SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°9899 Grandes routes, Michelin (1952-53); Annuaire du département de la Manche (volume 28), Julien Gilles Travers, J. Elie (1856); «Argentan, une petite ville de Basse-Normandie ranimée par la décentralisation industrielle», A. Frémont, M. Ambrois, M. Chesnais, Norois (1964); Bulletin des lois du royaume de France, Imprimerie royale (1844); Collection complète des lois, décrets d'intérêt général, traités internationaux, arrêtés, circulaires, instructions, etc... Société du recueil Sirey (1839); «De la cité des Abrincates au diocèse d'Avranches», Daniel Levalet, Annales de Normandie (1979); Histoire d'Argentan, Louis Barbay, imprimerie alençonnaise, éditeur: A. Lejeune (1922); Histoire de Flers, ses seigneurs, son industrie, Hector de la Ferrière, Hardel, imprimeur-libraire (1855); Histoire des villes de France, avec une introduction générale pour chaque province, Aristide Guilbert, Furne et Cie (1848); Histoire du bourg d'Écouché, Alfred de Caix, éditeur Le Gost-Clérisse (1862); Itinéraire descriptif, historique et monumental des cinq départements composant la Normandie (volume 2), Louis François Du Bois, imprimerie de F. Poisson (1828); «L'agglomération granvillaise», Edmond Finck, Norois (1954); Le Merlerault, ses herbages, ses éleveurs, ses chevaux, Charles du Hays, Librairie agricole de la maison rustique (1866); «Moulins et industries dans la vallée de la Risle», Yannick Lecherbonnier, Annales de Normandie (1982); Village et ville au Moyen Âge: les dynamiques morphologiques, Bernard Gauthiez, Presses universitaires François-Rabelais (2017); argentanwebferro.fr; 2angles.org; haras-national-du-pin.com; patrimoine-normand.com; petitescitesdecaractere.com; villedieu-les-poeles.fr; ville-laigle.fr. Remerciements: Wikipédia, Wikisara, Wikimanche, IGN, CartoMundi, Persée.
VILLES TRAVERSEES (1959): Verneuil-sur-Avre (N12) Chandai Anglures L'Aigle Rai Aube Saint-Hilaire-sur-Risle Ste-Gauburge-Ste-Colombe Planches Le Merlerault Nonant-le-Pin (N138) Le-Pin-au-Haras Le Bourg-Saint-Léonard Urou-et-Crennes Argentan (N158) Fontenai-sur-Orne Ecouché Fromentel Saint-Hilaire Briouze Le Rocher Flers (N162) La Fontaine Landisacq La Rivière Tinchebray-Bocage Coquard Vire (N177) Saint-Sever Sainte-Cécile Villedieu-les-P. (N175) Fleury Champrepus Le Pont-Neuf Beauchamps Le Repas Les Vaux Granville (N171, N173)
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Les belles
routes de France...
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C’est une loi promulguée durant l’été 1839 qui crée la route nationale 24bis, «de Paris à Granville par L’Aigle, Argentan, Flers et Vire. (…) Elle s'embranchera, voit-on dans la Collection complète des lois, décrets d'intérêt général, traités internationaux, arrêtés, circulaires, instructions, etc… à Verneuil sur la route royale n°12 de Paris à Brest, et empruntera, en tout ou en partie, les routes départementales de Paris à Granville, de Verneuil à Granville et de Falaise à Granville». Notre point de départ se situe donc à Verneuil-sur-Avre. Jadis, au Xe siècle, l’Avre formait la frontière entre le duché de Normandie et le royaume de France (comté de Dreux). Et sa défense (ou son attaque) fut l’un des grands enjeux de l’époque… Verneuil est donc une cité créée de toutes pièces en 1120 «par Henri Ier Beauclerc, fils de Guillaume le Conquérant, duc de Normandie et roi d’Angleterre», indique le site patrimoine-normand.com. L’idée est de fournir une protection à la Normandie face à la France (le village de Saint-Martin, à un jet d’arbalète est français!). Et les fortifications vont contribuer à contrôler le trafic sur les chemins de l’époque. «Il y avait trois bourgs à Verneuil devant le château et chacun d'entre eux était séparé des autres par un fort mur et un fossé rempli d'eau, et l'un d'entre eux était appelé le grand bourg», lit-on dans l'ouvrage Village et ville au Moyen Âge: les dynamiques morphologiques. C’était donc du sérieux! Dès la fondation, souligne le site patrimoine-normand.com, «le "destin" de la ville est scellé», les murs de Verneuil sont un enjeu constant des Anglo-Normands et Français qui luttent pour sa possession ou la détruisent: durant le XIIe siècle, les sièges sanglants vont se succéder... Les derniers soubresauts de violence interviennent durant la guerre de Cent-Ans; Charles VII s’empare de la ville en juillet 1449 et Verneuil est rattachée au comté du Perche. Aujourd’hui, la petite cité vit au rythme de l’incessant trafic de la R.N.12, heureusement reléguée hors les murs depuis le milieu des années cinquante…
Notre R.N.24bis de 1959 va, elle, quitter les lieux par l’avenue Edmond-Demolins qui traverse le faubourg de L’Aigle (D926 aujourd’hui). Ce n’était pas le cas sous l’Ancien Régime: en 1755-56, des documents publiés par les archives de l’Orne signalent le «mauvais état» de cette chaussée, entre Verneuil et l’Aigle, qui est «négligée à cause du nouvel alignement projeté de ce chemin, resté, jusqu’à ce jour, indécis»… De fait, en 1828, l'Itinéraire descriptif, historique et monumental des cinq départements composant la Normandie fait encore passer la chaussée au sud de l’alignement ultérieur, par Pulay, le Petit- et le Grand-Buisson, les Fournieux, Babu et Chandai, dans l'Orne. Puis, jusqu'à L'Aigle, le trajet semble à peu près similaire à celui d'aujourd'hui... En 1844, voit-on par contre sur la carte d’état-major publiée par CartoMundi, la chaussée file bien droit jusqu’à Chandai. Vers le lieu-dit la Patinière, on croise une ancienne voie romaine (ou «Chemin Perrey») venant de Condé-sur-Iton et d’Evreux. La voie pénètre maintenant dans l’Orne peu avant le village de Chandai, où l’on passe sur l’Iton. Peu après la forêt de L’Aigle, il faut, au niveau du lieu-dit la Détourbe, suivre la D926b jusqu’à Anglure et L’Aigle. L’ancienne entrée dans la cité est la rue de la Madeleine, qui se prolonge par la rue Saint-Jean. Plus tard, on empruntera les boulevard du Maréchal-Leclerc et Vaugeois, construits vers la deuxième moitié du XXe siècle. Située sur la Risle, la petite cité, dont les premières mention remontent au XIe siècle, est ravagée en 1450 par les troupes anglaises durant la guerre de Cent-Ans. Après cet interminable conflit, la cité «se relève de ses ruines et prospère grâce aux forges et à la petite métallurgie, notamment la fabrication de l’épingle», écrit le site municipal ville-laigle.fr. Une activité qui fera le renom de la région jusqu’au XIXe siècle… La ligne de chemin de fer de Paris à Granville est réalisée jusqu’à L’Aigle en 1866 et achevée jusqu’à son terminus en 1870 (argentanwebferro.fr).
Au sortir de L’Aigle, la rue Pasteur puis l’avenue du Mont-Saint-Michel nous emmènent en direction d’Aube-sur-Risle (D926a). Le long de la vallée de la Risle, on trouvait, du XVIIe au XIXe siècle, de nombreuses installations industrielles utilisant la force hydraulique de la rivière, raconte Yannick Lecherbonnier dans l’article «Moulins et industries dans la vallée de la Risle». Ces activités très diverses, moulins à blé, papeteries, tréfileries… profitaient «de la route Argentan-Verneuil-Paris permettant d’écouler vers la capitale et au-delà de nombreux produits manufacturés». C’est depuis Rai, dans cette vallée, que l’on remarque, sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par l’IGN, une voie vers Le Merlerault passant par Echauffour (D220 puis D50). Après Saint-Hilaire-sur-Risle, notre route n°24bis (D926) s’oriente vers Sainte-Gauburge-Sainte-Colombe. On y entre par la rue de Paris, on en sort par la rue du Mont-Saint-Michel… A quelques kilomètres de là, c’est au niveau du village des Planches que l’on franchit la Risle. Le nom de ce village ne semble pas fortuit, signale la page Wikipédia consacrée au lieu: son nom de Planches (Plancis vers 1050), provient certainement du fait, qu’à une époque reculée, «des planches étaient probablement utilisées comme ponceaux pour le franchissement des ruisseaux qui forment plus en aval la Risle». Plus loin, on lit, qu’«au XVIIIe siècle, à la veille de la Révolution, la construction de la route royale Paris-Granville allait changer profondément la physionomie de Planches. Le village se déplace vers la nouvelle route avec la création de commerces le long de celle-ci». On entre ensuite dans Le Merlerault par la route de Paris. Pendant la guerre de Cent-Ans, raconte l'encyclopédie en ligne Wikipédia, ce bourg «est l'objet de combats. Un incendie le dévaste en 1345. En juin 1356, le château que défend en vain Jean du Merle est conquis et pillé par les troupes du duc de Lancastre. Occupé à nouveau par les Anglais en 1359, il est repris en 1364 par les Français à l'issue de violents combats». Au XVe siècle, le bourg est rebâti à deux kilomètres au nord-est de l'ancien village. «Sa position exceptionnelle, au centre des meilleurs herbages, lui avait valu, dès le Moyen Age, l'honneur d'être choisi par les Montgommery , puis par les seigneurs d'Alençon pour y établir leurs haras», écrit Charles du Hays dans l'ouvrage Le Merlerault, ses herbages, ses éleveurs, ses chevaux. Et plus tard, Sully et Henri IV y créent le Haras du Roi, qui va préfigurer le Haras national du Pin, désormais situé un peu plus loin sur la route.
A la sortie du Merlerault, c’est la rue de Granville qui nous emmène en direction de Nonant-le-Pin. Là, c’est un peu compliqué… la «route de Paris», qui entre directement dans le bourg est désormais coupée par la voie ferrée. Il faut faire le tour et franchir la Dieuge par la «route de Sées». On croise en ces lieux l’ancienne R.N.138 (D438), construite ici à la fin du XVIIIe siècle. Un peu plus loin, la petite ondulation vers la Butte est corrigée en 1979 (Wikisara). Voici que notre chaussée aborde de manière assez magistrale le Haras-du-Pin, haras royal édifié de 1715 à 1736 sur un domaine de 600 ha afin d’y créer le «Versailles du cheval»… La création de ce lieu prestigieux, explique le site haras-national-du-pin.com, «répondait à une volonté et un besoin: produire des chevaux les plus performants pour les transport, le travail agricole, la cavalerie militaire et la cour de Versailles». A la veille de la Révolution, raconte encore ce site très documenté, «le haras du roi regroupait 196 étalons. En 1790, on dénombrait 40 poulains et pouliches, dont une majorité de poulains de lait, témoignant du formidable dynamisme de la production. Cet effectif était complété par 132 chevaux, dits "chevaux approuvés", appartenant à des particuliers, répartis sur l’étendue de la province de Normandie». Force est de constater, que l’endroit, enrobé par une belle forêt domaniale, en jette… On peut d’ailleurs le visiter! La R.N.24bis y passe sur la pointe des pieds avant d’aller vers Argentan. Peu avant le Bourg-Saint-Léonard, le lieu-dit la Lune signale que l’on trouvait, ici, un rond-point, d’ailleurs parfaitement visible sur la carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) publiée par le Géoportail de l’IGN. La route nationale 24bis historique entre dans Argentan par quasiment le même tracé que le «chemin d’Exme et de Paris» visible sur la carte de Cassini (XVIIIe). L’avenue de Paris mène à la rue de la République; on note cependant ici que l’ancienne traverse emprunte plutôt la rue Aristide-Briant puis la rue de la Chaussée qui emmène le voyageur en direction des ponts sur l’Orne. Au centre d'une petite plaine fertile, «sur un gué de l'Orne entre ses confluents avec l'Ure et la Baize, Argentan apparaît pour la première fois au Xe siècle», racontent Armand Frémont, M. Ambrois et Michel Chesnais dans l’article «Argentan, une petite ville de Basse-Normandie ranimée par la décentralisation industrielle». A des fonctions administratives (centre d'une Election et d'un grenier à sel au XVIIIe) et à ses foires, Argentan ajoute des activités industrielles, comme des draperies aux XIIIe et XIVe siècles, qui tirent leur matière première des lins et des chanvres cultivés alentours. Plus tard, il est amusant de constater qu’en 1697, les habitants d’Argentan se sont opposés à la mise en place de l’embryon d’un éclairage public signale l’Histoire d’Argentan… Puis, au XVIIIe siècle, ce sont 300 ouvriers tanneurs qui travaillent dans la ville... mais la célébrité viendra avec l'industrie de la dentelle et le fameux «point d'Argentan» qui va concurrencer, à la Cour, les dentelles venues de Venise! «Mille femmes, disent Armand Frémont, M. Ambrois et Michel Chesnais, fabriquent ces produits de haut luxe dans les campagnes voisines». Mais la cité, lit-on encore dans l'article rate le «tournant» de la révolution industrielle. A la fin du XIXe siècle, Argentan ne compte plus que quelques dizaines d'ouvriers. A la même époque, l’arrivée du chemin de fer allait, du coup, constituer un précieux bassin d’emplois (son dépôt a compté jusqu'à 120 machines à vapeur!). Pour la petite cité normande, le drame intervient entre le 15 et le 20 août 1944: des combats meurtriers s'y déroulent entre Américains et divisions blindées allemandes lors de la bataille de Normandie. Les combats tournent au corps à corps et la ville, pilonnée sans relâche, est détruite à 80%! L'immense chantier de la reconstruction durera jusque dans les années soixante.
A la sortie de la ville, raconte Louis Barbay, dans son Histoire d'Argentan, «il y avait deux ponts sur la rivière d'Orne dès le XIVe siècle. Mais le plus ancien est le pont Saint-Jean sur la "Vieulle Orne". La rue de la Chaussée était pavée dès le Moyen Age, d'où sa désignation ancienne de Chaussée; elle paraît même avoir été une voie romaine. Son prolongement, rue Saint-Jacques et les commencements des routes de Sées et d'Ecouché étaient également pavés». Dans ce faubourg, existait, dès l'année 1468, l'une des tavernes les plus connues des étrangers: les Trois-Marie, signale encore Louis Barbay. Certains travaux d’urbanisme sont menés au XVIIe siècle: «Vers 1640, découvre-t-on dans l’Histoire d’Argentan, la rue de la Chaussée fut rehaussée de quatre pieds pour empêcher les trop fréquents débordements des eaux de la rivière». La reconstruction du grand pont sur l’Orne en 1750 fit s'établir dans la ville un sous-ingénieur des ponts et chaussées pour en diriger les travaux, mentionne l'ouvrage -prolifique- de Louis Barbay (qui cite ici le Manuscrit de Colleville). Du coup, le chantier des routes menant à Argentan y ont «fixé sa résidence». La chaussée de Sées, continue l'auteur, «a été ouverte sur un nouvel alignement, commencée en 1757 elle se fit par corvées. Ce moyen lent et préjudiciable aux habitants de la ville et des campagnes qu'on commandait pour ces travaux fut supprimé. On y suppléa pour celles qui restaient à construire par une imposition de 5 sols par livre sur les impositions taillables. Les produits en furent employés à l'ouverture et achèvement de la route d'Argentan à Caen, en 1764, à celle pour Paris en 1767 et à celle d'Argentan à Granville en 1788». Le dernier relais de la poste aux chevaux était situé ruelle de la Poste. On y attelait; la plupart des diligences étaient par conséquent, obligées de traverser la ville. Or, la rue de la République n'existant pas, les postillons devaient utiliser des passages étroits et des détours brusques dans le centre de la cité... Ce fut en 1879 et 1880 que l'on ouvrit enfin la rue de la République et que l'on construisit ses ponts sur l'Orne, précise à nouveau Louis Barbay. C’est maintenant l’avenue de la Deuxième-Division-Blindée (D924) qui nous amène en direction de Fontenai-sur-Orne (il faudra, au préalable, passer l’A88…).
Fontenai-sur-Orne est traversée par la D424 qui est bien la R.N.24bis historique! Une paire de kilomètres plus loin voilà Ecouché, petit bourg de caractère, situé à la porte de la «Suisse normande», sur la route du Mont-Saint-Michel… «Pendant le Moyen Age, relate le site petitescitesdecaractere.com, Ecouché fut fortifiée, ce qui lui valut dans les chartes du XIIe siècle la dénomination de Castrum. Les fossés servant d’enceinte à la ville ont toutefois été comblés au début du XVIe siècle». Mais il n'y eut pas vraiment de remparts, précise l'Histoire du bourg d'Ecouché: l'utilisation du terme Castrum était une forme de langage pouvant indiquer un «lieu fortifié de palissades et d'un château de bois nommé bretèche. (...) Il existait au centre du bourg une motte féodale entourée de larges fossés». Vers Argentan, la porte se nomma jusqu'au XIVe siècle, la porte de Bourges puis Saint-Mathurin. Vers la route de Bretagne, la porte s'appelait porte d'Udon parce qu'elle était quasiment baignée par la rivière de ce nom. A la fin du XVIe siècle, en 1589, le village reçut la visite du roi Henri IV, qui «logea dans l'hôtellerie à l'enseigne de la Corne de Cerf puisqu'il n'y avait pas dans ce bourg de manoir seigneurial». La Grande-Rue, qui traverse Ecouché d'est en ouest était pavée sur une longueur d'environ cent mètres au XIVe siècle. La route de Bretagne, qui sort par l'ouest d'Ecouché «était désignée, au Moyen Age, sous le nom de Chemin-le-Comte à cause du comte d'Alençon qui était seigneur du pays», écrit encore Alfred de Caix dans l’histoire de la ville. Une première rectification de la route n°24bis sera décidée le 31 janvier 1844 afin de faire passer la chaussée «dans une partie de la traverse d’Ecouché au moyen de l’ouverture d’une nouvelle direction sur la gauche de la route actuelle», voit-on dans le Bulletin des lois du royaume de France. Un contournement plus large, qui évite deux passages à niveau, l’avenue Charles-de-Gaulle sera réalisé à la fin des années soixante (Wikisara). Juste après le Pont-Udon, la route de Granville prend la direction de Fromentel, puis s’oriente sur Briouze.
Peu avant Briouze, on note que l’ancienne chaussée mentionnée par la carte de Cassini (XVIIIe) longeait Pointel et traversait le Val-de-Breuil au lieu-dit Pont-de-Briouze (auj. Pont-de-Pointel) pour entrer dans Briouze par la rue de la Ferté-Macé. Au XIXe, la carte d’état-major (1820-1866) publiée par l’IGN montre qu’une nouvelle chaussée est mise en service, c’est la rue d’Argentan. On suit maintenant la direction de Flers. Avant la Bourlière, quelques virages sont rectifiés au XXe siècle au niveau de la traversée du ruisseau de la Pévostière. Plus loin, c’est au niveau du lieu-dit les Quatre-Vents que la D924 (voie rapide) efface totalement les virages de l’ancienne R.N.24bis. L’arrivée sur Flers se fait par le Buisson-Corblin. On emprunte ensuite la longue rue de Paris jusqu’au centre-ville. A Flers, indique Wikipédia, la construction d'un château est entreprise à partir du XIIe siècle; à l'origine il ne s'agit que d'un corps de logis en pierre et en bois, sur une butte fortifiée entourée d'eau. Placé à la jonction de plusieurs vallées, le site est choisi parce que son terrain marécageux offre des possibilités défensives non négligeables. L’actuel château (XVIe-XVIIIe) fut le quartier général du comte Louis de Frotté, un des principaux meneurs de la chouannerie normande. A l’époque, les communication n’étaient pas très bonnes: «Vers 1780 environ, il n'y avait pas même un bureau de poste aux lettres à Flers; aucune communication directe n'était alors établie entre Caen et Domfront. On venait seulement de commencer la route de Flers à Condé, et, quant à celle de Domfront à Flers, le passage des torrents la rendait impraticable l'hiver»... raconte Hector de la Ferrière dans l'Histoire de Flers, ses seigneurs, son industrie. Malgré ces communications déficientes, l'histoire récente de Flers est marquée par la révolution industrielle du XIXe siècle avec le développement des industries textile et métallurgique. La cité passe de 2800 habitants en 1806 à 13.929 en 1886 (2angles.org). La cité normande est ravagée par les bombardement alliés des 6 et 7 juin 1944 qui pulvérisent 80% de la ville et font une centaine de morts… Flers ne sera enfin libérée par la 11e division blindée britannique que le 16 août. Le chantier de la reconstruction, entamé en 1948 est pensé sur les ruines de la ville avec un plan des rues qui ne change qu'à la marge. A la sortie de Flers, la voie tracée sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail rend la direction de la Chaussée (où l’on franchit la Visance) pour ensuite revenir sur Landisacq. Au XIXe, la R.N.24bis quitte Flers par l’actuelle avenue de la Liberté; on passe la Visance peu après la Lande-Patry. En 1947, jusqu’à Landisacq, la route faisait de larges boucles peu à peu coupées par la moderne chaussée, voit-on sur les photos aériennes de l’IGN.
Depuis la Brigaudière, la route, tracée sur la carte de Cassini (XVIIIe), atteignait Tinchebray par l’est alors que l’on voit –sur la carte d’état-major du XIXe- arriver la route de Paris dans la petite localité par le nord-est (contournement de la Rivière en 1982, pour Wikisara). La grande histoire imprime sa marque dans la région: le 28 septembre 1106, à l'issue de la bataille de Tinchebray durant laquelle Henri Ier Beauclerc, roi d'Angleterre vainc son frère Robert Courteheuse, duc de Normandie, précise Wikipédia, le duché de Normandie est de nouveau rattaché à l'Angleterre, dix-neuf ans après le partage entre les fils de Guillaume le Conquérant. La ville regroupe plusieurs entreprises spécialisées dans la ferronnerie, la quincaillerie et les outils de jardinage. A ce titre, Tinchebray revendique le titre de «capitale de la quincaillerie»! Vers Vire, la carte d’état-major du XIXe publiée par l’IGN montre un gros «trou» après Tinchebray (du lieu-dit le Petit-Croquet –Orne- jusqu’à la commune de Truttemer, dans le Calvados). En 1790, le Conseil général du Calvados voisin, regrettait déjà que le chemin (alors classé en voirie départementale) ne soit pas carrossable et déplorait que «l'administration ne s'est occupée sérieusement d'aucun projet déterminé par la construction de cette partie qui aboutit à l'extrémité de la paroisse de Truttemer, où finit le district de Vire et où commence celui de Domfront. Elle ouvrirait cependant une communication bien utile et bien désirable»… La carte d’état-major (1846) publiée de son côté par CartoMundi montre aussi cette lacune; elle est comblée sur la carte de 1884 au 1:200.000… Dès lors, après une pincée de kilomètres et quelques courtes et récentes rectifications, notre route n°24bis (D524) entre dans Vire par la «route de Paris». «Vire est située d'une façon pittoresque sur un rocher coupé presque à pic, d'un côté, et dont les eaux de la petite rivière de ce nom baignent le pied. (...) les fortifications ont disparu depuis longtemps. Louis XIII fit abattre le château et les murailles de l'ancienne cité: une seule porte subsiste encore, et une jolie promenade occupe l'emplacement de la forteresse», écrit Aristide Guilbert dans son Histoire des villes de France en 1848. «Rien de plus frais, de plus gracieux, que ce site enchanté, tout parsemé d'usines qu'on prendrait pour des chalets suisses», dit-il encore... En plein cœur du bocage normand, la cité prend sa source dans la construction en 1123, par Henri Ier Beauclerc, roi d'Angleterre et duc de Normandie, sur un éperon rocheux contourné par un méandre de la Vire, d’un donjon carré muni d'une première enceinte afin d'assurer la défense du duché. À la fin du Moyen Age, la ville devient prospère, d'abord par les activités du cuir, puis par l'industrie drapière. Au moment de la guerre de Cent-Ans, Vire est pillée en 1368 par les grandes compagnies, puis livrée aux Anglais en 1418. «L'occupation anglaise ne prendra fin qu'en 1450», ajoute Wikipédia. Aux XVIIIe et XIXe siècles, les industries déclinent peu à peu et Vire demeure un petit centre administratif au milieu d’un paysage essentiellement rural. Les frappes qui visent à interdire l’accès aux plages du Débarquement de juin 1944 aplatissent la cité sous d’épais tapis de bombes. Vire est une cité dévastée à 95%. La sortie de la ville se fait par la rue des Acres. Plusieurs virages sont nécessaires pour accéder au niveau de la Croix-Bidois, vers la commune de Saint-Martin-de-Tallevende. L’ancien chemin de sortie, beaucoup plus rectiligne, empruntait la rue de la Cavée. Par la suite, sur les chaussées, royale, impériale ou nationale, c’est la ligne plus ou moins droite (sauf à la Minotière!) qui prévaut jusqu’à Saint-Sever. Après avoir traversé la forêt domaniale du même nom, notre route n°24bis (D524) entre dans le département de la Manche à quelques pas du lieu-dit Tournebride. Villedieu-les-Poêles est notre prochaine destination.
On entre –et on quitte- la petite cité, connue pour sa fonderie de cloches, par un pont sur la Sienne. Le plus ancien semble être celui situé au bout de la rue du Pavé qui conduit (ainsi que la rue Gambetta plus loin) vers l’église Notre-Dame. C’est le Pont-de-Pierre, indique le Wikimanche, refait en 1696, et remplacé en 1926 par un ouvrage en béton. Plus tard, on réalise la rue du Général-de-Gaulle qui enjambe également la Sienne sur un ouvrage plus récent. La fondation de Villedieu intervient au XIIe siècle lorsque Henri Ier Beauclerc fait don (vers 1126-1130) de douze hectares de terrain aux chevaliers de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem. «Ce don, annonce le site villedieu-les-poeles.fr, est une récompense faite aux hospitaliers, qui ont rendu de grands services aux croisées en Terre-Sainte lors de la première croisade». Parmi ces princes, il y a de nombreux Normands qui ont permis la reconquête de Jérusalem. Cela explique que Villedieu, Villa Dei (la ville de Dieu), soit la plus ancienne commanderie hospitalière d’Europe occidentale. Ce sont d'ailleurs les hospitaliers qui introduisent l’artisanat du cuivre à Villedieu, une cité qui va devenir un des plus grands centres européens de poêlerie et chaudronnerie dès les XIIe et XIVe siècles, poursuit le site municipal. Du coup, conclut villedieu-les-poeles.fr, «de la poêle à bouillie à la canne à lait, en passant bien sûr par les célèbres casseroles en cuivre et autres articles culinaires, la cité va prospérer jusqu’à la concurrence d’autres métaux et alliages au XIXe siècle»! Pour quitter la ville, il faut repasser la Sienne (Pont-Chignon) et emprunter l’actuelle rue Jules-Tetrel. Au XVIIIe siècle, la carte de Cassini nous montre que la route de Granville s’oriente vers la Dairie et Fleury. A partir du XIXe, l’alignement visible sur la carte d’état-major publiée par l’IGN semble beaucoup plus rectiligne, un peu au sud de Fleury, vers les Hauts-Vents. Puis voilà le village de Champrepus, qui se trouve peu avant le seul vrai virage du tronçon Villedieu-Granville, celui du Pont-Neuf, où la route n°24bis (D924) traverse l’Airou. Peu d’infos sur ce passage, mais, au vu des cartes de l’IGN, l’ancienne chaussée, au XVIIIe, devait bien passer par le pont Saint-Crépain, vers le moulin de Tracé, au pied de la petite butte supportant le village de Beauchamps. On peut découvrir dans l'Annuaire du département de la Manche que des voeux avaient été émis pour l'adoucissement de cette côte et qu'il en avait été «tenu compte dans la statistique présentée le 13 décembre 1854»... Dès lors, on a affaire, jusqu’à Granville, à une voie totalement rectiligne tracée au cours du XIXe siècle.
Au village le Repas, notre «route de Paris» croise l’ancienne voie antique Avranches-Coutances, «seule route romaine (de la région, NDLR) à avoir un tronçon rectiligne aussi long entre Hocquigny et Cérences», indique l’article «De la cité des Abrincates au diocèse d'Avranches». C’est encore «le chemin Chaussé de nombreuses chartes du Moyen Age», explique l’historien Daniel Levalet dans le même article. De là, la chaussée vers Granville, obliquait légèrement, jusque vers les premières décennies du XIXe, vers Saint-Jean-des-Champs, comme signalé en 1812 dans l’Itinéraire complet de l'empire français, de l'Italie et des provinces Illyriennes. On accède désormais à Granville, terme de notre voyage, par les avenue des Matignon, du Maréchal-Leclerc et la rue Couraye. Là, indique l'Annuaire du département de la Manche (1856) des crédits ont été alloués pour la «reconstruction de chaussées pavées» de la route n°24bis en 1855. La région, écrit Edmond Finck dans l'article «L'agglomération granvillaise», «paraît avoir été peuplée dès une époque fort reculée. Comme l'atteste la toponymie et les documents, des vagues successives de Celtes, de Romains, de Saxons et de Normands ont atteint son sol. Néanmoins, pendant la plus grande partie du Moyen Age, la seule agglomération de la contrée est le bourg de Saint-Pair, et il faut attendre le XVe siècle pour voir un organisme urbain naître sur cette péninsule». Ce sont donc les Anglais, maîtres de la Normandie, qui vont donc créer la première cité, en 1439. Mais le petit port tombe rapidement (1442) aux mains des Français, qui, de l’autre côté de la baie, défendent le Mont-Saint-Michel… Dès le XVIe siècle, la richesse de Granville provient de la pêche de la morue sur les bancs de Terre-Neuve. C'est d’ailleurs en 1532 que débute la construction d'une première digue abritant le port. Peu avant 1789, note Edmond Finck, il y a «105 morutiers jaugeant 11.447 tonneaux et montés par 4144 marins». Progressivement, la cité –qui abrite aussi de fameux corsaires- s'étend au-delà de ses murailles aux XVIIe et XVIIIe siècles. De chaque côté du Boscq, la ville grossit à mesure que les travaux permettent de gagner sur les marécages et la mer, laissant place à de nouveaux quartiers bourgeois et commerçants. Mais les crises nées avec l’Empire et les conflits avec l’Angleterre vont freiner durablement la navigation. Il faudra patienter jusqu’à la Restauration pour voir enfin le retour massif de la pêche à la morue (à cette époque, on ne parlait pas encore de gestion des ressources!). A cette même époque, le redressement économique de la cité est accompagné, raconte encore Finck, par «d'importants travaux d'amélioration du port, d'efforts de modernisation de la ville qui, grâce à l'endiguement de la basse vallée du Boscq, put gagner 40.000 m2 aussitôt consacrés à l'édification d'un nouveau quartier au dessin harmonieux, celui des rues Lecampion, Clément-Desmaisons et Valory». En 1870, la ligne de chemin de fer de Paris à Granville et la gare sont inaugurées le 3 juillet. La ville devint alors réellement une destination balnéaire accueillant les Parisiens et des hôtes de marque comme Stendhal, Jules Michelet ou Victor Hugo (Wikipédia)... Nous aurons parcouru 202 kilomètres depuis Verneuil-sur-Avre… Marc Verney, Sur ma route, mai 2020Revenir sur la page principale (clic!) |