quelques longueurs, le parc Vulcania et le puy de Lemptégy, pour tout savoir sur l’histoire des volcans d’Auvergne.
Le Cratère: le bourg de Volvic est tout proche. On peut y visiter la grotte de la Pierre de Volvic, l'une des premières carrières de roche volcanique exploitées en galerie dès 1254, pour –notamment- la construction de la cathédrale de Clermont-Ferrand. Site clunisien, l'église Saint-Priest de Volvic est classée monument historique pour son chevet roman typiquement auvergnat et sa grille du XIIe siècle. A côté de la statue monumentale de la Vierge on peut admirer la belle vue sur la cité et ses environs. Le château de Tournoël, connu depuis le Xe siècle est l'un des plus impressionnants sites touristiques d'Auvergne (vaste panorama).
Clermont-Ferrand: dans le centre historique, voilà la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption et, dans le quartier du Port, la basilique Notre-Dame-du-Port. On peut aussi se promener dans la rue Blaise-Pascal (le célèbre mathématicien est originaire de Clermont). Dans le musée Henri-Lecoq, on peut d’ailleurs admirer la pascaline, machine à calculer inventée par Pascal. Les amateurs des choses de la route ne manqueront pas l’Aventure Michelin où l’on retrouvera tout ce qui a marqué l’histoire du célèbre fabricant de pneumatiques. A Montferrand, on trouve l’intéressant musée d’art Roger-Quilliot. Non loin, une montée au puy de Dôme (1465 m) réserve de belles émotions touristiques...
AUTRES LIENS: la page Wikipédia de la R.N.141 (lire) ou la page Wikisara de la route de Saintes à Clermont-Ferrand (lire)
Au lieu-dit Maison-Rouge, nous voici sur l'ancienne R.N.141B; un itinéraire beaucoup plus court vers Clermont (photo: MV, avril 2021).

Les belles routes de France
R.N.141: AU TOUR DES VOLCANS (II)
La R.N.141 historique de 1959 relie Saintes (Charente-Maritime) à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Après Limoges, notre chaussée prend la direction de Bourganeuf et Aubusson. Nous traversons d’abord la verdoyante Creuse avant d’aborder le pittoresque Puy-de-Dôme… Nous voilà en Combraille sur des paysages de hautes terres finalement peu accidentées mais creusées par le ruissellement de rivières (Vienne, Creuse, Thaurion…). La route n°141 ondule toujours autour des anciens itinéraires romains (via Agrippa) et médiévaux toujours empruntés au XVIe siècle (comme Montaigne revenant d’Italie en 1581…). Au fil des kilomètres, l’influence de la montagne se fait de plus en plus sentir même si l’altitude da la chaussée reste modeste. Et au bout du goudron, voici Clermont-Ferrand qui s’annonce; la capitale historique de l'Auvergne s’impose au regard, s’étendant au bout de la plaine de la Limagne sous le regard placide du puy de Dôme (1465 m)…

L'ancienne R.N.141 (D941) peu après Aubusson (photo: Marc Verney, avril 2021). En cliquant sur l'image, vous retournez à la page principale de ce site. .

La route nationale 141 de 1959 (D941 aujourd’hui) quitte Limoges par l’avenue Léon-Blum et longe le village de Panazol, en bordure du plateau limousin. Plus loin, les photos aériennes de l’IGN des années cinquante montrent que le bitume y était surplombé par une splendide allée d’arbres qui ont tous disparus de nos jours. Le dernier mari d'Édith Piaf, Théo Sarapo, est d'ailleurs –hélas- mort ici, le long des platanes de la R.N.141, le 28 août 1970 des suites d'un accident de voiture. Après le Château-de-la-Rue, deux autres lieux-dits font immanquablement penser aux voies anciennes: la «croix de la Lieue» et «l’Estrade». D’ailleurs, dans l’article «Les routes médiévales, mythes et réalités historiques», Franck Imberdis indique que «la route royale de Clermont-Ferrand à Limoges, par Pontgibaud et Pontaumur, a été ouverte par l’intendant d’Auvergne en 1737»; mais cette voie, qui sera véritablement finalisée au XIXe, devait être connue depuis longtemps, puisque «son trajet avait été suivi par Montaigne, rentrant d’Italie en 1581». Les différentes cartes du Géoportail de l’IGN portent en tout cas ici la marque de la chaussée: à Royères, un large virage de la nationale historique est rectifié au cours du XXe siècle puis notre voie de Saintes à Clermont-Ferrand aborde la Vienne, qui sera franchie à Pont-de-Noblat. Là, se trouve un ancien ouvrage du XIIIe siècle, typique des ponts limousins construits à la même époque. On estime, signale le site tourisme-hautevienne.com, qu'il supportait notamment le trafic de la voie ancienne «Bourges-Bordeaux». Il est côtoyé par le nouveau pont routier du XVIIIe siècle. Puis la route monte vers Saint-Léonard-de-Noblat en de vastes courbes (rectification du XIXe) alors que l’on remarque, sur la carte de l’IGN, un «chemin du Pavé» grimpant tout droit vers la petite agglomération, jadis traversée par la «rue Aumonière» (aujourd’hui rue Georges-Périn). L’histoire de Saint-Léonard-de-Noblat commence véritablement au XIe siècle: la cité se bâtit autour d’une église et connaît une large expansion grâce, écrit tourisme-noblat.org «au large développement du culte voué à saint Léonard et des activités commerciales allant de pair». Le bourg est entouré d’un rempart et d’un fossé sec durant la deuxième moitié du XIIe siècle. Le tracé de cette enceinte correspond aux actuels boulevards autour du centre-ville.

R.N.20: LIMOUSINES EN PYRENEES...
La N20 de 1959 relie Paris à l'Espagne en passant par... Orléans, Limoges, Toulouse... une route qui coupe la France en deux du nord au sud. Une sacrée chevauchée... (lire)

R.N.21: UN BIEN BEAU CIRQUE!!
La route nationale 21 relie Limoges aux Pyrénées en s'achevant face au cirque de Gavarnie... Voilà une route qui vous met des paysages plein les yeux (lire)

Peu avant Saint-Léonard-de-Noblat (photo: Marc Verney, avril 2021).
A la sortie de Sauviat, en direction de Bourganeuf (photo: Marc Verney, avril 2021).
Les panneaux Michelin conservés en pleine nature se font rares... Celui-ci est à l'embranchement de la route vers Saint-Pierre-Chérignat (photo: Marc Verney, avril 2021).

On quitte ce petit bourg par l’avenue de Clermont. Au début du XIXe siècle, on suivait plutôt ici la rue Louis-Valadas pour rejoindre le tracé actuel vers le Raca. Et là encore, une longue ligne droite, ombragée de platanes dans les années cinquante, file en direction de Sauviat-sur-Vige. Dans le coin, beaucoup de terrains sont marécageux en raison d'un sous-sol granitique imperméable et sont parsemés d'étangs; ce sont les «moulards», comme on les appelle ici. Le fameux coureur cycliste Raymond Poulidor («l’éternel second»…), natif de la région, fut élève à Sauviat «deux années scolaires durant», rappelle un article du Populaire du Centre (le sportif est inhumé à Saint-Léonard-de-Noblat). Dès lors, la «route de Limoges à Clermont-Ferrand» prend la direction de Bourganeuf et évolue au milieu d’un paysage hésitant entre bois et prés. Pas grand monde sur le macadam. Voilà la «France profonde», paisible et loin des frénésies urbaines… On entre dans la Creuse peu avant le Nouhaud. Après le long virage du Pont-du-Beige, on traverse le lieu-dit du «Chemin-Ferré» près du moulin de Montboucher où une nouvelle courbe a été taillée dans la colline au cours des années 2000. En arrivant sur Bourganeuf, notre route n°141 historique (D941) fait une nouvelle et large courbe vers le nord avant d’arriver au quartier Bellevue. La route ancienne, tracée sur la carte de Cassini (Géoportail de l’IGN), filait tout droit par les Graules pour traverser le ruisseau du Verger qui a accueilli –en 1886- au lieu-dit la Grand-Eau la première usine électrique de la cité (Bourganeuf a été la troisième ville française à disposer de l’électricité, cette année-là). Trois ans plus tard, l’alimentation de la ville arrivait «par la force transportée à distance depuis la cascade des Jarrauds en 1889», raconte le site bourganeuf.fr.

D'anciennes signalisations Michelin égaient les rues de Bourganeuf (photo: Marc Verney, avril 2021).

R.N.140: ROULEZ VERT!
Jusqu'à Figeac, par Bourges, Guéret, Tulle... la route nationale 140 historique fait un sacré bout de chemin en travers de l'Hexagone! L'occasion de se promener au milieu des plus beaux paysages! (lire)

On entre dans la cité par la «route de Limoges» qui se poursuit vers le centre par l’avenue du Professeur-Chapoux. «De la commanderie des hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem fondée au XIIe siècle, explique le site tourisme-creuse.com, est né le bourg neuf qui devient vite Bourganeuf. La cité doit une part de sa célébrité au fait qu’elle accueillit en 1486, un prestigieux prisonnier en la personne du sultan ottoman Djem, fils de Mahomet II. Surnommé Prince Zizim, il a laissé son nom à l’une des tours, l’élément patrimonial emblématique de la ville». L'ouvrage Histoire de la Marche et du pays de Combraille confirme en tout cas le passage, en 1815, de notre route dans la région: «Deux grandes routes traversaient la province: une du sud-ouest au nord-est; c'était celle de Limoges à Moulins; et l'autre de l'est à l'ouest; c'était celle de Limoges à Clermont et à Lyon». Douze ans plus tard, c’était encore l’un des rares axes «accessible au roulage et au service des diligences», dit l’ouvrage Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle. Et toujours concernant cette dernière route, «le Conseil général de la Creuse a émis le voeux de procéder à la correction de toutes les pentes, dont quelques-unes ont 7, 8, 9 et 10 centimètres, de la route n°141 dans le Puy-de-Dôme et entre Bourganeuf et Limoges», rapporte l'Analyse des voeux des Conseils généraux de 1841. L’histoire ne dit pas si les vœux ont été rapidement exaucés… D’ailleurs en 1844, dit l'Annuaire du département de la Creuse, il y aura toujours sur cette route, «des pentes ou des rampes à rectifier ou à corriger»... Pour sortir de Bourganeuf, on suit sur quelques hectomètres la «route de Guéret». En effet, en 1959, nous croisons ici la nationale 140 qui remonte vers le nord et la préfecture de la Creuse. Moins de 10 km nous séparent désormais de Pontarion.

Le château de Pontarion et le pont sur le Thaurion (photo: Marc Verney, avril 2021).

C’est à Pontarion que notre route nationale 141 historique de 1959 traverse le Thaurion (appelé Taurion dans la Haute-Vienne). Cette rivière a servi à acheminer, jusqu'au début du XXe siècle -par flottage- le bois coupé sur la Montagne limousine et dans les monts d'Ambazac vers Limoges (via la Vienne), où il était utilisé notamment pour chauffer les fours à porcelaine. Puis, au début des années trente, la création de barrages liés à quatre usines hydroélectriques donne à la rivière un autre rôle économique, raconte l'article «Les aménagements hydroélectriques du Bassin de la Vienne» de Paule Garenc. Mais revenons à notre route… Au Moyen Age et jusqu’au XVIIIe siècle, l’itinéraire Limoges-Clermont passe par un «raccourci» de la via Agrippa qui irrigue Felletin et Pontcharraud. On en retrouve trace dans les propos de Montaigne, qui traverse la Montagne limousine en 1581: «Je vins landemain coucher à Pont-Sarrant (Pontcharraud), petit village, six lieues. Ce chemin est garni de chetifves hostelleries jusque à Limoges... (...) aîant passé le long de Feletin (Felletin), petite ville qui samble estre bien bastie, situé en un fons tout entoumé de haus costaus, & étoit encore demi déserte pour la peste passé, je vins coucher à Chastein, cinq lieues, petit méchant village», écrit-il (l’orthographe est d’époque) dans son journal de voyage alors qu'il s'apprête à rallier Bordeaux car il a été nommé maire de cette ville.

Virage rectifié et pont délaissé par la R.D.941 à Saint-Hilaire-le-Château (photo: Marc Verney, avril 2021).

De Pontcharraud, l’«ancienne route de Clermont» rejoignait ensuite Giat, Sauvagnat, Gelles, traversait la Sioule au «pont Armurier», passait Ceyssat et, contournant le puy de Dôme par le sud, arrivait sur Clermont-Ferrand par la Font-de-l’Arbre et Chamalières. Dans ces environs, le chemin est d’ailleurs souvent appelé «Voie Romaine». Cette très ancienne infrastructure, liée ici à la via Agrippa, a servi, dit Ambroise Tardieu en 1882 dans un article de La revue lyonnaise, «pendant toute la période féodale» et même au-delà, «jusqu'au commencement du XIXe siècle, à l'époque de l'achèvement de la route nationale de Clermont-Ferrand à Limoges par Pontgibaud, Pontaumur et Saint-Avit. Les corps de troupes mis en mouvement, le transit des marchandises passaient sur cet antique chemin, ainsi que nous le voyons dans un grand nombre de chartes du Moyen Age; le pont qui permettait à cette voie de traverser la rivière de la Sioule portait jadis et porte encore le nom de "pont Armurier", qui rappelle le passage des armées en campagne». Mais revenons à la «nouvelle route royale». On quitte Pontarion et son château pour Aubusson, qui est distante d’une trentaine de kilomètres. Voilà d’abord Saint-Hilaire-le-Château, puis la Pouge. De grandes courbes et lignes droites se succèdent, la route est encadrée de bois et de champs… Ainsi va notre chemin jusqu’au hameau des Farges, peu avant Aubusson. Ici, une rectification d’ampleur a été effectuée au milieu du XIXe siècle autour de l’ancien tracé des intendants. La route du XVIIIe suivait la rue des Vergnes -par la Maison-Neuve- passait non loin de la Chassagne, dessinait une grande courbe autour de la colline de Chabassière et un lacet final pour arriver à Aubusson et au pont des Récollets par la rive droite de la Beauze. La nouvelle chaussée, actée par l’ordonnance royale de mai 1846, contourne la colline de Chabassière depuis les Farges par le sud et rejoint l’actuelle avenue de la République qui aborde directement le pont des Récollets sur la Vienne. En face de nous se trouve donc le pont sur la Creuse, bâti en pierre en 1655 et rebâti en 1848 (il s’appelle depuis pont Neuf). De l’autre côté, c’est la rue des Déportés qui nous emmène jusqu’à la Grande-Rue, aujourd’hui au cœur du centre-ville d’Aubusson et réalignée vers 1830, indique l’inventaire topographique de la ville (inventaire.nouvelle-aquitaine.fr), rédigé en 2012 par Emmanuelle Philippe. Depuis le Moyen Age, la ville d’Aubusson s’est développée et fortifiée dans sa vallée sous la protection du château des vicomtes d’Aubusson, qui la dominait. La localité est réputée pour ses tapisseries. Peut-être importée à Aubusson depuis les Flandres au XIVe siècle, cette industrie atteint son apogée aux XVIe et XVIIe siècles, grâce à Colbert, qui lui accorde le titre de Manufacture royale. Mais le débat reste cependant ouvert sur l’origine… Longtemps attribuée au monde arabe, d’autres auteurs, dont George Sand, «ont répandu l’hypothèse qu’à la fin du XVe siècle, l’exil du prince ottoman Zizim à Bourganeuf s’était accompagné de l’installation d’ateliers de tisserands turcs», écrit le site cite-tapisserie.fr.

Entrée d'Aubusson en venant de Limoges (photo: Marc Verney, avril 2021).
Sur l'avenue de la République à Aubusson (photo: Marc Verney, avril 2021).

En direction de Clermont-Ferrand, la route a également été rectifiée au cours du XIXe siècle. L’ancienne voie royale remontait le vallon de la Queuille pour rejoindre un plus antique cheminement venant du Marchedieu non loin de La Seiglière. Après, cette voie filait vers Randonnat pour y retrouver l’actuelle D941. Du XIXe siècle aux années soixante, la R.N.141 suivait la Queuille pour s’orienter ensuite vers la Feuillie, le Crouzat et Puyboube pour ensuite continuer sur la Villetelle. Une poignée de kilomètres plus loin, notre chaussée de Limoges à Clermont-Ferrand passe la Tardes au Pont-du-Chet. Ici, un nouvel ouvrage est bâti et des rectification sont effectuées des deux côtés de la rivière, signale la Situation des travaux de 1846, qui dit que «les ouvrages sont au trois-quarts de leur achèvement, et tout fait espérer qu’à la fin de la campagne de 1846, la construction de ce viaduc sera très achevée». Plus loin, après Naleichard, une large courbe a été coupée net en ce XXIe siècle bien avancé… Voilà maintenant la Maison-Rouge, la Maison-Neuve et La Villeneuve. Après Létrade, nous entrons dans le Puy-de-Dôme où nous passons le Guet puis arrivons à Saint-Avit. Entre Saint-Avit et Clermont, la route «a été commencée en 1733, par M. Trudaine, intendant d'Auvergne» dit Ambroise Tardieu (déjà cité plus haut). Dans les archives des intendants de cette région, il est d’ailleurs spécifié que le pont construit à Pontaumur, à une poignée de kilomètres de là, fut élevé à la même époque en vue du tracé récent de cette route. «Ce chemin de grande communication ne fut terminé et ouvert définitivement qu'en 1809», précise cependant le chercheur dans son article de 1882 paru dans La revue lyonnaise. A Saint-Avit-d’Auvergne, on retrouve l’itinéraire arrivant de Felletin par Crocq (on remarque sur les cartes un lieu-dit «Vieille-Route»). Celui-ci, mis en service au XVe siècle sous Louis XI, délaissait ainsi la voie Agrippa qui manquait, jusqu’à Clermont de lieux d’étapes, rapporte Ambroise Tardieu, dans les notes d’un article écrit sur le voyage d’Abraham Golnitz entre Limousin et Auvergne au XVIIe siècle.

Détail d'une ancienne publicité peinte (bien rénovée) à Saint-Avit (photo: Marc Verney, avril 2021).
Vers Pontaumur (photo: Marc Verney, avril 2021).

Après les lieux-dits du Cheval-Blanc et de la Baraque, il ne reste plus que quelques kilomètres à parcourir pour atteindre Pontaumur. Le bourg, écrit le site pontaumur.fr, doit «son essor à sa position stratégique sur la route entre Limoges et Clermont-Ferrand». L'évocation d'une poste aux chevaux en 1464 est, semble-t-il, la première trace du village de «Pont au Mur», signale encore le site municipal qui précise que cette liaison postale, créée par Louis XI, assure «l'acheminement des ordres royaux et du courrier, puis des voyageurs à partir de 1506». Au XVIIIe siècle, une nouvelle chaussée et la construction du pont à trois arches conforte l'essor du village. Après Pontaumur, on remarque une des plus importantes rectifications de cet axe n°141. Ordonnée en 1843 (mais réalisée vers 1855, dit Wikisara), cette modification du cheminement change complètement la circulation à la sortie de Pontaumur: la chaussée de l’Ancien Régime suit le tracé de la D217 par Salmondèche, Fontête, la Ganne et la Goutelle. De son côté, la voie rectifiée, utilisée jusqu’aux années soixante, va s’écarter vers Chambon, suit la vallée du Besanton, passe sous Montglandier et rattrape le tracé actuel avec une large boucle peu avant Ballot. Juste avant la Goutelle, le goudron faisait, là aussi, jusqu’au deuxième tiers du XXe siècle, de très larges boucles. Plus loin, en arrivant à Bromont-Lamothe, on constate qu’une autre rectification a été faite avant ce bourg; la vieille route file tout droit dans le paysage alors que la voie actuelle contourne le lieu-dit la Croix avant d’y arriver. Une évolution datée de 1880 signale Wikisara. La région a vécu ,en 1905, la grande histoire de la course automobile avec la Coupe Gordon-Bennett qui se dispute sur le circuit d’Auvergne le 5 juillet. Celui-ci –long de 137 km- partait de Laschamps, rejoignait Rochefort, Laqueuille, Bourg-Lastic (sur la R.N.89 historique), remontait vers Herment, tournait à Pontaumur sur la R.N.141, traversait Pontgibaud et filait ensuite vers Sayat et Clermont-Ferrand pour retourner vers les environs du col de la Moreno (proche du village de Laschamps) où se trouvait la ligne de départ et d'arrivée. On retrouve la description d’époque de la partie de la R.N.141 utilisée par le circuit entre Pontaumur et Pontgibaud faite par le journaliste Pierre Souvestre du journal L'Auto et reprise dans les pages du site forgottencircuits.pagesperso-orange.fr de Franck Rive: «On prend deux kilomètres avant Pontaumur la route de Pontgibaud. Cette dernière est aussi parfaite qu'on peut le souhaiter. Elle comporte de longues côtes en pentes douces, qui montent en larges lacets aux flancs des montagnes puis redescendent ensuite de même, avec, de temps à autre, de belles lignes droites et des paliers».

Ancien virage de la RN.141 d'antan avant la Goutelle (photo: Marc Verney, avril 2021).
Belle plaque émaillée à Bromont (photo: Marc Verney, avril 2021).
Gros plan sur la plaque émaillée abîmée de Pontgibaud (photo: Marc Verney, avril 2021).

A la sortie de Pontgibaud, la R.N.141 de 1959 (D943 aujourd’hui) prend la direction de Saint-Ours et laisse partir, sur sa droite, la R.N.141B, qui rejoint Clermont-Ferrand par le col des Goules, la Baraque et Chamalières. Ce fut l’itinéraire principal de la «route de Limoges à Clermont-Ferrand» jusqu’à une rectification réalisée à partir du milieu du XIXe siècle (on voit même la mention «nouvelle route d’Aubusson et Limoges» sur la carte de Cassini publiée par l’IGN). D’après Wikisara, c’est une ordonnance de 1842 qui fait que l’on décide de faire passer l’itinéraire de la R.N.141 par un «itinéraire plus long mais moins pentu, par le col de la Nugère». Notre chaussée passe dès lors Saint-Ours, atteint le col de la Nugère en s’intercalant entre les nombreux puys, s’oriente vers Sayat et Durtol depuis le lieu-dit le Cratère. D’après Wikisara, le tronçon du Cratère au ravin de Chanat daterait de 1867, celui du ravin de Chanat à Durtol de 1863, «après bien des atermoiements», et enfin la partie de Durtol à Clermont-Ferrand aurait été bâtie à partir de 1850. Voilà Chamalières, notre ultime étape avant Clermont. Son territoire fut «très tôt peuplé», dit le site ville-chamalieres.fr, on y a trouvé en effet «quelques vestiges préhistoriques et celtiques. A l’époque gallo-romaine, l'endroit faisait partie du vaste ensemble qui constituait la ville d’Augustonemetum (futur Clermont)». Le bourg, poursuit le site municipal, «s’est établi à partir du VIe siècle sur un carrefour de l’antique voie romaine Agrippa et sur un site de franchissement de la Tiretaine (site actuel du pont de la Gravière)». Située dans un vallon agréable et fertile, la ville a jadis fait partie des possessions des comtes d’Auvergne puis est passée de mains en mains jusqu'à la famille de la Tour, à la veille de la révolution française. Au milieu du XIXe siècle, écrit encore ville-chamalieres.fr, la petite cité restait isolée de Clermont et n’y était reliée que «par de mauvais chemins». Tout allait changer à cette époque, d’abord «avec la construction de la route de Clermont à Limoges (qui deviendra l’avenue Joseph-Claussat), puis en 1879, celle de l’avenue de Royat, qu’utilisera une vingtaine d’années plus tard une ligne de tramways électriques (la première en France)».

Tracé de la R.N.141 entre Limoges et Clermont-Ferrand vue sur une carte de 1933 (Routes à priorité, éditée par le laboratoire de médecine expérimentale pour le corps médical).
Vers Clermont-Ferrand, on retrouve la marque M, comme Métropole sur nos anciennes routes nationales (photo: Marc Verney, avril 2021).

L’arrivée finale sur Clermont se fait par les avenues Joseph-Claussat et Franklin-Roosevelt puis par la rue Blatin. Nous voici place de Jaude, au cœur de la capitale auvergnate après avoir parcouru ,sur la R.N.141 historique, 184 kilomètres depuis Limoges. La ville actuelle de Clermont-Ferrand est née de l’union des deux villes, Clermont et Montferrand, une décision prise par Louis XIII, et confirmée sous Louis XV, écrit le site des archives départementales du Puy-de-Dôme. Pour sa part, Montferrand «doit sa fondation aux crises successives qui opposèrent les comtes d'Auvergne à l'évêque qui régnait sur la ville de Clermont». Les diverses tentatives pour s'emparer de Clermont ayant échoué, le comte Guillaume VI décide alors de rivaliser en construisant une rivale sur une butte voisine propice aux fortifications. Clermont, elle, relatent les archives départementales, «remonte à l’antiquité et prend le caractère d’une ville épiscopale». La plus ancienne mention de l’existence de Clermont figure dans les écrits de Strabon, au Ier siècle. La ville, dénommée Nemossos, est qualifiée de «métropole» des Arvernes. Au cours du Ier siècle, elle prend la dénomination d’Augustonemetum et connaît une phase d’extension jusqu’au milieu du IIIe siècle. La ville médiévale, enserrée dans une enceintes aux cinq portes, est beaucoup moins développée (3 ha et 700 habitants) que la cité gallo-romaine, qui a une population comprise entre 15.000 et 30.000 habitants… A cette époque, l’itinéraire antique vers Saintes et l’Atlantique passe par Limoges, écrit Georges Reverdy dans l’Histoire des routes de France, du Moyen-Age à la Révolution. Si la place de Jaude, lieu de rendez-vous préféré des Clermontois voit le jour à partir de 1663, c'est au XVIIIe siècle que se tiennent d'imposants travaux d'urbanisme, «dont la transformation de l'emprise des remparts et des fossés en voies publiques», explique le site clermont-ferrand.fr. A la Révolution, sont percées de nouvelles avenues, ce qui aboutit au dégagement de la partie centrale de la ville. Plus récemment, difficile de ne pas dissocier la ville des industries Michelin... au XIXe siècle, il existe à Clermont-Ferrand une fabrique de machines agricoles et de produits en caoutchouc. Au bord de la faillite en 1886, elle est rachetée par Edouard et André Michelin, les petits-fils du fondateur. Ceux-ci relancent l’activité avec l’invention -en 1891- du pneumatique démontable pour les bicyclettes, un système adapté à l'automobile en 1894. Puis viendront les cartes pour cycles et automobiles, la relance de Citroën, la signalisation routière… Bref, beaucoup d’éléments qui motivent la réalisation de ce site internet! Nous aurons parcouru environ 360 kilomètres depuis Saintes.

Marc Verney, Sur ma route, février 2022

ABECEDAIRE R.N.141! La route nationale 141A reliait Clermont-Ferrand aux Quatre-Routes. Elle était décrite, en 1933, comme l'annexe vers la R.N.89 par le col de la Moreno. C'est la voie d'accès au puy de Dôme. De son côté, la R.N.141B reliait Pontgibaud à La Baraque. On l'a décrite comme étant l'annexe du col des Goules. Itinéraire direct vers Clermont depuis Pontgibaud, c'était l'ancien tracé de la route n°141 avant la rectification de septembre 1842 par le Cratère. La RN141C reliait Durtol à Ceyrat. C'est aujourd'hui la D944 (ou M944). Curiosité notable, la R.N.141D formait une petite boucle de 700 mètres qui ne desservait que la gare de Saint-Léonard-de-Noblat. Pour sa part, la R.N.141E dédoublait la route n°141 à l'entrée est de Saintes dans la traversée des voies ferrées (Wikisara).

R.N.9: SILLON D'AUVERGNE
La RN9 de 1959 relie Moulins à l'Espagne en passant par Clermont-Ferrand, Millau, Béziers et Perpignan. Une route lascive et belle comme le vent sur le causse. (lire)

R.N.89: LA GRANDE CENTRALE (II)
De Lyon à Bordeaux, la nationale 89 coupe tout le centre de la France, une vraie épopée routière entre Rhône et Atlantique... (lire)

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