Cette plaque Michelin de la nationale 82 est située dans la petite station thermale de Montrond-les-Bains (photo: MV, octobre 2008).
Au pied de la côte de Vendranges, il y a encore ces quelques mètres de vieux bitume (photo: MV, août 2019).

Villes et villages traversés par la N82 (1959):
L'Hôpital-sur-Rhins (N7)
Vendranges
Neulise
Balbigny
Epercieux-Saint-Paul
Feurs (N89)
Montrond-les-Bains (N496)
Cuzieu
Veauche
La Fouillouse
Saint-Priest-en-Jarez
Saint-Étienne (N88)
Planfoy
Saint-Genest-Malifaux
Col de la République
La Versanne
Bourg-Argental
Saint-Marcel-les-Annonay
Boulieu-les-Annonay
Davézieux
Saint-Cyr
Saint-Etienne-de-Valoux
Andance (N86)


NOTE IMPORTANTE: toutes les photos de ce site sont soumises au droit d'auteur. Aucune utilisation de ces images hors de ces pages n'est permise sans l'autorisation de l'auteur de Sur ma route. Merci d'en tenir compte.
A Neulise (photo: MV, août 2019).
Sources et documents: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°43 Lyon-Vichy, IGN (2004); carte n°73 Clermont-Ferrand-Lyon, Michelin (1961); carte n°76 Aurillac-Saint-Etienne, Michelin (1983); carte n°93 Lyon-Avignon, Michelin (1942); «Annonay. Essai de géographie urbaine», F. Thomas, Revue de géographie alpine (1923); Aperçu sur l'histoire de la ville de Saint-Etienne, Isidore Hedde, F. Gonin (1840); C’était la Nationale 7, Thierry Dubois, éditions Drivers (2010); Forez pittoresque et monumental, F. Thiollier, imprimerie de A. Waltener et Cie (1889); Guide Bleu de la France automobile, Hachette (1954): Histoire de la ville de Feurs et de ses environs, Auguste Broutin, Chevalier (1867); Les routes de France au XIXe siècle, Georges Reverdy, Presses de l'ENPC (1993); «Petite histoire de la Route Bleue», Le Progrès (30 juillet 2015); «Saint-Etienne, métropole d'équilibre», Jacques Schnetzler, Revue de géographie alpine (1969); Voyage humoristique, politique et philosophique au Mont-Pilat, le «docteur Francus», imprimerie du Salut-Public (1890); archives.saint-etienne.fr; balbigny.fr; feurs.org; forez-info.com; montrond-les-bains.fr; neulise.fr; regardsdupilat.free.fr; Wikipédia; Wikisara; IGN.
Trajet de la R.N.82 sur une carte des années trente (source: Carte des voies à grande circulation, éditée par le Laboratoire de médecine expérimentale).
A Montrond-les-Bains, on célèbre encore la "route bleue" (photo: MV, octobre 2019).
Borne de limites départementales entre la Loire et l'Ardèche, au sud de Bourg-Argental (photo: MV, octobre 2008).









Belles routes de France...
R.N.82: LA NOTE BLEUE
Juste après Roanne, les automobilistes de 1959 en route vers la «Côte» avaient le choix entre continuer sur la R.N.7 ou bien emprunter la route nationale 82 (131 km de long)... pour gagner une poignée de kilomètres de parcours et éviter Lyon. Mais il fallait quand même traverser Saint-Etienne puis monter le col de la République à plus de 1000 mètres d’altitude pour rejoindre la vallée du Rhône en aval de Vienne! En décembre, on refait cette route couleur bleue, au trajet étudié dès 1774, histoire de rêver de baignades et de bains de soleil en ce début d’hiver 2019. Et avec plein d'infos et d’images en plus par rapport à notre précédent périple d’octobre 2008!

Au commencement de la R.N.82 historique était la montée de Vendranges... C'est aujourd'hui un vrai boulevard. En cliquant sur l'image, vous avancez vers la R.N.7 (photo: Marc Verney, août 2019). Pour retourner sur la page index, cliquez ici.

Le nom de «route bleue» est donné, au milieu des années trente, par une association de professionnels du tourisme à la célèbre R.N.7 qui reliait Paris à la Côte-d'Azur par Lyon. La variante de cet itinéraire principal, par Feurs et Saint-Etienne, était prisée des vacanciers et raccourcissait sensiblement le trajet vers la «grande bleue», évitant la région lyonnaise et ses tracas au passage de la Saône et du Rhône. Du coup, raconte Thierry Dubois dans son ouvrage C’était la Nationale 7, «de nombreux garages et restaurants changent leurs enseignes au nom de la Route Bleue, et plusieurs centaines de plaques émaillées sont posées pour jalonner le parcours». Cette chaussée des vacances et des séjours méditerranéens eut son heure de gloire des années 30 aux années 50, puis tomba peu à peu dans l’oubli à partir des années 70 malgré une promotion touristique renouvelée. La route nationale 82 historique commence peu après la petite bourgade de L'Hôpital-sur-Rhins par une forte grimpette qui nous emmène à Vendranges. La R.N.7 est ainsi laissée sur la gauche. Au XXIe siècle, difficile de trouver par ici des traces du passé routier… un vaste échangeur propulse la multivoies R.N.82 contemporaine vers les hauteurs et un rond-point donne accès à la D282, au bitume impeccable lardé de lignes blanches et dont les bas-côtés, maculés d’un rouge rassurant, inspirent le respect sécuritaire à l’automobiliste de 2019, lové dans sa carapace hybride… Tout juste voit-on à droite de cette chaussée moderne, un court espace au macadam bosselé: l’esquisse de la vieille voie, complètement effacée plus haut aux virages de l’Heure dans la deuxième partie du XXe siècle. Toujours est-il que l’ancien tracé de la route de Saint-Etienne débute, au début du XIXe siècle, à L’Hôpital-sur-Rhins, lieu où se trouve, à cette époque, l’embranchement de la route de Lyon. Selon plusieurs sources, la chaussée de Roanne à Saint-Etienne est achevée dans le premier tiers du XIXe siècle. En lisant l’Aperçu sur l'histoire de la ville de Saint-Etienne de Isidore Hedde (1840), on apprend que la route de Roanne au Rhône fut «ordonnée par la loi du 12 mai 1806». Cette voie de communication avait d’ailleurs été «constamment réclamée dès 1791 par l'administration de Saint-Etienne». Parallèlement, des pressions avaient été menées –sans succès- pour faire passer cette route à Saint-Germain-Laval, Boën et Montbrison.

Entrée nord de Vendranges (photo: Marc Verney, août 2019).
Vers Neulise, on domine tous les environs (photo: Marc Verney, octobre 2008).

A Vendranges, l’ancienne chaussée du XIXe siècle contournait les maisons par l’est. La chaussée moderne passe par l’ouest depuis la deuxième moitié du XXe siècle. Dans le village même, ancienne seigneurie qui appartenait aux sires de Beaujeu, l'église, «sans valeur architecturale», signale l'ouvrage Forez pittoresque et monumental (1889), «est un lieu de pèlerinage assez fréquenté, pour la guérison de la goutte, le 24 et le 25 août». Notre voie se poursuit vers Neulise avec de gros virages rectifiés aux lieux-dits les Cerises puis les Bruyères après avoir «sauté» le tracé de la voie rapide. Ici, la carte de Cassini (XVIIIe) nous montre un chemin jusqu’à Feurs. Le bourg de Neulise, «étiré sur cette ligne de crête qui domine de quelques 500 mètres la plaine du Forez, possède un passé fascinant», indique le site neulise.fr. Lié d’abord à l’origine de son nom, indique ce site municipal: «Novalisiae, tel qu’il figure dans le cartulaire de l’abbaye de Savigny. Les "Novales" étaient le nom donné aux nouvelles terres défrichées gagnées sur la forêt ou la jachère». Il est fait état d'un relais de poste dans ce village au XVIIIe siècle (la rue principale porte le nom de «route de la Poste»). Notre R.N.82 d’antan redescend doucement vers Balbigny par la Croix-de-Bard. Les travaux d’aménagement de la multivoie ont hélas bouleversé le paysage. Au Bernand, la route historique est la D56 qui passe sous la voie de chemin de fer de Moret-Veneux-les-Sablons à Lyon-Perrache créée en 1861 mais issue de la plus ancienne voie ferrée de France, la ligne de Saint-Étienne à Andrézieux, établie par ordonnance royale en 1823 (en service en 1827). A Balbigny, la Loire est désormais toute proche: un pont de 1950 franchit ici le fleuve, permettant à la D1 (ancien G.C.1) de rejoindre Saint-Germain-Laval (un premier pont suspendu est détruit en 1940). Le bourg «figurait déjà en 1090 dans les textes anciens», précise le site balbigny.fr. «L’agriculture et l’élevage ont toujours été les principales activités de Balbigny», raconte encore la page internet municipale. Toutefois, lit-on encore, «la navigation sur la Loire, fut l’une des principales ressources pour le commerce au cours des XVIIIe et XIXe siècles». On transportait alors le charbon venu de Saint-Etienne: les bateaux venus de Saint-Rambert, qui faisaient escale à Balbigny, étaient guidés jusqu’à Roanne par un nouvel équipage. La création du chemin de fer dans le premier tiers du XIXe siècle portera peu à peu un coup fatal à cette batellerie ligérienne.

Virages vers Balbigny (photo: Marc Verney, août 2019).
Il y a encore beaucoup de trafic sur cette portion de la R.N.82 en amont de Saint-Etienne (photo: Marc Verney, août 2019).

De longues lignes droites issues des plus anciennes routes se succèdent jusqu'à Feurs, une petite cité qui tire son origine de la dénomination romaine de Forum Segusiavorum, un lieu d'échange du peuple des Ségusiaves. C'est également une ville à la croisée des chemins, puisque la R.N.82 de 1959 (D1082 aujourd’hui) y rencontre la R.N.89 historique Lyon-Bordeaux. «Bien située» sur ces chemins d’origine antique, la ville a connu une prospérité rapide, écrit feurs.org. A noter que Feurs a directement donné son nom à la province du Forez. Ignorée au bas Moyen Age, la cité renaît vers le XIe siècle tandis que des écrits émanant de l’abbaye de Savigny (près de Lyon) la citent. En 1127, un texte médiéval mentionne que Feurs possède un château «permettant de surveiller les anciennes routes de Lyon, Roanne, St-Germain-Laval, Thiers, Clermont-Ferrand» (feurs.org). Enfermée dans ses remparts durant la guerre de Cent Ans, Feurs est rattachée (avec le Forez) au royaume de France en 1534. Au XVIIe siècle, lit-on dans l’Histoire de Feurs et de ses environs, les auberges s’appelaient notamment au Dauphin, au Sauvage ou du Lion d’Or, du Cheval-Blanc, de l’Ecu-de-France... Lors de la Révolution, la ville devient le chef-lieu du nouveau département de la Loire jusqu’en 1795. Comme à Balbigny, le commerce fluvial y eut son importance et de nombreux aménagements, visant à pacifier la capricieuse Loire, y furent construits, comme les digues du Piney ou de la Roche, durant le règne de Louis XIV. La fin du XVIIIe est celui de l’expansion géographique de Feurs: les anciens remparts tombent en partie, les faubourgs s’agrandissent… mais la réalisation de la route de Saint-Etienne à Roanne par Feurs «fut attendue jusqu’en 1824, tellement les plus utiles améliorations sont les plus lentes à venir», découvre-t-on dans l’Histoire de Feurs et de ses environs...

R.N.89: LA GRANDE CENTRALE (I)
De Lyon à Bordeaux, la nationale 89 coupe tout le centre de la France, une vraie épopée routière entre Rhône et Atlantique... (lire)

Grâce à des initiatives récentes, le parcours de la "route bleue" est à nouveau en partie fléché (photo: Marc Verney, août 2019).
Entre Balbigny, Feurs et Montrond-les-Bains, la ligne droite est à l'honneur (photo: Marc Verney, août 2019).

Grâce à cela, l'automobiliste qui suit la «route bleue», n'aura, lui, toujours pas un seul virage à faire jusqu'à Montrond-les-Bains. Parce qu’avant, ce n’était pas la même affaire! En ces parages, la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN montre, sortant de Feurs par le sud-est un «chemin de Rouanne à Saint-Etienne» passant par Saint-Cyr et Saint-Galmier jusqu’à la Fouillouse (époque médiévale?), et une voie tortueuse longeant la Loire jusqu’à Montrond par Saint-Laurent et Marclopt. Là, cet itinéraire porte le nom de «chemin de l’Etrat», indiquant peut-être son antique origine… Quoiqu’il en soit, les nombreux élevages de chevaux de course présents autour de la route d’aujourd’hui font que cette région mérite amplement son surnom de «Chantilly-du-Forez»! A 12 km, voici la cité thermale de Montrond-les-Bains. «C’est vers 1435 qu’apparaît pour la première fois la forme française du nom de notre ville: "Mont Rond", en référence à la butte d’origine volcanique sur laquelle une première tour de surveillance, ancêtre du château féodal, fut élevée vraisemblablement vers la fin du XIe siècle», relate le site montrond-les-bains.fr. Il faut donc garder les bords de la Loire, car ici se trouvait un passage à gué stratégique du fleuve entre Auvergne, Bourgogne et Velay. Beaucoup… beaucoup plus tard, en 1879, Francis Laur, un ingénieur civil des Mines en recherche de charbon, fait à Montrond un forage qui lui permet de trouver... de l'eau! Mais une eau fortement minéralisée et chaude (28°). Une nouvelle vocation pour la ville était née... Le voyageur des routes y note aussi les impressionnantes plaques Michelin (1933), bien conservées par la municipalité, au carrefour des R.N.82 (D1082) et R.N.496 (D1089) (La Bourboule-Lozanne).

R.N.496: DETOUR DE MASSIF-CENTRAL
Entre la Bourboule et la région lyonnaise, ce chemin nous propose une vraie virée à l'ancienne sur des routes tranquilles et belles (lire)

Plaque de cocher à la Fouillouse (photo: Marc Verney, octobre 2008).
A la Fouillouse, l'itinéraire ancien de la "route bleue" passe bien par le centre-bourg (photo: Marc Verney, août 2019).

Les bourgs se succèdent sur la chaussée de Saint-Etienne: Meylieu, Cuzieu, Veauche… Avant la Fouillouse, un aménagement routier visible sur la carte Michelin de 1961 attire mon attention. Carrefours aménagés, contournement de la Fouillouse, route à trois voies jusqu’à Saint-Etienne… voilà des améliorations qui semblent avoir bénéficié de déclarations d’utilité publique dans les années quarante et réalisées après-guerre (1953)… Vers Saint-Etienne, il faut suivre l’avenue Albert-Raimond pour conserver notre contact avec la R.N.82 ancienne. La carte d’état-major de 1945 publiée sur le site de l’IGN montre déjà le projet de l’avenue Pierre-Mendès-France appelée à faciliter l’accès au centre-ville. Parvenus au quartier de la Terrasse, l’automobiliste des années cinquante peut suivre en ligne droite l’ancienne rue de Roanne (la Grand-Rue –qui porte maintenant plusieurs noms, longue de 7 km…) pour déboucher de l’autre côté de la cité et entamer l’ascension du col de la République en direction d’Annonay. C’est un petit peu plus compliqué de nos jours…

Il reste un beau Michelin de la R.N.82 à la Fouillouse, mais sur la déviation des années cinquante (photo: Marc Verney, août 2019).

«Les origines de la ville restent obscures», voit-on sur le site des archives municipales stéphanoises (archives.saint-etienne.fr). «L'église de Saint-Étienne fut probablement fondée au Xe ou XIe siècle dans un village appelé Furan du même nom que la rivière auprès de laquelle il était établi». Plus tard, vers 1436-1440, le lieu, pour se protéger de la violence des hommes en armes réguliers ou irréguliers, s'entoure de murailles, percées de deux portes: la porte de Furan à l'est et la porte de Roannelle à l'ouest. Après, à la fin du XVe siècle, le petit bourg qui était restée jusqu'alors à l'écart de grands itinéraires médiévaux sort de son isolement. Les routes de Lyon au Puy, de Saint-Chamond à Saint-Rambert passent désormais par là. Mais Saint-Etienne, nous dit le Guide Bleu de la France automobile, s’est développée «à partir du XVIe siècle», avec l’exploitation de la houille et des industries du fer. Et c’est à partir du début du XIXe siècle que l’essor industriel du Pays-Noir est remarquable. Ainsi, on trouve ici les premiers chemins de fer d'Europe continentale. En effet, l'ingénieur Beaunier obtient fin février 1823 la concession d'une voie ferrée reliant Saint-Étienne à Andrézieux pour transporter la houille. Elle sera mise en service le 30 juin 1827. Il y aura ensuite les lignes de Saint-Étienne à Lyon (1830-1832) et d'Andrézieux à Roanne (1832-1833). Une «originalité» stéphanoise: le tramway. Saint-Etienne est l'une des trois villes françaises à avoir conservé le sien sans interruption depuis sa première mise en service en 1885. Et puis, qui peut oublier la «Manu», l’ancienne Manufacture des armes et cycles de Saint-Etienne qui a distribué son célèbre catalogue (on y trouvait de tout, du vélo à la machine à coudre) dans la France entière sous le nom Manufrance depuis 1947… Enfin, les citoyens stéphanois peuvent avoir la fierté de se dire que la Révolution française a complètement modifié l'axe historique de leur ville. Initialement orientée Est-Ouest sur la route de Lyon au Puy-en-Velay, la ville change d'axe majeur grâce à l'achat de terrains appartenant au clergé. Ce nouveau plan oriente donc la ville vers une croissance Nord-Sud suivant la route Paris-Annonay, créant une nouvelle voie qui, lentement, va s’unir pour former la Grand Rue, celle qui est donc suivie par la R.N.82 historique.

R.N.88, AUTAN EN EMPORTE LE VAN
La longue route historique de Lyon à Toulouse sillonne le Massif Central. A côté de la 4 voies, de jolis lacets charment le voyageur! (Lire)

Au XVIIIe siècle, la carte de Cassini publiée par l’IGN ne montre aucune voie vers Bourg-Argental. La circulation entre Saint-Etienne et Annonay fut «ouverte le 1er août 1832 et une voiture publique fit le trajet entre les deux villes. Les malles-poste de Paris à  Marseille y passèrent à  partir de 1835», signale le site forez-info.com. La sortie de Saint-Etienne est rapide par la rue Paul-de-Vivie, dit «Velocio» qui fut, au tournant des XIXe et XXe siècles, un fervent apôtre du cyclotourisme. Dès les premiers hectomètres de verdure, la route (D1082) s'élève rapidement en direction de Planfoy. Les virages s'enchaînent: on entre dans le joli massif du Mont-Pilat, qui se dresse entre Saint-Etienne et la vallée du Rhône (1432 m au crêt de la Perdrix). Dans l'ouvrage Voyage humoristique, politique et philosophique au Mont-Pilat, publié en 1890, le «docteur Francus» évoque la montée au col du Grand-Bois ou de la République: «Il faut à la diligence une bonne heure et demie pour monter de Saint-Etienne à la République, petit hameau de la commune de Saint-Genest-Malifaux, ainsi appelé, bien avant 1848, parce qu’il y avait depuis la fin du siècle dernier une auberge à l’enseigne de la République. En cet endroit, la route est bordée, au sud-est, d’une rangée d’arbres de quatre mètres de largeur. Cette plantation fut faite, vers 1848, par M. Sénéclause, pépiniériste au Bourg-Argental, pour le prix de 25.000 francs, et cela suffit pour modifier l’état de la route. Il y avait là, autrefois des amoncellements de neige de deux et trois mètres de hauteur, qui rendaient le passage fort difficile, ou même absolument impossible, à la malle-poste de Paris à Marseille, qui suivait cette direction avant l’ouverture des voies ferrées. Depuis lors, la route est toujours praticable, même par les hivers les plus rigoureux; seulement il faut y mettre parfois plusieurs attelages de bœufs». Faire passer une route par là a été un vrai tour de force, écrit André Geourjon dans une contribution au site regardsdupilat.free.fr: puisque le tracé des ingénieurs des ponts et chaussées emprunte un itinéraire très escarpé dès la sortie sud de la ville de Saint-Etienne, «il faut, indique-t-il, entailler le flanc de la montagne pour réaliser une piste et utiliser le remblai pour combler le vide là où la roche repousse le matériel des cantonniers. Des carrières sont ainsi crées en bordure de route pour apporter les volumes de matériaux nécessaires, ces zones d’extractions sont toujours visibles tous les cinq kilomètres environ». Voilà Planfoy, à une poignée de kilomètres de Saint-Etienne. Georges Reverdy, dans son ouvrage Les routes de France au XIXe siècle, revient sur ce chantier hors normes (à l’époque): «Dans la montagne, les difficultés furent plus grandes et le travail fut réalisé en six lots». Ainsi, de l’agglomération stéphanoise à Planfoy sur 5350 mètres, le projet est approuvé le 14 janvier 1817 «en acceptant localement des pentes de 7,1%» mais encore modifié en 1825. De Planfoy à la maison de la République, il est adjugé en 1827 en tenant compte de la nécessité de se «rapprocher de l’axe de la vallée pour diminuer les déblais». Les quatre autres chantiers (jusqu’à la limite du département de l’Ardèche) furent également adoptés durant l’année 1827. Reverdy évoque encore différents chantiers mis en place sur cette voie dans les années qui suivent: pose de parapets et réalisation de banquettes pour «améliorer la sécurité de cette route de montagne».

Le col du Grand-Bois ou de la République franchit les montagnes du Pilat à une altitude de 1161 mètres. Il se situe sur la commune de Saint-Genest-Malifaux. L'endroit, placé au milieu des bois, a une histoire: c'est, en 1903, le premier passage de plus de mille mètres franchi par le Tour de France cycliste. La route passe ensuite aux Trois-Croix, un nom qui désigne en fait les trois embranchements successifs de chemins que l'on y rencontre. Après la Versanne, l'arrivée sur l’ancien bourg fortifié de Bourg-Argental est relativement rapide. Pas de rectifications majeures à signaler: la route du Xxie siècle est quasiment totalement fidèle au tracé du XIXe!  De l'autre côté du Mont-Pilat on sent déjà l'appel du Sud... Imperceptiblement, voilà la végétation et le style des habitations qui évoluent. D'ailleurs, peu de kilomètres après Bourg-Argental, c'est l'Ardèche. On suit désormais la D820. Saint-Marcel-les-Annonay et Boulieu-les-Annonay ont déjà l'allure de ces bastides méridionales...

Au col de la République, ou du Grand-Bois (photo: Marc Verney, octobre 2008).

Depuis 1958, la R.N.82 évite Annonay, utilisant un raccourci déjà visible (en chantier) sur la carte d’état-major du XIXe siècle publiée par le Géoportail de l’IGN. Des cartes montrent cependant le cheminement de la route nationale par Annonay: il s’agit ainsi de la Michelin Lyon-Avignon n°93 des années quarante. La route suivie à l’époque est la D206 d’aujourd’hui vers Annonay puis l’actuelle D121 jusqu’à Davézieux. «Dans le Haut-Vivarais si peu favorable à la création de centres urbains, écrit F. Thomas dans la Revue de géographie alpine en 1923, Annonay apparaît comme une heureuse et déconcertante exception»... La fortune de la cité, pourtant plusieurs fois ravagée aux XIVe et XVe siècles, et qui est même détruite pendant les guerres de religion, poursuit-il, «est l'oeuvre des hommes. La naissance de la papeterie, au XVIIe siècle, relève de ses ruines le marché rural à peu près détruit par les guerres de religion. La grande poussée de croissance vers le milieu du XIXe siècle, s'explique par la transformation de la mégisserie; et, après la crise de 1870, nous trouvons les progrès étonnants de la tannerie»... Mais la situation de la cité, au carrefour de plusieurs itinéraires, semble un atout important: «De toute antiquité, ont passé ici des routes, lance F. Thomas: sentiers celtiques, voies romaines, vieux chemins du roi, grandes routes modernes. Les unes, venant de la plaine, ont leur point de départ dans les villes de la vallée du Rhône, Serrières, Andance, Tournon; les autres se dirigent vers la montagne en empruntant les vallées». Ainsi, la chaussée qui part d'Andance-sur-Rhône «donne naissance, de très bonne heure à des villages comme Saint-Cyr et Davézieux». Dans le premier tiers du XIXe siècle, «l’ouverture d’une nouvelle route, de Roanne au Rhône» crée un vaste mouvement commercial qui irrigue Annonay. «La voie neuve, plus courte et plus facile que la route de Tarare à Lyon, est aussitôt adoptée par les importants convois de rouliers qui transportent à Marseille les marchandises destinées à l'exportation et ramènent à Paris les produits de l'Orient», conclut F. Thomas.

Borne kilométrique de la R.N.82 située à la limite des départements Loire et Ardèche (photo: Marc Verney, octobre 2008).

A Annonay même, la construction de la route de Roanne au Rhône donne lieu à d’importants chantiers urbains. «Déjà décidée sous l'Ancien Régime, signale F. Thomas, ses travaux commencent en 1787. Et, dès 1810, la partie qui traverse la ville d'Est en Ouest est achevée. Pour lui assurer la largeur réglementaire, il a fallu éventrer le faubourg de Deûme et le quartier du Champ... cette voie agrandie est toujours la grande artère d'Annonay». A Davézieux, il faut suivre la rue de la République pour rester «fidèle» à la R.N.82 historique. Non loin se trouve le site industriel historique de Vidalon, à l’origine de la saga des frères Montgolfier (papiers de qualité mais aussi le premier aérostat qui s'envole le 14 décembre 1782 de la cour de la papeterie des bords de Deûme). ensuite, vers Saint-Cyr, il faut emprunter la D182, «route du Vivarais» puis «route Bleue». La vallée du Rhône et ses terrains fertiles s'annonce. La carte de Cassini (XVIIIe) montre un ancien chemin jusqu’à Andance par la Révicolle, la «route de la Côte des Barges» et Saint-Etienne-de-Valoux. Voilà enfin Andance, le terme de la R.N.82 de 1959. La «route bleue» y rejoint la R.N.86 historique en provenance de Lyon. La traversée du Rhône peut se faire ici, ou plus au sud à Saint-Vallier. Dans les deux cas, l'automobiliste rejoint la R.N.7 de Paris à Menton.

Marc Verney, Sur ma route, novembre 2019

REJOINDRE LA R.N.7
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