Ancien panneau Michelin accroché sur une maison d'Erstein (photo: MV, mars 2008).
Peu avant le carrefour de Bartenheim (la Chaussée), sur la R.N.66 historique (photo: Marc Verney, septembre 2020).

ETAT DE LA R.N.68. Sur la carte Michelin Etat des routes n°98ER de 1928, nous n’avons pas de point sur l’état de la chaussée de Bartenheim à Strasbourg. Puis, en quittant la capitale alsacienne, on trouve la mention de «bon état durable», mais très vite la voie devient –jusqu’à son terme- «mauvaise ou très mauvaise». Sur la même carte (n°98ER), mais datée du printemps 1930, il n’y a toujours pas d’infos sur la partie au sud de Strasbourg, mais au nord, cela s’améliore: la route est en «bon état» jusqu’après Seltz. En 1938, sur la carte des Routes rapides n°96, la partie de Bartenheim à Strasbourg, qualifiée «d’itinéraire secondaire» reçoit quand même la mention de «bonne route»… Plus au nord, la voie est dite «rapide» au-delà de Strasbourg, puis «moderne» (très large, plate, virages relevés, antidérapante) jusqu’à Lauterbourg… En janvier 1945 (Routes et ponts n°96) les lieux sont «sans renseignements» puisque la zone (à part les environs de Strasbourg) est toujours, soit occupée par les armées allemandes, soit le théâtre de violents combats qui ne cesseront qu’au début du printemps. En 1948, il n’y toujours que la partie au nord de Strasbourg qui soit décrite: la carte Routes et ponts n°96 du mois de mars signale une voie «rapide», donc peu troublée visiblement par les nombreux villages ravagés qu’elle traverse. Pour l’année 1952, Michelin diffuse la carte n°98 Grandes routes, qui décrit sur la grande partie au sud de Strasbourg, une «route mi-large» sur laquelle on «croise facilement» et «on double un poids-lourd avec précaution». Un bombement de la chaussée est signalé au niveau d’Erstein. Enfin, à la sortie nord de Strasbourg, la R.N.68 est «très large», puis «large» jusqu’à Lauterbourg.

Signalisation du canal à la hauteur de l'écluse de Kembs-Niffer, dont les bâtiments ont été dessinés par l'architecte Le Corbusier. On voit l'un des piliers du nouveau pont en haut à droite (photo: Marc Verney, septembre 2020).

LOCALITES TRAVERSEES PAR LA R.N.68 (1959):
Bartenheim-la Chaussée (N66)
Richardsheuser

Loechle
Schaeferhof
Kembs
Niffer
Hombourg
Ottmarsheim
Bantzenheim
Rumersheim-le-Ht
Blodelsheim
Fessenheim
Balgau
Heiteren
Neuf-Brisach (N415)
Biesheim
Kunheim
Artzenheim
Marckolsheim (N424)
Mackenheim
Artolsheim
Richtolsheim
Saasenheim
Diebolsheim
Friesenheim
Boofzheim
Obenheim
Gerstheim
Krafft
Plobsheim
Illkirch-Graffenstaden (N83)
La Meinau
Strasbourg (N4, N392)
Schiltigheim (N63)
Bischheim
Hoenheim
La Wantzenau
Kilstett
Gambsheim
Herrlisheim
Drusenheim
Sessenheim
Auenheim
Hoeschwoog
Roppenheim
Beinheim
Seltz
Wintzenbach
Neewiller-près-Lauterbourg
Lauterbourg (B9)

La rue de Strasbourg à Ottmarsheim (photo: MV, septembre 2020).
Plaque de la "route nationale" à Rumersheim (photo: MV, septembre 2020).

AUTRES RESSOURCES: La page Wikipédia consacrée à l'ancienne nationale R.N.68 (lire).
La page Wikisara de la R.N.68 historique (lire).

Ancien panneau Michelin à Blodelsheim (photo: MV, septembre 2020).

LES ROUTES EN ALSACE. Sur le terrain, le tracé des routes alsaciennes n’est pas amélioré avant le XVIIIe siècle. Les chemins restent mauvais et sinueux en raison des protestations nombreuses des populations riveraines. En 1705, léger progrès, on ordonne l’allongement des chaussées pavées et l’établissement de fossés. Un service des ponts et chaussées est même initié en 1716. A la fin du XVIIIe siècle, toutes les routes importantes existent déjà (réseau de 2000 km). Alors que les cités ne disposent que de chaussées avec caniveau médian, on réalise des évacuations latérales dès les années 1840 à Strasbourg et quelques autres villes d’Alsace. D’autre part, l’état des chaussées empierrées s’améliore: en 1840, un conseiller général fait fabriquer un rouleau compresseur en fonte de 3 tonnes à Reichshoffen par les usines De Dietrich. Tiré par six chevaux, il est expérimenté avec succès à Bouxwiller en réussissant le cylindrage de 2,6 km2 de route par jour.

A Heiteren (photo: MV, septembre 2020).
A la sortie nord de Neuf-Brisach (photo: MV, septembre 2020).
Ancienne borne à la limite entre le Haut-Rhin et le Bas-Rhin (photo: MV, septembre 2020).
Ancienne station-service vers La Wantzenau. Les prix sont indiqués en francs sur la pompe (photo: MV, septembre 2020).
A la sortie de Seltz, sur le passage à niveau (photo: MV, septembre 2020).





Belles routes de France...
R.N.68: AU FIL DU RHIN
Sur une longueur de 183 kilomètres environ, la R.N.68 de 1959 réalise l’exploit de longer le Rhin du nord au sud de l’Alsace sans quasiment jamais le côtoyer ni le voir… Cette route, souvent étroite et sinueuse, déclassée depuis 1973, relie La Chaussée (Bartenheim) et Lauterbourg en passant par Neuf-Brisach et Strasbourg. Nous traversons une ribambelle de villages alsaciens pimpants déposés sur une large plaine fertile fermée à l’ouest par le rideau des Vosges et à l’est par le trait sombre de la Forêt-Noire… Là, on ne va pas chercher des paysages spectaculaires… mais une ambiance très particulière, celle de l’Alsace profonde, aujourd’hui tranquille et prospère.

La R.N.68 historique à la sortie nord de Biesheim (photo: MV, septembre 2020). En cliquant sur l'image, vous revenez à la page principale de ce site!

Dans son Histoire des routes en Alsace, Jean Braun évoque déjà «sous l’époque romaine» une «route du Rhin suivant le fleuve à partir de Bâle et en direction de Kembs et Strasbourg». Après cette localité, écrit encore Jean Braun, la chaussée antique se continuait à peu près certainement «à travers le Ried du nord jusqu’à Seltz, Lauterbourg». Au Moyen Age, les itinéraires de commerce et de pèlerinage se développent. On rejoint toujours, continue Jean Braun, Strasbourg par la route du Rhin, mais «le tracé est souple et diffus»; les chaussées moyenâgeuses ne sont souvent «qu’un chemin mal carrossable, étroit, sinueux, sans fossé, ni arbres». A la fin du XVIIIe et au début du XVIIIe siècle, l’Alsace est passée dans le giron français et l’heure est à la fortification de la frontière. Dès 1695, dit l’Histoire des routes en Alsace, «on avait élevé, de Lauterbourg à Huningue, le long du Rhin, 134 redoutes réunies par une route qui enjambait par des ponts les très nombreux bras du Rhin». Plusieurs forteresses, dont Neuf-Brisach en 1699, sont également crées par l’infatigable Vauban. Quant à notre route du Rhin, elle est rectifiée dans l’Alsace du nord en 1760 et 1762 «par des déviations par Herrlisheim (et non plus Offendorf) et Wintzenbach (et non plus Munchhausen)» pour éviter des villages trop proches du Rhin, donc inondables. D’après Jean Braun, on s’attaque à nouveau «dès le début du Consulat» à la réfection de cette chaussée, et en mai 1811, alors que règne l’Empire, toutes les voies alsaciennes étaient considérées comme praticables. Sous une première domination allemande, entre 1870 et 1918, la R.N.68 portera le n°7. Plus tard encore, lit-on dans la vraiment très complète Histoire des routes en Alsace, «la signalisation par poteaux et tableaux indicateurs ou bornes Michelin fut achevée en 1926 dans le Bas-Rhin». Et, en 1929, l’ensemble des routes nationales est goudronnée... Ultime et tragique hoquet de l’histoire: sous l’implacable joug du IIIe Reich, de 1940 à 1945, la route n°68 devient un prolongement de la Reichstrasse n°9, qui relie les Pays-Bas à l’Alsace en passant par Cologne, Coblence et Mayence.

La R.N.68 historique à Kembs (photo: Marc Verney, septembre 2020).

Aujourd’hui, c’est la départementale 468 qui débute à Bartenheim (la Chaussée), au carrefour avec la R.N.66 historique, devenue désormais la D66. Appelée «rue du Rhin», cette voie prend la direction de Kembs. Sans transition, les «villages-rue» se succèdent dans cette zone densément peuplée, qui apparaît quasiment comme un faubourg de Bâle, tant la circulation matinale des frontaliers vers la Suisse voisine est importante... Dans l’histoire des alentours, racontée sur le site saint-louis.fr, on constate qu’il est fait mention en 1447 «d’une d'une route partant de Bâle en direction de Kembs et portant le nom de "Neuer-Weg in der Hart"». Cette voie, également citée en 1568, a certainement été créée, dit encore saint-louis.fr, «pour éviter aux voyageurs d’emprunter la route romaine souvent inondée et rendue impraticable par les crues du Rhin». Son entretien est assuré par l’évêque de Bâle, puis ensuite par les Bâlois eux-mêmes, qui possèdent à l’époque un poste de douane avancé sur le Rhin, à la hauteur de Kembs. Les huguenots français installés à Bâle y fondent de nombreuses industries textiles, et, du coup, le commerce se développe le long du Rhin. Des auberges, nées de ce commerce, naissent sur ce chemin… et, à côté de toute cette activité, s’ajoute (au XVIIe siècle) le repeuplement avec des colons suisses après la guerre de Trente Ans, l’arrivée de la poste royale, le chantier de construction de la forteresse de Huningue… Toute une ribambelle de hameaux s’élèvent ainsi le long de la voie, précise le site saint-louis.fr, qui ont donné naissance aux villages actuels qui s’égrènent jusqu’à Kembs.

R.N.66: DE BAR A BALE
La route nationale 66 historique de 1959 relie simplement Bar-le-Duc en Lorraine à Bâle, aux portes du Jura suisse. Une belle promenade à faire en toutes saisons (lire)

Six kilomètres à peine après notre départ, voilà le gros bourg de Kembs. L’ancienne et importante station romaine de Cambete, qui ouvre à un passage du Rhin grâce à un pont en maçonnerie du Ier siècle, «est mentionnée sur la carte de Peutinger et sur l’itinéraire d’Antonin», signale le site kembs.fr. Le village, qui appartient d’abord aux Bâlois, sera ravagé aux XIVe, XVe siècles et durant la guerre de Trente Ans. «La famille Heitz, cabaretiers à Kembs (cabaret Au Cerf) depuis 1625, est citée comme maître de poste à partir de 1680», raconte encore le site internet municipal. Toujours d’après celui-ci, «entre 1761 et 1823, la commune absorbe une partie du territoire de la Chaussée ou Neuweg, qui comprenait les lieux-dits Schaeferhof, Loechle et Richardshaeuser, annexes formées au temps de Louis XIV le long de l' axe de circulation nord-sud». Au XIXe siècle, c’est la construction du canal de Huningue (navigable en 1830); il rejoint le canal du Rhône au Rhin vers Mulhouse et permettait au trafic fluvial de rejoindre Strasbourg à une époque où le Rhin n’était pas canalisé. Plus tard, indique toujours kembs.fr, «la commune sera transformée par la construction de l'usine hydro-électrique, inaugurée le 9 octobre 1932 par le président de la République Albert Lebrun. Lors du conflit de 1939-1945, la commune fut sinistrée à 65%». On traverse Kembs avec la rue du Maréchal-Foch et l’on prend la direction de Niffer.

Le passage de l'écluse de Kembs-Niffer sur l'ancienne chaussée des années soixante. Au second plan, le nouveau pont (photo: Marc Verney, septembre 2020).
L'ancienne chaussée de la R.N.68 historique avant Niffer (photo: Marc Verney, septembre 2020).

Un peu au sud de ce village, d’importants travaux vont modifier les paysages. C’est tout d’abord, en 1961, la réalisation de l'écluse de Kembs-Niffer qui permet de relier directement le Grand Canal d'Alsace au canal de Huningue. La R.N.68 rectifiée passait juste à côté; on pouvait y admirer la tour de commande et le bâtiment administratif, construits par le célèbre architecte Le Corbusier. Aujourd’hui, la D468 délaisse les parages de cette écluse et le port fluvial de Niffer pour franchir d’un bond l’étendue d’eau qui correspond à la rencontre entre l’actuel canal du Rhône au Rhin (ex-canal de Huningue) et le Grand Canal d’Alsace. Il faut prendre la première route à gauche pour revenir sur Niffer et la «rue Principale», qui est l’artère historique de la R.N.68 dans ce petit village. On note aussi la mention intéressante d’une «voie romaine» nord-sud passant à l’ouest de Niffer sur la carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) publiée sur le Géoportail de l’IGN. Notre route se poursuit vers Hombourg. Ce village, bordé à l’ouest par l’épaisse forêt de la Harth, nous raconte le site hombourg68.fr, «était autrefois tourné exclusivement vers l’agriculture. Puis Hombourg est passé au stade industriel en 1950. Ce fut tout d’abord la construction du Grand Canal d’Alsace puis de la centrale hydraulique d’Ottmarsheim qui permirent l’accroissement de la population avec l’installation d’ouvriers dans la cité provisoire appelée "Gare 8"». A l’entrée de ce bourg, en venant de Bâle, on remarque un étrange édifice en forme de châtelet médiéval… il s’agit en fait du «domaine de Hombourg», un lieu ayant appartenu à de grands industriels comme la famille Koechlin, qui réunit plusieurs activités: une ferme avec une étable imitant l’architecture d’un château moyenâgeux (bâtie au XXe…). Puis, derrière, un château du XIXe siècle autour duquel s'est développé un golf (tourisme-mulhouse.com).

Peu avant Hombourg (photo: Marc Verney, septembre 2020).

Après être passée sur l’autoroute A36 «la Comtoise», la R.N.68 historique arrive aux abords d’Ottmarsheim. Le nom de la petite cité est cité pour la première fois dans un manuscrit de l'abbaye de Murbach en 881, nous dit Wikipédia, qui précise: «Pendant longtemps, la localité demeure le centre des possessions des Habsbourg en Alsace. Siège d'une douane importante -et donc source de revenus importants- elle est convoitée par de nombreuses familles nobles»... Aujourd’hui, l’activité industrielle est importante, et comme dans les villages précédentes, le lieu se transforme profondément au cours de la seconde moitié du XXe siècle. C’est le creusement en 1947 du Grand Canal d'Alsace, la construction par EDF d'une usine hydroélectrique de 1948 à 1952 et la création de la zone portuaire. La D468 traverse Ottmarsheim avec la rue du Général-de-Gaulle et met le cap sur Bantzenheim. Héritier de plusieurs autres villages aujourd’hui disparus, nous raconte le site bantzenheim.fr, l’endroit fut aussi certainement une ancienne station romaine comportant une auberge et des écuries sur l’ancienne route du Rhin qui partait de Augusta (Augst) près de Bâle. Au XVIIIe siècle, on y mentionne un important relais de poste avec près de trente chevaux. Au début du XXe siècle, c'est grâce au curé de Bantzenheim , Charles Hug, «que la bande rhénane doit son expansion agricole par le creusement du canal d'irrigation», explique encore le site municipal. Après Rumersheim-le-Haut, voici Blodelsheim. Au Moyen Age, dit le site blodelsheim.fr, «le bourg appartenait aux Habsbourg et faisait partie du baillage de Landser. C’est là qu’eut lieu la célèbre bataille qui opposa, le 8 juin 1228, l’évêque de Strasbourg Berthold de Theck et son allié le comte Albert de Habsbourg au comte de Ferrette Frédéric II». Comme beaucoup de villages alsaciens, Blodelsheim a été ravagé durant la guerre de Trente Ans… et beaucoup plus tard, a subi les dommages de la difficile libération de l’Alsace, dans les premiers mois de 1945. On est ici au cœur de ce que l’on a appelé la bataille de la «poche de Colmar» dans laquelle les troupes allemandes, aidées par un hiver des plus rigoureux, s’accrocheront avec ardeur de décembre 1944 au 9 février 1945.

Vers Ottmarsheim (photo: Marc Verney, septembre 2020).
Avant Heiteren (photo: Marc Verney, septembre 2020).

Les champs se succèdent dans cette vaste et fertile plaine d’Alsace. Une ligne droite de 3,5 km nous emmène à Fessenheim. En 1959, il n’était pas encore question de la célèbre -et décriée- centrale nucléaire (arrêtée en 2020), et le village n’était qu’une paisible bourgade, mentionnée pour la première fois, dit le site geneawiki.com, en 762 sous le nom «Fetzenheim». Au XIIIe siècle, tout comme les autres villages de cette région, ce sont les Habsbourg qui y font «la pluie et le beau temps»… Un peu plus au nord, voici Balgau, traversé par la «route de Bâle», puis Heiteren, dévasté par les troupes suédoises durant la guerre de Trente Ans… A l’est du village, se dessine très nettement sur la carte de l’IGN, la «rue des Romains», l’ancienne voie antique qui impose son tracé rectiligne au milieu des champs. Au nord du bourg, la «route de Strasbourg», dont le tracé est nettement visible sur la carte de Cassini (XVIIIe), approche de Neuf-Brisach. Cette petite cité possède –vu d’avion- un plan immédiatement reconnaissable… C’est la patte de Vauban, dont c’est l’ultime réalisation… Un peu d’histoire: Louis XIV, qui a perdu la ville de Brisach (de l’autre côté du Rhin) durant la guerre de la Ligue d'Augsbourg, entre 1688 et 1697, doit impérativement re-fortifier sa frontière. Et dès 1698, découvre-t-on sur sites-vauban.org, «le roi ordonne à Vauban de visiter les places de l’est du pays. Et l'ingénieur choisit le site de Neuf-Brisach pour sa proximité avec Breisach-am-Rhein, tout en étant hors de portée». Le chantier s’étale de 1698 à 1703. L’enceinte est percée de quatre portes, dites de Belfort, Colmar, Strasbourg et Bâle. A l’intérieur, «les rues sont percées selon une symétrie parfaite, parallèles et perpendiculaires les unes aux autres. 48 îlots de dix parcelles s’organisent en damier autour de la place d’armes centrale», explique encore le Centre de ressources pour la gestion du patrimoine fortifié Vauban sur son site internet. Mais cette place-forte idéale ne sera jamais achevée. Et les aléas de l’histoire frapperont fort: en 1870, plus de 6000 obus prussiens détruisent les trois-quarts des maisons… En 1945, ce sont les Américains qui bombardent une ville… déjà libérée des Allemands! Et 170 habitations sont à reconstruire sur les 360 que compte la ville. En 1961, indiquent les Rapports d'exécution des plans régionaux, on réalise une déviation sud de Neuf-Brisach sous la dénomination R.N.415, ce qui facilite la circulation de Colmar à l’Allemagne. Mais la R.N.68 historique doit, elle, toujours franchir la porte de Bâle, traverser l’agglomération et ressortir par la porte de Strasbourg pour prendre la direction de Marckolsheim, à quinze kilomètres au nord. Ici, en 1961, on remarque sur les anciennes photos aériennes de l’IGN, que la rue de Strasbourg délaisse un tracé plus rectiligne formé par la rue du Bassin (impasse). Originalité: la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail montre un chemin qui contourne les remparts de Neuf-Brisach par l’est.

A Neuf-Brisach, l’enceinte est percée de quatre portes, dites de Belfort, Colmar, Strasbourg et Bâle (photo: Marc Verney, septembre 2020).

On aborde maintenant Biesheim par l’ouest. Ce village est complètement détruit durant le siège de Brisach en 1674, forçant les habitants à se réfugier sur une île du Rhin dans des abris couverts de paille… d’où le nom «Ville de paille» que l’on remarque sur les cartes, au sud-est de Biesheim. Les paisibles paysages agricoles que l’on traverse depuis le début du voyage sont trompeurs. Ces régions frontalières ont été longtemps zones de guerre ou de friction… Mais c’est ainsi que lentement et de manière sanglante c’est façonnée notre Europe (il y a encore du boulot!)… A Kunheim et Artzenheim, notre chaussée s’approche du canal du Rhône au Rhin qui remonte toute la plaine d’Alsace jusqu’à Strasbourg. Celui-ci, mis en service en 1832, est désormais partiellement déclassé. Kunheim a pour particularité d’être un village «voyageur»: selon le site kunheim.fr, l'ancien bourg étant «progressivement envahi et détruit par les crues du Rhin, les habitants obtinrent l'autorisation des seigneurs de Rathsamhausen-Ehnweier de déplacer la localité toute entière et de la reconstruire en des lieux plus sûrs; ainsi naquit le nouveau Kunheim, en l'an 1766 à son emplacement actuel. Les fondations furent préparées le long de la route royale de Bâle à Strasbourg». Après Artzenheim, il faut parcourir 5 kilomètres pour arriver à Marckolsheim, première localité du Bas-Rhin traversée par la R.N.68 historique. «Le nom de la localité, signale le site marckolsheim.fr, est cité pour la première fois vers 900 dans une charte énumérant les propriétés de l’abbaye de Lorsch. En l’an 1294, le comte Rodolphe de Habsbourg cède le bourg de Markelsheim à Conrad III de Lichtenberg, évêque de Strasbourg». Située à une cinquantaine de kilomètres de l'actuelle capitale alsacienne, la petite ville est souvent touchée par les conflits. Lors de la terrible guerre de Trente Ans, «elle est bombardée, ses remparts sont en partie détruits, les habitations sont pillées, la nourriture se fait rare et la quasi-totalité des habitants fuit vers Strasbourg encore protégée par ses murs. En 1648, avec le traité de Westphalie, une partie de l’Alsace devient française, en particulier le sud de la région», raconte encore le site municipal. Durant la Seconde Guerre mondiale, le bourg est à nouveau gravement touché par les bombardements, en juin 1940, lors de l'invasion allemande et au début de 1945, lors des combats pour la Libération. La traversée de Marckolsheim se fait en empruntant l’avenue du Maréchal-Foch puis la rue Clémenceau.

Vers Marckolsheim (photo: Marc Verney, septembre 2020).
A Saasenheim, il reste quelques indications Michelin (photo: Marc Verney, septembre 2020).

Notre chaussée longe désormais Mackenheim et Bootzheim. A Mackenheim, nous raconte le site mackenheim.fr, une crue du Rhin détruit 19 maisons du village en 1852. Il y a deux mètres d'eau dans les rues. Du coup, un nouveau quartier de quatorze demeures, les «Wasserhiessle», voit le jour en 1853. Les villages typiques s’enchaînent: Artolsheim, Richtolsheim, Saasenheim, Diebolsheim… Nous sommes dans le Ried, région située entre le Rhin et l’Ill, où, nous explique le site saasenheim.fr, la nappe phréatique, très proche de la surface, a créé un paysage particulier avec des résurgences («Schwamm») et des ruisseaux à la flore riche et particulière. Et toujours ces bourgs, aux multiples maisons à colombage… Friesenheim, Boofzheim, Gerstheim… Nous voici à la hauteur d’Erstein. Ici aussi, l’eau a façonné les paysages: le canal de décharge de l’Ill laisse, à l’est, la place au vaste plan d’eau de Plobsheim. On passe Krafft, écart du bourg d’Erstein, où se trouvait un relais de poste de la route du Rhin (vieil-erstein.alsace). Huit kilomètres au nord se trouve Plobsheim, un village impérial, qui, comme Strasbourg, ne passera sous domination royale française qu’en 1681. Peu à peu les paysages s’urbanisent. La grande banlieue de Strasbourg est là. Il est cependant intéressant de comparer avec les photos aériennes publiées par l’IGN sur le Géoportail: en 1956, le fort Uhrich, construit par les Allemands entre 1873 et 1876 à Illkirch-Graffenstaden, est encore au beau milieu des champs et la Meinau, un simple lotissement jouxtant la zone industrielle de la plaine des Bouchers, héritage du XIVe siècle… puisque c’est là, qu’était regroupé à l’époque le bétail destiné à la consommation des Strasbourgeois. Juste avant se trouve le carrefour de la Colonne, où la R.N.83 historique (qui traversait Illkirch-Graffenstaden) venait se fondre dans l’ancienne R.N.68.

LYON PAR LA R.N.83
Voilà une route qui sillonne l'Est de la France à flanc de collines: Alsace, Jura, Doubs, Vosges... On n'oubliera pas non plus les vignobles qui s'étalent de part et d'autre du bitume... Une route de gourmet? (lire)

Panneaux Michelin de la R.N.68 historique survivants à Saasenheim (photo: Marc Verney, septembre 2020).
Vers Plobsheim (photo: Marc Verney, septembre 2020).

STRASBOURG, QUELQUES MOTS D’HISTOIRE: La cité naît du labeur des Romains. C’est, tout d’abord, l’un des nombreux fortins implantés quelques années avant le premier millénaire le long du Rhin par l’empereur Auguste et Nero Claudius Drusus afin de surveiller les frontières de l’Empire. Plus tard, de 70 à 260 après J.C., Rome s’empare des Champs Décumates à l’est du Rhin. Argentoratum (Strasbourg) est alors un essentiel centre logistique au carrefour de plusieurs voies stratégiques, dont celle empruntant la vallée de la Kinzig (B33), menant au Danube et celle de Pforzheim vers Stuttgart. Vers la Gaule, une chaussée s’oriente en direction du Sud (Besançon puis Lyon) et l’autre vers Metz. Les terrains, marécageux, sont drainés (en savoir plus)...

Le carrefour de la Colonne, à Illkirch-Graffenstaden (photo: Marc Verney, octobre 2019).

R.N.4: PARIS-STRASBOURG ET LES CIGOGNES
La nationale 4 relie Paris à Strasbourg et s'achève sur le Rhin... Terres de Champagne, de Lorraine et d'Alsace, nous voilà! (lire)

PROMENADE EN OUTRE-FORET
Au nord de l’Alsace, deux anciennes routes nationales sillonnent un coin de France plutôt méconnu... Vieilles bâtisses, châteaux, forteresses, forêts à perte de vue... (lire)

Après avoir franchi le Rhin Tortu, notre voie entre dans le centre de Strasbourg par la rue de l’Hôpital. Pour éviter les étroites rues du centre-ville, notre chemin suit les quais jusqu’au boulevard de Lyon pour rejoindre ensuite la gare et remonter par le boulevard du Président-Wilson jusqu’à la place d’Haguenau. Bâtie sous la domination allemande, celle-ci était séparée des campagnes alentours par la «Steinthor», la Porte de Pierre, démolie en 1922 lors du déclassement de Strasbourg en tant que forteresse. De là, franchissant le canal des Remparts et des aménagements routiers menés dans les années cinquante à soixante-dix, nous suivons la rue de Brumath, puis –à nouveau- la R.N.68 historique vers Schiltigheim (route de Bischwiller). L'origine de Schiltigheim remonte au IXe siècle, où elle s'est constituée autour d'un château et d'une la chapelle, explique Wikipédia. Ce bourg, poursuit l’encyclopédie en ligne, s'implante «sur les dernières collines qui descendent vers le Rhin au nord de Strasbourg». Son développement est étroitement lié, à la fin du XIVe siècle, «à l'arrivée des habitants d'Adelshoffen chassés des banlieues de Strasbourg» et qui trouvent refuge ici. Schiltigheim a été surnommée la «cité des brasseurs» en raison du nombre important de brasseries qui s'y sont implantées au fil des ans: Fischer, Schutzenberger ou bien encore Adelshoffen... Voilà ensuite Bischheim, cité étroitement liée à l’industrie du chemin de fer avec l’implantation -en 1879- des ateliers de réparations qui allaient fortement contribuer au développement de la ville (bischheim.alsace). A Hoenheim, la route de Bischwiller est pavée en 1909 sous la domination allemande, nous raconte le site ville-hoenheim.fr. En 1958, après avoir franchi le canal de la Marne au Rhin, c’est la campagne retrouvée… Nous sommes sur la «route de la Wantzenau», déjà bien tracée au XVIIIe sur la carte de Cassini publiée par le Géoportail de l’IGN. La plus ancienne trace écrite de la Wantzenau trouvée sur un document date de 1331, voit-on sur le site la-wantzenau.fr. Ce village de pêcheurs, situé non loin du confluent de l’Ill et du Rhin, a été bien éprouvé au cours des guerres du XVIIe siècle. Un peu au sud, dans une boucle de l’Ill, se trouve le fort Ney. L’ouvrage, construit par les Allemands de 1873 à 1876, verra la capitulation du général Vaterrodt, commandant la place de Strasbourg, réfugié dans la place avec 626 hommes face aux troupes de la 2e DB du général Leclerc, le 25 novembre 1944.

Sortie de La Wantzenau. Preuve du énième redécoupage administratif des routes françaises, le cartouche M468 bleu (comme métropole) de notre R.N.68 historique (photo: Marc Verney, septembre 2020).

Kilstett et Gambsheim, les deux villages suivants, ne seront totalement libérés du joug allemand qu’à la fin de l’hiver 1945… De violents combats s’y éternisent sur tout le mois de janvier lors de l’opération Nordwind lancée par les troupes nazies pour reprendre Strasbourg. Notre route n°68, toujours appelée «Route Nationale» dans le centre de Gambsheim, y porte le numéro départemental 468. Après avoir passé la ligne de chemin de fer Strasbourg-Lauterbourg (ouverte en 1876) à la hauteur de la forêt de Steinwald, nous prenons la direction de Herrlisheim, une commune là encore très touchée par les combats de 1945. C’est ici que Jean Braun a noté l’une des rectifications routières effectuées vers la fin du XVIIIe siècle puisque l’ancienne chaussée desservait Offendorf. Il est possible que l’ancienne voie se soit trouvée sur des terrains trop vulnérables aux inondations, tant ici l’eau et ses excès sont un souci permanent… Au début du XVIIIe siècle, il est noté de grandes crues du Rhin, qui auraient créé un véritable lac entre Vosges et Forêt-Noire… Plus récemment, dans les années soixante, on a complètement détourné le cours de la Zorn, qui auparavant longeait les habitations de Herrlisheim.

DUMAS, L’ECRIVAIN VOYAGEUR Dans son roman, Les Blancs et les Bleus, Alexandre Dumas nous fait notamment voyager le long du Rhin au cours du XVIIIe siècle. Dans cet extrait, les voyageurs se trouvent aux alentours de Strasbourg et se dirigent vers Auenheim. «La carriole partit; seulement à la porte, l'itinéraire fut changé; le portier interrogé sur la question de savoir quelle était pour aller à Auenheim, la route la plus courte et la meilleure, de celle de Bischwiller ou de celle d'Offendorf, répondit qu'il n'y avait même pas à hésiter; que la route de Bischwiller était une route provinciale, tandis que celle d'Offendorf était une route royale. On prit donc celle d'Offendorf. La route d'Offendorf est charmante; on côtoie le Rhin et l'on a constamment la vue des îles si variées de forme, du fleuve si majestueux de largeur; à Offendorf, on le touche».

Autour de Drusenheim (photo: Marc Verney, septembre 2020).

On approche maintenant de Drusenheim, sur la Moder. Fondée par le général romain Drusus, ce qui était alors un petit castel, dépend, du VIIIe au XVIIe siècle, de l’abbé de Schwarzach, raconte le site drusenheim.fr. Puis la commune passe entre les mains de plusieurs seigneurs successifs, dont les célèbres comtes de Hanau-Lichtenberg, de 1570 à 1736. Au milieu du XVIIe siècle, signale encore le site municipal, l’Alsace devient française: et, «pour repeupler Drusenheim, vidée par les guerres, les famines et les épidémies, on fait venir des Suisses, des Allemands, des Lorrains»... Là encore, les dommages dus à la Seconde Guerre mondiale sont considérables; le village, en raison des durs combats, n’est libéré qu’en mars 1945 (85% des maisons sont détruites).On quitte le village avec la rue du Général-de-Gaulle. Une rectification est signalée par Wikisara autour du bois de Sessenheim: depuis 1935, la route n’entre plus dans la forêt mais longe la voie ferrée au plus près jusqu’à Dengolsheim. Voici maintenant Auenheim, où se trouvait, au XIXe siècle encore, un relais où s'arrêtent, lit-on sur le site rountzenheim-auenheim.fr, «les brasseurs de Schiltigheim venus pour leurs transactions de houblon. Les paysans s'y arrêtent également en revenant du marché de Seltz». Jusqu’au milieu du XXe siècle, raconte encore le site du village, «la population vit essentiellement de la pêche dans la Moder et dans les bras du Rhin». La «rue Nationale» nous emmène en direction de Roeschwoog en passant devant un vieux bunker… Ce qui nous rappelle les multiples conflits qui ont ensanglanté la région. A l’est, sur le Rhin, on peut aller jeter un œil à Fort-Louis et au reste de ses fortifications bâties à partir de 1687 par Vauban. Le dispositif défensif, signale le site fort-louis.fr, comportait «un fort principal appelé le Fort Carré sur l'île elle-même et deux têtes de pont appelées le Fort Alsace sur la rive alsacienne du Rhin et le Fort Marquisat sur la rive badoise. C'est une des sept ou huit places fortes construites de toutes pièces par Vauban, ou plutôt sous sa direction». Aux XVIIIe et XIXe siècles, soumises à la pression d’attaquants autrichiens, russes et badois, ces fortifications sont, peu à peu, démantelées. «Actuellement, précise sites-vauban.org, il ne subsiste plus que les talus, les fossés et quelques pans de murailles du Fort Carré».

En direction de Seltz (photo: Marc Verney, septembre 2020).
Ici, à la sortie nord de Seltz, la R.N.68 historique a été coupée par la réalisation de l'autoroute (photo: Marc Verney, septembre 2020).

Non loin de Roeschwoog, se trouve Roppenheim. Ici, les itinéraires du XVIIIe, XIXe et XXe siècles se superposent presque parfaitement. Les paysages changent peu: champs, bosquets et petits villages coquets posés sur la plaine… Voilà Beinheim, où l’on franchit la Sauer. Cette possession du margrave de Bade (un titre de noblesse donné aux chefs militaires des marches dans l'Empire carolingien, puis à certains princes du Saint-Empire romain germanique) jusqu’à la Révolution française, se situe à quelques kilomètres au sud de Seltz. Ici, les cartes de l’IGN montrent de manière spectaculaire l’évolution du cours du Rhin au fil des siècles. Au XVIIIe et début du XIXe siècle, le fleuve et la rivière Sauer s’y entremêlent, l’eau venant lécher les premières maison du village. Au XXe siècle, seule la Sauer coule désormais aux portes de Seltz; le Rhin, assagi, canalisé, développe ses flots tranquilles entre le village alsacien et Plittersdorf en Allemagne. Seltz (Saletio), dit le site internet municipal, se crée à proximité d’un camp militaire romain vers 12 av. JC. Puis, les Alamans, raconte encore seltz.fr, «tantôt auxiliaires des Romains, tantôt envahisseurs et migrants» prennent progressivement possession de la région située au carrefour des civilisations gallo-romaine et germaine. Adélaïde de Bourgogne, l’épouse d’Otton, le premier empereur du Saint-Empire, y fonde une abbaye bénédictine en 991; elle y décède en 999. Cette abbaye est emportée par une crue du Rhin en 1307 et est rebâtie en 1315. Puis, en 1358, Seltz devient membre de la ligue des villes libres d'Alsace, la Décapole, mais est enlevée par l'électeur palatin en 1414 avec le soutien de l'Empereur, son père. Pendant la Guerre de Trente Ans (1618-1648), Seltz, prise et reprise, perd une grande partie de ses habitants. En avril 1674, pendant la guerre de Hollande, l'électeur palatin est en guerre avec le roi de France. Toute la ville est incendiée par les Français: l'église, l'hôtel de ville, le château... les militaires détruisent les remparts et les portes de Strasbourg et de Landau. La rue Neuve tient son nom de la reconstruction du bourg, un an plus tard. Et, en 1680, c’est l’annexion à la France. Vers 1693 et 1705, indique Wikipédia, des cartes attestent la présence d’un relais de la poste aux chevaux à Seltz. Après 1705, ce relais disparaît au profit de Beinheim. En 1770, Seltz est desservie par la diligence hebdomadaire de Strasbourg à Mannheim (par Lauterbourg). Plus près de nous, Seltz a eu la triste particularité d'être libérée deux fois: en décembre 1944 par les troupes américaines et en mars 1945 par les troupes de la Ière armée française.

Avant Wintzenbach (photo: Marc Verney, septembre 2020).

Après avoir traversé le Seltzbach, la R.N.68 historique s’oriente vers le Niederwald, laissant partir, à droite, une «rue Romaine». Il s’agit –très vraisemblablement- d’un itinéraire antique venant de Brumath et Strasbourg, mais aussi de l’ancienne chaussée de Lauterbourg, qui passait par Munchhausen avant la rectification de la moitié du XVIIIe siècle signalée par Jean Braun, qui a renvoyé le trafic de cette route en direction de Wintzenbach. Après le passage à niveau, la construction de l’A35 a condamné, dans les années 90, la chaussée de la R.N.68 historique qui ne peut être rejointe qu’au nord-est de Schaffhouse-près-Seltz. Après quelques minutes de trajet, nous entrons dans Wintzenbach par la rue Napoléon. Le lieu, nous dit Wikipédia, est mentionné «pour la première fois en 1084 sur un document par lequel le pape Clément III autorise l’abbaye bénédictine de Seltz à percevoir à Wintzenbach la dîme pour les pèlerins et les pauvres». Sur une chaussée déjà mentionnée sur les cartes publiées par le Géoportail de l’IGN, nous approchons maintenant de Neewiller-près-Lauterbourg. On y pénètre par la rue de la Haute-Vienne, une dénomination qui peut sembler étrange sous ces latitudes, mais qui s’explique par le fait que l’ensemble du village a été évacué dans ce département du sud-ouest au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Le site personnel pierre.bertrand.free.fr raconte le village... «Blotti dans le creux d'un vallon, entouré de collines verdoyantes, Neewiller jouit d'une situation particulièrement heureuse», lit-on ainsi. En 1818, découvre-t-on encore sur ce site, «le nom du village a été inscrit sur la première et la dernière maison de la route royale, par les soins de la commune». «Après la domination franque, Lauterbourg avec sa région passe sous l’autorité de l’évêque de Spire, c’est pourquoi Neewiller dépendra du prince-évêque jusqu’à la révolution de 1789», écrit de son côté le site municipal neewiller.fr. Voilà donc Lauterbourg, terme de notre voyage, qui s’annonce désormais. On croise une dernière fois «l’autoroute des Cigognes» pour entrer dans la petite cité par la «route de Strasbourg».Nous voici à la frontière avec l’Allemagne, et cette proximité avec ce grand pays n’a pas toujours été confortable… le retrait des légions romaines de la région inaugure le grand déferlement de peuplades venues d’Outre-Rhin, Alamans, Francs… Après avoir été incorporée dans la Lotharingie, Lauterbourg fait partie du Saint-Empire au Xe siècle. Vers le XIIIe, les princes-évêques de Spire, raconte le site mairie-lauterbourg.fr, dotent la cité «de deux enceintes successives de murailles et de douze tours». Les Traités de Westphalie (1648), poursuit le site municipal, «mirent fin à la terrible Guerre de Trente ans et attribuèrent l'Alsace à Louis XIV. Cependant les principautés de Basse-Alsace dépendaient encore de l'Empire germanique. Cette situation ambiguë engendra de nouvelles guerres, et en 1678 Lauterbourg fut rasé par les troupes». Reconstruite par la France qui en fait une bourgade fortifiée, Lauterbourg se trouve à l’extrémité orientale des Lignes de la Lauter (sorte de «ligne Maginot» du XVIIIe) défendant les accès du royaume de France. A la fin de l’Empire napoléonien, les frontières de la France sont à nouveau fixées sur la rivière Lauter. On entre dans les vieux quartiers par la rue de la Première-armée, ce qui honore les soldats français qui ont définitivement libéré la région le 19 mars 1945 après une première percée américaine en décembre 1944. Complètement détruite en 1940, la ville basse a aujourd’hui l’air coquet de ces petites cités alsaciennes typiques… La frontière allemande est bien vite atteinte de l’autre côté de la petite Lauter. En 1959, on y retrouvait la Bundesstrasse n°9 qui remontait le Rhin en direction de Cologne.

Marc Verney, Sur ma route, octobre 2020

A la frontière avec l'Allemagne (photo: Marc Verney, septembre 2020).

SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°87 Wissembourg-Belfort, Michelin (1962); Guide vert Vosges-Alsace, Michelin (1950-51); Histoire des routes en Alsace, Jean Braun, association des publications près les universités de Strasbourg (1988); Les Blancs et les Bleus, Alexandre Dumas, Arvensa éditions (rééd. num. d’un ouvrage de 1867); Rapports d'exécution des plans régionaux pour l'année 1961, Comité des plans régionaux (1963); bantzenheim.fr; bischheim.alsace; blodelsheim.fr; drusenheim.fr; fort-louis.fr; geneawiki.com; hombourg68.fr; kembs.fr; kunheim.fr; la-wantzenau.fr; mackenheim.fr; marckolsheim.fr; mairie-lauterbourg.fr; neewiller.fr; pierre.bertrand.free.fr; saasenheim.fr; saint-louis.fr; seltz.fr; sites-vauban.org; tourisme-mulhouse.com; vieil-erstein.alsace; ville-hoenheim.fr; Wikisara; Wikipédia. Remerciements: Géoportail de l’IGN, médiathèque André-Malraux à Strasbourg.

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