Signalisation Michelin de la R.N.4 non loin de Sarrebourg (photo: MV, déc. 2006).
Borne commémorative de la Première Guerre mondiale à Domèvre-s-Vezouze. Ce type de monument indique l'avance extrême des armées allemandes en 1914-18 (photo: MV, déc. 2006).
Sources et documents: Atlas des grandes routes de France (Michelin, 1959); Atlas routier et touristique Michelin France 2011; Atlas n°302 De Paris à l’Alsace et à la Lorraine (Michelin, 1953-54); carte n°62 Chaumont-Strasbourg (Michelin, 1930, 1947 et 1969); Das Reichsland Elsass-Lothringen Landes und Ortsbeschreibung, Statistisches Bureau, J.H.E. Heitz, Heitz & Mündel (1901); Furdenheim, éd. Coprur (1988); Guide Rouge, Michelin (1959); Guide Vert Vosges-Alsace (Michelin, 1950-51); Histoires de voyage (de Paris à Strasbourg et aux bords du Rhin); voyage d'un étudiant et ses suites variées, P.J. Stahl, J. Hetzel éd. (1875); Histoire des routes en Alsace, Jean Braun, Presses universitaires de Strasbourg (1987); Histoire du Blâmontois dans les temps modernes, A. Dedenon, impr. Vagner (1930); Itinéraire général de la France: Vosges et Ardennes, Adolphe Joanne, Hachette (1868); Ittenheim-Handschuheim, deux clochers, une âme, éd. Coprur (1986); La Lorraine dans l'unité française, 1789-1871, Jean-Alain Lesourd, Mars et mercure, FeniXX réédition numérique (1976); L’Alsace au XVIIIe siècle, Claude Muller, éd. Place Stanislas (2008); Le Rhin, lettre à un ami, Victor Hugo, Bourin éditeur (2011); Notice sur Blâmont et Bon Accueil, J. Colin, don de la Croix-Rouge américaine, établissements Mazerand (1926); «Pons Saravi, un bourg sur la Sarre», par Dominique Heckenbrenner, in Les agglomérations secondaires de la Lorraine romaine (Presses universitaires de Franche-Comté, 1997); Rapports et délibérations / Conseil général du département de la Meurthe-et-Moselle, Imprimerie Départementale (Nancy, 1938); Recueil de documents statistiques T.1, routes royales, routes départementales, impr. Royale (1837); Wasselonne et son canton, Rolf Werl, éd. Alan Sutton (2001); sarrebourg.fr; saverne.fr; Wikipédia; Wikisara; le Géoportail de l’IGN.

Borne de limites départementales entre Moselle et Bas-Rhin juste après Phalsbourg, peu avant la descente vers Saverne (photo: MV, déc. 2006).

Localités et lieux traversés par la N4 (1959):
Lunéville (N59)
Marainviller
Thiébauménil
Bénaménil
Ogéviller
Herbéviller
Domèvre-sur-Vezouze
Blâmont
Saint-Georges
Héming (N55)
Bébing
Sarrebourg
Petit-Eich
Saint-Jean-Kourtzerode
Mittelbronn
Phalsbourg (N61)
Danne-et-Quatre-Vents
Saverne (N421)
Otterswiller
Marmoutier
Singrist
Wasselonne
Marlenheim (N422)
Furdenheim
Ittenheim
Bellevue
Koenighoffen
Strasbourg (N63, N68, N83)
Le Rhin
Kehl (frontière allemande)

La RN4 dans la montée vers le col de Saverne (photo: MV, déc. 2006).
A Marmoutier, en direction de Saverne (photo: MV, sept. 2013).
A Marmoutier en direction de Strasbourg (photo: MV, sept. 2013).

D'autres ressources autour de la nationale 4 historique: La page Wikisara consacrée à cette nationale française (lire).
La page Wikipédia de la RN4 historique (lire).


Belles routes de France...
R.N.4: VOUS AUREZ L'ALSACE ET LA LORRAINE (III)
Voici donc la dernière partie de notre promenade sur la route nationale 4 historique. Celle-ci a bien changé depuis les années cinquante… Un automobiliste de ce temps aurait peine à reconnaître le bitume de son époque dans les efficaces quatre-voies routières –ou autoroutières- qui doublent quasiment en permanence le tracé historique Paris-Strasbourg. C’est en approchant de l’Alsace que l’on revoit –ici ou là- les traces d’un passé routier pourtant pas si lointain... Ainsi, au col de Saverne, au cœur des Vosges gréseuses, nous voici face à la principale curiosité de la route: des lacets artistement dessinés par Antoine de Regemortes, célèbre ingénieur des ponts et chaussées qui amènent doucement le voyageur au niveau de la plaine d’Alsace. Les belles dames de l’époque en feront même une coiffure! Puis voilà la plaine d’Alsace, il ne reste alors à la R.N.4 plus qu’à s’orienter en direction de la cathédrale de Strasbourg que l’on voit parfois au loin, véritable mât de pierre pour enfin, après 456 kilomètres, atteindre le fleuve majeur de l’Europe, ce Rhin puissant, frontière naturelle avec l’Allemagne.

L'arrivée à Strasbourg vue depuis le carrefour de Bellevue (photo: Marc Verney, septembre 2013). Cliquez sur l'image pour aller en direction de Strasbourg.

La nationale 4 historique (D400) sort de Lunéville par le faubourg d’Alsace et l’avenue du 30e Groupe-de-chasseurs, du nom d’une formation qui fut en garnison dans la ville. Puis, la «rue Nationale» longe l’aérodrome de Lunéville-Croismare qui a été, dans les années cinquante et soixante, une base de desserrement affectée à l’aviation royale du Canada et à des appareils de reconnaissance français. Vers le village de Croismare d’ailleurs, la carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) publiée par l’IGN montre «l’auberge de l’Arbre-Vert» positionnée au bord du chemin, ici, réalisé au cours du XVIIIe siècle. La monarchie de Juillet (1830 à 1848) va beaucoup oeuvrer a l'amélioration de la route n°4, dit Jean-Alain Lesourd au fil de l’ouvrage La Lorraine dans l'unité française, 1789-1871: «Tout le parcours Lunéville-Blâmont a été amélioré; on a élargi la route dans et aux abords de Phalsbourg, Sarrebourg, Heming, Blâmont, Bénaménil, Saint-Nicolas, Jarville; on a construit trois ponts plus larges sur la Vezouze, la Bette (Herbéviller) et le Saron à Dombasle; on a enfin fait des plantations de tilleuls et de peupliers entre Nancy et Blâmont, ces arbres donnant de l'ombre et leur racines consolidant la route». Plus loin, voilà Marainviller, la carte de Cassini (XVIIIe) y poursuit la litanie divertissante des cabarets placés le long de la voie Paris-Strasbourg: ici, voici les cabarets du «Cheval-Rouge» et de «L’écu-de-France». Espérons que les postillons ne prenaient pas le pli de «s’en jeter un» à chaque étape! La route y franchit la ligne historique de chemin de fer Paris-Strasbourg (gare inaugurée en 1852). C’est désormais la «rue de Blâmont» qui nous emmène en direction de Thiébauménil, village situé à moins de deux kilomètres. La localité, dévastée lors de la guerre de Trente ans, sera aussi ravagée par un incendie, le 26 septembre 1632, qui détruit 42 habitations. Plus proche de nous, fin août 1914, le fort Séré de Rivière de Manonviller (5 km à l’est), qui «gardait» les environs de la R.N.4 (vallée de la Vezouze) sera frappé par un bombardement allemand de 52 heures qui détruira pièces d’artillerie et munitions, ne laissant d’autre sort à la garnison que la capitulation. La région sera toutefois reprise par l’armée française le 13 septembre 1914. Bénaménil est distante de quatre kilomètres. Là encore, Le village souffre des guerres du XVIIe siècle, il est incendié en 1645 et 1646, «il ne reste que deux habitants», mentionne Wikipédia. Encore cinq kilomètres et c’est Ogéviller. La route nationale du XIXe siècle évite le bourg. Vers l’Est, le chemin de Badonviller (ancienne R.N.392) emmène vers le col du Donon. Bien aménagé, celui-ci raccourcirait le trajet vers Strasbourg de cinq lieues: c’est ce pourquoi ont milité sans succès les habitants de Badonviller en 1789 dans leur cahier de doléances. On retrouve en effet autour de ce col un ancien itinéraire -parfois pavé de dalles de grès- appelé «voie d’Allemagne» qui a pu intéresser la région de Badonviller. Pas très sympa, d'être installé sur un chemin d'invasion... Ici aussi, la guerre de Trente ans impose sa triste loi: en 1635, des «Suédois» envahissent le village et l’incendient. Les habitants sont massacrés. Ils hériteront pour cela du terrible sobriquet de «culs brûlés». «Un an plus tard, Richelieu ordonne la destruction de tous les châteaux des régions conquises; les murailles d'Ogéviller sont abattues à l'exception de deux tours», raconte la page Wikipédia du village.

L'ancienne R.N.4 peu avant Ogéviller (photo: Marc Verney, déc. 2006).

Les villages se suivent… Herbéviller, suivi de Domèvre-sur-Vezouze, où passera la ligne de front pendant toute la guerre 1914-18. La route historique réalisée ici à la moitié du XVIIIe siècle, nous annonce la page Wikipédia de ce dernier bourg, s’approche de Blâmont. La petite cité, nous narre la Notice sur Blâmont et Bon Accueil, montre au voyageur «ses toits rouges, son église gothique aux flèches élancées, son château au donjon pointu… (…) Mais surtout dans le fond du paysage, la belle ligne bleue des Vosges, d’où émerge à l’horizon le rocher imposant de Dabo et que surplombe le dôme majestueux du Donon». Un site internet local nous précise que le contournement routier du bourg était à l'étude dès les années trente… Le projet de contournement de Blâmont comporte en effet, nous dit un rapport du département de Meurthe-et-Moselle en 1938, «comme conséquence le déclassement de la R.N. n°4 actuelle dans la traverse de la ville et son reclassement dans la voirie vicinale. Cette question devait être portée devant le Conseil général à sa première session de 1939...». De fait, l'ancienne R.N.4 s’est longtemps frayé un tracé tortueux parmi les maisons anciennes (jusqu’en 2006!). En 1565, la princesse Christine du Danemark, qui possède Blâmont, y installe, peut-on découvrir dans l’Histoire du Blâmontois dans les temps modernes, «un véritable bureau de charité destiné à fournir la Passade aux passants, c’est-à-dire un repas et un gîte pour la nuit aux voyageurs sans ressources». Elle fait également remettre en état les chemins et les ponts, qui ont soufferts des hivers rudes. «La ville et son château furent pris par les protestants lors des guerres de religion», signale Wikipédia, puis, comme la plupart des localités de la région, détruits pendant la guerre de Trente ans (sièges de 1636 et 1638). «La ville est reconstruite au XVIIIe siècle ; de nombreux bâtiments datent de cette période, comme l'hôpital, l'hôtel du Châtelet ou le presbytère. Le centre se déplace alors au-delà des murs, près du pont de la Vezouze», dit encore l'encyclopédie en ligne. L’Histoire du Blâmontois dans les temps modernes note qu’en 1743, des arbres sont plantés le long de la route de Strasbourg et que la montée qui se «trouve sous le bois de Trion» en arrivant de Nancy est adoucie en 1747. On y travaillera encore au XIXe siècle. A la sortie de Blâmont, l’ancienne route de Strasbourg diverge de la D400 et rejoint directement Richeval, comme on peut le constater sur une carte de Cassini réalisée entre 1754 et 1769. Cet ancien tracé porte, au sortir de Blâmont, le nom de «route Napoléon». C’est en 1848 qu’est rectifiée la voie Paris-Strasbourg afin d’éviter, apprend-on encore dans l’Histoire du Blâmontois dans les temps modernes «la funeste descente de la Haie-des-Allemands». Dans un document officiel, le Recueil de documents statistiques T.1, routes royales, routes départementales, l’instruction autorisant la rectification «jusqu’au delà de Richeval» date de 1837. Passée au large de Gogney, puis non loin d’Ibigny, la chaussée nouvelle déroule maintenant ses virages en Moselle. Cette limite départementale a été longtemps la frontière –imposée par les guerres- entre France et Allemagne (1871-1918). C’est aussi la frontière linguistique germano-romane. Il est à noter que, lors de la période d'occupation allemande entre 1871 et 1918, la route n°4 était référencée dans le pays d'Empire d'Alsace-Lorraine comme étant la Staatstrasse Nr.1 (Das Reichsland Elsass-Lothringen Landes und Ortsbeschreibung, 1901). Plus loin, Saint-Georges est contournée par la route moderne. Encore quelques kilomètres et la route nationale 4 historique file droit dans Héming, relais de poste à la fin du XVIIIe siècle, ce que l’on peut remarquer sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée sur le Géoportail de l’IGN.

La R.N.4 de 1959 entre dans Sarrebourg par Bébing; aujourd'hui, la déviation autoroutière contourne la ville par l'Est. Sarrebourg, appelée dans l’Antiquité Pons Saravi se trouve sur la route romaine qui menait de Reims à Strasbourg par Metz. On y trouvait un pont en bois sur la Sarre. La ville est marquée par le commerce du sel, entre les régions de production à côté de Nancy et celles de consommation, de l’autre côté des Vosges. «Au XIIIe siècle, écrit Adolphe Joanne dans l'Itinéraire général de la France: Vosges et Ardennes, les Lombards avaient établi un comptoir dans la cité qui devint rapidement l'un des entrepôts du commerce de la France avec l'Allemagne, et la ville dut à cette circonstance le surnom de "Kauffmann-Sarrebourg" (Sarrebourg la Marchande)». Beaucoup plus tard, en 1661, par le traité de Vincennes, ce qu'il reste de Sarrebourg ville particulièrement affaiblie là encore après la guerre de Trente ans (1618-1648) est annexé à la France en même temps qu'une étroite bande de terrain large d'une lieue par où passe la voie royale permettant au roi de France d'atteindre ses possessions d'Alsace. Ce sera la route d’Allemagne par Metz durant de nombreuses années. On peut lire dans l’Histoire des routes en Alsace que le trésor royal allait allouer, de 1680 à 1700, des sommes importantes pour la réfection de cet axe. La sortie de Sarrebourg se fait avec la D104E (rue de Phalsbourg). Après le Petit-Eich et Réding, la route à quatre voies se juxtapose à l’ancien itinéraire (à part brièvement à la Poste de Hommarting) jusqu’à la déviation de Saint-Jean-Kourtzerode. Là, le tracé de l’ancienne chaussée est recouvert par les travaux ayant mené à la réalisation de l’aérodrome de Phalsbourg-Bourscheid, une ancienne base de l'USAF construite en 1953. Voilà donc Phalsbourg, cité qui entre dans le royaume de France en 1661 à l’occasion du fameux traité de Vincennes. En 1679, mandaté par Louis XIV, l'infatigable Vauban y effectue une mission de reconnaissance en vue d’y établir une forteresse: Phalsbourg, dit-il, «forme l'une des principales entrées de la Lorraine aux Allemands, nous assure la communication en Alsace par le passage le plus fréquenté et le plus commode de tous, et tient tous les pays qui sont derrière soi en sûreté»...

A VOIR, A FAIRE
Phalsbourg est d’abord une ville de littérature. C’est la ville natale d’Emile Erckman et le lieu de rencontre avec Alexandre Chatrian en 1847. Ces deux auteurs écriront de nombreux ouvrages, certains évoquant de manière réaliste l’épopée napoléonienne. Il faut également noter Le Tour de la France par deux enfants de G. Bruno, ouvrage lu dans toutes les écoles de la République entre 1878 et 1918, qui met en scène André et Julien, âgés de 14 et 7 ans qui, pour ne pas devenir Allemands, quittent clandestinement Phalsbourg «par un épais brouillard du mois de septembre». On peut admirer la porte de France et celle d’Allemagne, seuls vestiges des remparts Vauban. Le château de Einhartshausen, berceau de Phalsbourg, est le siège du comte palatin George Jean, fondateur de la ville à partir de 1568. On peut arpenter la vaste place d’Armes.


A gauche, ancien tracé de la N4 à Mittelbronn, non loin de Phalsbourg. A droite, belle colonne indicatrice en grès juste à côté du col de Saverne (photos: Marc Verney, déc. 2006).

LA R.N.4 ET LES LIVRES
«La voiture courait devant nous; elle passa sous la porte de France; nous la suivions tout pensifs. Une fois dehors, dans l'avancée, nous n'entendions déjà plus les grelots des chevaux galopant au loin sur la route de Sarrebourg.
Maître Jean dit:
"Demain à huit heures, ils arriveront à Metz; Chauvel sera là pour recevoir Marguerite, et dans cinq ou six jours, ils seront à Versailles".
Moi, je ne disais rien.»
Histoire d'un paysan: 1789, Emile Erckmann, Alexandre Chatrian, Hetzel (1870
)

Depuis Phalsbourg, il faut cinq kilomètres pour se trouver au niveau de la porte de l'Alsace. Nous voilà dans le Bas-Rhin. Le col de Saverne, passage naturel dans les Vosges, permet la jonction entre l'Alsace et la Moselle. Les virages du col (qui n'est pas si élevé que cela: 413 m) ont été plusieurs fois remaniés et les différents tracés ne se juxtaposent pas. Au temps des Romains, il y avait deux voies (une pour la montée, l’autre pour la descente). La chaussée de la Renaissance, elle, passe plus au sud de la voirie actuelle. Une dalle fixée sur un rocher en commémore la construction sous «Guillaume III de Honstein» en 1524; une autre dalle sculptée célèbre l'élargissement de la route en 1616. La roche est creusée en forme de rails pour y guider les lourds chariots. D'après le service régional de l'inventaire alsacien, la route actuelle a été commencée en 1728 sur des plans d'Antoine de Régemortes et mise en service en 1737. Cette route en lacets était d’ailleurs, peut-on lire dans l’ouvrage Histoires de voyage (de Paris à Strasbourg et aux bords du Rhin); voyage d'un étudiant et ses suites variées, «la principale curiosité» de la voie Paris-Strasbourg, «admirable descente, travail gigantesque (…) qui domine un superbe panorama de bois et de montagnes, de vallées et de rochers». Cette chaussée, nous précise l’Histoire des routes en Alsace, «comportait une déclivité de 6% maximum pour une dénivellation de 200 m. La route nouvelle était large de 10 m et comportait sept lacets. Il y avait des rigoles pour l’écoulement des eaux et des bas-côtés pavés pour les piétons». «Une merveille d’architecture», pour Goethe, qui passait par là en 1770… Saverne n’est qu’à quelques pas. Ici, la R.N.4 est désormais déclassée en D1004. Le nom de la cité vient du latin (Tres Tabernae), de l'appellation des trois relais situés sur la voie Strasbourg-Metz. «Au début du Ier siècle de notre ère, nous indique le site internet de la ville, en haut du col, est attesté le site gallo-romain dénommé Usspann: on y dételait les chevaux de renfort nécessaires pour la montée. C'était un poste de relais avec auberges, ateliers, boutiques. A la même époque, les Romains installent un gîte d'étape au pied du col, dans la partie basse de la ville actuelle». Plus tard, du XIIIe siècle à la Révolution, Saverne fait partie des possession des princes-évêques de Strasbourg. La voie ferrée Strasbourg-Paris y est achevée en 1850.

R.N.4: SAVERNE ET SES JOLIES BOUCLES…
Pour une fois qu'une chaussée inspire les coiffeurs et les poètes... voilà la visite des routes du col de Saverne! (lire)

A VOIR, A FAIRE
La ville de Saverne est fière de receler l'une des plus belles demeures alsaciennes, la maison Katz (1605) située sur la Grand-Rue. Amusant détail: le canal de la Marne au Rhin (achevé en 1853) transperce littéralement le centre-ville de Saverne... A voir également, le château des Rohan de type Renaissance et son musée, siège de l’Evêché pendant plusieurs siècles (propriété de la ville depuis 1814). Le passionné de télécoms notera la présence, à 5 km de la cité, près du château du Haut-Barr («l’œil de l’Alsace!»), d'une tour de la ligne Paris-Strasbourg de télégraphe Chappe, qui fonctionna entre 1794 et 1852. Enfin, ne pas oublier de visiter l’église Notre-Dame de la Nativité qui abrite de magnifiques vitraux. Passant par Saverne en juillet 1789, l’écrivain-voyageur Arthur Young aura cette phrase (qui se passe de commentaires): «In Savern, I found myself to all appareance veritably in Germany». Il n’a pas dû se faire que des amis…


Anciens panneaux Michelin à la sortie de Saverne, en direction de Strasbourg (photo: Marc Verney, déc. 2006).
L'ancienne R.N.4 vers Marmoutier (photo: Marc Verney, septembre 2013).

On laisse sur notre gauche l'ancienne R.N.421, la route de Brumath pour suivre la voie de Strasbourg. Celle-ci n’a pas toujours pris la direction de Marmoutier et Wasselonne. La chaussée romaine traversait le Kochersberg en évitant toutes les localités, sauf Kuttolsheim (on la voit arriver sur Strasbourg par l’actuelle D228). Encore utilisée au XVIIe siècle, nous annonce l’ouvrage Ittenheim-Handschuheim, deux clochers, une âme, elle épousait le tracé de la D41 jusqu’à Saverne. La route royale -très accidentée- qui passait toujours par les collines du Kochersberg au XVIIIe siècle est améliorée par l’utilisation des pierres d’un ancien château. Mais les bruits concernant l’édification d’une nouvelle route par Marmoutier et Wasselonne s’intensifient. Un premier tracé de Saverne à Marmoutier apparaît en 1759. Suivi, en 1773, par des travaux sur la route entre Marmoutier et Wasselonne. L’activité est ralentie par les troubles révolutionnaires et la nouvelle route n’est achevée qu’en 1804. La chaussée est encore remise en état en 1810 en raison du passage de l’impératrice Marie-Louise. Plus tard encore, la section sera encore «réparée» en 1840, dit Wikisara. Trois kilomètres après Saverne, voilà Marmoutier et sa magnifique abbatiale en grès des Vosges (XIe et XIIe siècles), qui figure parmi les monuments religieux les plus anciens d’Alsace. A Wasselonne, il ne reste plus que quelques vestiges de l'ancienne place-forte. Dans Le Rhin, lettre à un ami, Victor Hugo décrit la traversée de la cité: «Tout en galopant, nous traversions Wasselonne, long boyau de maisons étranglé dans la dernière gorge des Vosges». Les contournements routiers récents de ces deux bourgs ont été entrepris de 1937 à 1940 dans le cadre des chantiers de lutte contre le chômage. Ici, la chaussée de la R.N.4 est élargie de 7 à 9 m entre 1936 et 1937. Empruntant le Kronthal, étroit passage naturel reliant les massifs de Marlenberg et de Wangenberg, la route arrive maintenant à Marlenheim. C'est là que la route entame son ultime saut jusqu'à son terminus. La plaine d'Alsace qui s'impose nous laisse peu à peu deviner, fondue dans la brume, la haute structure de la magnifique cathédrale de Strasbourg (flèche de 142 m). Relisons encore un peu Victor Hugo: «Tout à coup, à un tournant de la route, une brume s’est enlevée, et j’ai aperçu le munster. (…) l’énorme cathédrale (…) se dessinait nettement sur un fond de montagnes sombres d’une forme magnifique». Il reste moins de vingt-cinq kilomètres à parcourir. Les villages de la plaine, Furdenheim, village situé entre la route romaine et la voie actuelle, puis Ittenheim, se laissent traverser sans peine (attention cependant au dense trafic domicile-bureau et réciproquement en région strasbourgeoise!!)... Des alignements ont d’ailleurs été réalisés de 1822 à 1832 à Marlenheim, Ittenheim, Furdenheim... A 5 km du centre, l'A351 (M351, suivant la numérotation des voies métropolitaines), une autoroute gratuite prend le relais -depuis 1972- pour nous déposer aux portes du centre. La R.N.4 historique pénètre, elle, dans Strasbourg par un interminable faubourg où se mêlent les villages d’Eckbolsheim et de Koenigshoffen. Cette voirie urbaine est, en grande partie la route des Romains (Römerstross en alsacien), itinéraire antique faisant partie de l'ancienne voie romaine qui ralliait Argentoratum (Strasbourg) à Tres Tabernae (Saverne) et coupait ensuite à travers le massif des Vosges pour rejoindre Divodurum Mediomatricorum (Metz) et Durocortorum (Reims). Mais il faut encore traverser toute la ville de Strasbourg pour atteindre l’extrémité de la R.N.4 historique, le quartier du port du Rhin et le pont qui nous transporte à Kehl, en Allemagne, là où débute la Bundesstrasse 28 qui relie le pays de Bade à Senden en Bavière. En 1959, voit-on dans le Guide Rouge Michelin, il faut suivre les voiries circulaires, comme le boulevard de Lyon, les quais Louis-Pasteur et Fustel-de-Coulanges. Puis la R.N.4 s’infléchit vers la droite, franchit les eaux du bassin d’Austerlitz et suit la «route du Rhin». Laquelle traverse encore le bassin Vauban. La «route du Rhin» s’achève aujourd’hui en cul-de-sac devant le fleuve… La faute à la guerre! Le pont métallique de novembre 1897 (bâti sous l’Empire allemand) qui en marquait l’extrémité, saute en 1940. Puis, l’ouvrage provisoire de 1942 -en bois- brûle en 1944. Un pont flottant est réalisé par le génie militaire en 1945, vite remplacé par un ouvrage –encore provisoire- en avril 1946. Celui-ci révèlera bien vite des faiblesses et il sera réalisé un nouveau pont –toujours provisoire- en treillis métallique ouvert à la circulation le 12 juillet 1951… La solution définitive n’intervient qu’en septembre 1960, avec l’inauguration du pont de l’Europe. A l’orée de celui-ci, érigé à côté de l’emplacement historique des ouvrages précédents, notre objectif est atteint: le Rhin coule, massif et ombrageux, devant nos pneus; nous venons de parcourir 456 km depuis la capitale française (en cliquant sur le lien «avant» ci-dessous vous visitez Saverne et entrez dans Strasbourg).

La R.N.4 à la sortie de Strasbourg (juste après l'A351 devenu M351) file en direction de la montée de Bellevue (photo: Marc Verney, septembre 2013).

Marc Verney, Sur ma route, février 2025

AU FIL DE LA ROUTE NATIONALE 4...
Les régions du nord et de l'est de la France recèlent de nombreuses traces des routes anciennes... Le voyageur qui zigzague entre anciennes nationales et nouvelles départementales le sait bien... (lire)