Sinueuse mais pas trop difficile, la N-432 est un excellent moyen de traverser une partie de l'Andalousie, entre Grenade et Cordoue (photo: MV, octobre 2017).
Plaque d'informations touristiques à Grenade (photo: MV, octobre 2017).
Parmi les merveilles du monde se trouve l'Alhambra de Grenade (photo: MV, octobre 2017).
Bibendum est partout (photo: MV, octobre 2017).

LA N-432 EN 1966
La carte Michelin de 1966 montre une route n°432 très différente de celle d’aujourd’hui. C’est, à l’époque, un axe secondaire et souvent étroit, peu pratique pour les liaisons à grande distance. De Grenade à Alcala la Real, la chaussée est large et peu difficile. Mais, entre Alcala la Real et Alcaudete, Michelin pointe deux grosses difficultés, des croix rouges signalant une «route en mauvais état». Après Alcaudete, des travaux ont sans doute été réalisés puisque la route est mentionnée comme ayant «deux voies larges» à l’exception de l’arrivée sur Baena, à nouveau en «mauvais état». Et, jusqu’à Cordoue, la suite du trajet se fait sans problème.
L'indication des belvédères en Espagne est trop mignonne avec son vieil appareil photo (photo: MV, octobre 2017).

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Signalisation touristique en émail à Cordoue (photo: MV, octobre 2017).
Les spectaculaires colonnes de la mosquée-cathédrale de Cordoue (photo: EF, octobre 2017).


Les belles routes d'Espagne...
N-432, SUR LES CHEMINS D’ANDALOUSIE!
Ces temps de Covid-19, hélas synonymes de restrictions et de repli sur soi, me donnent envie de respirer –numériquement- sur les belles chaussées arpentées ces dernières années… En Espagne, la route nationale 432 relie Grenade en Andalousie à Badajoz (Estrémadure) à la frontière portugaise en passant par la ville de Cordoue. Voici l’Espagne millénaire, inspirée par les multiples métissages liés aux cultures qui s’y sont succédées, phénicienne, grecque, romaine, musulmane, chrétienne… Certes, ce fut aussi une histoire sanglante, faite de batailles et de ravages… Notre passionnant chemin –parcouru à l’automne 2017- nous fait aller de Grenade à Cordoue, au milieu des oliviers et des paysages immenses…

Sur la route N-432, au sud-est de Cordoue (photo: MV, octobre 2017). En cliquant sur l'image vous revenez à la page principale.

Notre point de départ est Grenade. La ville, blottie au pied de la majestueuse Sierre Nevada, qui culmine à 3481 m, est terriblement attirante… et sacrément touristique… Imaginons des cascades de bâtiments, de palais, d’églises, qui s’étagent jusqu’aux palais nasrides, avec, jonglant dans l’azur, la montagne, blanchie par la neige dès les premiers jours de l’automne… Grenade, si belle et si densément déroutante, ne s’est pas faite en un jour… Dès l'Antiquité, signale Wikipédia, «la ville connaît la culture ibère puis les Carthaginois et les Romains. La conquête de la région par la dynastie des Zirides au XIe siècle marque le début du royaume musulman de Grenade». Mais, l’installation, en 1236, de la dynastie nasride faisant suite à la conquête de Cordoue par les chrétiens donne à la ville un nouvel élan. «Devenue vassale du roi de Castille», écrit le Guide du Routard Andalousie, cette dynastie va pouvoir contrôler l’émirat de Grenade durant deux siècle et demi! Ce qui va donner l’exceptionnel palais de l’Alhambra, où va se réfugier le dernier carré du pouvoir musulman d’Espagne, qui rendra les armes devant les armées de la Reconquista, en 1492. Aujourd’hui, le centre historique de Grenade est divisé en quatre principaux quartiers: l'Albaicín, situé sur la colline du même nom; le Realejo-San Matías, l'ancien quartier juif médiéval; le Sacromonte, qui était au départ le quartier gitan de la cité, et le centre-ville façonné principalement par la période catholique, qui s'étend en dessous de la cathédrale et de la chapelle royale, où se trouvent les restes des Rois Catholiques. Le tout est à visiter sans modération…

Entre Grenade et Cordoue, il y a environ 200 kilomètres de route. Nous voici sur la N-432, où l’on peut suive aujourd’hui un chemin historique et touristique, baptisé «ruta del Califato»… car l’itinéraire (qui n’est pas exactement celui de la route nationale), fut longtemps «une voie commerciale et stratégique importante», écrit le Guide du Routard Andalousie, protégée par «d’innombrables forteresses musulmanes puis chrétiennes». Voici tout d’abord Atarfe, dont le nom (comme beaucoup de localités dans la région) vient de l’arabe al-Taraf. Les vestiges trouvés dans les environs se rapportent vraisemblablement à l'ancienne Ilíberis, localité ibérique datant de la période préromaine, indique le site andalucia.org. Six kilomètres plus loin, voilà Pinos Puente, un bourg encore situé dans l’orbite de Grenade. Pour le site legadoandalusi.es, ce village a toujours été mentionné comme étant une zone agricole ravitaillant Grenade en produits de la ferme. Ce serait aussi là, dit-on, que Christophe Colomb, en route pour la France afin d’y proposer ses services, fit demi-tour, rappelé par la reine Isabelle la Catholique… La cité est contournée par la N-432, son ancien pont date du VIIe siècle.

La route N-432 se faufile entre collines et monts (photo: EF, octobre 2017).

On quitte enfin l’aire urbaine de Grenade. Les champs d’oliviers commencent à se multiplier tout autour de la chaussée. C’est aussi l’endroit où l’on commence à découvrir, de part et d’autre de l’axe principal, des tronçons déclassés de la nationale; ceux-ci sont, le plus souvent, numérotés N-432a. Notre voie est, ici, environnée de monts de plus de mille mètres d’altitude. Le passage de Puerto Lope (le «col des loups»), raconte andalucia.org, a son importance: «Les Romains, dit ce site, ont vraisemblablement été les premiers à établir définitivement cet itinéraire avec la construction de la chaussée qui reliait Cordoue à Grenade via Cerro de los Infantes. Le col acquiert une importance particulière sous l’occupation musulmane, lorsqu’il devient un col franc d’échange grâce à sa situation stratégique de passage entre le royaume de Grenade et la couronne de Castille. Au cours de l’occupation française du XIXe siècle, Puerto Lope est détruit en réponse à sa résistance face à l’ennemi».

Un peu plus de vingt kilomètres après le «col des loups», la N-432 arrive au niveau du bourg d’Alcala la Real, où il est impossible de rater la forteresse qui domine les maisons de la ville-basse. Là encore, notre route moderne est déviée du centre, mais permet, de ce fait, d’admirer le château, juché sur sa colline. Après la domination wisigothe, écrit le Guide du Routard Andalousie, le lieu est investi par les musulmans et Abd al-Rahman au IXe siècle qui y organise «tout le réseau de tours de guet autour de la ville». L’intérêt stratégique des lieux ne fait que grandir au moment de la désintégration d’Al-Andalus. Alcala appartient au royaume de Grenade et sert de zone frontière avec les possessions chrétiennes au nord. Prise en 1341 par Alphonse XI de Castille, la cité-forteresse joue le même rôle pour les Rois Catholiques jusqu’à la fin de la dynastie des Nasrides au XVe siècle. Après Ventas del Carrizal, la N-432 s’approche d’Alcaudete, petite cité de la province de Jaen. Là encore, le contournement récent de la cité permet d’admirer le château du XIIe siècle, qui surplombe le chemin de Cordoue. Et, à 25 km de là, se trouve la cité de Baena. L’une des «capitales» de l’huile d’olive espagnole a un riche passé. L'histoire de Baena, écrit visit-andalucia.com, se perd dans la nuit des temps... Une première localité est fondée au VIe siècle avant JC. Puis naît Martola, un lieu dominé par d'anciennes tribus ibériques. Cette ville est «détruite au 1er siècle avant JC, probablement durant le conflit entre les fils de Pompée et Jules César». En 1241, après une longue période de domination arabe, Baena se soumit au roi Ferdinand III et changea de visage, indique le site caminosdepasion.com: «Elle fut repeuplée par des habitants de Castille et Léon, des mudéjars (musulmans d’Espagne) et des juifs, qui subirent les aléas typiques de la vie de frontière, Baena se situant à quelques encablures du royaume de Grenade».

Nous sommes à la hauteur de Castro del Rio (photo: EF, octobre 2017).
Tout au long du chemin, des multitudes d'oliviers (photo: EF, octobre 2017).

Non loin, notre voie rejoint le rio Guadajoz et atteint Castro del Rio. Comme Cordoue, désormais toute proche, la petite cité fut conquise par Ferdinand III dans la première partie du XIIIe siècle. Et elle sera pendant plus de deux siècles une ville frontière entre chrétiens et musulmans. Il reste une quarantaine de kilomètres à parcourir jusqu’à Cordoue, but de notre voyage. Voici Espejo, Santa Cruz et Torres Cabrera. Cordoue s’impose désormais à nous… Cet ancien village ibérique situé sur les bords du fleuve Guadalquivir a bénéficié de l’intérêt des Romains, qui y ont vu un emplacement favorable au commerce et à la circulation des marchandises… Du coup, mentionne le site andalousie-culture-histoire.com, «le gouverneur romain Marcus Claudius Marcellus réalisant alors la valeur et l’importance de la fertilité de la région (riche en minéraux, blés et olives) transforma Corduba en ville». En 45 avant JC, Jules César assiège la cité et dispute à Pompée le Jeune le contrôle du passage sur le Guadalquivir. Après la bataille de Munda, César prend Cordoue d'assaut. Sa destruction est décidée et 22.000 habitants sont tués. La ville se développe néanmoins sous l’Empire jusqu’au IVe siècle. Puis la ville passe sous la domination des Vandales et des Wisigoths jusqu'en 711, année de la conquête musulmane. La localité devient le principal centre administratif et politique du royaume d'al-Andalus. Ce fut l'un des grands centres du savoir et de la culture de cette époque: le calife al-Hakam II tentera notamment de constituer une bibliothèque contenant tous les ouvrages capitaux, anciens et récents... Culture, sciences et savoirs y sont privilégiés dans un esprit de relative tolérance inédit pour l’époque. Mais, au début du XIe siècle, le califat s'effondre et se divise en plus d'une dizaine de petits États, les taïfas. La pression religieuse se fait plus ressentir et la ville commence un long déclin écrit Wikipédia. Profitant de ces troubles, les Rois Catholiques, qui mènent une lente Reconquista, vont s’emparer de Cordoue en 1236. Des siècles plus tard, la ville, prise par les troupes napoléoniennes en 1808, sera mise à sac… En août 1936, une offensive républicaine sur Cordoue, alors aux mains des nationalistes, va échouer… C’est dans la région, vers Espejo, que Robert Capa va prendre «la» photo emblématique de la Guerre d’Espagne, la Mort d'un milicien, publiée le 23 septembre 1936 dans l’hebdomadaire Vu. Notre route N-432 poursuit désormais son chemin vers Badajoz… mais c’est une autre histoire!

Marc Verney, Sur ma route, janvier 2021

Le vieux pont romain de Cordoue mesure 331 mètres de long. Ce fut, jusqu'au milieu du XXe siècle, le seul moyen de franchir le Guadalquivir dans la cité (photo: Marc Verney, octobre 2017).

A consulter aussi, sur ce site, Metidos en Carreteras, une page de la revue espagnole Trafico conscrée à la R.N.432.

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SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas routier et touristique Espagne et Portugal, Michelin (2018); carte n°990 Espana-Portugal, Grandes Carreteras, Michelin (1966); Guide du Routard Andalousie, Hachette (2017); andalousie-culture-histoire.com; andalucia.org; caminosdepasion.com; legadoandalusi.es; visit-andalucia.com; Wikipédia.

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