Localités
et lieux traversés par la N4 (1959):
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Belles
routes de France...
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La nationale 4 historique (D400) sort de Lunéville en direction des villages de Marainviller, Thiébauménil et Bénaménil en suivant le cours de la Vezouze. A Ogéviller, la route nationale du XIXe siècle évite le bourg. Vers l’Est, le chemin de Badonviller (anc. R.N.392) emmène vers le col du Donon. Bien aménagé, celui-ci raccourcirait le trajet vers Strasbourg de cinq lieues: c’est ce pourquoi ont milité sans succès les habitants de Badonviller en 1789 dans leur cahier de doléances. On retrouve en effet autour de ce col un ancien itinéraire -parfois pavé de dalles de grès- appelé «voie d’Allemagne» qui a pu intéresser la région de Badonviller. Peu après Herbéviller et Domèvre (où passera la ligne de front pendant toute la guerre 1914-18), la route historique réalisée ici à la moitié du XVIIe siècle, nous annonce la page Wikipédia de ce dernier bourg, s’approche de Blâmont. La petite cité, nous narre la Notice sur Blâmont et Bon Accueil, montre au voyageur «ses toits rouges, son église gothique aux flèches élancées, son château au donjon pointu… (…) Mais surtout dans le fond du paysage, la belle ligne bleue des Vosges, d’où émerge à l’horizon le rocher imposant de Dabo et que surplombe le dôme majestueux du Donon». Un site internet local nous précise que le contournement routier du bourg était à l'étude dès les années trente… Le projet de contournement de Blâmont comporte en effet, nous dit un rapport du département de Meurthe-et-Moselle en 1938, «comme conséquence le déclassement de la R.N. n°4 actuelle dans la traverse de la ville et son reclassement dans la voirie vicinale. Cette question devait être portée devant le Conseil général à sa première session de 1939...». De fait, l'ancienne RN4 s’est longtemps frayé un tracé tortueux parmi les maisons anciennes (jusqu’en 2006!). En 1565, la princesse Christine du Danemark, qui possède Blâmont, y installe, peut-on découvrir dans l’Histoire du Blâmontois dans les temps modernes, «un véritable bureau de charité destiné à fournir la Passade aux passants, c’est-à-dire un repas et un gîte pour la nuit aux voyageurs sans ressources». Elle fait également remettre en état les chemins et les ponts, qui ont soufferts des hivers rudes. Toujours dans le même ouvrage, on note qu’en 1743, des arbres sont plantés le long de la route de Strasbourg et que la montée qui se «trouve sous le bois de Trion» en arrivant de Nancy est adoucie en 1747.
A la sortie de Blâmont, l’ancienne route de Strasbourg diverge de la D400 et rejoint Richeval, comme on peut le constater sur une carte de Cassini réalisée entre 1754 et 1769. C’est en 1848 qu’est rectifiée la voie Paris-Strasbourg afin d’éviter, apprend-on encore dans l’Histoire du Blâmontois dans les temps modernes «la funeste descente de la Haie-des-Allemands». Dans un document officiel, le Recueil de documents statistiques T.1, routes royales, routes départementales, l’instruction autorisant la rectification «jusqu’au delà de Richeval» date de 1837. Nous sommes maintenant en Moselle. Cette limite départementale a été longtemps la frontière –imposée par les guerres- entre France et Allemagne (1871-1918). C’est aussi la frontière linguistique germano-romane. Plus loin, Saint-Georges est contournée par la route moderne. Encore quelques kilomètres et la route nationale 4 historique file droit dans Héming, relais de poste à la fin du XVIIIe siècle. La N4 de 1959 entre dans Sarrebourg par Bébing; aujourd'hui, la déviation autoroutière contourne la ville par l'Est. Sarrebourg, appelée dans l’Antiquité Pons Saravi se trouve sur la route romaine qui menait de Reims à Strasbourg par Metz. On y trouvait un pont en bois sur la Sarre. La ville est marquée par le commerce du sel, entre les régions de production à côté de Nancy et celles de consommation, de l’autre côté des Vosges. Beaucoup plus tard, en 1661, par le traité de Vincennes, ce qu'il reste de Sarrebourg ville particulièrement affaiblie après la guerre de Trente ans (1618-1648) est annexé à la France en même temps qu'une étroite bande de terrain large d'une lieue par où passe la voie royale permettant au roi de France d'atteindre ses possessions d'Alsace. Ce sera la route d’Allemagne par Metz durant de nombreuses années. On peut lire dans l’Histoire des routes en Alsace que le trésor royal allait allouer, de 1680 à 1700, des sommes importantes pour la réfection de cet axe. La sortie de Sarrebourg se fait avec la D104E. Après le Petit-Eich et Réding, la route à quatre voies se juxtapose à l’ancien itinéraire jusqu’à la déviation de Saint-Jean-Kourtzerode. Là, le tracé de l’ancienne chaussée est recouvert par les travaux ayant mené à la réalisation de l’aérodrome de Phalsbourg-Bourscheid, une ancienne base de l'USAF construite en 1953. Voilà donc Phalsbourg, cité qui entre dans le royaume de France en 1661 à l’occasion du fameux traité de Vincennes. En 1679, mandaté par Louis XIV, l'infatigable Vauban y effectue une mission de reconnaissance en vue d’y établir une forteresse: Phalsbourg, dit-il, «forme l'une des principales entrées de la Lorraine aux Allemands, nous assure la communication en Alsace par le passage le plus fréquenté et le plus commode de tous, et tient tous les pays qui sont derrière soi en sûreté»... A VOIR, A FAIREPhalsbourg est d’abord une ville de littérature. C’est la ville natale d’Emile Erckman et le lieu de rencontre avec Alexandre Chatrian en 1847. Ces deux auteurs écriront de nombreux ouvrages, certains évoquant de manière réaliste l’épopée napoléonienne. Il faut également noter Le Tour de la France par deux enfants de G. Bruno, ouvrage lu dans toutes les écoles de la République entre 1878 et 1918, qui met en scène André et Julien, âgés de 14 et 7 ans qui, pour ne pas devenir Allemands, quittent clandestinement Phalsbourg «par un épais brouillard du mois de septembre». On peut admirer la porte de France et celle d’Allemagne, seuls vestiges des remparts Vauban. Le château de Einhartshausen, berceau de Phalsbourg, est le siège du Comte Palatin George Jean, fondateur de la ville à partir de 1568. On peut arpenter la vaste place d’Armes.
Depuis Phalsbourg, il faut cinq kilomètres pour se trouver au niveau de la porte de l'Alsace. Le col de Saverne, passage naturel dans les Vosges, permet la jonction entre l'Alsace et la Moselle. Les virages du col (qui n'est pas si élevé que cela: 413 m) ont été plusieurs fois remaniés et les différents tracés ne se juxtaposent pas. Au temps des Romains, il y avait deux voies (une pour la montée, l’autre pour la descente). La chaussée de la Renaissance, elle, passe plus au sud de la voirie actuelle. Une dalle fixée sur un rocher en commémore la construction sous «Guillaume III de Honstein» en 1524; une autre dalle sculptée célèbre l'élargissement de la route en 1616. La roche est creusée en forme de rails pour y guider les lourds chariots. D'après le service régional de l'inventaire alsacien, la route actuelle a été commencée en 1728 sur des plans d'Antoine de Régemortes et mise en service en 1737. Cette route en lacets était d’ailleurs, peut-on lire dans l’ouvrage Histoires de voyage (de Paris à Strasbourg et aux bords du Rhin); voyage d'un étudiant et ses suites variées, «la principale curiosité» de la voie Paris-Strasbourg, «admirable descente, travail gigantesque (…) qui domine un superbe panorama de bois et de montagnes, de vallées et de rochers». Cette chaussée, nous précise l’Histoire des routes en Alsace, «comportait une déclivité de 6% maximum pour une dénivellation de 200 m. La route nouvelle était large de 10 m et comportait sept lacets. Il y avait des rigoles pour l’écoulement des eaux et des bas-côtés pavés pour les piétons». «Une merveille d’architecture», pour Goethe, qui passait par là en 1770…
Saverne n’est qu’à quelques pas. Ici, la R.N.4 est désormais déclassée en D1004. Le nom de la cité vient du latin (Tres Tabernae), de l'appellation des trois relais situés sur la voie Strasbourg-Metz. «Au début du Ier siècle de notre ère, nous indique le site internet de la ville, en haut du col, est attesté le site gallo-romain dénommé Usspann: on y dételait les chevaux de renfort nécessaires pour la montée. C'était un poste de relais avec auberges, ateliers, boutiques. A la même époque, les Romains installent un gîte d'étape au pied du col, dans la partie basse de la ville actuelle». Plus tard, du XIIIe siècle à la Révolution, Saverne fait partie des possession des princes-évêques de Strasbourg. La voie ferrée Strasbourg-Paris y est achevée en 1850. A VOIR, A FAIRELa ville est fière de receler l'une des plus belles demeures alsaciennes, la maison Katz (1605) située sur la Grand-Rue. Amusant détail: le canal de la Marne au Rhin (achevé en 1853) transperce littéralement le centre-ville de Saverne... A voir également, le château des Rohan de type Renaissance et son musée, siège de l’Evêché pendant plusieurs siècles (propriété de la ville depuis 1814). Le passionné de télécoms notera la présence, à 5 km de la cité, près du château du Haut-Barr («l’œil de l’Alsace!»), d'une tour de la ligne Paris-Strasbourg de télégraphe Chappe, qui fonctionna entre 1794 et 1852. Enfin, ne pas oublier de visiter l’église Notre-Dame de la Nativité qui abrite de magnifiques vitraux. Passant par Saverne en juillet 1789, l’écrivain-voyageur Arthur Young aura cette phrase (qui se passe de commentaires): «In Savern, I found myself to all appareance veritably in Germany». Il n’a pas dû se faire que des amis…
Sous l’occupation allemande d’après 1870, la route porte le n°1 jusqu’à Strasbourg. On laisse sur notre gauche l'ancienne N421, la route de Brumath pour suivre la voie de Strasbourg. Celle-ci n’a pas toujours pris la direction de Marmoutier et Wasselonne. La voie romaine traversait le Kochersberg en évitant toutes les localités, sauf Kuttolsheim (on la voit arriver sur Strasbourg par l’actuelle D228). Encore utilisée au XVIIe siècle, nous annonce l’ouvrage Ittenheim-Handschuheim, deux clochers, une âme, elle épousait le tracé de la D41 jusqu’à Saverne. La route royale -très accidentée- qui passait toujours par les collines du Kochersberg au XVIIIe siècle est améliorée par l’utilisation des pierres d’un ancien château. Mais les bruits concernant l’édification d’une nouvelle route par Marmoutier et Wasselonne s’intensifient. Un premier tracé de Saverne à Marmoutier apparaît en 1759. Suivi, en 1773, par des travaux sur la route entre Marmoutier et Wasselonne. L’activité est ralentie par les troubles révolutionnaires et la nouvelle route n’est achevée qu’en 1804. La chaussée est encore remise en état en 1810 en raison du passage de l’impératrice Marie-Louise. Trois kilomètres après Saverne, voilà Marmoutier et sa magnifique abbatiale en grès des Vosges (XIe et XIIe siècles). A Wasselonne, il ne reste plus que quelques vestiges de l'ancienne place-forte. Dans Le Rhin, lettre à un ami, Victor Hugo décrit la traversée de la cité: «Tout en galopant, nous traversions Wasselonne, long boyau de maisons étranglé dans la dernière gorge des Vosges». Les contournements routiers de ces deux bourgs ont été entrepris de 1937 à 1940 dans le cadre des chantiers de lutte contre le chômage. Ici, la chaussée de la R.N.4 est élargie de 7 à 9 m entre 1936 et 1937. Empruntant le Kronthal, étroit passage naturel reliant les massifs de Marlenberg et de Wangenberg, la route arrive maintenant à Marlenheim. C'est là que la route entame son ultime saut jusqu'à son terminus. La plaine d'Alsace qui s'impose nous laisse peu à peu deviner, fondue dans la brume, la haute structure de la magnifique cathédrale de Strasbourg (flèche de 142 m). Relisons encore un peu Victor Hugo: «Tout à coup, à un tournant de la route, une brume s’est enlevée, et j’ai aperçu le munster. (…) l’énorme cathédrale (…) se dessinait nettement sur un fond de montagnes sombres d’une forme magnifique».
Il reste moins de vingt-cinq kilomètres à parcourir. Les villages de la plaine, Furdenheim, village situé entre la route romaine et la voie actuelle, puis Ittenheim, se laissent traverser sans peine (attention cependant au dense trafic domicile-bureau et réciproquement en région strasbourgeoise!!)... Des alignements ont d’ailleurs été réalisés de 1822 à 1832 à Marlenheim, Ittenheim, Furdenheim... A 5 km du centre, l'A351, une autoroute gratuite prend le relais -depuis 1972- pour nous déposer aux portes du centre (la N4 historique pénétrant Strasbourg par un interminable faubourg). Encore quatre kilomètres, et voici l'objectif atteint: le Rhin coule, massif et ombrageux, devant nos pneus; nous venons de parcourir 456 km depuis la capitale française. Marc Verney, Sur ma route, novembre 2013
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