"Et le visage de la terre en fut changé" (photo: MV, janv. 2007).
Quelques dates
1769 Le fardier de Cugnot
1862 Théorisation du fonctionnement du moteur à explosion.
1873 L'Obéissante, construite par Amédée Bollée au Mans.
1883 Brevet du moteur à essence par Gottlieb Daimler.
1886 Brevet pour une voiture à gaz déposé par Karl Benz.
1889 Dépôt d'un brevet de pneumatique par John Dunlop.
1894 Concours de voitures sans chevaux entre Paris et Rouen.
1898 Première exposition automobile à Paris.
1900 Lancement du Guide Michelin destiné aux conducteurs.
1903 Création de la Ford Motor Company.
1906 Premier Grand Prix de France. Premiers autobus à Paris.
1907 instauration d'un sens giratoire, place de l'Etoile, à Paris.
1910 Première carte Michelin.
1914 Premier feu rouge installé à Cleveland aux Etats-Unis.
1924 Première autostrade en Italie, entre Milan et la région des Grands Lacs.
1931 Départ de la Croisière Jaune Citroën.
1932 Inauguration de la route 66, qui relie Chicago à Los Angeles.
1935 Premier parcmètre.
1972 16 000 morts dans des accidents de la route en France.
1981 Vingt millions de VW Coccinelle.
1997 Premier véhicule hybride, la Toyota Prius.
2003 Etablissement d'un péage urbain à Londres.
2008 Annulation du rallye-raid Paris-Dakar. Le prix du pétrole atteint des sommets.
2009 Crise aiguë dans l'industrie automobile mondiale.
Sources: Les cultures du volant, XXe-XXIe siècles (Mathieu Flonneau, éd. Autrement)


 


surma-route.net
LA CIVILISATION DU MACADAM
Détestée ou adorée, l'auto, la bagnole, la "caisse", a totalement révolutionné notre mode de vie. Souvent jusqu'à l'absurde. Mais, comme toute création humaine, notre existence automobile nous a aussi permis d'arpenter la planète, d'aller au contact des autres, de rêver devant les paysages en mouvement... C'est le thème passionnant abordé par Mathieu Flonneau dans son ouvrage Les cultures du volant, XXe-XXIe siècles, un essai sur les mondes de l'automobilisme (éditions Autrement).

L'autoroute A1 à la sortie de Paris (photo: EF, janvier 2007).

L'ouvrage de Mathieu Flonneau débute par une image, celle de cet embouteillage artificiel organisé par des nostalgiques de la nationale 7, à Lapalisse. Possesseurs d'anciennes voitures et amoureux des vieilles routes s'y rendent pour vivre un moment de bonne humeur entre fanas de la chose automobile. Un événement à mettre en balance avec un autre embouteillage, mis en place, lui, très officiellement à Epernay dans les années 70. Il s'agissait alors de stigmatiser cette "tragédie" française, comme le soulignent les journaux auto de l'époque, à savoir les départs massifs des vacanciers au mois d'août... Les bouchons sont monstrueux et la route des vacances se révèle être un cauchemar de tous les instants.

Alors, qu'est-ce qui fait que l'humain moderne n'a de cesse de monter dans sa voiture, parfois piège mécanique de la pire des espèces, et d'engranger les kilomètres au milieu de la puanteur des effluves de gazole?? C'est ce qu'essaye d'expliquer Mathieu Flonneau dans ce livre, rondement mené et richement documenté. Parmi les citations récoltées par l'auteur, celles-ci semblent pouvoir nous montrer en quelque sorte le chemin... "La mobilité sans effort constitue une espèce de bonheur irréel, de suspens de l'existence et d'irresponsabilité" (Jean Baudrillard). C'est dit, l'auto est bâtie à l'image de l'homme et de ses rêves, elle est même, pour Dino Buzzati, un "instrument d'aventures, emblème, en somme, du bonheur codifié de notre temps"; elle est "l'agrandissement de soi-même".

A Vaudherland. "L'automobile règne" (photo: MV, janvier 2008).

Et c'est dès le début de son existence, à la fin du XIXe siècle, que l'automobile, nous dit Mathieu Flonneau "a atteint ce qu'en astronomie l'on appelerait la vitesse de libération". Son apparition colle parfaitement aux aspirations nouvelles de l'époque, le déplacement individualisé, la liberté de la vitesse, à la différence, de celle, codifiée et partagée, du train. On assiste, dès lors à la naissance d'un "culte". Ce sont les premières courses automobiles qui lancent la tendance. Paris-Bordeaux-Paris en 1895, Londres-Brighton en 1896, le Grand Prix de France en 1906... La rapidité de la démocratisation du fait automobile est inouïe: dès 1903, un conseiller municipal parisien pouvait lancer cette laconique sentence, illustration de la réalité des rues de la capitale, "l'automobile règne". L'universalisation arrivera avec l'Amérique et les méthodes de production à la chaîne qui y sont développées: quinze millions de Ford T auront été produites de 1908 à 1927... Le rêve de l'autonomie à portée de tous...

Matthieu Flonneau intitule l'un de ses chapitres "Et le visage de la terre en fut changé". Nous voici, aujourd'hui, au début du XXIe siècle, un siècle de développement automobile plus tard, avec des milliers de kilomètres d'autoroutes sillonnant la planète, avec des usines de production hyper sophistiquées sortant des centaines d'autos à l'heure... L'heure de la désacralisation du mythe -crise économique et pénurie prévue de pétrole aidant- pourrait bien être arrivée... Et cependant, "conduire, nous rappelle l'auteur, pourrait n'avoir été et n'être encore qu'une pratique banale relevant d'un automatisme quotidien, à peine différent de se brosser les dents, ou de faire ses courses. Pourtant, et cette histoire culturelle le montre, cette action recouvre bien plus. Conduire relève du fait de civilisation". On n'a pas fini d'entendre parler de la bagnole... Pour le meilleur comme pour le pire.

Marc Verney
Sur ma route (mars 2009)

Mathieu Flonneau, en quelques mots:
agrégé et docteur en histoire, il est maître de conférences à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne ainsi qu'au Centre d'histoire sociale du XXe siècle. Cet historien de l'automobilisme et de la ville de Paris co-anime un séminaire universitaire consacré à l'histoire de la mobilité.

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