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La
nationale 5 historique sur les bords du lac Léman (photo:
MV, avril 2006). En cliquant sur l'image, vous pousuivez dans la
partie documentation
du site. |
La Gaule
romaine compte 4000 km de voies. C’est le premier grand réseau de
communication organisé qui parcourt des régions appelées à devenir la
France. La largeur de ces routes pavées ou empierrées est de 2,48 m
en ligne droite, 4,96 m dans les courbes. A l’époque, la capitale est
Lugdunum (Lyon), Marcus Agrippa, gendre de l’empereur Auguste
(63 av. JC-14 ap. JC) lance en 20, 19 av. JC la réalisation des quatre
premières grandes voies: Lyon-Italie par Fréjus, Lyon-Espagne par Narbonne,
Lyon-Toulouse et Lyon-nord de la Gaule par Langres.
Le travail de réalisation est très soigné: ce sont des arpenteurs
qui établissent le tracé avec des niveaux à eau et des mires; ils sont
suivis par des bûcherons qui déblaient le terrain. Le terrain vierge
est creusé jusqu’à atteindre la roche. On comble le sillon avec un mélange
de sable et de cailloux censé stabiliser la terre. Puis, les pavés sont
posés: des pierres plates s’emboîtant les unes dans les autres. Le tracé
général est d’abord une question militaire: il s’avance droit en suivant
le flanc des collines pour ainsi éviter le risque des embuscades. Jalonnées
par de nombreuses bornes milliaires, les voies romaines étaient bordées
d’auberges, dévolues au confort des voyageurs et des équipages. La couleur
des murs de ces endroits était le rouge. Aujourd’hui, au bord de nos
routes on peut être sûr que tous les lieux nommés "Maison rouge" ont
pour origine un relais romain.
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A
gauche, voie romaine entre Sens et Tonnerre; à droite, borne
milliaire à côté d'Alise-Ste-Reine (Photos:
MV, déc. 2005 et janv. 2006). |
De nombreuses
années se passent sans qu’il soit vraiment apporté une amélioration
au réseau romain, qui se détériore irrémédiablement. Les voies disparaissent,
se fondent dans la végétation. C’est sous le règne de Philippe-Auguste,
que l’on retrouve des décisions étatiques (lois, règlements) à propos
de la voirie publique. L’homme fit notamment débuter le pavement des
rues de Paris en 1184. Les pierres utilisées ne sont plus les larges
dalles disposées sur les voies romaines, mais des pierres plus petites
et calibrées pour une pose plus facile. Ce sont d’abord les routes de
sortie des villes et les chaussées aux alentours des ponts qui sont
ainsi revêtues.
Première trace d’une organisation nationale en 1400: les fermiers
autour de la capitale sont tenus de paver les chemins sortant de la
capitale et sont responsables de l’inspection des routes en province.
Vers l’an 1550, il y a environ 25 000 km de voies carrossables en France.
La technique routière reste très rudimentaire: la route n’est qu’empierrée
et ce sont les accotements en terre qui supportent (par beau temps)
le gros du trafic. Tous les passages obligés (ponts, gués et cols) sous
soumis à péage, qui sont censés financer l’ouvrage et la protection
du trafic. Le danger est cependant partout: les brigands règnent en
maîtres et détroussent les voyageurs.
Mais c’est à cette époque que s’établit le maillage du territoire
français que nous connaissons encore aujourd’hui: une demi journée de
marche (10 km) entre deux villages, deux jours à pied (25-30 km) entre
deux bourgs, deux journées de cheval (100 km) entre deux villes importantes.
Louis XI rédige un édit en 1499 qui enjoint aux trésoriers de France
de parcourir le pays et de dresser un état des lieux des voies de communication.
A la même époque, le pavement des voies s’étend à la campagne. Henri
IV est le premier roi de France à vouloir développer une politique des
routes. Avec l’aide de Sully, il crée le premier budget des Ponts et
Chaussées et publie de nombreux actes ayant trait à la confection des
voies de communication. C’est de cette époque que l’habitude est prise
de planter des arbres le long des chaussées les plus importantes. On
réglemente également la corvée, impopulaire, qui touche les riverains
des routes.
Louis XIV et Colbert vont définitivement ancrer les politiques
routières au coeur de l’Etat. Une circulaire, en 1680, décrit avec précision
la logique développée alors: "Il faut considérer la grande route des
provinces à Paris comme la principale et la plus importante, à cause
de la communication continuelle que toutes les provinces ont avec la
capitale du royaume, et que c’est presque le centre de toute la consommation".
Ce texte est quasiment l’acte de naissance des routes nationales et
de la "toile d’araignée" qui s’impose encore à l’Hexagone du XXIe siècle...
Par arrêté du Conseil d’Etat, l’administration des Ponts et Chaussées
naît en 1716. Le XVIIIe siècle allait enfin voir évoluer la technique
de confection des routes. Sous le règne de Louis XV, l’ingénieur Pierre
Tresaguet, qui préconise la recherche de la ligne droite dans la desserte
des capitales régionales, invente le "chemin ferré", qui consiste à
donner à la route des assises très solides (moellons posés en hérisson)
sur lesquels on dépose une première couche de pierraille supportant
une couche d’usure sablonneuse. Le réseau, de 32 000 km, est divisé
en trois catégories, les routes de postes, les routes de commerce et
les itinéraires militaires qui contournent les cités.
En 1776, un premier classement organise les routes en quatre
catégories, suivant leur largeur entre les fossés: 42, 36, 30 et 24
pieds. Quelque peu malmené par la Révolution française, le réseau routier
français est repris en main par Napoléon Bonaparte, un homme féru de
cartographie. Et le souci principal du nouvel empereur est d’ordre militaire.
Il fait refaire en priorité les axes qui conduisent aux frontières afin
d’augmenter la vitesse de déplacements de ses armées. Les chantiers
les plus importants ouverts sous l’Empire sont les chaussées menant
à l’Italie (Simplon, Mont-Cenis, Mont-Genèvre, Nice-Gènes) et à l’Espagne
(Somport). C’est dans ce cadre là que sera d’ailleurs totalement remanié
l’accès au col de la Faucille dans le Jura, sur la "route blanche"
(lire).
Le décret du 16 décembre 1811 ordonne les routes en trois groupes: la
route impériale de première classe (14 voies partant de Paris -il y
a des tronçons communs), la route de deuxième classe (13 voies qui relient
Paris à des cités de moindre importance) et 202 routes de troisième
classe (cette 3e classe étant à la charge partagée des autorités
locales et nationales).
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A
gauche et à droite, anciennes bornes indicatrices sur le
trajet de la nationale 5 historique, à Saint-Florentin et
vers Cerisiers (Photos: MV, oct. 2005 et janv. 2006). |
Après
Napoléon, la Restauration continuera de développer le réseau routier
national. Sous Louis-Philippe, les routes locales sont réorganisées:
certaines deviennent des chemins d’intérêt commun (IC) alors que les
plus importantes prennent la dénomination de chemins de grande communication
(GC). C’est dans ce contexte qu’intervient John McAdam (1756-1836).
Son procédé, ultra simple, permet d’augmenter la vitesse tout en facilitant
la construction et la maintenance des routes: en fait, c’est le sol
naturel qui supporte le poids de la route. Bien asséché, il peut résister
à tous les trafics Il suffit donc de déposer sur un sol bombé trois
couches de 5 cm de pierres de calibre décroissant pour obtenir une surface
de roulement solide et confortable.
L’arrivée de l’automobile (fin XIXe siècle) va bouleverser l’équilibre
d’un réseau français que beaucoup considèrent comme l’un des meilleurs
au monde: il y a quasiment un kilomètre de route par km2 de territoire!
Mais la poussière va s’avérer un ennemi redoutable pour l’usager motorisé
qui parcourt les campagnes à des vitesses jamais atteintes. Le goudronnage
des axes (d’abord dans le Sud-Est puis en région parisienne) se généralise,
tout comme la signalisation (lire).
En 1908, le premier congrès international de la route adopte quatre
signes d’obstacles (cassis, virage, passage à niveau, croisement). En
1928, il y a déjà 700 voitures par jour entre Paris et Orléans, la route
la plus empruntée. L’année 1930 marque l’apogée du réseau national:
il y a 40 000 km de routes nationales auxquelles on ajoute 40 000 autres
kilomètres de voies départementales ("nouveau réseau") reclassées en
nationales afin d’accélérer leur modernisation.
Deux ans plus tard, c’est l’apparition de la ligne jaune (continue
ou discontinue) qui va convenablement séparer les sens de circulation
et l‘instauration de routes prioritaires. En 1938, apparaissent les
départementales (fusion des GC restants et des IC). "L’âge d’or" des
routes nationales françaises va se poursuivre jusqu’à la fin des années
cinquante (hors épisode 39-45 qui va ravager le réseau national). La
densité du réseau semble suffisante pour faire face à l’augmentation
de la circulation, et, hormis quelques retouches (déviations de villages,
chaussées à trois voies), les ingénieurs français ne souhaitent pas
intégrer dans l’Hexagone ce modèle révolutionnaire de chaussée qu’est
l’autoroute...
Le déclin de la nationale comme mode de déplacement principal
date de 1961. La congestion des axes demande un effort immédiat.
Cette année-là, le gouvernement décide de mettre en chantier 110 km
d’autoroutes par an. Le millième km sera atteint en 1968. Les grandes
chantiers se concentrent tout d'abord sur l’autoroute de Normandie,
l’A1 Paris-Lille ou l’autoroute du Soleil qui emmène le vacancier dans
le Midi. Et les premiers tronçons de nationales commencent à être rétrogradés
en RD dès 1970. En 1972, une grande vague de déclassement touche les
nationales à vocation régionale. La loi de décentralisation d’août 2004
porte le coup de grâce aux nationales historiques, désormais pratiquement
toutes doublées par une autoroute (payante). Il y a en France, en 2006,
10 843 km d’autoroutes, dont 8236 km concédés. En 2009, rouler sur une
"route nationale historique" (un grand itinéraire déclassé) n’est plus
une nécessité, mais un plaisir, recherché par les amateurs de "voyages
lents"!!
Marc Verney, Sur ma route, avril 2009
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