Ce panneau Michelin de la nationale 20 est situé à la sortie sud de Montauban (photo: MV, octobre 2017).

Quelques mots sur la documentation utilisée: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°79 Bordeaux-Montauban, Michelin (1964); carte n°82 Pau-Toulouse, Michelin (1965); carte n°86 Luchon-Perpignan, Michelin (1954); «Ax-les-Thermes, étude géographique», Jeanne Reboul, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest (1939); Ax-les-Thermes illustré: ses richesses thermales, son histoire, ses excursions, Hippolyte Marcailhou d'Aymeric, Gadrat aîné (1900); Bulletin des lois de la République Française, Impr. nationale des Lois (1847); De Paris aux Pyrénées, guide des Belles Routes de France, Michelin n°307 (1953-54); Diagnostic patrimonial de Caussade, service inventaire du PETR du pays Midi-Quercy, Sandrine Ruefly, Carole Stadnicki-Leroyer (2016); Guide Bleu de la France automobile, Hachette (1954); Guide du Routard Languedoc-Roussillon, Hachette (2013); Guide du Routard Pyrénées-Gascogne, Hachette (2013); Guide Vert Périgord, Limousin, Quercy, Michelin (1961); Guide Vert Pyrénées, Michelin (1963); Histoire des grandes liaisons françaises (I), Georges Reverdy, Revue générale des routes et des aérodromes (1981); «Le Pont-Neuf de Toulouse sur la Garonne», Jean Mesqui, dans Congrès Archéologique de France, Toulousain et Comminges, Touraine, Paris (2003); «Les passages frontaliers en Cerdagne et Haute-Ariège», Emile Fornier, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest (1969); Les Pyrénées, de la montagne à l’homme, ouvrage collectif sous la direction de François Taillefer, Privat (2000); Les routes de France du XIXe siècle, Georges Reverdy, Presses de l'ENPC (1993); «Montauban: ville d'art et d'histoire», la Dépêche du Midi (23 juin 2009); Notice historique sur la ville et le pays de Pamiers, ancien royaume de Frédélas, Jacques Ourgaud, T. Vergé, (1865); «Pinsaguel, si l'histoire de mon clocher m'était contée», la Dépêche du Midi (21 janvier 2009); Rapport au roi sur la situation, au 31 mars 1827, des canaux et autres ouvrages, Imprimerie royale (1827); Réalville, bastide royale, par l'abbé Firmin Galabert, impr. E. Forestié (1898); Synthèse de la Communauté de communes du Pays de Pamiers, Claire Fournier (juin 2007); albias.fr; francetvinfo.fr; herodote.net; histariege.com; jessika.e.free.fr; les-pyrenees-orientales.com; lot.fr; mairie-foix.fr; mairielevernet31.fr; mairie-tarascon.com; merenslesvals.fr; montauban.com; patrimoines.midipyrenees.fr; pelerinagesdefrance.fr; porte-puymorens.eu; realville.fr; saintjeandevergesariege.com; saint-jory.fr; structurae.info; toulouse.fr;. tourismeariege-saverdun-mazeres.fr; vivre-a-la-daurade.over-blog.com; Remerciements: la BPI, CartoMundi, Gallica, le Géoportail de l’IGN.

La R.N.20 historique entre dans le département du Tarn-et-Garonne avant Caussade (photo: MV, octobre 2017).
A Caussade, cette plaque émaillée de la R.N.20 est plutôt bien conservée (photo: MV, août 2007).
Sortie sud de Réalville (photo: MV, octobre 2017).
Ancienne publicité peinte à Montauban (photo: MV, oct. 2017).

Localités et lieux traversés par la N20 (1959):
Cahors
Caussade (N126)
Réalville
Montauban (N99, N127, N128)
Canals
Grisolles (N113)
Saint-Alban
Toulouse (N88, N112, N113, N124)
Portet-sur-Garonne (N125)
Pinsaguel
Roques
Vernet
Auterive
Saverdun
Pamiers (N119)
St-Jean-du-Falga
Varilhes
St-Jean-de-Verges
Foix (N117)
Montgaillard (D618)
Mercus-Garrabet
Bompas
Tarascon-s-Ariège
Ussat
Sinsat
Les Cabannes
Ax-les-Thermes
Mérens-les-Vals
L'Hospitalet
Col de Puymorens
Porté-Puymorens
Porta
Carol
Latour-de-Carol
Enveitg
Ur
Bourg-Madame
(N116)

La magnifique basilique Saint-Sernin à Toulouse (photo: MV, août 2007).
Pour sortir de Toulouse: la route d'Espagne (photo: MV, août 2007).
La N20 dans la plaine de la Garonne (photo: MV, août 2007).
Le château de Foix (Photo: MV, août 2007).
Tarascon-sur-Ariège (photo: MV, août 2017).
Le vieux pont sur l'Aston avant Les Cabannes (photo: MV, octobre 2017).
A NOS LECTEURS: les photos, textes et dessins de ce site sont soumis au droit d'auteur. Pour toute autre utilisation, contacter l'auteur. Merci de votre compréhension...
Page de l'encyclopédie des routes Wikisara consacrée à la nationale 20 (lire)
La page de présentation de l'historique et de l'itinéraire de la nationale 20 dans l'encyclopédie en ligne Wikipédia (lire)

A VOIR, A FAIRE
Toulouse et le passage des Pyrénées sont les deux temps forts de cette troisième partie de la promenade sur la R.N.20 historique. Que le lecteur veuille bien excuser par avance nos éventuels oublis…
Montpezat-du-Quercy: non loin de la R.N.20, un village de charme. Plus à l’est, le village de Puylaroque, un ancien bourg perché avec de belles demeures médiévales.
Caussade: en se promenant au fil des rues, le visiteur pourra voir la maison de Léon de Malleville avec sa tour, la Tour d'Arles (XIIIe) et ses peintures murales médiévales, de vieilles demeures des XVIIe et XVIIIe siècles, de charmantes fontaines du XIXe siècle, l’église reconstruite entre 1878 et 1882, le musée de l’archéologie caussadaise de la Préhistoire au Moyen Age.
Réalville: à l’ouest, par la D40, la petite chapelle de Notre-Dame-des-Misères (XVIe).
Montauban: le sculpteur Bourdelle et le peintre Ingres sont natifs de la ville. On trouve donc dans les rues des œuvres du premier et un musée pour le second… A voir aussi la place Nationale, l’église Saint-Jacques (XIIIe), la cathédrale Notre-Dame (en pierre blanche, c’est rare par ici!), le cours Foucault, qui offre de beaux points de vue sur le Pont-Vieux.
Grisolles: à quelques kilomètres au sud, la bastide de Grenade et le château de Merville (Jardin remarquable).
Toulouse: ville incontournable… Des promenades magiques le long de la Garonne et dans les rues piétonnes du centre ancien. Parmi les innombrables beautés de la cité rose, la basilique Saint-Sernin, l'ensemble conventuel des Jacobins et la majestueuse place du Capitole... Dans l'hôtel Dumay, le musée du Vieux-Toulouse présente des objets évoquant l'histoire de la ville, de l'Antiquité au XXe siècle, le couvent des Augustins bâti au XIVe siècle dans un style gothique méridional héberge depuis 1793 le musée des Beaux-arts de Toulouse, le musée Saint-Raymond est le musée des Antiques de la ville, un peu plus loin du centre, le musée Aéroscopia expose des dizaines d'avions emblématiques de l'aventure des plus lourds que l'air...
Auterive: promenade dans le centre historique.
Pamiers: balade verte le long des canaux de la ville. La cathédrale Saint-Antonin et l’église Notre-Dame-du-Champ.
Foix: le château des comtes de Foix (Xe siècle), promenade dans la ville ancienne (maisons à colombage, pontils). A côté, la rivière souterraine de Labouiche.
Tarascon: dans les environs, la grotte de Niaux, le parc de la Préhistoire et le musée Pyrénéen de Niaux.
Luzenac: le château de Lordat, refuge des derniers cathares. Belle «route des Corniches» (D20) vers Bompas.
Ax-les-Thermes: ville d’eau (bassin des Ladres, XIIIe) et centre de ski en hiver.
Porté-Puymorens: ski en hiver et randonnées en été.
Bourg-Madame: églises romanes à Caldégas et Hix. Le Museu municipal de l’enclave de Llivia et sa très ancienne pharmacie. A 9 km au nord, le village typique de Dorres (bains).

Ancienne borne kilométrique à Mérens-les-Vals (photo: MV, octobre 2017).
Montée au Puymorens avec la R.N.320 (photo: MV, octobre 2017).
Les lacets du col de Puymorens vers Porté (photo: MV, octobre 2017).
Carte de la route nationale 20 de Cahors à Bourg-Madame en 1933. (source: Carte des voies à grande circulation, éditée par le Laboratoire de médecine expérimentale).
Sur le bâtiment de l'ancienne douane française à Bourg-Madame (photo: MV, octobre 2017).


Belles routes de France...
R.N.20: LIMOUSINES EN PYRENEES (III)...
Voici la troisième et dernière partie de notre longue promenade sur la R.N.20 historique. Après Cahors, nous avons Toulouse dans notre ligne de mire… La «ville rose» est, à elle seule, le but d’un voyage tant il y a voir et à découvrir derrière ses belles murailles de brique. Et pourtant, il nous faut maintenant suivre la «route d’Espagne»  jusqu’à Pamiers, Foix, Tarascon, Ax-les-Thermes… On atteint le sommet de la route, le col du Puymorens (1915 m) après d’incessants lacets au milieu de paysages devenant de plus en plus âpres De l’autre côté, voilà la vallée d'altitude du Carol: le soleil tape dur sur les carrosseries. Au cœur d’une végétation méditerranéenne, la voie s’oriente vers Bourg-Madame, où l'on croise la route de Perpignan, la R.N.116. La R.N.20 de 1959 s’achève sur un pont franchissant le Rahur avec le bourg de Puigcerda pour horizon. Nous voilà aux portes de l’Espagne (région de Catalogne), à 864 km de Notre-Dame de Paris et à 171 km de Barcelone...

La R.N.20 à Mérens-les-Vals. Ce fut longtemps le terminus de la voie carrossable au XIXe siècle (Photo: Marc Verney, oct. 2017). Pour retourner sur la page index, cliquez ici ou sur l'image.

Bien après Cahors, la D820 (route de Toulouse) d’aujourd’hui franchit plusieurs ronds-points. L’un d’entre eux marque le début d’un vaste plan de rectifications entre Cahors et Montauban. En effet, depuis cette intersection, située à peu près cinq kilomètres au sud de la préfecture du Lot, partent trois chaussées de l’ancienne route Paris-Toulouse: tout d’abord voilà la D659, l’itinéraire le plus ancien qui passait par Lhospitalet mais aussi, nous dit le site patrimoines.midipyrenees.fr (euh…Occitanie), par «Castelnau-Montratier, Molières» avant d’aborder Montauban par l’avenue d’Ardus. Une voie utilisée «du Moyen Age jusqu'au milieu du XVIIIe siècle» rapporte encore ce site qui se base sur l’étude du pont du Vert ou pont d'Albert, bâti sur le Petit-Lembous, au sud de Molières. Le tracé suivant, c’est celui de la D47, que l’on voit dessiné sur la carte de Cassini jusqu’à Ventaillac. L’option importante décidée au milieu du XVIIIe est, ici, de s’orienter en direction de Caussade en oubliant totalement l’ancienne chaussée. On voit également cette voie sur une carte au 1:80.000 de 1857 publiée par CartoMundi. Mais, à côté, sur cette même carte, on voit déjà le tracé de l’actuelle D820 qui passe à l’est du Montat et qui rectifie la dure pente initiale. En 1896, c’est sûr, la R.N.20 passe par là (carte au 1:200.000 de CartoMundi). Pour le Bulletin des lois de la République Française, cette rectification devait se faire sur la base d'un plan «présenté par l'ingénieur en chef directeur, à la date du 27 décembre 1845». Plus au sud, à la limite du Lot et du Tarn-et-Garonne (département créé en 1808 par la décision de Napoléon Ier), se trouve la rectification récente de la Madeleine (décidée en 1967), notre R.N.20 historique suivant ici la «route de la Diligence».

L'ancienne route royale avant Ventaillac (photo: Marc Verney, oct. 2017). A droite, la carte d'état-major du XIXe siècle (source: IGN) confirme ce tracé. Ce site respecte le droit d'auteur, merci d'indiquer à l'auteur tout problème éventuel.
Sur la "route de la Diligence", vers le Pech-des-Filles (photo: Marc Verney, octobre 2017).

Dans un paysage de plus en plus marqué par la chaleur du Sud, notre route longe la bastide de Montpezat-du-Quercy (détour touristique intéressant) puis aborde une nouvelle rectification récente à Pradal (l’ancienne chaussée y est numérotée en D820b). Nouvelle petite rectification au niveau de la Bonnette où l’ancien tracé est numéroté D820E3. La «route de Paris» aborde désormais Caussade, où l’on entre dans la vaste plaine de la Garonne et de ses affluents. En 1959, la R.N.20 historique franchissait le ruisseau de l'Ancien-Candé et entrait en ville par l’avenue du Docteur-Olive (D117) pour traverser la Lère juste avant de pénétrer le centre du bourg. Caussade a bénéficié de la réorientation de la route Paris-Toulouse et de la réalisation de la chaussée vers Rodez (R.N.126 historique) par les intendants royaux à la fin du XVIIIe siècle (1750-1780). Tout au long du XIXe ainsi qu’au début du XXe siècle, «les usines de chapeaux de paille se multiplient», indique le Diagnostic patrimonial de Caussade, effectué en 2016. Cet intéressant document explique que «la ville est alors renommée dans la France entière. Dès l’achèvement, en 1884, de la ligne ferroviaire Paris-Toulouse, 75.000 colis de chapeaux partent de la gare de Caussade vers Paris. En 1900, le bassin Caussade-Septfonds représente un tiers de la production chapelière française»… On part de Caussade en suivant l’avenue Edouard-Herriot. Notre voie longe longuement la ligne de chemin de fer. La chaussée est absolument rectiligne, legs des intendants de l’Ancien Régime. Voilà Réalville, fondée par Philippe le Bel au début du XIVe siècle. C’est «une bastide royale assise sur les flancs des derniers coteaux du Quercy, à la limite des alluvions quaternaires qui ont comblé la mer de Gascogne», écrit le site realville.fr. «Là, quand le ciel est serein, indique l'ouvrage Réalville, bastide royale, écrit par l'abbé Firmin Galabert, la vue s'étend vers Montauban jusqu'aux cimes neigeuses des Pyrénées. A ses pieds, dans un nid de verdure au bord de l'Aveyron, se cachent les restes de l'antique doyenné de Cayrac». En 1667, lit-on encore dans ce livre, «on décida de construire cinq grands ponts sur le chemin de Réalville à Caussade, attendu que le roi en faisait les frais pendant que la communauté ferait les charrois». Et , c'est «en 1743 que fut construite la grande route nationale; deux ans après, la communauté y fit planter des ormes, à la distance d'une toise des cultures». Le bitume, plat et rectiligne, file vers Albias, où l’on franchit l’Aveyron.

Vers Montpezat, on trouve encore cet ancien panneau touristique (photo: Marc Verney, octobre 2017).
A Caussade, la R.N.20 traverse la Lère (photo: Marc Verney, octobre 2017).
Belle plaque émaillée à Réalville (photo: Marc Verney, octobre 2017).

Le bourg «tire son importance de la création du tracé de la route nationale D820 actuelle (Paris-Toulouse-Espagne) qui se concrétise par la construction du pont sur l’Aveyron. Deux mois après la fin des travaux la poste à chevaux empruntera cette nouvelle voie», découvre-t-on sur le site albias.fr. C'est durant le milieu du XVIIIe siècle et «dans le cadre du programme d'amélioration des voies de communication terrestres entrepris sous Louis XV, que Gérard Lescalopier, intendant de la généralité de Montauban, effectue le tracé de la voie reliant Paris à l'Espagne. Les travaux de construction du pont d’Albias ont débuté à la fin des années 1760. En août 1770, le pont terminé est ouvert à la circulation et remplace ainsi le bac de Loubéjac», écrit le site patrimoines.midipyrenees.fr. On entre dans Montauban par l’avenue Jean-Moulin, puis l’avenue du 19-Août-1944 qui abouti au Rond, la place circulaire qui marque la véritable entrée de ville. Située au bord du Tarn, la cité a du caractère, avec ses monuments de brique et sa façade, en terrasse, au-dessus de la rivière. «Montauban a été bâtie en 1144 sur un éperon dû à un méandre du Tarn et de ses deux affluents. Ville de négoce au Moyen-Age, place de sûreté protestante lors des guerres de Religion, elle atteint l'apogée de sa puissance économique au cours de l'époque classique», apprend-on dans un article de la Dépêche du Midi, titré «Montauban: ville d'art et d'histoire» et publié le 23 juin 2009. Le plan en damier de la ville originelle -préfiguration des bastides- constitue aujourd'hui encore la trame urbaine du centre historique, signale le site municipal montauban.com. La seconde moitié du XIIIe siècle est une époque de prospérité; les commerçants sont en relation aussi bien avec les foires de Champagne qu'avec l'Angleterre. C'est à cette époque qu'est lancé le chantier du Pont-Vieux, bâti de 1304 à 1335 sur le Tarn (constamment amélioré, élargi en 1881, il est encore en service). Plus tard, au cours du XIVe siècle, écrit encore montauban.com, la cité «est en pleine expansion économique». Mais «la guerre de Cent Ans et la peste noire vont freiner brutalement cet essor. "Clef de Pays et chef du duché de Guyenne", Montauban est une ville frontière qu'Anglais et Français vont se disputer âprement». Au XVIe siècle, la foi protestante s’y développe mais la ville doit se soumettre en août 1629 à l’autorité royale. A la fin de l'Ancien Régime, Montauban prend le visage qu'on lui connaît encore aujourd'hui avec ses hôtels particuliers de style classique en brique rouge et sa place Nationale. En 1808, Napoléon Ier crée un nouveau département, le Tarn-et-Garonne, dont Montauban devient le chef-lieu. En 1844, le canal de Montech relie le Tarn à Montauban au canal latéral à la Garonne. On quitte la ville par l’avenue Marceau-Hamecher. Cela n’a pas toujours été le cas: Georges Reverdy, dans l’Histoire des grandes liaisons françaises signale un itinéraire ancien par «Labastide-Saint-Clair, Fronton et Bouloc».

Rare section à troies voies vers Saint-Albias (photo: Marc Verney, octobre 2017).
Belle vue sur Montauban. Au fond, le Pont-Vieux (photo: Marc Verney, octobre 2017).

Après les ultimes maisons, l’autoroute A20 vient se superposer à l’ancienne chaussée. Il n’y a là quasiment aucun échappatoire: notre porte de sortie à cette multivoie très fréquentée se situe au niveau de l’échangeur permettant de rejoindre «l’autoroute des Deux-Mers» (A62). Nous, on continue tout droit sur Grisolles par la D820. En cet endroit, notre voie Paris-Toulouse croise la R.N.113, route de Bordeaux à Marseille, ainsi numérotée en 1949 (Wikisara). Au fil des ans, le carrefour s’est complexifié: il faut traverser le canal latéral à la Garonne, la voie ferrée… La carte Michelin Pau-Toulouse de 1965 montre que les ingénieurs ne se sont pas embarrassés: cette année-là, on voit que la route reste tout simplement à l’est du canal et retrouve l’ancien tracé de la R.N.20 à Pompignan. Ce qui n’est pas le cas dans les années cinquante, puisque la carte (1951) et les photos aériennes (1957) publiées par l’IGN montrent un tracé par Canals et Grisolles (D94bis). «Dès le XVIIe siècle, dit le site ville-grisolles82.fr, Grisolles est renommée pour ses industries: taillanderies, coutelleries, tuileries... Au XIXe siècle, c’est la fabrication du balai de sorgho qui fait la réputation du village». Plus loin, juste avant de longer Sainte-Rustice, voilà le lieu-dit Lestrade, situé juste à la limite avec le département de la Haute-Garonne. Nous sommes à de nombreux kilomètres de Toulouse et pourtant l’infernale circulation autour de la capitale de Midi-Pyrénées (pardon d’Occitanie) se fait déjà sentir! On arrive au village de Castelnau-d’Estrétefonds. L’avenue de Montauban suivie de la Grande-Rue (D45d) forme ici l’ancienne R.N.20. Au XIXe siècle, le village se spécialise dans la culture maraîchère et notamment les artichauts, «les artichaou de Castelnaou», souligne Wikipédia. L’avenue de Toulouse nous ramène vers la D820, qui contourne le bourg depuis les années soixante et prend désormais la direction de Saint-Jory, où, là aussi explique le site internet saint-jory.fr, existait une tradition de maraîchage. Trois kilomètres au sud, notre voie longe une ancienne gare de triage. Au lieu-dit Lacourtensourt, la route s’approche au plus près du canal latéral à la Garonne. Pas de pêcheurs du dimanche mais une foultitude d’activités industrielles et commerciales qui nous démontrent la proximité grandissante de la banlieue toulousaine…

Vers Saint-Jory. Toulouse s'approche (photo: Marc Verney, octobre 2017).

Passés deux échangeurs, nous voici à Toulouse, grande capitale du Sud-Ouest. La «ville rose», construite en briques («faute de pierre à bâtir» lit-on dans le guide des Belles Routes de France Michelin n°307 De Paris aux Pyrénées) est un centre industriel et touristique majeur. La cité, nous raconte le Guide Bleu 1954, «se trouve située sur la grande dépression qui réunit l'Atlantique à la Méditerranée et sépare le Massif Central des Pyrénées». L’avenue des Etats-Unis (D120n) s’achève sur la Barrière de Paris, où l’on trouvait l’octroi toulousain. Peu après, notre chaussée traverse le quartier des Minimes (Claude Nougaro, enfant, y a vécu) et franchit le canal du Midi sur un pont dont un premier exemplaire en dur fut édifié entre 1760 et 1763. Les Toulousains se rappellent des deux colonnes doriques édifiées en 1832 sur cet étroit ouvrage, désormais remplacé dès 1968 (structurae.info) par une structure en béton plus pratique pour l’intense circulation automobile. Dès lors, on s’avance sur l’avenue Honoré-Serres pour atteindre les boulevards circulaires de Toulouse, construits en 1846 à la place du mur d’enceinte. Nous voilà à deux pas du centre-ville… «La fondation de Tolosa est antérieure, dit-on, à celle de Rome», écrit le Guide Vert Michelin (1961)… La ville gallo-romaine, intégrée à la province romaine de la Transalpine, va connaître une profonde évolution: sous l’impulsion de l'empereur Auguste, «une agglomération nouvelle, caractéristique des villes antiques, écrit le site toulouse.fr, est créée vers 10 avant notre ère, sur la rive droite du fleuve, à l'abri des crues. La cité, organisée selon un plan orthogonal, est ceinte d'un imposant rempart long de trois kilomètres». Plus tard, en 418, Toulouse est la capitale du royaume wisigoth qui s'étend de la Loire au Rhône jusqu'en Espagne. A l'époque mérovingienne, Toulouse devient la capitale d'un duché franc d'Aquitaine, «indépendant de fait», indique herodote.net. Au XIIe siècle, les capitouls, des magistrats issus de la bourgeoisie, administrent la ville tout en restant soumis au comte de Toulouse. Après la croisade contre les Albigeois, le Midi toulousain perd définitivement son indépendance vis-à-vis du royaume de France. A la fin de la guerre de Cent Ans, Toulouse devient la capitale du gouvernement du Languedoc et se dote d'un Parlement. Plus tard encore, au XIVe siècle, la ville -et la région- s’enrichissent avec l’industrie du pastel, une plante aux délicates fleurs jaunes permettant de fournir «une substance capable de colorer les étoffes d’un bleu à la tenue incomparable», lit-on sur le site tourisme-occitanie.com. Et, raconte encore ce site, Toulouse s’est imposée dans ce commerce grâce à des négociants audacieux qui «irriguent toute l’Europe, d’Anvers à Bilbao. Les guerres de religion (1562-1598) puis, au XVIIème siècle, l’écrasante concurrence de l’indigo venu des Indes, mirent un terme à cette économie florissante». Après un grand incendie, en 1463, la ville est reconstruite en partie à l’aide de la brique rose du pays.

Sur le boulevard circulaire de Toulouse (photo: Marc Verney, août 2007).

R.N.88, AUTAN EN EMPORTE LE VAN
La longue route historique de Lyon à Toulouse sillonne le Massif Central. A côté de la 4 voies, de jolis lacets charment le voyageur! (Lire)

La ville se transforme au XVIIe siècle, voit-on sur le site toulouse.fr. On construit des canaux, places, promenades, port, digues et quais. L’édit royal de 1666 ordonne ainsi la construction du canal royal du Languedoc (appelé aujourd’hui le canal du Midi), creusé entre Toulouse et la Méditerranée, conçu grâce au système hydraulique ingénieux de Pierre-Paul Riquet. D'autres grands travaux d'urbanisme interviennent dans la seconde moitié du XVIIIe siècle: le Grand-Rond, les quais de la Garonne. Sous le Second Empire, la construction de la gare Matabiau en 1856 symbolise l'arrivée du chemin de fer à Toulouse. Cette inauguration est concomitante avec l'ouverture du canal latéral à la Garonne, qui complète le canal du Midi vers Bordeaux et l'Atlantique. La ville, continue toulouse.fr, «finalise un véritable plan d'urbanisme et de grandes percées sont ouvertes dans le tissu ancien: rue Alsace-Lorraine, rue du Languedoc et plus tardivement la rue Ozenne. Les voies de communication s'améliorent grâce aux nouveaux ponts: pont Saint-Michel en 1844 (remplacé en 1954 par un ouvrage en béton) et pont Saint-Pierre en 1852». Pour traverser la Garonne, il y avait, au Ier siècle, une «traversée au niveau du gué du Bazacle», écrit Jean Mesqui (Congrès Archéologique de France, Toulousain et Comminges). Jusqu’au XVIe siècle, précise de son côté le blog de l'association du quartier de la Daurade (vivre-a-la-daurade.over-blog.com), «les habitants utilisent le Pont-Vieux qui reprend les piles d'un l’aqueduc bâti par les Romains et le pont de la Daurade en bois non loin de l’Hôtel-Dieu». Après plusieurs projets, au XVe siècle, découvre-t-on dans l’article de Jean Mesqui, «c’est en 1541 que le roi François Ier accorda le droit à la ville de lever un impôt» permettant le financement d’un pont sur la Garonne. L’expertise s’amorce en 1542, préconisant un ouvrage à sept piles et huit arches de pierre. Il fallut des dizaines d’années, raconte Jean Mesqui, pour simplement réaliser les piles du pont… En 1615, débute le chantier des arches… et le pont est mis en service en 1632, quatre-vingt-dix ans après le lancement des travaux!! L’ouvrage a été maintes fois réparé et renforcé; il est toujours en service au XXIe siècle.

Vers le Portet-sur-Garonne (photo: Marc Verney, août 2007).
On franchit la Garonne à Pinsaguel (photo: Marc Verney, octobre 2017).

On ne peut quitter Toulouse sans évoquer la conquête des airs. En 1919, la cité fut la base de la première route postale aérienne en direction du Maroc. L’épopée de l’Aéropostale en direction de l’Amérique du Sud jusque dans les années trente allait faire battre bien des cœurs! Amorçant l’extraordinaire aventure industrielle forgée par l’Aérospatiale puis désormais par Airbus. Pour sortir de Toulouse par la R.N.20 historique de 1959, il faut suivre l’avenue de Muret puis continuer, après La Pointe, sur la route d'Espagne (actuellement D120). Arrivés au Portet-sur-Garonne, après avoir traversé des quartiers fortement industrialisés, on remarque, sur le Géoportail de l’IGN, que la chaussée du XIXe siècle, suivant une «Ancienne route impériale», se rend directement sur les bords de la Garonne, en face de Pinsaguel. Alors que la route nationale 20 des années cinquante laisse la R.N.125 filer vers Muret et contourne le quartier Saint-Christophe pour emprunter la «route d’Ax» jusqu’au pont de Pinsaguel sur la Garonne (D820x d’aujourd’hui). Ici, la carte de Cassini (XVIIIe) ne montre aucun passage «à sec»… L’ouvrage actuel, en partie métallique, date de 1880 car, indique un article de la Dépêche du Midi de janvier 2009, «l'inondation de juin 1875 qui détruisit les trois-quarts des habitations (de Pinsaguel) amputa le pont routier (livré à la circulation le 1er juillet 1826) de trois arches». On traverse Pinsaguel grâce à la rue d’Andorre. «Composé au départ de quelques cabanes de pêcheurs, écrit le site jessika.e.free.fr, le village commença vraiment à exister au début du XIIIe siècle». Dès lors, s’amorce la remontée vers les sources de l'Ariège, rivière que la R.N.20 va suivre de bout en bout. Voilà le village du Vernet, atteint par la D820w. Ici, explique le site mairielevernet31.fr, «les auberges situées à chaque extrémité du village tiraient profit du chemin à grande communication qui voyait le passage des routiers». Plus loin encore, la chaussée de Paris à l’Espagne aborde Auterive, autrefois soumise aux comtes de Foix, et dont le centre-ville historique se trouve de l’autre côté de l’Ariège. «A la fin du XVIe siècle, nous narre le site tourisme-auterive.com, les guerres de religion et l’inondation en 1599 laissent une ville dévastée: les églises sont détruites, les couvents en ruine, les murailles en partie effondrées et le pont roman rompu». S'il fallut des décennies pour reconstruire la ville, la reconstruction du pont ne put être menée à bien et pendant plus de deux siècles, il fut nécessaire d’utiliser une barque pour se rendre d’une rive à l’autre de l’Ariège. C'est en 1832 seulement qu'un nouvel ouvrage allait relier les deux rives. Mais le passage du chemin de fer sur la rive gauche dès 1861 allait complètement bouleverser l'urbanisation de la commune. La vie économique, irrésistiblement attirée par la grande route de Paris en Espagne et par la voie ferrée, allait donc se développer dans le faubourg de la Madeleine (rive gauche), au détriment de la vieille ville (rive droite)…

A Auterive (photo: Marc Verney, octobre 2017).
Aux Baccarets (photo: Marc Verney, octobre 2017).
On entre dans l'Ariège (photo: Marc Verney, octobre 2017).

A Saverdun (Ariège) justement, la voie de Paris à l’Espagne (ici, les D927 et D14) passe rive droite. Le pont actuel (1839, d’après Wikisara) emmène la chaussée vers la rue du Capus, puis la «route d’Espagne». Que le lecteur «moderne» veuille bien nous pardonner… Nous ne parlerons ici que très peu des différents tronçons d’une chaussée multivoies coupant au travers du paysage après Pamiers… Durant la période romaine, nous indique le site tourismeariege-saverdun-mazeres.fr, Saverdun aurait été un «poste fortifié» entouré d'une «agglomération»; après elle devint «le siège d’une importante châtellenie». Entre Saverdun et Foix, indique Claire Fournier dans sa Synthèse de la Communauté de communes du Pays de Pamiers, les inondations dues au cours capricieux de l’Ariège entraînent «dès la fin du XVIIIe siècle, une modification du tracé (de la chaussée, NDLR) à quelques centaines de mètres à l’intérieur de la première terrasse (rive droite de l’Ariège), laissant plus en marge des bourgs comme Bonnac ou Le Vernet». A Pamiers, quelques kilomètres plus loin, qui est la ville la plus importante du département de l'Ariège, on «sent» l'approche de la montagne. A l’ancienne manière, l’entrée dans la ville se fait par la «route d’Espagne» (D624) devenant «avenue» à l’approche des murs… Dans les années cinquante, la vieille route passait dans le centre (avenue Gabriel-Péri puis rue des Jacobins). «Au XVe siècle, lit-on dans la Notice historique sur la ville et le pays de Pamiers, le Pamiers de pierre, de brique et de pan de bois, avec ses rues étroites et sombres, entouré de remparts garnis de meurtrières et de barbacanes, était défendu par des portes massives»... Si les remparts sont abattus fin 1629 (histariege.com), les boulevards de contournement (et notamment le boulevard Delcassé) sont une création récente (vers le milieu du XXe siècle). Les canaux de Pamiers, établis à partir du XIIIe siècle, situés sur un ancien bras de l'Ariège, ont eu une vocation défensive, puis économique (moulins, tanneries, industrie du pastel). On sort de la ville par les avenues Irénée-Cros et de Foix (D624). A la hauteur de la commune de Saint-Jean-du-Falga, l’ancienne route royale emprunte la D11b alors que la route du XIXe siècle continue sur l’avenue des Pyrénées (Géoportail de l’IGN). Voilà le village de Varilhes, situé à mi-chemin de Pamiers et de Foix. A Saint-Jean-de-Verges, sur la colline qui domine le village, écrit le site saintjeandevergesariege.com, «on distingue encore l'emplacement de deux tours fortifiées romaines; la tour Carrée et la tour d'Ope qui faisaient partie d'un oppidum. Cet oppidum permettait de filtrer les passages entre la Haute et la Basse-Vallée de l'Ariège». C’est là que notre R.N.20 historique s’affuble du numéro D919…

Entrée dans la ville de Foix (photo: Marc Verney, octobre 2017).

On arrive à Foix par le cours Irénée-Cros (lieu-dit Petit-Paris). De là, on peut aller dans le centre-ville par le Pont-Vieux, un ouvrage médiéval qui n’a été relayé qu’en 1963 par le… Pont-Neuf, un ouvrage qui aura du mal à supporter l’intense trafic de la R.N.20 dans les années 90 (les véhicules devaient emprunter un rond-point traversant l’Ariège pour ensuite revenir rive droite…). La zone est désormais beaucoup plus tranquille: les camions passent aujourd’hui par un tunnel creusé sous le Pech du Miey. «Les Romains sont les premiers à bâtir un fort sur la colline rocheuse où se trouve aujourd'hui le château et qui surplombe l'actuelle ville», raconte Wikipédia. «Au XIIe siècle, raconte le site municipal mairie-foix.fr, une vie urbaine se développe autour de l’abbaye Saint Volusien (849) et du château élevé avant l’an mil». La place résiste aux assauts de Simon de Montfort lors de la croisade des Albigeois, mais, en 1272, indique le Guide Vert Pyrénées, «le comte de Foix refusant de reconnaître la souveraineté du roi de France, Philippe le Hardi prend en personne la direction d’une expédition contre la ville». Après la capitulation du comte, la ville est délaissée et le château perd toute valeur militaire au XVIIe siècle. La R.N.20 historique, qui est restée sur la rive droite de l'Ariège, remonte vers Tarascon par le hameau de Bouychères et l’avenue de Barcelone (D117). Ce tracé est celui relevé sur la carte d’état-major (1820-1866) mais aussi celui que l’on retrouve sur la carte de Cassini (XVIIIe), deux documents publiés sur le site de l’IGN. Après le village de Montgaillard, notre voie arrive à Saint-Antoine, un croisement important, d’où part, vers l’est, la R.N.117, une ancienne nationale filant en direction de Perpignan (réalisée ici entre 1786 et 1788, indique histariege.com). A ce carrefour, la carte d’état-major du XIXe signale un Hôtel des Rives. De notre côté, la R.N.20 historique (D618) s’oriente vers Tarascon. Par ici, il ne reste hélas aucune ancienne signalisation de la nationale 20 d'antan. Dans un site rocheux plutôt chouette, la petite cité de Tarascon-sur-Ariège interpelle l'automobiliste avant l'escalade des Pyrénées. «Au confluent de deux vallées glaciaires», nous dit le site municipal mairie-tarascon.com, le lieu est, dès le Moyen âge, «un centre commercial très important où se développent des foires». Gérée par des consuls et protégée par son enceinte, «la cité est une des quatre villes du comté de Foix». Au XIIe siècle, une nouvelle enceinte, plus vaste, est construite; un pont de bois permet la traversée de l’Ariège. Deux siècles plus tard, nous rappelle encore mairie-tarascon.com, «la ville sort de ses murs; c'est la naissance du faubourg Sainte-Quitterie "du bout du pont". Un autre quartier, appelé Saint-Jacques ou "hors la porte", se développe aussi». En 1830, le pont de bois laisse la place à un ouvrage en pierre.

Ancienne publicité pour la marque de carburants Azur à Mercus (photo: Marc Verney, octobre 2017).
Sortie de Tarascon en direction d'Ax-les-Thermes (photo: Marc Verney, octobre 2017).

Au rond-point, on prend la direction d'Ussat-les-Bains et d’Ax-les-Thermes. On quitte Tarascon par l’avenue de Sabart en traversant le ruisseau de Vicdessos. Le livre Les Pyrénées, de la montagne à l’homme nous donne quelques indications  sur la date de la réalisation d’une chaussée en direction d’Ax: «Les premières routes carrossables ont été construites dès la fin du XVIIIe siècle sous l’action des intendants, tel d’Etigny, et les premiers progrès du thermalisme. Luchon est desservie en 1763, les Eaux-Chaudes en 1775 et Ax-les-Thermes peu après». On passe au pied de la chapelle de Notre-Dame de Sabart, le lieu d’un pèlerinage «très ancien», signale le site pelerinagesdefrance.fr. Il est dit que «son origine remonte à l’empereur Charlemagne lui-même, dont les troupes remportèrent une victoire importante sur les Sarrazins, en 778». A peine 3,5 km plus loin, nous voici à Ussat-les-Bains-Ornolac. A l'origine, «ce petit tronçon de la vallée de l'Ariège n'était qu'un espace vide de toute construction et quelque peu marécageux», indique le site ussatcpa.free.fr. Là, se trouvait une source thermale dont l'eau chaude se perdait sur les terres avoisinantes, «les boues d'Ussat». Aujourd’hui, il faut une grande imagination pour se représenter ici une station thermale du XIXe siècle car la totalité des bâtiments a été rasée en 2006 pour laisser la place à une portion à quatre voies de la R.N.20. Ce qui reste a été vandalisé, explique encore le site ussatcpa.free.fr. L’activité thermale restante se tient désormais plus à l’écart. Plus loin encore, voilà les quelques maisons de Sinsat, alignées au cœur d’une vallée fraîche et verdoyante, surplombée par le Quié, un site d’escalade renommé. Peu après, notre route nationale (D522a) atteint le village des Cabannes après avoir passé l’Aston sur la vieux pont Saint-Martin. C’est du moins le tracé de 1957 (et d’avant) signalé par la carte au 1:50.000 publiée par le Géoportail de l’IGN. Car ici, un contournement a été mis en service au début des années 90 (Wikisara). Non loin, voilà Lassur, petit hameau sur une butte, déjà contourné en 1957. A l’approche de Luzenac, la R.N.20 historique des années cinquante suivait la D2, «rue Principale», jusqu’au croisement avec la rue de la Mairie, où elle repassait par-dessus le chemin de fer. Sur la montagne, au nord-est, se situe le gisement de talc de Trimouns, l’un des plus importants au monde, dont l’exploitation date de la fin du XIXe siècle. Un ramassage artisanal s’organise alors sur les lieux. «La roche blanche, tendre et douce est broyée dans des moulins à farine. La poudre recueillie est acheminée vers Toulouse pour être vendue aux droguistes et apothicaires. Jusqu’en 1860 ce commerce se fait à dos de mulet», signale le site ariege.com. «L’arrivée du chemin de fer dans la vallée en 1888 et l’installation du premier transport aérien en 1903 favorisent le développement de l’entreprise», conclut le site.

La R.N.20 autour de Tarascon-sur-Ariège (photo: Marc Verney, août 2007).

Un peu plus haut, la route nationale de 1957 traverse l’Ariège au niveau du pont de Perles (D719). Au village du Castelet, on garde en mémoire les inondations torrentielles au XIXe et à la fin du XXe siècle qui ont ravagé la vallée et bien souvent coupé les routes… Après Savignac-les-Ormeaux, voilà Ax-les-Thermes, dont la publicité murale pour ses pistes de ski nous avait tant étonné si loin en aval, à Argenton-sur-Creuse... «Le berceau des populations primitives d'Ax, écrit Jeanne Reboul dans son article "Ax-les-Thermes, étude géographique", fut le lieu que l'on appelle encore aujourd'hui "Ville Vieille" sur la rive droite de la Lauze, exposée au Sud. Il est certain que les Romains connurent et utilisèrent les ressources thermales d'Ax». Au XIIIe siècle, émerge une «ville nouvelle», située sur la bande de terre entre Lauze et Ariège. Là, raconte Jeanne Reboul, une cité fortifiée se développe du XIVe au XVIIIe siècle. Huit tours principales dominaient des murailles très épaisses. Ville-frontière jusqu'au traité des Pyrénées (7 novembre 1659), Ax a vécu longtemps repliée entre ses fortifications, avec, cependant, quelques échanges avec ses voisins immédiats. On ne parle pas encore de commerce transpyrénéen... encore moins d'achat détaxé en Andorre... Le thermalisme se développe au XIXe siècle, mais c’est en 1260 que le comte de Foix, à la demande du roi de France, creuse le «bassin des ladres» qui servit à apaiser les maux des chevaliers (la lèpre…) revenant des croisades. D’après le Guide Vert Pyrénées (1963), «soixante sources alimentent quatre établissements. On y soigne surtout les sciatiques, les rhumatismes et certaines affections des voies respiratoires». Au centre-ville, le pont du Breilh sur la Lauze, «primitivement édifié en deux parties, écrit Hippolyte Marcailhou d'Aymeric dans Ax-les-Thermes illustré: ses richesses thermales, son histoire, ses excursions, fut construit en 1847 en pierre de taille par les ponts et chaussées lors du prolongement de la route nationale de Paris jusqu'en Espagne». En 1898, il est élargi du double de sa largeur précédente. On quitte la cité par l’avenue du Docteur-François-Gomma (ancien maire) puis on passe l’Oriège sur le pont Galine (ou d’Espagne) qui date de 1851. «Au sortir d'Ax-les-Thermes, voit-on dans le Guide Bleu 1954, la route continue de remonter la vallée de l'Ariège qui forme le beau défilé rocheux du Berduquet».

Au Castelet (photo: Marc Verney, octobre 2017).

Et c’est d’ailleurs là que vont commencer les vraies difficultés pour les constructeurs des routes au XIXe siècle… Georges Reverdy le mentionne d’ailleurs dans son ouvrage Les routes de France du XIXe siècle: «Le département de l’Ariège était particulièrement déshérité puisque dans la Statistique de 1824, il était considéré comme n’ayant pas un seul kilomètre de route royale "à l’entretien", c’est à dire convenablement construite. Sur les 104 km de la route n°20, 80,5 km étaient considérés comme à réparer et 23,5 km comme à terminer. En 1845, on comptait encore 25 km en lacune dans l’Ariège et tout la longueur dans les Pyrénées-Orientales»… L’an 1860 apporte un petit plus: «une section nouvelle» est péniblement réalisée entre Ax-les-Thermes et Mérens. En fervent soutien du massif pyrénéen, c’est Napoléon III qui s’empare du dossier: «L’ensemble du projet, de Mérens à Bourg-Madame» est approuvé en 1861 par l’empereur. Mais il faudra des années pour en venir à bout; si les ultimes lacets dans l’Ariège sont achevés par l’ingénieur en chef Faraguet en 1868, il faudra attendre 1871, nous signale Reverdy, pour que la route soit définitivement terminée «jusqu’à la frontière espagnole». A Mérens-les-Vals (1055 m d'altitude), «le paysage devient de plus en plus sauvage (...), lacets et cascade de Bézines», rapporte le Guide Bleu 1954. Le village, autrefois installé plus haut dans la montagne, au «quartier de Vives», précise le site merenslesvals.fr, glisse «vers le fond de vallée au XVIIIe et au début du XIXe quittant son site défensif et s’installant le long de la route royale, future R.N.20». A noter qu’un tunnel hélicoïdal (achevé le 28 décembre 1912) a été réalisé ici au niveau du pont de Saillens afin de permettre à la ligne de chemin de fer transpyrénéenne Toulouse-Puigcerda de grimper vers l’Hospitalet. Quant à notre R.N.20 historique, elle a gagné de précieux mètres avec les lacets de Saillens.

Sortie d'Ax-les-Thermes en direction de l'Andorre (photo: Marc Verney, octobre 2017).

A 1436 m d'altitude, la chaussée atteint l'Hospitalet, centre d'ascensions et de sports d'hiver. Dès lors, «la route s'élève en lacets, dominant l'entrée du tunnel -ferroviaire- de Puymorens, long de 5355 m», écrit le Guide Bleu 1954. En effet, c’est le tracé de la R.N.22 d’aujourd’hui (fermé à mon passage) qui était celui de la R.N.20 de 1959 (et d’avant!). Les automobilistes du XXIe siècle qui veulent emprunter le col de Puymorens doivent aller jusqu’au niveau du tunnel routier (achevé en 1994) pour obliquer à droite et suivre à droite une route numérotée R.N.320. Selon Wikisara, cette nouvelle chaussée a été vue, dans les années 80, comme un dédoublement (sens montant) de la route se rendant au col. On l’a vu précédemment, les accès au col du Puymorens ont été très tardifs pour ce qui est de la circulation à roues… Pour ce qui est des piétons, un ancien chemin comportant au départ de nombreux petits lacets est visible sur la carte d’état-major (début du XIXe siècle) publiée sur le site Géoportail de l’IGN à peu près au niveau des limites départementales entre Ariège et Pyrénées-Orientales. Quelques kilomètres plus loin, notre route se sépare de la voie qui dessert, à droite, la principauté d’Andorre. Cette R.N.20 bis (jusqu’en 1975) a été terminée en 1933, souligne l’ouvrage Les Pyrénées, de la montagne à l’homme, ce qui a permis le désenclavement «côté français» de cette région montagneuse. Enfin, voilà le col de Puymorens (1915 m), passage entre vallées de l’Ariège et de la rivière Carol, «ouvert dans de grands pâturages sur la ligne de faîte Océan-Méditerranée», écrit le Guide Bleu de la France automobile. Dommage qu’il n‘y reste plus âme qui vive… De l’autre côté du vaste parking, l’hôtel et les baraques de l’équipement qui s’y trouvent ne doivent plus voir passer grand monde… Reste la vue sur les deux versants, le regard plonge dans les pentes, s’emplit du vertige des cimes… La végétation est maigre, comme «mangée» par le déluge des éléments: en hiver, souvent, d’immenses congères se forment, obligeant les hommes à creuser la neige pour maintenir la route en état… La descente se fait «par des lacets taillés dans les rochers» écrit encore le Guide Bleu 1954. Voilà la vallée d'altitude du Carol.

Au col de Puymorens (photo: Marc Verney, octobre 2017).

Au pied du col, peu avant la sortie du tunnel routier, voici le village de Porté-Puymorens, créée par le détachement d'une portion de la commune de Porta en août 1860. Les maisons sont dominées par les ruines «de la tour cerdane, construite au XIe pour défendre l'entrée de la vallée, signale le site les-pyrenees-orientales.com. Elle fut achetée en 1308 par Jacques de Majorque qui compléta la fortification». Plus tard, la Cerdagne sera aux mains des puissants barons d'Enveitg. La neige vient «sauver» la montagne: trois premiers téléskis sont implantés en 1948 (porte-puymorens.eu). Avant Porta, si la route contemporaine passe à l’est de la voie ferrée, on voit sur la carte d’état-major des années cinquante -publiée par l’IGN- qu’en 1959 la R.N.20 historique passe à l’ouest et en contrebas du chemin de fer jusqu’à un pont sous les rails situé en face du bourg. Un des hameaux de Porta, le bourg de Carol, fut fortifié et ses défenses également renforcées par les rois de Majorque. On note, contournant les lieux par le nord-est, un «chemin du Vieux-Relais», qui aura été très certainement l’ancien tracé historique. On longe Cortvassill, puis on traverse Riutes sous un soleil de plomb. Une maigre végétation s’acharne face au manque d’eau, les monts sont tachetés de pierre sous l’azur étincelant. Ici encore, le long du torrent, on trouve la «route Vieille-d’Espagne» qui entre dans Latour-de-Carol en contrebas de l’actuelle avenue du Puymorens. A la sortie, on retrouve la même «route Vieille-d’Espagne» (D34), mais les travaux ferroviaires menés à la fin des années vingt (XXe siècle) et qui aboutissent, à proximité d’Enveitg, à la réalisation d’une gare internationale, vont bouleverser la géographie économique des lieux… Bref, difficile d’en dire plus.

Ancien tracé de la R.N.20 vers Porta. Il ne reste plus, en guise de souvenir, qu'une petite borne hectométrique (photo: Marc Verney, octobre 2017).

Après Enveitg, la chaussée contemporaine frôle la frontière espagnole, remonte plein nord et pénètre dans Ur. Dès lors, il ne reste plus qu’une ligne droite de 3,5 km jusqu’à Bourg-Madame. Au rond-point, on se rappellera l’existence ici d’un étonnant «chemin neutre» qui permettait aux Espagnols de rejoindre sans avoir à montrer patte blanche l’enclave de Llivia, un morceau de territoire resté catalan/espagnol depuis le traité des Pyrénées (novembre 1659). Aujourd’hui… c’est l’Europe, et les formalités douanières sont oubliées! Ce qui n’a pas empêché ce petit bourg, en 2017, de voter à 95% pour l'indépendance de la Catalogne (francetvinfo.fr )… Voilà enfin Bourg-Madame, terme de notre voyage, où l'on croise la route de Perpignan, la R.N.116, une chaussée construite tout long du XIXe siècle. Le nom de Bourg-Madame naît, écrit Emile Fornier dans son article «Les passages frontaliers en Cerdagne et Haute-Ariège», en quelque sorte d'un hasard de l'histoire: avant la Révolution Française existait ici un petit hameau formé de  magasins et de différents commerce surnommé les Guinguettes. En 1815, le duc d'Angoulême, de retour d'Espagne, y passa. Les habitants, dit-on, lui demandèrent de donner à leur petite cité le nom de Bourg-Madame en signe d'hommage à son épouse, fille de Louis XVI... Nous voici à 864 km de Notre-Dame de Paris avec une forte envie de passer la frontière et pointer le museau de notre Peugeot 2008 de location du côté de l’Espagne. Là, nous précise l’ouvrage Les Pyrénées, de la montagne à l’homme, «c’est seulement après 1900 que va se faire le déblocage des hautes vallées: une route carrossable arrive à Puigcerda en 1914»… Et encore… Si on regarde la carte Michelin n°86 Luchon-Perpignan de 1954, la N-152 vers Barcelone porte la mention «non revêtue»… Bref, rejoindre la Catalogne depuis Bourg-Madame n’a pas toujours été facile: un panneau d’informations touristique placé au niveau du pont du Rahur écrit qu’un ancien ouvrage du XIXe siècle, détruit par une inondation en 1937, n’a été remplacé par un autre pont en dur qu’en juillet 1955. La région est tristement connue pour la Retirada, la fuite, en janvier-février 1939, de centaines de milliers de républicains espagnols fuyant les hommes du général Franco après la chute de Barcelone.

Marc Verney, Sur ma route, avril 2017

L'arrivée à Bourg-Madame (photo: Marc Verney, octobre 2017).

AMIS LECTEURS Il y a un petit pincement au cœur lorsque j’écris, en avril 2018, le troisième volet de la promenade sur la R.N.20 historique… Avec celui-ci j’achève les nouvelles balades effectuées sur les vingt grandes nationales françaises historiques et publiées depuis octobre 2012… Pour un site réalisé artisanalement depuis 2006 (avec tous les défauts qui y sont liés), voilà une belle longévité due avant tout aux nombreux courriels de soutien et aux infos qui sont souvent allées avec… Merci à tous!

R.N.20: MILLE BORNES... OU PRESQUE!
Injustement méconnues, oubliées dès qu'on les a passées... Trafiquées, repeintes, perdues dans les broussailles ou bien encore volées... les bornes sont les vedettes de la page qui suit... (lire)

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