Cet ancien panneau Dunlop au Grand-Lemps indique la R.N.85 à 4,4 km (photo: Fapi, inventaire participatif des bornes de l'Isère).
En direction du col du Banchet (photo: Marc Verney, août 2022).
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Vieille borne kilométrique de la route n°85 à Rives (photo: MV, août 2022).
Plaque de cocher à Vizille (photo: Fapi, inventaire participatif des bornes de l'Isère).
SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°74 Lyon-Genève, Michelin (1953); carte n°77 Valence-Grenoble, Michelin (1960); Géographie de l'Isère, Adolphe Joanne, librairie Hachette (1876); Guide du voyageur dans le département de l'Isère, P. Fissont, A. Vitu, Chez Ferary, libraire-éditeur (1856); Histoire de Champier et de sa région, Gaston Laurencin, CNRS Éditions, réédition numérique FeniXX (1981); Itinéraire du royaume de France, chez Hyacinte Langlois, libraire-géographe (1816); Itinéraire général de la France, de Paris à la Méditerranée (deuxième partie), Adolphe Joanne, librairie Hachette (1865); Itinéraire général de la France, Jura et Alpes françaises, Adolphe Joanne, librairie Hachette (1877); «La mise en eau du barrage-réservoir du Sautet sur le Drac», Maurice Pardé, Revue de géographie alpine (1935); «La prospérité actuelle de Bourgoin-Jallieu», Paul Méjean, dans Les Etudes rhodaniennes (1930); «Le Bassin houiller de La Mure», Clovis-Henri Angelier, Revue de géographie alpine (1940); Le Dauphiné, Camille Lebrun, Amyot (1848); «L’industrie du seuil de Rives (Bas-Dauphiné)», Pierre Bozon, Revue de géographie alpine (1943); Moirans en Dauphiné, vingt siècles d'histoire, Pierre Laroche, association Moirans recherche historique (1992); Petite histoire de la ville de Gap, Joseph Roman, Editions des régionalismes (réédition, 2019-2020); «Pont-de-Claix, étude d'une bourgade industrielle récente», Madeleine Brun, Revue de géographie alpine (1940); «Vizille et le bassin inférieur de la Romanche. Essai de monographie régionale», André Allix, Revue de géographie alpine (1917); Vizille et ses environs, Auguste Bourne, impr. Allier (1860); champsaur.net; gap-tallard-vallees.fr; geologie-patrimoine-matheysine.fr; lafrette.fr; lepetittraindelamure.com; matheysine-tourisme.com; nivolas-vermelle.fr; tourisme-bievrevalloire.com; villedecorps.fr; ville-jarrie.fr; ville-moirans.fr; ville-vizille.fr; Wikisara; Wikipédia; le Géoportail de l’IGN.
VILLES ET VILLAGES traversés par la R.N.85 historique (1959), en italique, les anciennes RN principales croisées:
Bourgoin-Jallieu (N6)
Nivolas-Vermelle
La Combe
Badinières
Eclose
Champier
La Frette
Rives
Charnècles
Moirans (N92)
La Poste-de-Voreppe (N75)
(Grenoble)
Pont-de-Claix (N75)
Jarrie
Vizille (N91)
Laffrey
Saint-Théoffrey
Pierre-Châtel
La Mure
Pont-Haut
Les Terrasses
Les Egats
La Salle
Les Côtes-de-Corps
Corps
La Trinité
Chauffayer
La Guinguette
Les Barraques
Brutinel
Laye
Chauvet
Gap (N94)
A VOIR, A FAIRE
Bourgoin-Jallieu: Le musée de la ville, installé dans l’ancienne chapelle des Antonins construite en 1503 et l’Hôtel-Dieu du XVIIIe siècle, propose un parcours muséographique organisé autour de deux grands thèmes: l’industrie textile en Nord-Isère et les beaux-arts. Ce musée travaille en lien avec la Fédération des associations de patrimoine de l’Isère (Fapi), qui a effectué un colossal travail de recensement des bornes et signalisations de ce département.
La Frette: juste à côté, la réserve naturelle de l’étang du Grand-Lemps. Ce lieu présente sur 53 ha un patrimoine floristique et faunistique exceptionnel. Sentier balisé.
Rives: Dans la cité de Voiron, à quelques kilomètres par la D12, on peut visiter la distillerie de la Grande-Chartreuse, histoire de faire la connaissance de l'une des plus grandes caves à liqueur dans le monde... Les moines mélangent pas moins de 130 ingrédients pour réaliser le breuvage... qu'il faut surtout déguster parcimonieusement à l'étape, après avoir quitté le volant... la chartreuse verte «tire» quand même déjà à 55!!
Moirans: au départ de la «Vieille église», un circuit permet de découvrir les monuments qui évoquent des moments importants de l'histoire de la petite cité: de l'époque gallo-romaine où Morginum (Moirans) était traversée par une voie romaine, à la révolution industrielle...
Grenoble: voir R.N.75
Vizille: le musée de la Révolution française, créé en 1983. En juillet 1789, se tient dans la ville une importante réunion qui demande la tenue des Etats-Généraux, prémisses de la Révolution française. «Parmi les objets les plus singuliers, figurent des pierres de la Bastille et les sabres de la garde nationale», lit-on sur le site musees.isere.fr.
Laffrey: à l’orée du plateau de la Matheysine, un petit village qui abrite la fameuse «prairie de la rencontre», où Napoléon, remonté de Golfe-Juan, soumet les troupes royales placées en travers de son chemin. Une statue équestre de l’Empereur domine le lac glaciaire de Laffrey. Il y a trois autres de ces lacs, qui s’égrènent le long du plateau (activités de baignades, randonnées, voile…).
La Mure: On trouve, dans la vieille ville, la maison Caral qui abrite le musée Matheysin depuis 1994. L'endroit abrite des collections relatives à la Matheysine, au Beaumont et au Valbonnais. L’archéologie (préhistoire, époques gallo-romaine et médiévale) et les guerres de Religion (Siège de La Mure en 1580) précèdent les salles consacrées aux mineurs, paysans, gantiers et colporteurs. La ville est aussi la gare de départ du fameux Petit train de La Mure, qui a repris du service en été 2021. Il fonctionne de début avril à début novembre, depuis la gare de départ jusqu'aux Grands Balcons (Monteynard) sur une voie et des sites entièrement réaménagés. Atteignable par une promenade d'environ 1h à 2h de marche, la Pierre-Percée (une des merveilles du Dauphiné) ravira les petits comme les grands! Cette magnifique sculpture naturelle, arche de trois mètres de hauteur et de cinq mètres de largeur, accessible à partir de Pierre-Châtel ou de La Motte-d'Aveillans, est due à l’érosion du calcaire.
Corps: ancien relais de poste sur la «route Napoléon». Visite du vieux village et montée au sanctuaire Notre-Dame de la Salette (deuxième pèlerinage marial de France). Les laïcs iront barboter à la base nautique du lac du Sautet (barrage de 126 m de haut!).
Les Barraques (Saint-Bonnet): la capitale du Champsaur est un bourg animé situé à côté de la R.N.85. On y trouvera la maison natale de François de Bonne, duc de Lesdiguières.
Col Bayard: table d’orientation aux Bassets (vers Gap) et «refuge Napoléon» au col de Manse (par la D944). Ici passait l’itinéraire antique Grenoble-Gap.
Gap: promenade dans l’ancien centre, places Jean-Marcellin et Alsace-Lorraine. Le musée départemental, le domaine de Charance.
Dans le village de Laffrey (photo: MV, août 2022).
AUTRES RESSOURCES sur la R.N.85 historique:
l’Action nationale des élus pour la route Napoléon (Anern)
, née en 1969 regroupe les 42 communes situées sur cette route. Elle a pour mission de faire valoir le caractère essentiel et national au sens de l’aménagement du territoire de ce parcours emprunté par Napoléon (lire).
La page Wikisara
L'encyclopédie en ligne Wikipédia
On trouve à Laffrey cette statue équestre de l'Empereur (photo: MV, août 2022).
Plaque de cocher à Pont-Haut, peu après La Mure (photo: MV, août 2022).
Plaque à Corps (photo: MV, août 2022).
Publicité Azur sur la R.N.85 (photo: MV, août 2022).

Grandes routes de France
R.N.85: L'EMPIRE D'ESSENCE (I)
La route n°85 de 1959 traverse les Alpes du nord au sud, entre Bourgoin-Jallieu et Cagnes-sur-Mer. Itinéraire difficile et très fréquenté l’été venu, cette chaussée comporte, sur son trajet, l’une des côtes les plus pentues de France –la montée de Laffrey- à 12% où les accidents ont été hélas nombreux. Amis des virages, la route nationale 85 est faite pour vous… le bitume virevolte autour des monts, se love au fond des vallées; il n’y a pas de répit pour le conducteur insouciant! Constamment rénové, recalibré, réorienté, son tracé est sans doute l’un des plus compliqué à expliquer. De l’immense région lyonnaise, on se rend tout d’abord à Grenoble, dans le Dauphiné, où se dressent –devant notre destrier mécanisé- les hauts sommets alpins qu’il va falloir maîtriser jusqu’à Gap… Puis, après la longue vallée de la Durance, voilà Sisteron, verrou du Sud, roc planté sous le soleil dense, préfiguration du pays des cigales. Enfin, entre Digne et la Côte d’Azur, le macadam se confond avec la rocaille dans ce qui est la partie la plus photogénique du parcours. Dans l’autre sens, un certain Napoléon aura parcouru –en partie- ce chemin pour aller, temporairement, reconquérir le pouvoir dans la lointaine capitale… Mais c’est une autre histoire! Première partie: de Bourgoin-Jallieu à Gap... et bonne année 2023!

La R.N.85 file en direction du col Bayard (photo: Marc Verney, août 2022). En cliquant sur l'image vous pouvez voyager en direction de Nice.

Dès les premiers tours de roue, à Bourgoin-Jallieu, on note que la chaussée historique de la R.N.85 suit la rue de la République après avoir brutalement délaissé, sur la gauche, la R.N.6 (D1006), qui emprunte, elle, l’avenue Gambetta (ou plus anciennement la rue de la Liberté). Un gymkhana intra-muros qui sera oublié dans la deuxième partie du XXe siècle avec la création de boulevards et «du nouveau tracé de la R.N.6 entre Bourgoin-Jallieu et Ruy» (Wikisara) en reportant le début de la «route Napoléon» (D1085) au pied de la petite grimpette vers Ruffieu. Vues sur la carte récente publiée par l’IGN sur le Géoportail, l’impasse des Forsythias et l’avenue de Ruffieu ne faisaient autrefois qu’un seul axe coupé par le chemin de fer et constituaient au XIXe siècle la continuation de la route de Grenoble au-delà des murs de Bourgoin.

LA VILLE DU CARREFOUR Bourgoin-Jallieu –la réunion des deux bourgs date de 1967- est à une quarantaine de kilomètres de l'agglomération lyonnaise. Le site, nous annonce Paul Méjean, dans Les Etudes rhodaniennes, «placé au débouché de la Bourbre dans les Terres-Basses», est à la fois un lieu de marché local et de passage. Mentionné par Antonin sous le nom de Bergusia, Bourgoin est l’une des stations de la voie Vienne-Milan. Au XVe siècle, lit-on encore dans l’article de Paul Méjean, «la ville est déjà renommée pour son commerce considérable de chanvre et de farines». En 1620, Bourgoin possède sa poste aux chevaux sur la route de Grenoble à Lyon. Plus tard, c’est l’industrie de la soie qui fera la prospérité des lieux. «Dans les années 1740, précise Wikipédia, la situation de carrefour entre Lyon, Chambéry et l’Italie se renforce avec la construction de la nouvelle route de Grenoble (l’actuelle «route Napoléon», NDLR). La création de cette grande route est le prélude d’une série de travaux d’urbanisme: aménagement d’une place agrémentée d’une fontaine publique (actuelle place du 23-août), éclairage (installation de huit lampadaires à huile)»...

R.N.6: LA ROUTE DES ALPES
Au sortir de Lyon, la route s'oriente plein est avec pour horizon, la fantastique chaîne des Alpes. Il faut 112 km de bitume pour rejoindre Chambéry... (lire)

En quittant Bourgoin, écrit en 1877 Adolphe Joanne dans l'Itinéraire général de la France, Jura et Alpes françaises, «on longe la base des collines qui dominent les prairies marécageuses arrosées par la Bourbre; puis, tournant directement au sud, on s'engage dans le vallon de l'Agny. Après avoir croisé le chemin de fer, on traverse le hameau de Ruffieu et l'on franchit l'Agny. A 5 km de Bourgoin, voilà Nivolas, un hameau dominé par un château». Mais cette voie n’a pas été l’itinéraire emprunté sous l’Ancien Régime, lit-on sur le site nivolas-vermelle.fr: «Le chemin royal de Lyon à Grenoble le plus droit passe alors par Ruffieu, suit le vieux chemin de Meyrié; arrivé sur le plateau, il tend vers Vermelle par la crête des Vignes des Chômes et le chemin du Loup. Il gagne ensuite Eclose par l’étang de la Gouille, les Eparres, le moulin de la Roche». Hélas, explique le site nivolas-vermelle.fr, «cette route très fréquentée présente de fortes rampes qui rendent les charrois longs et pénibles et l’entretien du chemin difficile». Grâce à l’intervention royale, qui débloque de l’argent pour le Dauphiné, le devis des ouvrages à construire sur un nouveau chemin de Bourgoin à Eclose est publié le 10 février 1739. Les travaux commencent en octobre de la même année; la nouvelle chaussée (qui suit le tracé actuel) fait trente pieds de large et comporte deux ouvrages d'art importants, des ponts sur l’Agny, «le premier en amont des Curtets, avec une arche en plein cintre de vingt pieds d’ouverture et le deuxième, en aval entre Nivolas et Ruffieu, différent du précédent par sa longueur, 41 pieds», indique encore nivolas-vermelle.fr. Tout ces travaux durent une dizaine d’années, et sont effectués péniblement par les populations riveraines sous un régime de corvée. En 1748, si l’on emprunte encore l’ancien chemin, c’est parce que la chaussée de la nouvelle route n’est pas «assez ferme pour la circulation», précise ici le site municipal. Le tronçon semblant avoir été placé «à l’entretien» (donc, en service) vers l’année 1754.

La R.N.85 historique à la Combe (photo: Marc Verney, août 2022).

Après Nivolas-Vermelle, la route n°85 historique monte fort en direction d’Eclose pour glisser ensuite vers Champier. Nous voici au cœur d’un petit pays nommé les Terres froides. Ces étendues peu habitées «doivent leur nom à ce que la nature de leur sol, le nombre de leurs sources, l’étendue de leurs bois, en font une région humide, sujette aux brouillards, désagréable en hiver, et quelquefois en automne et au printemps, autant qu’admirable de fraîcheur, belle d’aspect et agréable en été», écrit Adolphe Joanne dans son ouvrage Géographie de l'Isère, publié en 1876. Ici, la «route Napoléon» s’appelle «route des Alpes». Tout comme à Nivolas, les paysans de Champier furent mobilisés pour construire le tronçon projeté par le devis du 6 mars 1739 entre Eclose et la Frette. Parmi les difficultés, le passage du col du Banchet. Les communautés locales durent «travailler à raison de dix à trente jours par an avec leurs bêtes et leurs outils et cela pendant de nombreuses années, probablement jusqu'en 1776 et parfois au moment des travaux agricoles les plus pressants», écrit Gaston Laurencin dans l'Histoire de Champier et de sa région. Mais, poursuit-il, «cette route a joué un rôle considérable dans le développement économique de notre région; le service des diligences prévoyait une étape à Champier et les voyageurs étaient obligés d'y passer la nuit et ils trouvaient tout le confort à l'hôtel du Lion d'Or»... Peu après, la D1085 d’aujourd’hui longe Dantonnière et Mottier, situés au pied du modeste mont Avalon (644m), mais c’est là, dès le lieu-dit «le Grand-Chemin», que la «route Napoléon» escalade sa première grimpette, le col du Banchet. De là, la vue s’oriente sur la farandole des sommets alpins et la vaste plaine de Bièvre. La chaussée y est élargie à la fin des années soixante (Wikisara). Au pied du mont, voilà le village de la Frette, qui, au XIIIe siècle, dépend des comtes de Savoie. En 1349, écrit lafrette.fr, alors que le Dauphiné est rattaché à la France, le bourg reste une enclave savoyarde jusqu’en 1355. Dès lors, la R.N.85 historique s’enfonce dans la longue plaine de Bièvre en direction du bourg de Rives, situé à 11kilomètres de là. Voici, raconte le compositeur Hector Berlioz, natif de la Côte-Saint-André, petite ville voisine, «une assez vaste plaine, riche, dorée, verdoyante, dont le silence a je ne sais quelle majesté rêveuse, encore augmentée par la ceinture de montagnes qui la borne au sud et à l’est, et derrière laquelle se dressent au loin, chargés de glaciers, les pics gigantesques des Alpes» (tourisme-bievrevalloire.com). Le «chemin de Lion», ainsi écrit sur la carte de Cassini publié par le Géoportail de l’IGN, arrive par l’ouest dans la localité de Rives, qui s’étire –au XIXe siècle- tout au long de l’actuelle rue de la République (D12C). C’est là que passait l’ancienne route nationale jusqu’à la réalisation d’un vaste contournement déclaré d'utilité publique le 2 décembre 1940 mais seulement ouvert à la circulation d’après-guerre entre Rives et Moirans «le 11 mai 1947», signale Wikisara. Les photos aériennes (1948) de l’IGN sur le site «Remonter le temps» montrent remarquablement le tracé de cette chaussée qui cisaille les paysages autour de Rives et Moirans.

La R.N.85 historique passe le col du Banchet. L'ancienne chaussée est encore visible à droite (photo: Marc Verney, août 2022).
Nous sommes à Mi-Plaine (photo: Marc Verney, août 2022).
A Rives, la R.N.85 historique descendait fortement vers les rives de la Fure (photo: Marc Verney, août 2022).

Nous sommes sur le seuil de Rives, formé durant plusieurs glaciations du Quaternaire, «configuré en amphithéâtre morainique», dit Pierre Bozon dans son article «L’industrie du seuil de Rives (Bas-Dauphiné)». On y apprend que l’endroit, pourtant «si fréquenté, a longtemps attendu des routes qui fussent autre chose que des sentiers; pourtant il semble avoir été servi l’un des premiers de la province. La grande route de Lyon à Grenoble, qui le traverse, déjà à peu près carrossable au XVe siècle, était à coup sûr bien entretenue dès le XVIIe siècle à cause de la poste et de l’armée; et, sous la Révolution, elle passait pour une belle route». La métallurgie, dont les premières activités remontent au XIIe siècle, marque l'histoire de Rives: les épées rivoises font la réputation de la ville dans toute la France. Les eaux de la Fure sont aussi utilisées pour faire tourner les moulins à papier, dont le premier, nous dit Wikipédia, «est installé dans le quartier du Bas-Rives, en 1571». Jusqu'au début du XXe siècle, l'entreprise Blanchet Frères et Kléber (BFK) y est un signe de qualité. En circulant dans le centre de Rives, on comprend mieux l’intérêt du contournement: l’ancienne chaussée dégringole littéralement vers la Fure qu’elle franchit sur un étroit pont de pierre. La remontée vers Charnècles est tout aussi sévère: on imagine aisément la peine des attelages aux XVIIIe et XIXe siècles… De Charnècles à Moirans, lit-on dans Moirans en Dauphiné, vingt siècles d'histoire, de Pierre Laroche, «la voie, qui comporte les rampes de Manguely et Saint-Jacques, a été tracée par l'ingénieur Rolland en 1733». «Une route fort inégale», écrit pudiquement le Guide du voyageur dans le département de l'Isère en 1856. On entre dans Moirans par l’avenue Louis-Moyroud si l’on n’a pas choisi la facilité du contournement de 1947, aujourd’hui transformé en route multivoies… «Implantée le long de la voie romaine qui allait de l'Italie à Vienne par le Mont-Genèvre et Grenoble, Moirans était une ville-étape très active», écrit le site ville-moirans.fr. La petite cité, qui faillit être le chef-lieu de l’Isère à la Révolution française, participe grandement à l'essor économique de la région au XIXe siècle: «L'agriculture est prospère, les papeteries, les tuileries, le textile sont florissants. La présence de l'eau (l'Isère et son affluent, la Morge) ont largement contribué à cette expansion», indique le site municipal. «A l'époque moderne, lit-on sur la page Wikipédia du bourg, les auberges de Moirans bénéficient d'une position d'étape sur la route Grenoble-Lyon. Leur renommée enrichit les familles d'aubergistes». Sortant de Moirans par l’avenue Marius-Choriot, notre voie s’avance en direction de Grenoble en abordant la cluse de Voreppe, surplombée au nord par l’avancée du Grand-Ratz, un petit plateau calcaire situé à l'extrémité sud du massif du Jura.

R.N.92: AUX CONTOURS DES MONTS
Entre Genève et Valence, cette belle route au parcours atypique visite monts et merveilles avant d'atterrir au pays des cigales... Une course au soleil qui va vous plaire (lire)

Belle plaque de cocher rénovée à Moirans (photo: Marc Verney, août 2022).

R.N.75: LA "GRIMPEE" DES ALPES
C'était, dans les années soixante, la route des Parisiens se précipitant dès les premières neiges à l'assaut des stations de ski des Alpes... (lire)

De la Poste-de-Voreppe, où notre chaussée de Lyon à Antibes reçoit sur sa gauche la R.N.75 historique (D1075), au Pont-de-Claix, le tracé de la R.N.85 d’antan se fond dans celui de la chaussée en provenance de Tournus et Bourg-en-Bresse. On traverse donc Grenoble de part en part en suivant le long cours Saint-André. Du Pont-de-Claix, il faut suivre, sur la gauche, l’avenue du Maquis-de-l’Oisans pour rester sur le tracé de la route n°85 historique. De là, la route prend la direction de Vizille en suivant les cours tumultueux du Drac et de la Romanche. «En 1825, l'agglomération de Pont-de-Claix n'existait pas. Il n'y avait que trois maisons près du point où la route nationale n°85, seulement tracée alors, s'embranche sur la route nationale n°75. Quelques maisons existaient dans le périmètre qui, d'après la demande de formation, sera celui de la nouvelle commune. En 1831, la route nationale n°85 est achevée», écrit Madeleine Brun dans l'article «Pont-de-Claix, étude d'une bourgade industrielle récente». L’industrialisation explique la croissance de la localité: une papeterie tout d’abord, puis des constructions mécaniques, de la chimie… qui bénéficient des forces motrices de la Romanche canalisée. Voilà maintenant Basse-Jarrie et son lot de cheminées d’usines… «Durant la Première Guerre mondiale, la France veut riposter aux attaques chimiques des Allemands mais les principales usines chimiques nationales sont trop près du front. On préfère donc les installer à l’abri des montagnes, ici, à Basse-Jarrie», signale le site ville-jarrie.fr... Notre chemin vers la Grande Bleue pénètre dans Vizille par l’avenue Maurice-Thorez. En 1959, la «route Napoléon» tourne aux quatre coins de ce bourg, «berceau» de la révolution française et fief du duc de Lesdiguières, dernier connétable de France, gouverneur du Dauphiné. A noter qu’avant le passage par le Pont-de-Claix, on allait de Grenoble à Vizille par l’actuelle D5 passant par Eybens.

VIZILLE, LA REVOLUTION PORTE TON NOM! L’histoire de Vizille est riche: dans l’antiquité, dit le site ville-vizille.fr, «la cité était une ville forte qui s'appelait Oppidum Antiquum. Après l'invasion romaine, une voie y passait venant de Suze et Briançon par le Lautaret et se dirigeait vers Grenoble puis Vienne. Plusieurs fois les Romains durent renoncer à ce passage, repoussés plus au nord par les guerriers allobroges». Beaucoup plus tard, à l’époque des guerres de Religion, Vizille passe alternativement aux mains des catholiques et des protestants… Henri IV nomme finalement François de Bonne de Lesdiguières, chef des protestants du Dauphiné, lieutenant général de la province, et l’atmosphère s’apaise; c’est lui qui fait améliorer au fil du temps les voies de communication de sa province et construire un pont d'une grande hardiesse sur le Drac qui deviendra l'une des «sept merveilles» du Dauphiné. «En juin 1788, Grenoble se révolte», raconte ville-vizille.fr. C'est la fameuse «journée des tuiles» durant laquelle des familles protestent contre la hausse du prix des denrées alimentaires en projetant depuis les toits de la ville une pluie de tuiles sur les soldats envoyés réprimer l'émeute. Le 21 juillet, en réponse, 491 représentants des trois ordres du Dauphiné, 50 prêtres, 165 nobles et 276 représentants du Tiers Etat se réunissent au château de Vizille dans la salle du Jeu de Paume. L'idée -révolutionnaire- est celle du «un homme, un vote»... Un an plus tard, ce sera la chute de la monarchie absolue... Le 7 mars 1815, c’est un voyageur très spécial qui aborde Vizille après avoir descendu la rampe de Laffrey… Napoléon, qui a «retourné» les troupes royalistes parties à sa rencontre, dira, le soir même, «Jusqu’à Grenoble, j’étais aventurier, à Grenoble, j’étais prince». L’aventure des Cent-Jours peut vraiment commencer. Le château de la ville, sous lequel passe la R.N.85 historique, sera longtemps un des hauts lieux de la République: cinq présidents y séjournèrent de 1925 à 1960.

Dans la côte de Laffrey (photo: Marc Verney, août 2022).

La «route Napoléon» s’oriente maintenant vers la «côte de Laffrey» en passant la Romanche. Jusqu'à Vizille, explique André Allix dans «Vizille et le bassin inférieur de la Romanche. Essai de monographie régionale», «la grande route (de Gap, NDLR) a longtemps évité le fond même du bassin. Au départ de Grenoble, elle remontait le cône de déjections du Drac en longeant au plus près le pied du coteau de Champagnier par Echirolles et la Basse-Jarrie. Là, se trouvait un pont de très ancienne construction au delà duquel la route gagnait Champ, puis par les Combes et Saint-Sauveur, passait à flanc de coteau dans le bassin de Vizille. La route gagnait ensuite l'entrée de la Matheysine en passant par les hameaux supérieurs de Mésage». A la moitié du XVIIIe siècle, ce tracé, ainsi que différentes variantes par la route de l'Oisans et Saint-Pierre-de-Mésage, sont oubliés. «La route est entièrement reconstruite et le passage par Jarrie définitivement abandonné. Un grand pont de pierre est bâti à Vizille en 1753 qui permet à la route d'attaquer le versant beaucoup plus tôt et de le gravir ainsi par une pente plus douce et plus régulière», conclut André Allix. Cependant, le trajet reste d’une grande difficulté. La rampe de Laffrey «est l'une des plus longues et des plus montueuses de France; son parcours est de sept kilomètres; il faut deux heures en voiture ou à pied pour en faire l'ascension», dit, en 1860, Auguste Bourne dans l'ouvrage Vizille et ses environs. La descente de Laffrey est une des portions de route parmi les plus meurtrières de France: de 1946 à 2007, on compte au moins cent-cinquante morts sur cette rampe de haute déclivité (12% en moyenne)… Au sommet, se trouve le village de Laffrey, bien connu des aficionados napoléoniens pour sa «prairie de la Rencontre». C’est là que l’empereur déchu, lors de sa remontée vers Paris, rencontre un bataillon d'infanterie envoyé par Louis XVIII pour l'arrêter. Napoléon, seul, face aux fusils, aura ces mots: «S'il est parmi vous un soldat qui veuille tuer son Empereur, me voici», provoquant l’adhésion immédiate des soldats, émus par le courage de l’homme. Dès lors, la R.N.85 longe les lacs de Laffrey, de Pétichet et de Pierre-Châtel. Voici la petite région de la Matheysine, dont la capitale est le bourg de La Mure, que l’on aborde après avoir traversé le village-rue de Pierre-Châtel.

A Pierre-Châtel (photo: Marc Verney, août 2022).
Entre La Mure et le Pont-Haut, la route a longtemps été très difficile (photo: Marc Verney, août 2022).

C’est la rue Jean-Jaurès qui nous amène dans le centre de La Mure. Le bourg, posé au milieu du venteux plateau de la Matheysine, fut, dès le XVIIe siècle, au cœur d’une vaste campagne d’exploitation de l’anthracite présent dans les sols de la région. La production maximale sera atteinte en 1966, avec l’extraction de 791.000 tonnes de houille. L’activité s’arrêtera définitivement avec la fermeture du puit du Villaret en mars 1997. En 1750, la route royale de Grenoble à Gap, à peine construite, «draina presque tout le trafic des mines», explique Clovis-Henri Angelier dans l’article «Le Bassin houiller de La Mure». «A Pierre-Chatel et à Saint-Théoffrey, des entrepôts emmagasinaient le charbon emporté ensuite dans de lourdes voitures à chevaux», signale encore l’auteur. Il reste de cette époque une ligne de chemin de fer, inaugurée en juillet 1888, entre La Mure et Saint-Georges-de-Commiers. Celle-ci, longue d’une trentaine de kilomètres compte de nombreux ouvrages d’art; elle a été utilisée jusqu’en 1988 pour le transport du minerai. Interrompu au milieu du tracé par un éboulement en 2010, le chemin de fer de La Mure n’a plus qu’une activité touristique (lepetittraindelamure.com). On quitte le bourg par le rue des Alpes en direction de Corps. Nous atteignons ici l’une des parties les plus difficiles de la chaussée avec les spectaculaires lacets menant au passage du torrent de la Bonne. Sous l’Ancien régime, la chaussée filait droit vers le lieu-dit la Tuilerie pour entamer une difficile descente qui emprunte une partie de l’actuel «chemin de la Voie-Romaine» au niveau du bien nommé lieu-dit les Rampes. Puis traverse la Bonne sur un ancien ouvrage de 1650 avant de remonter «sur les bordures des Garguettes» vers les Terrasses, signale aussi Maurice Séchier sur son site geologie-patrimoine-matheysine.fr. Projetée au milieu du XVIIIe siècle, la nouvelle chaussée ne sera mise en service qu’en 1798 (Wikisara). A Pont-Haut, «Le nouveau pont, établi à plus de vingt mètres au-dessus du lit de la rivière, a été commencé en 1751 et fini l'année suivante. C'est un ouvrage hardi, aussi bien conçu que bien exécuté, et dû à un ingénieur des ponts et chaussées du Dauphiné, Gatien Bouchet», indique J.J.-A. Pilot dans un article paru en 1864 dans Le Dauphiné, courrier des eaux thermales.

Virage de la R.N.85 à la Trinité (photo: Marc Verney, août 2022).
On découvre cette plaque de cocher au virage de la Trinité (photo: Marc Verney, août 2022).

Plus loin, vers la Salle-en-Beaumont, on remarque une légère rectification de la R.N.85 (1846, Wikisara) où l’on voit la route s’arrondir plus nettement autour des maisons du village. La chaussée s’accroche aux flancs des montagnes et surplombe le cours du Drac. A Corps, les bâtiment de la petite cité dominent le vaste lac du Sautet, une retenue d’eau créée dans les années trente générant avant guerre une puissance installée de 67.500 kw pour une capacité de 130 millions de mètres cubes. L’histoire du bourg remonte au chemin antique, «une route, assez mal pavée, sur l'ensemble de son parcours, qui relie Gap à Grenoble en suivant le Drac, avec un embranchement vers Die», écrit villedecorps.fr. Une chaussée qui n'est même pas reconnue par la Table de Peutinger, mais dont on peut cependant «retrouver de nombreux tronçons soit auprès de l'usine électrique abandonnée sur la rive droite du Drac et du lac du Sautet, soit au pied même de l'Obiou, grimpant dans les bois entre l'usine actuelle du Sautet et Cordéac, où le Pont St Brême est un témoin irrécusable» avance encore le site municipal. A la fin du XIVe siècle, le passage à Corps du roi Charles VIII qui part à la conquête de l'Italie, va donner un coup de fouet à l'économie locale. Mai, plus tard, la localité est victime des guerres de religion, de la guerre de la ligue d'Augsbourg et de nombreux incendies, dont «trois désastreux», en 1709, 1768 et 1821. En février 1790, alors que le Dauphiné est divisé en trois départements, «Le village, raconte villedecorps.fr, doit décider de son appartenance et choisit l'Isère, ses intérêt résidant à Grenoble et la route étant plus sûre que celle de Gap. Le 7 septembre de la même année, l'Assemblée demande à ce que les limites des départements de l'Isère et des Hautes-Alpes soient fixées avant d'entamer les travaux nécessaire après que les routes soient ravinées par de grandes pluies». En 1846, deux enfants du bourg déclarent avoir vu la Sainte Vierge sur la montagne de La Salette, juste à côté. «L'effet, explique le site municipal, est aussi imprévu que grandiose. En un mois seulement, on voit passer plus de 50.000 personnes. Une basilique se construit à La Salette et tous les matériaux transitent par Corps». Ce qui, soit dit en passant, a dû permettre de revoir l'état des routes de la région... Des Terrasses à Corps, une ligne à voie métrique en provenance de La Mure, embryon de la voie ferrée du Champsaur vers Gap, suivait la route nationale entre 1932 et la fin de la Deuxième Guerre mondiale. On sort du Bourg par la rue des Fossés. Notre «route Napoléon» domine le lac du Sautet puis le Drac jusqu’au lieu-dit la Trinité. Là, l’ancienne chaussée traversait le torrent de la Séveraisse pour remonter, par les rampes de l’Aiguillon, en direction de Chauffayer en suivant le Drac depuis les hauteurs. La nouvelle route, tracée dans les années vingt oblique vers Pont-des-Richards, y traverse la Séveraisse pour atteindre Chauffayer au moyen d’une large boucle vers la Blache. «Ces travaux étaient jumelés avec ceux de la voie ferrée inachevée du Champsaur. Les rampes de l'Aiguillon avaient été partiellement rectifiées en 1901», précise l’encyclopédie des routes Wikisara. A 2,5 km au sud de Chauffayer, voilà la Guinguette avec le pont sur le Drac. Ici, écrit Adolphe Joanne en 1865 dans l’Itinéraire général de la France, «la route, s’abaissant par une pente rapide, franchit le Drac sur un beau pont de pierre d’une seule arche de 18 mètres d’ouverture». A noter que la Guinguette de Boyer est notée dans cet ouvrage comme un «relais de poste». Non loin de là, on trouve le hameau de Lesdiguière. Le nom parle aux habitants du Dauphiné, c’est celui de François de Bonne, né le 1er avril 1543 à Saint-Bonnet-en-Champsaur. Cette forte personnalité de la province du Dauphiné, se rendra maître de Grenoble en décembre 1590 face aux catholiques et sur ordre du roi Henri IV. Il y fera mener de nombreux travaux d’urbanisme et de fortifications. Sous Louis XIII, il devient duc du Champsaur en 1611, gouverneur du Dauphiné en 1612, puis maréchal général des camps et armées du roi en 1621, et enfin connétable de France et chevalier du Saint-Esprit en 1622. Il n’accédera cependant à la charge de connétable qu’à la suite de sa conversion à la religion catholique, signale Wikipédia.

Passage de le R.N.85 à Brutinel (photo: Marc Verney, août 2022).
Le col Bayard n'est pas très difficile d'accès (photo: Marc Verney, août 2022).

L’homme possédait un château à côté de Glaizil, pile-poil sur la chaussée ancienne venant de Grenoble, «construite sous le règne d’Auguste (43 avant J.C.) et sous la houlette de Cottius, dit le site champsaur.net. C’est pour ce motif qu’on l’appelait la "voie cottienne". A vrai dire cette route ne partait pas de Gap, qui n’existait pas, mais de Chorges», explique encore le site Mémoire du Champsaur. Au Pont-Bernard, pour améliorer cette chaussée, Lesdiguière fait bâtir un pont sur le Drac, «remarquable», dit l’ouvrage Le Dauphiné, de Camille Lebrun, mais inutilisé depuis que la nouvelle route du col Bayard, «construite en 1786» (Mémoire du Champsaur) emprunte le pont de la Guinguette. Pas beaucoup de virages pour se hisser au niveau du col Bayard, la chaussée, peu pentue, ne traverse que quelques villages, comme les Barraques ou Brutinel. Il est dit, écrit Wikipédia, que «le hameau des Barraques (ainsi que son nom), tireraient leur origine de l'époque médiévale, lorsque les foires de Saint-Bonnet attiraient une foule telle que ceux qui ne pouvaient être hébergés dans le village construisaient des baraquements de l'autre côté du pont sur le Drac». Le mot occitan barraco signifie aussi «relais de poste», mentionne encore l'encyclopédie en ligne. En suivant la voie menant au col (1246 m), on trouvait, au XIXe siècle, «des jalons plantés de distance en distance», qui indiquaient la route aux voyageurs en hiver, quand la neige la couvrait, indique l'Itinéraire du royaume de France (1816). On trouvait, au point culminant, une maison de cantonnier servant d'auberge et de maison de refuge. «La descente du côté de Gap, raconte l'Itinéraire général de la France de 1877, est continue et rapide; la route, après s'être maintenue pendant quelque temps sur la partie saillante de la montagne, s'engage peu à peu, sur la droite, dans la petite vallée de Bonne, puis développe ses longs zigzags sur une espèce de plateau qui domine le charmant bassin de Gap et vient, par une pente habilement ménagée, rejoindre la route de Briançon, à l'entrée de Gap». Cette descente sera rectifiée en 1969 en utilisant les emprises de la ligne ferroviaire du Champsaur, jamais achevée. Nous entrons dans la cité de Gap par l’avenue Commandant-Dumont. On ne connaît pas grand-chose de l'histoire de cette ville jusqu'au règne de Dioclétien, écrit Joseph Roman dans la Petite histoire de la ville de Gap: «Au IIe siècle, elle était l'une des stations de la voie des Alpes au Rhône et se nommait Vapincum, au IVe siècle, elle était l'une des cités de la deuxième Narbonnaise et est qualifiée de Civitas Vapincensium dans la description officielle de l'empire romain». Puis, écrit encore Joseph Roman, «en 480, les Burgondes étendent leurs conquêtes jusqu'aux bords de la Durance». Au Moyen Age, signale Jérome Nicault dans le site gap-tallard-vallees.fr, «la ville se développe sous l’autorité conjointe de seigneurs laïcs et ecclésiastiques. Gap accueille un marché hebdomadaire et plusieurs foires de grandes renommées et de nombreux pèlerins y passent. La cité s’entoure de remparts qui sont construits et entretenus par la population». Plus tard, la ville va particulièrement souffrir des guerres de religions: elle est prise et reprise à tour de rôle par le parti catholique et les protestants menés par le puissant chef de guerre de Lesdiguières. Ainsi, voit-on sur le site gap-tallard-vallees.fr, «la cathédrale, le palais épiscopal et une partie de la cité sont détruits en 1575». Puis, en 1692, «lors des guerres de la Ligue d’Augsbourg, la ville est prise et ravagée par des troupes hétéroclites à la solde du duc de Savoie». Napoléon y séjournera quelques heures en mars 1815, de retour de son exil de l’île d’Elbe. Au cours des XVIIIe et XIXe siècle, le rôle de carrefour routier se développe avec l'amélioration des communications entre la vallée du Rhône et Briançon (R.N.94) et celle de l'actuelle «route Napoléon». L’arrivée du chemin de fer en 1875 videra les campagnes environnantes tout en renforçant l’attractivité de la cité. On quitte Gap par les avenues Jean-Jaurès et François-Mitterrand qui s’élancent en direction de Sisteron.

Arrivée à Gap (photo: Marc Verney, août 2022).

R.N.85: L'EMPIRE D'ESSENCE (II)
Entre Grenoble et la Côte d'Azur , cette "route Napoléon" a fait tourner bien des têtes... Un cheminement mythique sur le site Sur ma route (lire)

Marc Verney, Sur ma route, décembre 2022
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