L'état des routes et leur entretien a toujours fait l'objet d'âpres commentaires... On peut lire ci-après les commentaires du docteur James Ruffier lors de l'un de ses voyages en France, c'était en 1926... "Ce que l'on observe surtout, ce sont des différences considérables entre l'état des routes suivant les départements, même voisins, ce qui prouve que leur entretien dépend moins des crédits que de la façon dont le travail est réglé, commenté et surveillé. Car il est à présumer que ces crédits sont répartis entre les départements à peu près en proportion des routes qu'il leur faut entretenir, comme il est certain qu'il y a à la tête du service des Ponts et chaussées de chaque département un ingénieur spécial, dont un préfet, plus ou moins conscient de la valeur économique des routes, stimule ou entrave le zèle". On le voit, la polémique Paris-province ne date pas d'hier! Source: Voyage à bicyclette de Paris à la Méditerranée par le Jura et les Alpes. Récit du docteur James Ruffier-Paris 1926.

 

Neuvième étape: Dijon-Dole
KM 326: LE DECLASSEMENT CONTINU
Juste après Crimolois, ancien repaire templier, la route croise la bretelle provenant de l'autoroute A39. C'était là que, depuis de nombreuses années et jusqu'en février 2006, commençait véritablement la route nationale 5 moderne. Les 27 et 28 février, le Conseil général de Côte d'Or a finalement fait poser la signalétique jaune départementale sur les panneaux indicateurs entre Crimolois et Auxonne... Restaient encore, en mars 2006, les bornes kilométriques, ultimes vestiges de la route nationale moribonde. En 2013, il n'y a plus rien.

Croisement de la D905 avec la N5 jusqu'en mars 2006, c'est aujourd'hui le croisement de la D905b avec... la D905 (Photo: Marc Verney, mars 2006).


A gauche, le jaune a chassé le rouge sur ce panneau indicateur. A droite, la route blanche s'ennuie un peu sur ces vastes plaines dédiées à la culture de la betterave (Photos: Marc Verney, mars 2006 et août 2005).

Le transfert de 18 000 km de routes nationales aux départements a été annoncé fin juillet 2005 par le gouvernement français. Ce sont donc les deux tiers du réseau routier de l'Etat qui vont être désormais gérés par les Conseils généraux. C'est la fin des grands axes mythiques comme la N6 ou la N7... c'est aussi la fin d'une certaine conception de l'aménagement du territoire: les 30 000 agents des Directions départementales de l'équipement, fonctionnaires d'Etat, devront choisir entre le rattachement à la fonction publique territoriale ou l'intégration dans de nouvelles directions interrégionales des routes (DIR) qui auront à couvrir des zones plus vastes.

La nationale 5 ne survit plus qu'entre Poligny et la Cure, près des Rousses. Tout le reste passant sous la responsabilité des départements de la Côte d'Or, du Jura et de la Haute-Savoie. Le tronçon transitant par l'Ain et la Haute-Savoie (col de la Faucille, Gex, St-Gingolph) porte donc la dénomination D1005 alors que Sampans-Poligny porte maintenant le numéro 905 (pour être raccord avec le trajet bourguignon). Enfin, la partie jurassienne de La Cure vers le col porte le n° 1005.

Il ne s'agit pas pour moi de regretter le passage d'une couleur à une autre. Une page se tourne dans l'histoire de l'automobile. Dans les années soixante, la traversée de la France était une épreuve fatigante et longue. Ce n'est qu'une formalité sur les autoroutes modernes (mais payantes et privées)... Non, c'est plutôt une idée du déplacement qui se meurt aujourd'hui avec les routes nationales: sans financements autres que l'entretien courant (185 millions d'euros versés par l'Etat), les départements devront rapidement trouver l'argent pour de nouvelles infrastructures... péages, taxes et autres barrières néoféodales vont-ils resurgir sur ces départementales à vocation nationale?? La fin d'une certaine égalité de tous devant la route? Et les départements plus pauvres, comment vont-ils assumer ces nouvelles charges? Beaucoup de questions, qui, en 2013, n'ont pas encore vraiment trouvé de réponses...
(source: le Monde, mercredi 27 juillet 2005)