Ancienne plaque Michelin des tous premiers temps de la signalisation en lave émaillée (photo: MV, août 2010).
Tout d'abord, la chaussée se glisse au milieu des élégants paysages du Sud-Ouest (photo: MV, octobre 2023).
Le passage de la D922 à Cordes-sur-Ciel est un des temps forts de la voie de Toulouse à Clermont (photo: MV, octobre 2023).

SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°82 Pau-Toulouse, Michelin (1969); carte n°79 Bordeaux-Montauban, Michelin (1946); carte n°76 Aurillac-Saint-Etienne, Michelin, (1965); carte n°73 Clermont-Ferrand-Lyon, Michelin (1970); «Aurillac, étude de géographie urbaine», Marcel Grosdidier de Matons, Revue de Géographie Alpine (1925); Bulletin des lois du royaume de France, Imprimerie royale (1848); «Désenclavement et échelles d’accessibilité: le cas de l’Aveyron», Etienne Auphan, actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques (2005); Dictionnaire statistique du département du Cantal, Jean-Baptiste Déribier du Châtelet, imprimerie de Mme Picut (1855, 1856); Guide du voyageur en France, J.B. Richard, librairie Hachette (1866); Histoire de l’Auvergne, Pierre Charbonnier, De Borée (1999); Histoire des routes de France, du Moyen Age à la Révolution, Georges Reverdy, Presses de l'Ecole nationale des ponts et chaussées (1997); Inventaire-sommaire des archives départementales du Tarn antérieures à 1790, M.E. Jolibois, archiviste, imprimerie Nouguiès (1878); Itinéraire descriptif de la France, région du sud, M. Vaysse de Villiers, chez Jules Renouard, libraire (1835); «La fondation de Villeneuve d'Aveyron (1053) et l'expansion de l'abbaye de Moissac en Rouergue», Jacques Bousquet, Annales du Midi (1963); Le réseau routier de l'Auvergne au XVIIIe siècle, Franck Imberdis, Presse universitaires de France (1967); «Les routes des intendants», Maurice Bordes, dans l'ouvrage L’homme et la route, Charles Higounet, Presses universitaires du Midi (1982); Maurs au fil des siècles (T.III), Noëlle Caumon, Roger Jalenques, FeniXX réédition numérique (1992); «Najac. C’est l’histoire des routes d’un village», Centre-Presse (11 février 2023); Petits Etats d'Albigeois, Elie-A. Rossignol, chez Chaillol, libraire à Albi (1875); Revue historique, scientifique et littéraire du département du Tarn, sous la direction de M. Emile Jolibois, Nouguiès, imprimeur-libraire à Albi (1877); Situation des travaux, ministère des Travaux publics, Imprimerie royale (1837, 1839, 1845); aurillac.fr; bastidesdurouergue.fr; blogs.univ-jfc.fr; bort-les-orgues.info; cahuzac-sur-vere.fr; carnetdebort.org; larouteducele.fr; la-toscane-occitane.com; lot-46.com; mauriac-cite.com; paysdauvergne.fr; sansacdemarmiesse.fr; sanvensa.fr; structurae.net; tauves.fr; ville-figeac.fr; villefranche-de-rouergue.fr; ville-gaillac.fr; ville-maurs.fr; vins-gaillac.com; ydes.fr; Wikisara; Wikipédia; la BPI; le Géoportail de l’IGN; CartoMundi.

Panneau Michelin à l'entrée de Laguépie, juste après le pont sur le Viaur (photo: MV, oct. 2023).

LOCALITES ET LIEUX traversés par la R.N.122 (1959):
Gaillac (N88)
Boissel
Cahuzac
Cordes-sur-Ciel
Laguépie
La Fouillade
Sanvensa
Villefranche-de-R. (N111)
Farrou
Saint-Rémy
Villeneuve-d'Aveyron
Loupiac
Figeac (N140)
Viazac
Bagnac-sur-Célé
Maurs
Les Estresses
Cayrols
Sansac-de-Marmiesse
Aurillac (N120, N126)
Naucelles
Jussac
Saint-Cernin
Saint-Martin-Valmeroux
Mauriac
Boissières
La Beysserre
Vendes
Bassignac
Chavagnac
Ydes-l'Hôpital
Bort-les-Orgues
Veillac
Lanobre
La Pradelle
Les Quatre-Vents
Tauves
Méjanesse
Saint-Sauves-d'A. (N496)
Le Pont (N89)

Ribambelle de lieux-dits dans la campagne au sud d'Aurillac (photo: MV, oct. 2023).
Entrée de Maurs (photo: MV, oct. 2023).
Plaque Michelin à Saint-Mamet (photo: MV, oct. 2023).
Borne de limites interdépartementales entre le Lot et le Cantal (photo: MV, oct. 2023).

A VOIR, A FAIRE
Saint-Sauves-d’Auvergne: le village ne se trouve qu’à quelques pas (5 km) de La Bourboule. Ce bourg doit son nom au dieu des sources, Borvo… Le thermalisme règne mais on peut se promener dans le parc Fenestre et faire de nombreuses excursions dans les monts environnants (la Roche des Fées, le plateau de Charlannes, la roche Vendeix).
Lanobre: le château du Val. Immortalisée dans le film Le Capitan avec Jean Marais, cette forteresse a bien failli être engloutie par les eaux du barrage de Bort-les-Orgues. L'édifice, du XVe siècle, est flanqué de six tours couronnées de mâchicoulis et coiffées de toits en poivrière.
Bort-les-Orgues: on peut suivre le «circuit des orgues» pour admirer ces colonnes basaltiques hautes de 80 à 100 mètres. A 770 mètres d’altitude, on y admire un vaste panorama sur la vallée de la Dordogne, le Cantal et les monts Dore. La cascade de la Saule (au sud-est de Bort), sur la Rhue, reste un lieu pittoresque malgré le détournement d’une partie des eaux de la rivière au profit de l’usine hydro-électrique du barrage.
Ydes: Les dépliants touristiques parlent ici, pour la région Sumène-Artense, de «petite Scandinavie»! Voir les rivages du lac de la Crégut (37 ha), plus grande étendue d’eau d’origine glaciaire du Massif Central, pour la comparaison… Bon, ici c’est le Cantal, et déjà ça nous parle. Voilà donc une région d’eau et de fortes collines. Belles balades et villages typiques, comme Saignes (à l’est d’Ydes).
Bassignac: randonnée au pic de Charlus. L’activité minière de la région est contée au petit musée de Champagnac.
Mauriac: les maisons de lave noire se regroupent au bord du vaste plateau basaltique. On y admire Notre-Dame-des-Miracles, la basilique romane la plus importante du Cantal. Vaste panorama à la chapelle du Puy-Saint-Mary (au nord-ouest).
Les Quatre-Routes: on y croise l’ancienne R.N.680 qui monte (vers l’est) au pas de Peyrol, le plus haut col routier du Massif Central (1589 m). Sur le chemin, le bourg de Salers (belles maisons sur la place Tyssandier-d’Escout, musée, vue depuis l’esplanade de Barrouze).
Saint-Cernin: jolie vue sur la vallée de la Doire. Eglise romane du XIIe siècle. A l’est, la localité de Tournemire, beau village et le château d’Anjony.
Aurillac: on peut se promener dans la vieille ville (demeures des XVIIe et XVIIIe siècles). Place et église Saint-Géraud. La ville nouvelle (XIXe siècle). Musées.
Saint-Mamet-la-Salvetat: panorama depuis le puy Saint-Laurent (table d’orientation).
Maurs: la «petite Nice» du Cantal en raison de son climat moins rigoureux. Son vieux centre est un rond parfait avec des douves comblées qui font office de boulevard extérieur. Voir l’église abbatiale Saint-Césaire.
Figeac: la ville natale de Champollion propose de nombreuses promenades urbaines, des arcades des boutiques médiévales aux «soleilhos», ces greniers ouverts où l’on faisait sécher les fruits (parcours fléché les Clés de Figeac). Musée Champollion. L’abbatiale Saint-Sauveur et Notre-Dame-Du-Puy (vue) sont les deux églises majeures de la ville.
Villeneuve-d’Aveyron: L'église du bourg, étape sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, présente une double architecture, une partie romane et une partie gothique. Visites guidées de la sauveté du XIe et de la bastide du XIIIe siècle, avec couverts gothiques et porte haute, tour donjon.
Villefranche-de-Rouergue: Le centre ancien de la bastide laisse admirer la place Notre-Dame et ses couverts, la collégiale et son puissant clocher-porche, les ruelles médiévales ainsi que les maisons des marchands. A voir notamment, le monastère de la chartreuse Saint-Sauveur, un chef d'œuvre du gothique flamboyant du XVe siècle.
La Fouillade: à quelques kilomètres à l’ouest, le beau village de Najac (château).
Laguépie: au confluent de l’Aveyron et du Viaur. A découvrir, les ruines du château de Saint-Martin, qui surplombe le cours d'eau.
Cordes-sur-Ciel: voici «un des plus beaux villages de France» qui s’offre au voyageur de la R.N.122 historique. Promenades au cœur des vieilles bâtisses et vaste panorama.
Gaillac: On trouve le musée de l’Abbaye dans les anciennes caves et galeries médiévales de l’abbaye. Celui-ci présente l’histoire de la ville, qui est intimement liée à celle de la vigne et du vin. La région est parfois surnommée «la petite Toscane» tant ses paysages rappellent les doux vallons italiens...

Page de l'encyclopédie des routes Wikisara consacrée à la nationale 122 (lire)
La page de présentation de l'historique et de l'itinéraire de la nationale 89 dans l'encyclopédie en ligne Wikipédia (lire)
A NOS LECTEURS: les photos, textes et dessins de ce site sont soumis au droit d'auteur. Pour toute autre utilisation, contacter l'auteur. Merci de votre compréhension...
Tracé de la R.N.122 jusqu'à Aurillac sur la table d'orientation de Saint-Mamet (photo: MV, oct. 2023).
Panneau de lieu-dit sur une portion délaissée à La Beysserre (photo: MV, octobre 2023).

Très belles routes de France...
R.N.122: LA GAILLARDE DU CANTAL
La R.N.122 de 1959, c’est une longue chaussée de près de 300 km qui, d’abord, tournicote son macadam au chant des cigales pour achever son «épopée» sous les neiges hivernales du Cantal et les rondeurs du Puy-de-Dôme…En 1824, lors de sa création administrative, la route n°122 est la voie de Toulouse à Clermont par Aurillac. Mais elle a été étudiée beaucoup plus tôt, à partir de 1738, par les intendants d’Auvergne pour ce qui est de sa réalisation dans le Cantal. Elle débute à Gaillac, ville située sur la route n°88 de Lyon à Toulouse, et s'achève à Laqueuille, peu avant Clermont-Ferrand; elle y rejoint la route n°89. Le tronçon entre Aurillac et Laqueuille se verra délaissé dans les années 70 au profit d’une renumérotation des R.N.126 et R.N.588 vers Massiac. Beaucoup plus récemment, ce qui reste de la R.N.122 vers Figeac a été rétrocédé au 1er janvier 2024 au département du Lot. L’auteur du site Sur ma route, passé par là en octobre 2023, a eu donc le loisir d’y immortaliser les derniers «signes» de cette belle nationale, formidablement ouvragée au fil des ans.

La R.N.122 historique au sud d'Aurillac: une multitude de contournements et de bras routiers abandonnés (photo: Marc Verney, octobre 2023). En cliquant sur l'image vous vous rendez vers la R.N.89.

En 1959, la R.N.122 s’échappe du centre de Gaillac (département du Tarn) par les avenues du Maréchal-Foch et Rhin-et-Danube. Fondée en 972, c'est au Moyen Age que la cité se développe: dès le Xe siècle, une communauté monastique va s’organiser autour de l’église abbatiale au bord du Tarn et sur la colline du château de l’Hom. «Le lieu, révèle le site ville-gaillac.fr, s’enrichit de donations et de la perception de nombreux droits; elle accueille les pèlerins de Compostelle jusqu’à la création de l’hôpital Saint-Jacques sur les quais, à l’initiative d’un laïc au XIIIe siècle. L’abbaye est à l’origine du développement du vignoble, déjà exporté dans toute l’Europe depuis l’époque gallo-romaine». La deuxième partie du XVIe siècle sera –hélas- le temps de nouveaux conflits religieux… Catholiques et protestants vont «joyeusement» s’étriper jusqu’à la publication de l’Edit de Nantes. Gaillac et sa région produisent des vins depuis plus de 2000 ans; située au départ du Tarn navigable, la ville a su exporter ses productions dans tout l’Hexagone. Une marque, «les Vins du Coq», créée dès le XIVe siècle, sera utilisée jusqu’au XVIIIe siècle (vins-gaillac.com).Sur la R.N.122 de 1959 (D922 aujourd’hui), on arrive d’ailleurs très vite au milieu des premières vignes, dès avant Boissel. Mais ce tracé n’a pas toujours été celui suivi par le chemin de Cordes et de Villefranche-de-Rouergue. Au XVIIIe siècle, voit-on sur la carte de Cassini publiée par le Géoportail de l’IGN, la voie quitte Gaillac par l’actuelle avenue Flandres-Dunkerque, suit le tracé de la D964 jusqu’au lieu-dit Roucou puis s’oriente fortement à l’est pour rejoindre Cahuzac-sur-Vère par Montels (D115A). Il y avait, par ici, jadis, lit-on dans la Revue historique, scientifique et littéraire du département du Tarn, le «chemin Rodanais», suivi en 1533 par François 1er lors d’une visite en Languedoc. Sur la carte d’état-major (1820-1866) également publiée sur le site de l’IGN, on voit clairement le nouveau tronçon de la route n°122 en travaux avec ses lacets caractéristiques vers le lieu-dit Laubarel. La Situation des travaux (1839) du ministère des Travaux publics mentionne un chantier (1837-1838) de «restauration» de la route n°122 entre Gaillac et Cahuzac qui «a rendu la viabilité facile sur les deux tiers de la partie à réparer». Mais l’ordonnance royale n°11.616 autorisant la «rectification de la route de Clermont à Toulouse, entre Gaillac et le pont de Cahuzac» n’est signée qu’en août 1844. Achevée jusqu’au lieu-dit Roziès en 1847, indique Wikisara, la rectification ne verra l’ultime portion finale terminée que dix années plus tard.

R.N.88: AUTAN EN EMPORTE LE VAN
La longue route historique de Lyon à Toulouse sillonne le Massif Central. A côté de la 4 voies, de jolis lacets charment le voyageur! (Lire)

Borne Michelin sur la D14 non loin de Gaillac (photo: Marc Verney, octobre 2023).
Vers Boissel (photo: Marc Verney, octobre 2023).

On entre dans Cahuzac par la «route de Gaillac». Habitée par les Rutènes, une peuplade celte d’Europe centrale qui s'y installe vers le IIIe siècle avant JC, la région se soumet à Rome «après la défaite d’Alésia en 52 av JC», écrit le site municipal cahuzac-sur-vere.fr. La romanisation aidant, voies romaines et grandes exploitations agricoles se développent. Au début du XIIIe siècle, lors de la croisade des Albigeois, Simon de Montfort «prend le château de Cahuzac, fidèle au comte de Toulouse, après un siège de plusieurs jours. Il y établit ses troupes, avant d’aller assiéger et ravager Saint-Marcel, dans la vallée du Cérou», raconte encore le site du village. Restée fidèle à la France durant la Guerre de Cent Ans, Cahuzac souffrit également durant les Guerres de Religion du XVIe siècle, signale cahuzac-sur-vere.fr: «Le village fut pris par les protestants en 1568, puis en 1578 après avoir connu un saccage avec les statues des saints et les cloches brisées; l’hôpital, qui se trouvait dans le "barry" (faubourg situé en dehors des remparts) fut détruit, la Maladrerie brûlée». La D922 prend maintenant la direction de Cordes-sur-Ciel dans un paysage marqué par l’omniprésence des vignobles. Dans l'Inventaire-sommaire des archives départementales du Tarn antérieures à 1790, on remarque, pour la période 1764-1789, la «construction de la troisième partie du chemin, de Cahuzac à la Croix de Souel, l'arpentement et l'estimation des terrains occupés par le chemin de Cordes à Laguépie». De fait, la carte de Cassini publiée par l’IGN ne montre aucun chemin au-delà de Cahuzac à la différence de la carte d’état-major 1820-1866 visible sur le même site. Cependant, voit-on dans l’ouvrage Petits Etats d'Albigeois, le chemin de Gaillac à Cordes, commencé vers 1772, «ne fut entièrement terminé qu’en 1785». Après avoir traversé l’Aurausse au Fond-de-la-Côte, la chaussée de Toulouse à Clermont s’approche du beau village de Cordes-sur-Ciel par l’avenue du Huit-Mai-1945. Construite en 1222 par le comte Raymond VII de Toulouse, cette bastide, écrit Wikipédia, «s'inscrit dans le contexte de la fin des combats de la croisade des Albigeois. Elle a pour but de reloger des populations ayant tout perdu lors des destructions opérées par les chevauchées des croisés». Son nom originel, Cordoa, rappelle la ville de Cordoue. «Edifiée en altitude sur le "puech" de Mordagne, à la jonction du Quercy, de l’Albigeois et du Rouergue, c’est donc un carrefour d’une grande importance à égale distance de Gaillac et Najac, et d’Albi et Saint-Antonin. De plus, Cordes est ce que l’on appelle un castrum, c’est-à-dire, une construction située sur une motte de terre visant à protéger des territoires. Elle devient donc un nouveau chef-lieu militaire et administratif du comté», raconte le blog blogs.univ-jfc.fr des étudiants de l’Institut national universitaire Champollion d’Albi. La cité va prospérer grâce au négoce du tissage et du cuir; au XIVe siècle, Cordes sur Ciel connaît une «croissance exceptionnelle», lit-on sur le site la-toscane-occitane.com. Le bourg a été sacré «Plus beau village de France» en 2014…

En allant en direction de Cordes-sur-Ciel (photo: Marc Verney, octobre 2023).
A Cordes-sur-Ciel (photo: Marc Verney, octobre 2023).

C’est l’avenue du Onze-Novembre-1918 qui nous emmène en direction du Cérou. Il y a treize kilomètres à faire jusqu’à Laguépie. Le gros chantier, ici, c’est la forte descente vers la vallée du Viaur, à Saint-Martin-Laguépie. Les plans de la chaussée en sont dressés en 1781, signale l’ouvrage Petits Etats d'Albigeois, et quatre années plus tard, le diocèse d’Albi, qui s’occupe des routes régionales, «approuve les plans des la seconde partie du chemin de Cordes à Laguépie». Voici tout d’abord Saint-Martin-Laguépie (Tarn), tout en bas d’une raide descente, blotti le long du Viaur. Encore aujourd’hui, on a peine à imaginer un poids-lourd passer par là… Le pont médiéval, qui date du XIIIe siècle, a été élargi et renforcé en 1875, il mène à la rue du Barry (Laguépie, Tarn-et-Garonne) puis à la «route de Villefranche» posée sur la crête entre Aveyron et Viaur. Durant la guerre de Cent Ans, le Viaur est une frontière qui sépare le royaume de France du royaume d'Angleterre durant la première vague du conflit. Puis le château et le bourg de Laguépie appartiennent aux anglais de 1360 à 1388, raconte le site laguepie.fr. Créé par décret impérial le 21 novembre 1808, le département du Tarn-et-Garonne entérine la séparation en deux communes de la baronnie de La Guépie. Au début du XXe siècle, Laguépie était, souligne le site municipal, «un important centre de collecte de la châtaigne, "le marron de Laguépie", qui était exporté jusqu'en Angleterre» grâce au chemin de fer. Après avoir longé Saint-André-de-Najac, la prochaine étape est la Fouillade, en Aveyron, village situé à un peu plus de cinq kilomètres de là. Le Rouergue dévoile au voyageur ses paysages ondulés, cultivés et paisibles. Selon Wikisara, les chantiers du XIXe siècle sur cette portion de route se sont déroulés vers 1843 (le pont de la Bruyère sur la Serène en 1848). On notera, à partir de ce hameau, la «route Romaine» qui longe la D922 jusqu’à la Fouillade. Il s'agit là de la «draye des Auvergnats» qui empruntait cette voie antique. «Elle reliait Clermont-Ferrand à Toulouse via Aurillac, Figeac, Villefranche et Gaillac. Depuis La Bruyère, elle passait près de Souloumiac, de Poujols, de Combret et de Cros pour rejoindre la commune de Sanvensa à l’Albret», découvre-t-on dans l'article «Najac. C’est l’histoire des routes d’un village» (Centre-Presse du 11 février 2023). Après la Fouillade, voilà Sanvensa. La Situation des travaux de 1845 mentionne (en 1844) «la construction de la chaussée entre le bas de la nouvelle côte et l'entrée du faubourg de Villefranche avec empierrement sur 1104 m». L’histoire du village (sanvensa.fr) évoque, elle, «l’arrivée de la route royale vers 1700». Une voie y est en effet, visible sur la carte de Cassini publiée par le Géoportail de l’IGN. Mais, comme souvent, en terme d’histoire routière, les chantiers se superposent au fil du temps… C’est au XVIIIe siècle que l’intendant Lescalopier fait construire un tracé mieux adapté que la vieille «draye». Le tracé, à l’origine, devait passer par le bourg de Najac et rejoindre Laguépie en longeant la rive gauche de la rivière Aveyron, voit-on encore dans l’article de Centre-Presse: mais, «des propriétaires de vignobles s’y opposèrent» et la chaussée fut bâtie vers la Fouillade.

Très belle borne de limites interdépartementales entre le Tarn-et-Garonne et l'Aveyron peu après Laguépie (photo: Marc Verney, octobre 2023).
Aux alentours de la Fouillade (photo: Marc Verney, octobre 2023).

Nous voici à Villefranche-de-Rouergue, au faubourg du Pont, où notre chaussée n°122 se confond, un bref espace de macadam, avec la R.N.111 (D911), qui reliait, en 1959, Millau à Tonneins. Il nous faut maintenant franchir l’Aveyron. «En 1252, écrit le site villefranche-de-rouergue.fr, Alphonse de Poitiers, frère du roi Saint-Louis, fonde la bastide et prévoit la construction d’un pont pour enjamber la rivière». L’ouvrage, qui remplace un gué peu pratique, mettra vingt ans à être construit, entre 1298 et 1321. Fortifié quelques années plus tard, le passage sur l’Aveyron se voit adjoindre deux tours crénelées construites sur ses piles. Un pont-levis contrôle l’accès à la tour extérieure. Enfin, Une troisième tour beaucoup plus haute, la Porte du Pont, «protège l’accès à la rue principale», relate le site municipal. Plus tard, le pont National viendra relayer l’ancien ouvrage dans les premières années du XXe siècle. «Située entre Causse et Ségala, à proximité de gisements argentifères qui assureront sa renommée, Villefranche-de-Rouergue est bâtie à proximité d’une voie antique qui reliait Segodunum (Rodez) et Divona (Cahors) et d’une route qui, depuis Conques, conduisait voyageurs, marchands et pèlerins vers Najac, Cordes, Toulouse et Compostelle», raconte le site bastidesdurouergue.fr. «Les habitants d'une bastide disposent de libertés et d’avantages fiscaux et sont représentés par quatre consuls désignés chaque année parmi les bourgeois de la ville. Placés sous le contrôle d’officiers royaux, les consuls sont chargés de percevoir les taxes et les impôts, d’organiser les marchés et les foires, de bâtir les équipements urbains (pont, halle, fontaine publique, hôpitaux, fours banaux), d’entretenir la voirie et de défendre la ville», signale le site villefranche-de-rouergue.fr. L’essor de ces bastides (plus de 300 dans la France méridionale) est lié à l’essor des techniques agricoles mais aussi à une évolution climatique favorable aux XIIe et XIIIe siècles qui encourage la démographie. C’est aujourd’hui un des pôles touristiques majeurs du Rouergue.

L'arrivée à Figeac (photo: Marc Verney, octobre 2023).

La R.N.122 historique prend maintenant la direction de Figeac, à 37 km de là en 1959. Dans le Bulletin des lois du royaume de France, l’ordonnance royale du 7 septembre 1847 prononce «la rectification de la route royale n°122 entre Villefranche et Farrou». De fait, la R.N.122 de 1952 (carte d’état-major publiée par l’IGN) quitte Villefranche par la «route basse de Farrou» le long de l’Alzou alors qu’aujourd’hui, pour faire plus court, on réutilise la «route haute de Farrou», itinéraire unique au XIXe siècle… Après Saint-Rémy, voilà Villeneuve-d’Aveyron. C’est là aussi une bastide, créée en 1231 autour d’une sauveté (une zone de refuge créée par l’Église) rattachée au monastère du XIe siècle, fondé par Ozile II de Morlhon depuis Jérusalem. «La ville fut fortifiée au XIVe siècle, et conserve de cette époque deux vestiges importants, la tour-porte de Cardalhac et la porte Haute», lit-on sur l’encyclopédie en ligne Wikipédia. L’ancienne bastide est contournée par les avenues du Rouergue et du Quercy et prend la direction de Loupiac, à près de 17 km. Un chemin est mentionné jusque là et au-delà vers Figeac sur la carte de Cassini (XVIIIe siècle) publiée par le Géoportail de l’IGN. Entre Villeneuve et Loupiac, se trouve le hameau de la Remise, pointé par l’auteur de l’Itinéraire descriptif de la France (1835), qui y raconte ses mésaventures de voyage: «Un hameau qui a bien justifié son nom en m'offrant une ample remise pour ma voiture et point de chambre pour moi. Une grande salle, semblable à celle d'un hôpital, renfermait tous les lits de l'auberge, et je fus obligé d'un accepter un, entre une troupe de comédiens ambulants et une troupe de rouliers dont les pieds avaient parfumé ce dortoir...». Peu avant Loupiac, le grand «S» que faisait la chaussée en 1957 jusqu’au Ségala est désormais bien tailladé par la D922 actuelle. Après ce bourg, on s’approche du Lot que l’on traverse au niveau du pont de la Madeleine. La structure actuelle est un pont en poutre en treillis achevé en 1949, signale le site structurae.net. Mais ce n’est pas le premier ouvrage sur le Lot: succédant à un gué, un pont à tablier suspendu à des câbles métalliques est construit en 1828. Nous voici dès lors dans le département du Lot, Figeac n’est plus qu’à huit kilomètres. De larges virages ramènent la D822 au niveau du Célé, au cœur de Figeac. Sur la hauteur dominant la ville, se trouve une singulière aiguille de pierre. Construite en calcaire, sa section est octogonale et son socle carré; elle mesure 14 mètres de haut, précise monumentum.fr. Il y en aurait eu quatre autour de la ville: ces édifices de la fin du XIIIe siècle semblaient indiquer aux voyageurs les limites du domaine de juridiction de l'abbaye de Saint-Sauveur, fondée vers 830 par Pépin Ier d’Aquitaine.

R.N.140: ROULEZ VERT!
Jusqu'à Figeac, par Bourges, Guéret, Tulle... la route nationale 140 historique fait un sacré bout de chemin en travers de l'Hexagone! L'occasion de se promener au milieu des plus beaux paysages! (lire)

Et c’est cette abbaye qui est à l’origine de la ville. Les moines, signale le site ville-figeac.fr, attirent de premiers habitants «pour répondre aux besoins de l’abbaye et cultiver les terres en leur offrant des libertés», formant ainsi un premier ensemble urbain autour de l’abbaye. Des habitants s’installent également autour de l’église Notre-Dame-du-Puy. «A partir du XIIe siècle, Figeac développe un commerce florissant grâce à sa position au carrefour de voies de communication importantes», dit encore le site municipal. Toujours selon celui-ci, peu avant la guerre de Cent Ans, Figeac est «pourvue d’une abbaye, de quatre églises paroissiales, de cinq couvents et de six hôpitaux. La cité est, aux dires d’un contemporain, "solennelle, riche, belle et renommée"».Durant les guerres de Religion au XVIe siècle, églises et couvents sont ravagés et pillés alors que les troupes huguenotes entrent dans Figeac en 1576; puis c'est le retour des catholiques en 1622; l'Eglise est alors le plus grand propriétaire de Figeac. Au XVIIIe siècle, la ville se recentre sur les activités administratives et judiciaires. Puis, les dirigeants de la ville, «ouverts aux idées hygiénistes», vont moderniser la ville: débutés au XVIIIe siècle avec l’aménagement des quais en promenade, «les grands travaux continuent au XIXe siècle avec la fin de la destruction des remparts. Un boulevard est aménagé sur les fossés où est érigé le nouveau palais de justice. Les nombreux couvents vendus à la Révolution sont, pour beaucoup, démembrés», écrit encore ville-figeac.fr. Ville natale de Jean-François Champollion, fondateur de l’égyptologie, c'est, depuis 1904, une cité industrielle importante avec l’usine Ratier, qui y fabrique des hélices d'avion depuis 1904. En 1959, la R.N.122 se poursuit par le faubourg du Pin, l’avenue d’Aurillac et la vallée du Célé. C’est l’itinéraire qui sera ouvert au XIXesiècle. Auparavant, la voie suivait de loin la rive gauche du Célé jusqu’à Bagnac: c’est –en gros- la D13 d’aujourd’hui qui passe par les lieux-dits de la Pierre-Levée, de Bel-Air, longe Saint-Jean-Mirabel, zigzague péniblement jusqu’à Bagnac où elle finit par arriver sur les bords du Célé avec la «côte Impériale». Dès 1785, écrivent Noëlle Caumon et Roger Jalenques dans leur ouvrage Maurs au fil des siècles, «on se préoccupe d'un tracé par la vallée de la Rance et du Célé. Fournier de Couze, de l'administration des Ponts et Chaussées, installé à Maurs en juillet 1789, y vérifie ou établit des projets de tracés dans ladite vallée». Mais, en ces journées révolutionnaires, les esprits devaient être tournés ailleurs! Plus tard, en 1840, rien ne devait avoir bien avancé puisque le maire de Maurs déclare que la chaussée de Bagnac à Figeac est «monstrueuse». Le «vœu» est alors exprimé, disent encore les auteurs que la route n°122 suive «la direction de la rivière Célé». Mais... raconte finalement Maurs au fil des siècles, «il faudra encore plusieurs années pour en arriver à une situation à peu près convenable». Wikisara donne les années 1855 et 1848 pour les tronçons entre Figeac et Bagnac-sur-Célé.

A Viazac-gare (photo: Marc Verney, octobre 2023).

A Bagnac-sur-Célé, se trouve un pont médiéval, construit «entre le XIIIe et le XIVe siècles» (lot-46.com). Jadis, écrit aussi ce site, «ce pont enjambant le Célé était appelé "pont romain", car les pèlerins et les voyageurs venant d’Auvergne traversaient le Célé, à cet endroit pour se diriger vers le sud» en suivant les voies antiques. Remplacé au cours du XIXe siècle par un ouvrage plus récent pour passer le Célé, il a bien failli être totalement détruit par la municipalité qui jugeait les coûts d’entretien «trop élevés» (larouteducele.fr). Finalement, lit-on encore sur ce site, le vieux pont a pu être sauvé «au moyen d’une souscription publique, avec aides de l’Etat et de la commune». Au sortir de Bagnac, le chemin de 1959 continue à côtoyer les rives du Célé et de la Rance jusqu’à Maurs (Cantal). Selon le Dictionnaire statistique du département du Cantal (1856), il existait un autre chemin au XVIIIe siècle: tracée en «1765», cette voie, en sortant de Bagnac, remontait vers les «crêtes de la montagne», rejoignait les domaines de Lacassagne et de Laborie pour enfin arriver à Maurs par la rue Figeagaise. A Maurs, dit encore le Dictionnaire, la chaussée est «établie», dans la traversée de la cité sur une partie des fossés que l’on a comblés. L’aménagement urbain du de Maurs, bourg mentionné pour la première fois en 941, «bonne ville» en 1260, s’améliore au XIXe siècle. En 1817, pour pallier le problème de l’approvisionnement de la ville en eau, une première fontaine est réalisée sur la Grande-Place. Le maire de la petite cité propose également en 1827, la «construction d’une halle pour le grain et l’accueil des marchands lors des nombreuses foires de Maurs», raconte ville-maurs.fr. On quitte Maurs par l’avenue d’Aurillac, une localité qui se trouve (en 1959) à 45 km de là. Après avoir longé Saint-Etienne-de-Maurs, la R.N.122 historique va suivre, dès le Tournant-de-Laborie, la «route des Estresses» (D617). Ce «chemin du Quercy, qui n’était praticable que pour les animaux de bât» est façonné en route carrossable par Trudaine en 1779, écrit Alfred Durand dans l’ouvrage La vie rurale dans les massifs volcaniques des Dores, du Cézallier, du Cantal et de l'Aubrac. C’est le début –en pleine verdure- d’une interminable –mais charmante- suite de virages serrés qui mènent la chaussée ancienne jusqu’au Moulin-d’Anès. On y retrouve la «nouvelle» et large R.N.122 fortement réaménagée des années 80 à 2000 entre Maurs et les environs de Saint-Mamet. Après plusieurs rectifications, comme à la Virade de Rouziers ou bien encore au pont de Lascols, on poursuit -en étudiant la carte d’état-major de 1952 publiée par l’IGN- sur l’ancienne R.N.122 vers Cayrols (rue Principale – D51) qui oblique ensuite fortement sur la droite au niveau de Lestancade et traverse les lieux-dits Lacapelle-de-Lacam, Courbières, Manhes (D20) et Courberette. C’est enfin, par la «route Impériale» que l’on rejoint Saint-Mamet-la-Salvetat si l’on veut suivre l’itinéraire le plus ancien. «Des contestations se produisirent au sujet du contournement de Saint-Mamet au sud d’Aurillac afin d’éviter de nombreuses côtes et celui-ci ne fut réalisé qu’au XIXe siècle», écrit en 1982 Maurice Bordes dans son article intitulé «Les routes des intendants». Le même notant que la municipalité d’Aurillac prit position en 1777 pour le passage de la route «de Toulouse à Clermont» par Maurs et que les travaux commencèrent aux environs de 1784.

Vers Lestancade, l'ancienne chaussée passe non loin de la voie actuelle (photo: Marc Verney, octobre 2023).
L'ancien pont sur la Cère (photo: Marc Verney, octobre 2023).

L’approche d’Aurillac se fait par le Pas-du-Laurent sur la Cère. L’ancien pont de 1846 est désormais au repos, remplacé par le béton d’une structure de la fin du XXe siècle. Mais l’histoire, comme toujours, est plus compliquée que cela. Selon le site municipal sansacdemarmiesse.fr, à la fin du XVIIIe siècle, «l'intendant d'Auvergne Trudaine fait tracer un nouveau chemin de Toulouse à Clermont par le pont de Bex sur la Cère (c'est les D58 et D45 d'aujourd'hui)». Toutefois, l'époque révolutionnaire contrarie l'avancée du chantier et, en 1793, «il manque toujours le pont», pointe encore le site. En raison d'un manque de main d'oeuvre, le chantier s'étalera sur neuf années, entre 1804 et 1813... Mais il ne restera pas longtemps en service sur l'itinéraire Toulouse-Clermont: rebutés par les pentes raides autour de l'ouvrage, rouliers et voyageurs se plaignent des difficultés de cette voie. Un nouveau tracé, plus doux, sera décidé au milieu du XIXe siècle. Traversant Sansac-de-Marmiesse, il franchira la Cère au niveau du Pas-du-Laurent et rejoindra Aurillac par l'avenue Charles-de-Gaulle. L'ancien chemin du XVIIIe siècle, aujourd'hui coupé par la piste de l'aéroport local arrivait au centre d'Aurillac par l'avenue Tronquières. La préfecture du Cantal est l’une des étapes principales de notre voyage. L’histoire d’Aurillac (Aureliacum) remonte «sûrement» à l’époque gallo-romaine, raconte le site aurillac.fr, «mais elle n’est vraiment connue qu’à partir de 856, année de naissance du comte Géraud». Celui-ci, devenu patron de la cité, voit le jour dans le château dont son père est le seigneur. La ville s’est constituée en 898 peu après une abbaye fondée par Géraud sur un territoire de sauveté, situé entre quatre croix. Aux XIIIe et XIVe siècles, poursuit le site municipal, «Aurillac soutient plusieurs sièges contre les Anglais et au XVIe siècle, la ville continue de subir les guerres civiles et religieuses. En 1569, elle est livrée par trahison aux protestants et horriblement saccagée. Avant la Révolution, Aurillac porte le titre de capitale de la Haute-Auvergne». La situation d'Aurillac, écrit Marcel Grosdidier de Matons dans son article «Aurillac, étude de géographie urbaine», «se trouve nettement définie, c'est un point de jonction de routes entre le Haut-Limousin, la Basse-Auvergne, le Rouergue, le Quercy, le Languedoc; une étape sur la route d'Espagne, où se rassemblent les émigrants venus de tous les points d'Auvergne». Capitale française historique du parapluie, on y fabriquait près de 250.000 unités en 1999… Dans les années cinquante, on prend la direction de Naucelles en suivant l’ancienne R.N.120 jusqu’aux Quatre-Chemins, où se trouve l’embranchement de la R.N.122 historique. Au XIXe siècle, quand on scrute la carte d’état-major 1820-1866 publiée par l’IGN, on se rend compte que l’on quittait Aurillac pour Tulle et Mauriac par l’actuelle rue de l’Egalité. Au pied de la côte de Verniols, on voyait partir -sur la droite- la vieille chaussée du XVIIIe qui filait vers Naucelles en passant les lieux-dits la Limite ou la Virade. Indice supplémentaire: cette voie porte le nom de «route Impériale» en abordant Naucelles. En 1770, voit-on dans l’Histoire de l’Auvergne, l’intendant Montyon reconnaît «qu’il est plus facile d’aller de Clermont à Paris que de Clermont à Aurillac». Et même si la chaussée est signalée «à l’entretien» en 1790, le trajet entre les deux villes n’est pas une sinécure. La chaussée de Toulouse à Clermont sera donc fortement rectifiée tout au long des XIXe et XXe siècles dans le Cantal et au-delà. Sous le IIIe Empire, on votera même une loi, promulguée le 24 avril 1858, pour financer, avec l’aide du département, les rectifications de la «route impériale n°122» entre Aurillac et Mauriac. Après Naucelles, cap sur Reilhac, juste à côté, où l’on retrouve le tracé de la «route Impériale», qui coupe le village et se prolonge jusqu’à Jussac. En 1959, la R.N.122 fait une large boucle par l’ouest entre ces deux villages, ce qui pourrait être la section mise en service en 1863 et signalée par Wikisara.

Tout au long de la R.N.122 historique on côtoie des anciennes portions souvent agrémentées de petits ponts de pierre (photo: Marc Verney, octobre 2023).
De belles perspectives vers Drugeac (photo: Marc Verney, octobre 2023).

La longue liste des rectifications de la R.N.122 historique (D922) s’allonge avec celles réalisées autour de Saint-Cernin: fin 1860 pour la partie entre Pont-de-Cautrunes et Saint-Cernin, 1870 pour le tracé jusqu'à Saint-Chamant. Le village de Saint-Cernin sera finalement évité en 1977 (Wikisara). Pas la peine de se compliquer la tâche, par ici: le tracé de la D922, après Saint-Cernin, vers Anjoigny et Saint-Chamand a été complètement refait à la sortie des années 80. Virages coupés, recalibrage… c’est un vrai festival à la gloire du génie des ponts et chaussées… et nous ne sommes pas au bout de nos peines! A Saint-Martin-Valmeroux, la route passait dans le petit centre-bourg jusqu’à la réalisation d’une courte déviation en 1974. On y voit encore une fois la «route Impériale» s’imposer un raidillon costaud: celui des côtes de Saint-Martin en direction des Quatre-Routes. Là, nouvelle évolution de la route de Toulouse à Clermont, la chaussée des années cinquante suit le tracé de la départementale 992 qui emprunte le ruisseau de Brouzelles jusque vers le lieu-dit Bellefontaine, où l’on retrouve la D922 d’aujourd’hui. La route actuelle (chantier de 1985, dit Wikisara), emprunte en fait un ancien tracé plus rectiligne qui est celui de la voie des intendants. Drugeac était desservi par celle-ci, mais pas par la voie moderne qui va zigzaguer en direction de Salins, et atteint Mauriac en croisant Lavialle. L’ancien chemin de 1790 passe beaucoup plus à l’ouest et rejoint les environs de Mauriac par le Vernet, franchit l’Auze non loin du moulin de Mazerolles, traverse Charreau et devient la rectiligne «route de Drugeac» aux abords de Mauriac. En 1855 encore, on traversera le «joli bourg» de Drugeac, «situé sur la route impériale n°122», pour atteindre Mauriac, dit le Dictionnaire statistique et historique du Cantal. On pénètre dans Mauriac, très ancienne ville auvergnate, avec l’avenue Fernand–Talandier, il faut ensuite, en 1959, tourner vite à droite sur l’avenue Charles-Périé en direction de Bort, à une trentaine de kilomètres. Mauriac est la ville de l’intendant d’Auvergne Montyon (entre 1767 et 1773), il va combler les fossés de la cité et tracer un grand boulevard qui porte aujourd'hui son nom, «avec deux fontaines monumentales, l’une aujourd’hui disparue en haut du boulevard, place Saint-Georges et l’autre en bas». Il fait aussi réaliser «la route du Limousin qui traverse l’enclos du Collège», raconte Alain Goldfeil au fil du site mauriac-cite.com. A la sortie de Mauriac, voici l’avenue de Clermont, qui emmène d’abord la R.N.122 historique au Vigean où nous passons le Labiou sur un pont établi au milieu du XIXe siècle. Mais, ici aussi, les cartes publiées par le précieux Géoportail de l’IGN nous rappellent l’ancienne voie façonnée par les intendants, qui enjambe le Labiou au moulin de Choumanou et qui rattrape la D922 vers Lavaurs. Pour Wikisara, la section moderne du XIXe siècle Mauriac-la Beyssere a été mise en service «en trois années, 1841-1842-1843», alors qu’un peu plus loin, celle de La Beysserre à Vendes a été établie en «1856». On peut –en partie- suivre en voiture ces anciens tracés oubliés par la D922, notamment en dessous de La Beysserre, où le bitume, fortement mangé par la mousse, coupe (passage à niveau bien ruiné), l’ancienne ligne de Bort-les-Orgues à Miécaze… Ambiance «urbex» garantie… Jusqu’à Vendes, l’ancienne voie du XVIIIe siècle suivait le flanc de la montagne (puy de Grammont) et descendait à l’aide de nombreux lacets dans le vallon de la Sumène.

Dans le centre de Mauriac (photo: Marc Verney, octobre 2023).
Petit patrimoine routier entre Vendes et Ydes-l'Hôpital (photo: Marc Verney, octobre 2023).

De Vendes à Ydes, la route nationale 122 de 1959 –tout comme la chaussée du XIXe- remonte la vallée du ruisseau de la Graille (D12) jusque vers Parensol et pointe sur Ydes par la rue de la Rongiaire et l’avenue de la Libération (D512) après Bassignac (lieu-dit Le Marlat). Ce territoire a été marqué par une forte activité minière (bassin houiller de Champagnac) entre 1830 et 1959. Un nouvelle route pour Ydes (L’Hôpital), qui «flirte» un temps avec la Sumène, en évitant les sinuosités de la précédente est tracée en 1977 (Wikisara). Ydes (Bourg) fut tout d’abord établi à quelques kilomètres de là: le site ydes.fr raconte que la cité se situait «au carrefour d'une voie romaine d'importance non négligeable puisque celle-ci, partant de Clermont, donnait lieu dans la plaine de Vic à une bifurcation conduisant soit vers le pays des Lémovices (l'actuel Limousin), soit vers le pays des ruthènes plus au sud (soit le Midi actuel)». Pour étayer ce propos, il faut noter qu'une borne milliaire a été découverte à La Gorce, près d’Ydes (Bourg). Au XIXe siècle, l’activité minière a pour effet de «transformer radicalement le site de L'Hôpital en une bourgade animée et commerçante, supplantant bien vite le berceau de la commune», signale encore ydes.fr. Après le rond-point des Quatre-Routes voici celui de la Baraquette. Nous ne sommes plus qu’à quelques kilomètres de Bort-les-Orgues (Corrèze). Arrivés dans le faubourg de Saint-Thomas, on traverse la Rhue, écrit en 1866 le Guide du voyageur en France, sur un «pont hardi d’une seule arche» sous le regard des fameuses «orgues» basaltiques qui dominent la cité de Bort, lovée dans la vallée de la Dordogne. Autre symbole fort dans le paysage: le barrage sur la Dordogne, haut de 120 mètres, construit de 1942 à 1952 et qui retient plus de 477 millions de m3 d’eau, soit la troisième plus grande retenue de France. Mais retour à l’histoire: d'abord peuplée par les Lémovices, la région, passe ensuite sous domination romaine. A la chute de l'empire, les Wisigoths récupèrent le flambeau. Dominé par les rois francs au VIIe siècle, le Limousin passe brièvement aux mains des Anglais au XIIe. Des fortifications sont établies en 1438. Le vicomté de Limoges qui englobe les communes limitrophes, dont Bort-les-Orgues, est rattaché au domaine royal en 1607. Profitant d'une route qui la relie à Limoges dès la fin du XVIIIe siècle, l’intendant Turgot aide à transformer la commune en «ville manufacturière traditionnellement associée à la tannerie et au ravitaillement du bois en Haute-Corrèze» (bort-les-orgues.info). Dans la seconde moitié du XIXe siècle, alors que l'Europe développe ses industries, Bort-les-Orgues dispose d'un atout considérable, la force hydraulique de la Dordogne et de son affluent, la Rhue. De nombreuses manufactures vont s'installer et se développer au bord des deux cours d'eau, dit le site carnetdebort.org. Trois activités surtout occupent une main d'œuvre abondante: la chapellerie, le moulinage de la soie et le cuir. D'ailleurs, en 1932, une maroquinerie, la Soco, achève de faire de Bort une véritable «cité du cuir» (Wikipédia).

Vers Bort-les-Orgues (photo: Marc Verney, octobre 2023).
On arrive dans le Puy-de-Dôme (photo: Marc Verney, avril 2016).

Au sortir de Bort-les-Orgues, voilà la rue de la Dordogne qui passe au pied du barrage, la chaussée croise aussi l’énorme conduite forcée qui amène une partie des eaux de la Rhue à la centrale E.D.F. de la retenue. En deux virages très secs, nous voilà remontés au niveau du village de Lanobre (Cantal). En ces lieux, la «rue du Péage» associée au lieu-dit du même nom déjà visible sur la carte de Cassini (XVIIIe)  me paraît bien explicite… Après le virage, aujourd’hui coupé du pont de Lasserre, notre chaussée entame les ultimes kilomètres vers Laqueuille. Après la Pradelle, les lieux-dits portent des noms évocateurs: «le Grand-Chemin», la «Maison-Neuve», la «Guinguette»… On arrive dans le département du Puy-de-Dôme. La Situation des travaux de mars 1837 signale la mise en place de «murs de soutènement au tournant des Quatre-Vents», sans doute le lieu-dit proche du village d’Aulnat-Soubre. Au Pont-Vieux, l’existence jusqu’à la Révolution française d’une «ancienne commanderie de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem est attestée depuis au moins 1293», écrit le site paysdauvergne.fr. Pas très loin de là, après quelques virages en épingle bien rectifiés, nous abordons Tauves après avoir franchi la Mortagne. Ici, écrit Franck Imberdis dans Le réseau routier de l'Auvergne au XVIIIe siècle, on travaille à la voie de Toulouse à Clermont «entre 1729 et 1734». On ne traverse plus le village: il existe ici depuis 1979 une déviation «courte», dit Wikisara. «La commune de Tauves, raconte le site paysdauvergne.fr, illustre de façon exemplaire le regroupement progressif de la population, au cours du Moyen Age, autour des églises et des châteaux. Le foyer initial de peuplement semble s’être fixé à Saint-Gal, siège d’une très ancienne paroisse dédiée à Gallus, évêque de Clermont au VIe siècle». Puis, dit de son côté tauves.fr, «le village s'est étiré le long de la rue des Nobles et "du chemin du Quercy" la route Clermont-Toulouse». Il reste neuf kilomètres à faire avant d’atteindre Saint-Sauves-d’Aubergne, dernier bourg traversé par notre route.  Là, signale Franck Imberdis, «on travaille» entre Tauves et Saint-Sauves en «1718» pour la route des intendants. Plus de deux siècles et demi plus tard, on contournera Mejanesse en 1978, puis Saint-Sauves-d’Auvergne en 1983 (Wikisara). Peu avant d’entrer dans Saint-Sauves, notre R.N.122 de 1959 passe la Dordogne sur un pont «enlevé par une crue en 1758, reconstruit en 1760 par l’intendant d’Auvergne Simon de Ballainvilliers lors de la mise en service de la voie royale de Clermont-Aurillac», lit-on sur un petit panneau explicatif jouxtant l’ouvrage. Une courte montée nous emmène à la rue du Sancy (R.N.496 historique sur la droite), puis voilà la rue de Clermont-Ferrand que l’on va suivre jusqu’au Pont, puis Laqueuille (où l’on roule déjà sur la R.N.89 historique). Mais l’histoire ne se finit pas là. Il était un temps où la route d’Ussel n’était pas encore tracée… Notre route de Toulouse à Clermont, réalisée par les intendants (notamment Rossignol et les ingénieurs Hupeau et Dijon) au XVIIIe siècle, voyait son tracé passer par le village du Trador et suivre la «route des Percières» pour retrouver l’actuelle D2089 après la Chabanne-Haute puis poursuivre vers Rochefort-Montagne. J’ai vraiment apprécié cet itinéraire, aux multiples tracés, déviations et contournements, réalisé en deux jours du nord au sud, en octobre 2023… tout d’abord sous une pluie battante jusqu’à Aurillac puis sous le chaud soleil du Sud-Ouest passé Figeac!

Marc Verney, Sur ma route, février 2024

Plaque de cocher joliment restaurée à Tauves (photo: Marc Verney, octobre 2023).
Entrée de Saint-Sauves par l'ancien tronçon de la R.N.122 (photo: Marc Verney, octobre 2023).
Belle plaque Michelin à l'intersection des R.N.122 et R.N.496 historiques (photo: Marc Verney, octobre 2023).

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